5. Télékinésie

Tony avait regardé le prince quitter le laboratoire sans rien dire, se contentant d'un simple rire. Sans doute n'avait-il plus rien à dire pour le moment. Le milliardaire en avait beaucoup appris en une soirée. Si Loki ne voulait pas envahir la Terre, alors que voulait-il ? Comment pouvait-il même savoir si ce n'était pas un mensonge ?

Et puis Stark eut une pensée intéressante. Une idée de ce pourquoi Loki avait fait ce qu'il avait fait et qui faisait encore un point commun entre le prince et lui. Ce que le Jotun voulait, c'était de l'attention. Juste comme un enfant qui fait une bêtise pour que ses parents le remarquent. Juste comme lui, en fait.

Le milliardaire se passa une main sur le visage. Trop de questions se posaient dans sa tête, et pour une fois même le génie qu'il était n'arrivait pas à trouver les réponses. Il y avait cette conversation, et puis celle qu'il avait eu avec Thor un peu plus tôt. Loki avait dit qu'il avait glissé à son frère, après qu'on l'ait retrouvé à demi-mort dans la cuisine. Or Thor ne le croyait pas, et Stark non plus, car il partait du principe que le Dieu du Tonnerre connaissait suffisamment le Jotun pour savoir s'il mentait, Dieu des Mensonges ou pas. Il n'avait pas voulu lui en reparler, mais cela travaillait quand même Tony. C'est vrai, qu'avait-il pu arriver d'autre au prince ? La seule personne apte à le savoir était sans doute Clint, mais ce dernier n'en avait pas reparlé depuis, et les Avengers s'étaient bien gardé de ramener le sujet sur le tapis. Le mystère restait donc entier, malheureusement.

Soupirant, le milliardaire quitta lui aussi le laboratoire et se rendit sans bruit dans la cuisine. Quelques minutes plus tard, un grand café dans une main et un StarkPod à demi démonté dans l'autre, Tony était assis dans son canapé et bidouillait l'objet avec une concentration exagérée.

Le lendemain, lorsque Loki ouvrit de nouveau les yeux, il avait un mal de tête horrible et des fourmis dans les mains. Rien d'inexplicable en soi : le Jotun avait passé la nuit à cauchemarder, à serrer les poings lors de réveils aussi brusques que brefs. Lui à qui ça n'arrivait jamais, il peinait à trouver une explication à ses rêves. Le manque de pouvoir le rendait peut-être plus humain, il ne fut donc pas étonné de voir, à la pendule accrochée sur le mur de sa chambre, qu'il était aux alentours de treize heures.

Lentement, le Dieu de la Malice se redressa dans son lit. Sa conversation de la veille avec Stark - ou Tony, il n'avait pas encore décidé - lui revint immédiatement en mémoire. Qu'est-ce qui lui avait pris, de lui dire tout ça ? De se dire tout ça à lui-même, se laissant enfin entendre qu'envahir Midgard n'était pas son vrai but dans l'histoire ? Parce-que non, ce qu'il avait dit avait au moins le mérite d'être sincère, il se fichait bien de cette planète. Quitte à assouvir un peuple, autant en choisir un qui était moins pathétique et faible que les humains, ce qui n'était pas bien compliqué en soi. Il voulait simplement être remarqué, pour une fois. Et à quoi tout cela l'avait mené ? Il était là, bloqué sur cette planète, et... Et il avait déçu Frigga. Cela pouvait paraître infiniment sans intérêt lorsqu'on pensait au reste, à la perte de ses pouvoirs, à son exil... Mais Loki ne pouvait s'empêcher d'y penser, parce-que malgré tout, il considérait vraiment Frigga comme sa mère. Il haïssait Odin, il haïssait Thor, mais sa mère adoptive était bien différente. Elle lui avait tout donné, et voilà ce qu'il avait fait de ses dons. Sentant les larmes lui monter aux yeux, le prince serra brièvement les poings. Et il les desserra tout aussi vite, levant les yeux.

Ce n'était pas possible, pas vrai... Ce ne pouvait pas être vrai, n'est-ce-pas ? Le bout de métal de Stark, celui qu'il avait gardé sur la chaise face à son lit, était maintenant à l'autre bout de la pièce. Et Loki l'avait vu. Il l'avait vu s'envoler, comme poussé par une énergie que le prince ne connaissait que trop bien : sa magie. Se concentrant, le Dieu de la Malice fixa le bout de métal, et le ramena jusqu'à lui. L'attrapant au vol, il se mit à le fixer, en pleine réflexion.

Soudainement, il ferma les yeux et visualisa la pièce d'à côté, sans succès. Fronçant les sourcils, il essaya de se téléporter dans la chambre cette fois, de se rendre invisible, de faire apparaître un clone de lui-même... Et rien de tout cela ne fonctionna. Pourtant, lorsqu'il utilisait la télékinésie, ça marchait à chaque fois. Qu'était-ce donc que cela ?

Pendant ce temps, sur Asgard, Odin arrivait aux portes du Bifröst. Là, dans l'observatoire, Heimdall observait les neuf royaumes avec détachement. Mais un seul royaume intéressait maintenant le Père de toute chose.

- Bonjour mon roi, lança le Gardien.

- Bonjour, Heimdall. Comment vont mes fils ?

A ses mots, le Gardien eut un petit sourire. Un de ceux qui annoncent les bonnes nouvelles. Odin fut surpris. Ce pouvait-il que... Non, pas déjà ?

- Thor se porte bien mon roi. Il est toujours avec son frère et ses amis chez l'humain Anthony Stark.

Le roi hocha la tête. Il venait tous les jours voir Heimdall, et il lui demandait des nouvelles de ses fils. Non seulement il faisait ça pour lui, mais aussi pour Frigga. Cette dernière était si triste depuis que Loki avait été exilé... Oh, elle était déjà triste lorsqu'il avait failli détruire Jotunheim, puis tenté d'envahir Midgard. Mais l'accumulation rendait forcément les choses pires.

- Et Loki ? reprit Odin.

Second sourire de la part du Gardien. Il fit ainsi languir le Père de toute chose quelques secondes, avant de répondre :

- Loki vient de récupérer une partie de ses pouvoirs, mon roi.

Odin n'en fut que plus surpris. Alors oui, il se pouvait bien au final que son fils adoptif commence déjà à retrouver la raison. Le sort qu'il avait jeté au prince Jotun était ainsi fait. Dès lors que Loki ferait un nouveau pas vers le bien, une partie de ses pouvoirs lui reviendrait. Décidément, Midgard était peut-être bien plus utile que le roi ne le pensait. D'abord Thor, maintenant Loki... Cette planète était visiblement celle de la rédemption.

- Bien. Merci, Heimdall.

Puis le roi quitta le Gardien. Il était heureux, mais il n'en montra rien. Il n'avait, en tant que roi, pas le droit de juger Loki autrement que comme un exilé normal. Et même si cela lui était difficile, il n'y pouvait rien.

A la Tour Stark, les évènements avaient pris une tournure pour le moins inattendue. Chaque Vengeur avait été surpris de voir Loki, qui n'avait d'ordinaire pour seules expressions que l'amusement ou la haine, venir déjeuner en sautillant presque. Il avait l'air... Heureux. Bon d'accord, peut-être plus satisfait qu'heureux. Mais rien que ça, c'était déjà carrément inhabituel. Les Avengers comprirent rapidement que le dieu venait de récupérer une partie de ses pouvoirs, en fait, ce n'était pas bien compliqué à voir : le Jotun avait passé son temps à se servir de sa magie pour absolument tout ce qui nécessitait de bouger quelque chose.

Tony avait été le premier à murmurer, alors que le silence régnait dans la pièce que Loki venait de quitter :

- Si Fury apprend ça, je suis mort.

Et cela ne faisait aucun doute que le directeur finirait par l'apprendre. Il avait toujours un coup d'avance sur tout le monde. Mais le SHIELD, aussi bizarre que cela puisse paraitre, ne donna pas signe de vie de toute l'après-midi. Dieu soit loué, ce n'était pas les Avengers qui allaient le prévenir. Et comme si la journée n'était pas déjà assez effarante, on s'étonna tous de voir le Dieu de la Malice se glisser avec discrétion à côté de Clint, ses lèvres étirées en un petit sourire joueur, avant de lui demander :

- Une ballade ? Il me faut un chaperon, parait-il.

L'archer aurait évidemment voulu refuser, mais qu'est-ce que le Dieu de la Malice avait en tête ? Mais lorsque Loki, sans plus lui laisser le choix, partit dans ses appartements pour se préparer, Thor supplia tant et si bien Clint qu'il finit par céder. Il avait déjà failli tuer son frère, il ne pouvait pas lui refuser ça alors que le Jotun semblait devenir un peu plus... Sympathique ? D'après Tony et Bruce. Thor disait plutôt lui-même, comme autrefois. Quant à Natasha, fidèle à elle-même, elle était persuadée que c'était un piège. Clint lui ne savait pas trop. Il aurait vraiment voulu être de l'avis de Natasha, après ce que Loki lui avait fait faire... Et en même temps, le dieu déchu semblait sincèrement heureux d'avoir récupéré sa magie. Sauf pour Natasha, encore une fois, qui était certaine que Loki avait fait semblant de ne plus avoir ses pouvoirs et qui fulminait parce-que personne n'était de son avis.

Lorsque Loki revint, son sourire joueur toujours plaqué sur la figure, Clint jeta un dernier regard abattu à Thor. Mais le Dieu de la Foudre avait une telle mine remplie d'espoir qu'avec un dernier soupir l'archer suivit le Jotun. Ce dernier semblait ravi de quitter un peu la Tour Stark, ce que Clint comprenait. Lui-même ne se sentait pas vraiment chez lui ici. L'endroit, le A majuscule accroché au bâtiment et les gens qui y habitaient lui rappelaient en permanence qu'il n'était qu'un tueur qui se faisait passer pour un héros.

Maintenant que l'agent y repensait, il n'avait jamais dit à Loki qu'il avait failli tuer son frère. Finalement, il pouvait remercier Coulson de ne pas lui avoir dit de tirer sa flèche, cette nuit là. Thor était un très bon équipier, et également un ami. Peut-être que Phil avait su, à l'époque, que les deux hommes finiraient dans le même camp. Coulson avait toujours su énormément de choses, certains le soupçonnaient même d'avoir un don. Don ou pas, cela ne l'avait pas empêché de mourir par la lance de l'homme avec lequel Clint marchait maintenant dans les rues de New York... Bizarre, cette journée, vraiment.

- Vous n'avez rien dit, sur le soir où vous m'avez attaqué. Vous ne leur avez pas dit que c'était vous.

La voix du Jotun fit frémir l'archer. Non, il n'avait rien dit. Il n'en avait même pas reparlé. Ça pouvait paraitre égoïste, oui, mais Loki s'en était tiré non ? Et puis ce n'était sûrement pas grand-chose comparé à tout ce qu'il avait fait... Stop. Une minute. Ça y est, Clint comprenait pourquoi Loki l'avait choisi lui pour sa « promenade ». Connard.

- Vous n'avez rien dit non plus, répliqua Clint.

- Vous voyez très bien ce que je veux dire.

Clint avait finalement su par Thor - enfin, en principe le Dieu parlait à Tony, mais ce n'était pas pour rien qu'on l'appelait agent Barton - que Loki lui avait dit avoir glissé. Il avait également su que l'asgardien ne le croyait pas, ce qui était logique. Lui-même avait passé un peu de temps avec le Jotun et savait qu'il était impossible pour lui de tomber. Il était trop habile. Si même lui l'avait remarqué en quelques jours sous son contrôle, Thor devait savoir mieux que quiconque que le prince mentait.

- Et pourquoi prétendre avoir glissé ? rétorqua l'agent. Vous auriez très bien pu dire que c'était moi.

Le Jotun ricana.

- Vous ne pensiez tout de même pas que je voulais vous protéger ? Je vous tuerai de mes propres mains lorsque tous mes pouvoirs me seront rendus.

- S'ils vous sont rendus.

- Evidemment, qu'ils me reviendront ! Ils commencent à peine...

Mais malgré ses paroles, le Jotun avait une mine un peu plus songeuse. Comme s'il envisageait, l'espace d'un instant, que le reste de ses pouvoirs ne réapparaisse pas.

- Alors, votre rendez-vous avec Tony hier soir ?

Cela faisait plusieurs minutes que les deux hommes marchaient en silence, et l'archer ne supportait plus cette ambiance tendue. N'importe quel sujet de conversation était bon à prendre, et puis cela allait permettre à Clint de récupérer quelques informations. Si Loki se décidait à lui donner, bien entendu. Aillant travaillé avec lui, l'agent le connaissait plus ou moins bien sur certains points. Il avait notamment perçu le caractère très changeant du Jotun. D'une seconde à l'autre, il pouvait se dévoiler à vous puis vous envoyer balader comme si vous n'étiez qu'un moucheron gênant sa vue.

- Il m'intrigue. Il est particulièrement intelligent pour un mortel. Et... Et je crois que, dans une certaine mesure, il me comprend.

Le Dieu de la Malice laissa l'archer sans voix. Que disait-il déjà ? Ah oui, changeant... Bon sang, le prince était vraiment incompréhensible. Dans un premier temps, Clint ne put qu'hocher la tête. Puis il croisa le regard de Loki. Ce dernier semblait attendre une réponse.

- Tony a beau paraître sûr de lui, il est totalement paumé. De toute manière, je crois qu'on est tous paumés dans cette équipe.

Wow, doucement. Clint oubliait presque qu'il parlait avec Loki. Le Loki qui avait failli détruire New York, qui avait failli tous les tuer, qui avait poignardé son frère et qui l'avait forcé à tuer des agents et des gens innocents.

- Comment pouvez vous être sûr de ça ? lança le Jotun.

- Natasha a été son assistante pendant un moment, et puisque je suis le meilleur ami de Natasha... Rien ne lui échappe.

Le prince émit un petit rire. Aussi fou que cela puisse paraitre, Loki appréciait sa discussion avec Barton. Pas exactement le début, mais maintenant il se sentait bien. Un peu comme quand il l'avait ensorcelé, et que les deux hommes avaient de longs échanges sur tout et n'importe quoi. Même si l'archer n'était pas encore à son niveau culturel et ce qui va avec, il était largement au-dessus de Thor. Et pour une fois que le prince parlait avec quelqu'un d'autre que sa mère d'autre chose que la guerre, il se détendait. Et bien là, il ressentait la même chose. Barton devait désormais le haïr sans modération, mais il n'en montrait rien, bizarrement. C'était aussi étrange que la discussion entre lui et Stark la veille.

- Pensez-vous que Romanoff dise vrai ? Lorsqu'elle prétend que je vous manipule tous depuis le début ?

L'archer eut un sourire.

- Il n'y a que Bruce pour ne pas avoir envie de tuer Tony. Si vous aviez vos pouvoirs, vous l'auriez désintégré bien avant.

Les deux hommes partagèrent un bref rire. Oui, Stark était insupportable, voilà un point sur lequel les Vengeurs et Loki étaient sûrement tous d'accord.

Les deux hommes marchaient depuis un moment maintenant, et avec son "accident" et tout ce qui s'était passé ces derniers jours, le Jotun fatiguait vite. Aussi proposa-t-il rapidement de rentrer à la Tour Stark, ce que l'archer accepta sans se faire prier. Oui, peut-être que la conversation avec le prince n'était au final pas si désagréable que ça, mais quand même, il ne fallait pas abuser.

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