1. Midgard

Il atterrit avec une telle force qu'il tomba à genoux, grimaçant. Brûlant de rage, de haine et d'autres émotions sans doute trop fortes pour avoir un nom, le Jotun serra les poings, et... Et rien. Pas d'explosion, pas d'objet brusquement propulsé autour de lui. Ceci eut le don de calmer d'un coup Loki, qui se releva tant bien que mal. Durant les minutes qui suivirent, il essaya de se prouver qu'il avait encore ses pouvoirs. Il tenta de disparaître, de se téléporter, de se multiplier... Même de faire léviter quelques roches, chose habituellement ridiculement simple pour lui. Sans succès. 

Passant une main dans ses cheveux soyeux, il jeta un regard circulaire autour de lui. Il se trouvait dans une petite rue déserte, sans aucune idée de sa position géographique. Le prince soupira. Malgré tous les sentiments contradictoires qui se bousculaient dans son esprit, Loki restait ce genre de personnes qui réfléchissaient avant d'agir, ainsi il décida que la meilleure façon de retrouver son calme était de marcher un peu. Trouver quelqu'un pour l'aider ? Oui, bien-sûr, quelqu'un qui n'aurait pas la... La boîte mortelle où les gens parlaient de lui... La télévision, voilà.

Donc, quelqu'un qui n'aurait pas la télévision et ne saurait pas qui il était. Peut-être même se réveillerait-il dans ses appartements, à Asgard, et que tout ceci n'était qu'un rêve. Peut-être. Si le Jotun avait bien une qualité, c'était son intelligence. S'il voulait s'en sortir sur cette planète, il fallait qu'il gère ça seul, ça semblait évident. De toute façon, le prince ne trouva pas âme qui vive hormis un chien errant qu'il effraya en criant. Comme si crier sur cette bête pouvait le soulager un peu. Vu le ciel nocturne, il devait être aux alentours de trois heures du matin, et très vite le Jotun se sentit fatigué. 

Ne sachant finalement plus quoi faire, il se laissa tomber sur un banc, dans un parc. Il était persuadé que, plus haut, Heimdall l'observait. Lui et le gardien ne s'étaient jamais appréciés. Néanmoins, le Jotun n'eut rapidement plus l'énergie de penser à quoi que ce soit, et ses yeux se fermèrent malgré lui. 


Ton seul privilège, c'était de mourir, dès l'enfance... Vous pensez avoir souffert... N'aggrave pas ta situation... 


Le lendemain, le Jotun mit quelques secondes à ouvrir les yeux, faisant disparaître les scènes plus ou moins précises qui lui envahissaient l'esprit durant son sommeil. Pouvait-on appeler ça des rêves ? Pas vraiment, pas même des cauchemars. Ce n'était que des souvenirs, les plus dérangeants la plupart du temps. Loki, qui savait pourquoi, ne rêvait jamais, ou du moins il ne s'en souvenait pas au réveil. 

Après quelques minutes perdu dans ses pensées, le prince finit par lever les yeux. Vu la place du soleil, il devait être en début d'après-midi. Restant ici n'ayant aucune utilité, il abandonna l'endroit, marchant sans but dans les rues de New York. New York, oui. Il reconnut la ville comme ci c'était la sienne. A ceci près qu'au lieu de lui appartenir, il avait failli la détruire. Il l'avait fait, en partie. Et le pire était sans doute qu'il reconnaissait ces rues. Il ne devait pas être très loin de la Tour Stark. 

La journée ne pouvait pas démarrer plus mal. Et que pouvait-il faire désormais ? Il était bloqué, perdu, seul... Et Thor, que devenait-il ? Maintenant qu'Asgard était débarrassée de son vilain petit canard, il pouvait enfin être roi. N'était-ce pas merveilleux ? Quand à cette misérable planète, elle...

- Vous !

Loki ferma brièvement les yeux, la douleur dans son dos ravivée. Il venait de se faire plaquer contre un mur, et un bras plutôt musclé le maintenait contre celui-ci. Etait-ce Thor, était-il venu le chercher ? Le jeune homme éprouva un bref sentiment de joie, de... Soulagement, peut-être ? Pourtant, il haïssait son frère, enfin en principe. Il fut un temps où ils étaient complices, où Thor avait toujours défendu Loki, et où Loki avait toujours fasciné son frère avec ses tours de magie, autant que le blond fascinait le brun avec sa force. Puis il y avait eu le trône... Toujours plus proche, plus accessible... Et toujours plus pour Thor. Loki l'avait toujours su, il n'avait jamais raté le regard de son père envers son véritable fils. Un regard empli de fierté, sentiment qu'il n'avait sûrement jamais éprouvé lorsqu'il s'agissait du Jotun. 

Mais il dut se résoudre à quitter cette bulle de souvenirs ardents, rouvrant les yeux. Ce qu'il vit ne l'enchanta pas, mais alors pas du tout. Il aurait tout donné pour qu'un autre, contre qui il ne se serait jamais battu, le retrouve. Décidément, Odin faisait tout pour lui rendre la vie impossible. Cependant Loki restait Loki, et sa seule réaction fut un ricanement méprisant.

- Le soldat de l'autre époque. Je vous dirais bien que je suis heureux de vous revoir mais... Ce n'est pas exactement le cas.

- Ne jouez pas à cela avec moi. Votre frère...

- Mon frère, le coupa Loki, n'a rien à voir là-dedans.

Pourquoi fallait-il que ce soit toujours Thor ? Dès qu'on le voyait, on ne pensait pas à sa personne mais à l'ombre qui l'écrasait. Il n'avait été et n'était toujours que l'ombre de son frère... Cette bulle idyllique d'une enfance fraternelle venait de voler en éclats une fois de plus.

- Qu'est-ce que vous faites ici ? lança Steve Rogers en serrant les dents.

- Et bien disons que justice fut faite, ricana encore Loki. Exilé par Odin en personne, quel honneur... Vous qui jouez sans arrêt au justicier, êtes-vous satisfait ?

- Vous êtes toujours aussi insupportable. Ne croyez pas que je vais vous laisser là.

- Ne croyez pas que je vais vous suivre, répliqua l'autre avec un petit rire.

Loki croisa les bras, décidé à ne pas bouger d'ici. Puéril ? Peut-être un peu. Mais après tout, il n'avait plus rien à perdre, si ? Et puis, si même le Dieu de la Malice n'avait plus le droit de jouer les enfants...

Seulement, il n'était plus lui-même, et sans ses pouvoirs sa force – déjà minimaliste par rapport aux autres asgardiens, il devait l'avouer - en avait pris un coup. Le Captain l'attrapa et le fit rentrer dans une voiture garée à deux pas de là. Le justicier l'avait sûrement aperçu, et s'était arrêté pour le rapatrier.

Pendant le début du trajet, les deux hommes ne se parlèrent pas, et un silence de mort flottait dans le véhicule. Puis Loki, désireux de retrouver le centre de l'attention même si c'était auprès de Rogers, lança :

- Quand je vous ai dit que je n'étais pas exactement content de vous revoir... Ce n'est pas vrai, c'est pire. En fait, je suis tout simplement déçu d'être tombé sur vous.

Captain America arqua un sourcil, l'air plus agacé qu'autre chose. En effet, il s'attendait évidemment à ce genre de remarques de la part de Loki, il avait eu l'occasion de voir à quel point il aimait les pirouettes et autres blagues ridicules... Tient, ça lui rappelait vaguement quelqu'un.

- Oui, continua justement le prince, j'aurais pu tomber sur Romanoff. Charmante, quoique passablement agaçante. Non, juste passablement agaçante en fait.

Puis Loki continua à bavarder, certainement plus tout seul qu'autre chose. Lorsqu'ils arrivèrent enfin devant la tour, Rogers ne put retenir un soupir de soulagement. Le Jotun était simplement curieux de voir comment l'accueillerait l'homme de métal. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, il lui avait proposé un verre. Bien, très bien. Un verre ne lui ferait en effet pas de mal. Les deux hommes entrèrent dans l'immense bâtiment puis prirent l'ascenseur. Loki voyait bien, et cela l'amusait, que le soldat le surveillait de près alors qu'ils montaient vers le bureau de Stark. Comme s'il pouvait lui faire quoique ce soit maintenant qu'il n'avait plus ses pouvoirs... Ils arrivèrent finalement, et Rogers ouvrit la porte.

- Steve, enfin ! Vous avez...

- Je n'ai pas votre turbo je-ne-sais-plus-trop-quoi Tony. J'ai eu comme qui dirait... Un léger contretemps.

- Un léger con...

Se retournant, Stark se figea en apercevant Loki. Le sourire qu'il affichait quelques secondes auparavant s'était évanoui, et il ne put que le fixer ainsi deux longues minutes avant d'ouvrir la bouche.

- Qu'est-ce que...

- Il semblerait que le Père de toute chose n'ait pas vraiment apprécié le dernier... Numéro, de Loki.

Souriant à pleines dents, l'intéressé ricana. Rien depuis qu'il était arrivé sur cette stupide Terre ne lui avait fait plus plaisir que de voir la mine déconfite de Stark. Il commença alors à faire les cent pas dans la grande pièce aux baies vitrées, se lançant dans un nouveau monologue.

- Père de toute chose... Enfin, ce n'est pas mon père. Oui, c'est un nom ironique sachant que j'ai eu beaucoup plus d'enfants que lui. Saviez-vous que l'on me surnommait la Mère des monstres ? Enfin, ce n'est qu'un de mes nombreux titres parmi d'autres...

- Merde, Steve, pourquoi est-ce que tu l'as amené ici ? Le SHIELD aurait été bien plus adapté ! Et puis tu ne trouves pas bizarre qu'il reste là, sans utiliser sa... Magie ou je-sais-pas-trop-quoi ? La dernière fois qu'il s'est fait prendre aussi facilement, il a...

- Et bien, le coupa le Jotun, disons qu'un exil donne droit, entre autres, à la perte totale de pouvoirs. Croyez-vous vraiment que je serais là autrement ?

- Oui, et bien, vous n'allez pas rester ici longtemps de toute manière...

- Tony, on ne peut pas le laisser seul... Il recommencera à créer des problèmes, essaya de raisonner Steve.

- Qu'il aille les créer loin de ma tour, vous savez combien de temps j'ai mis à la reconstruire, plaida le milliardaire.

- Techniquement, monsieur, c'est moi qui ai fait le plus gros des travaux.

Stark leva les yeux au ciel à la remarque de Jarvis. Loki, lui, ignora l'IA, déjà agacé par cette conversation. Il détestait qu'on parle de lui comme s'il n'était pas là. Venant se planter entre les deux Avengers, il les coupa :

- Que ferais-je dans une seconde, dans dix ans... Quelle importance ? Servez-moi plutôt un verre, si la proposition tient toujours.

- Allez le faire vous-même, répliqua Stark.

Haussant les épaules, décidant de se prendre au jeu, le jeune homme se rendit au comptoir où étaient toujours posés les verres et les bouteilles. Il en attrapa une au hasard, puis vida un peu de son contenu dans un des récipients transparents. Il pouvait distinguer les voix de Stark et de Rogers, qui chuchotaient près de là, sans entendre ce qu'ils disaient. Tout ça commençant à l'ennuyer, il bu d'une traite son verre puis, lorsqu'il revint auprès des Vengeurs, Tony lui lança d'une voix blasée :

- Ouais, vous pouvez rester un ou deux jours. Ensuite on verra ce qu'on fera de vous. Personnellement, j'opte pour une cible pour Clint. 

Grimaçant, Loki hocha néanmoins la tête. Il devait le reconnaître, il n'avait nulle part où aller, et de toute façon Rogers n'allait visiblement pas le laisser partir comme ça. S'il pouvait rester ici, le temps de trouver le moyen de retourner chez lui... Si moyen il y avait.

- Quatrième étage, cinquième porte à droite. Restez-y le plus longtemps possible, surtout.

Se retournant en riant, Loki sortit de la pièce telle une ombre. Pour cela, il tenait vraiment de sa mère. Sa mère... Pensait-elle à lui, avait-elle seulement pensé à lui depuis qu'il était sur cette maudite planète ? Sûrement pas plus que Thor, qu'Odin... Et le prince rêvait de vengeance. Il ne savait pas encore comment, mais son moment de gloire viendrait, il y veillerait. Dans le bureau de Stark, les deux hommes venaient de regarder partir Loki. Il y eut un moment de silence, puis Tony lança en se dirigeant à son tour vers la porte :

- Vous venez chercher mon turbo peu-importe-le-nom ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top