Mors ultima ratio...
- Madame Fritch ?
- Oui ? Fis-je à un homme en costard, dont la tête dépassait par l'entrebâillement de la porte.
- N°17, c'est à vous
La sécheresse du ton de sa vois me mit mal à l'aise, mais je fis abstraction et le suivit vers la Grande Salle. Ça y est c'est enfin mon tour, cela fait plus d'une heure que j'attends devant la porte en chêne massif, le tas de feuille que je prenais d'une main à laissé des traces d'encres noirs sur ma paume...Je devais être plus angoissé que je ne le pense. Du haut de leurs sièges, le directeur et ses conseiller me toisèrent rapidement avant de revenir à leurs dossiers, le public, lui, était aux aguets.
- Affaire N°17 du 27 août 2019. Madame Fritch, trente minutes, nous vous écoutons.
- Merci monsieur le président.
J'inspirais un long moment avant de me lancer. Je peux le faire, je peux le faire, je peux le faire !
- Combien de fois avons-nous entendus : "Les gens qui en parlent ne le font pas", "Celui qui essaye de se tuer doit être fou" ou encore "Ces problèmes n'étaient pas suffisamment graves pour conduire au suicide" ! J'ai pour habitude de ne pas illustrer mes propos par des statistiques ou des sondages mais la gravité de la situation m'oblige à m'expliquer concrètement. Des études ont prouvé que plus de 80% des suicidés ont agi d'une façon ou d'une autre dans les semaines ou les mois précédant leur mort pour indiquer aux autres qu'ils étaient dans un profond désespoir. N'avez- vous pas des yeux pour voir qu'une personne ne veux plus de ses frites, alors qu'un mois auparavant elle en réclamait une troisième assiette ? N'avez-vous pas des oreilles pour entendre la victime se plaindre constamment, ou alors s'enfermer dans un mutisme profond, alors que la semaine dernière elle tout usait votre crédit téléphonique à force de parler. N'avez-vous pas une conscience pour vois indiquer qu'une personne qui s'enferme et ne veut plus sortir adopte une attitude étrange, parce qu'il y a à peine trois jours elle faisait des sorties en plein air avec vous ? Revenons un instant sur ces phrases : "Ces problèmes n'étaient pas suffisamment graves pour conduire au suicide". Celle-ci est une phrase que l'on entend souvent chez des personnes qui connaissaient le suicidé. Ce n'est pas parce que vous pensez qu'une chose ne justifie pas que l'on se suicide pour elle que la personne avec laquelle vous êtes le vit de la même façon. Il ne s'agit pas d'évaluer la gravité du problème en soi mais la gravité de la souffrance induite par ce problème chez la personne en question. Si vous subissez une rupture avec votre moitié et que vous en souffrez énormément, vos amis seront tous là à dire que cela n'en vaut pas la peine...mais vous, votre cœur vous dicte totalement le contraire parce que le principal concerné dans cette affaire c'est vous, pas vos amis ! On entendra alors la phrase : "Si quelqu'un veut se tuer, rien ne peut l'arrêter." Le fait qu'une personne est encore vivante est une preuve suffisante qu'une partie d'elle-même veut rester en vie. La personne suicidaire est hésitante - une partie d'elle-même veut vivre et une autre partie veut la fin de ses souffrances. C'est la partie qui veut vivre qui s'exprime en disant à quelqu'un "je pense au suicide". Si une personne suicidaire s'adresse à vous, il est possible qu'elle pense que vous vous souciez plus d'elle que les autres, que vous avez de l'expérience dans la gestion des problèmes et que vous serez soucieux de protéger le caractère confidentiel de ce qu'elle a à vous dire. Alors ne la laissez pas avec ces interrogations en lui disant que c'est n'importe quoi où qu'il serait plus judicieux de commander une glace ! Peu importe que ce soit une pensée qui soit pour vous débile, elle effectue une chose positive et a une perception positive de vous lorsqu'elle s'adresse à vous, ne soyez pas inconscient au point de l'ignorer ! il faut agir ensemble pour pallier ce problème...mais seul, cela ne mènera à rien ! Le suicide concerne chacun d'entre nous, il concerne la société tout entière. Pas seulement les autres, pas seulement des gens au hasard. Le suicide est un « au secours ». Il est le seul recours pour des personnes comme vous et moi. Le suicide est dans nos pays, dans nos villes, dans nos maisons. Il est dans les entreprises et les maisons de retraite. Il est dans les collèges, les lycées et les universités. Il est dans les chambres, dans les salons et dans les salles de bains...Il est dans la tête, dans les mains et dans le cœur... Le sujet ne peut pas, et ne doit pas, rester confidentielle. Aujourd'hui, nous ne comptons même plus le nombre de jeunes et d'adultes qui mettent fin à leurs vies, parce que des personnes tel que vous et moi n'avions pas travaillé ensemble plus tôt. Chaque année il y en a qui écourtent leurs existences parce que nous sommes incapables de réagir, incapable d'agir, incapable de faire quoi que ce soit pour que le drame ne se produise pas...Parce que nous, êtres humains, faisons de ce sujet un sujet tabou, parce qu'on nous a toujours appris à ne pas se mêler des affaires des autres, parce que nous ne voulons pas nous immiscer dans la vie privée des gens. Mais réveillez-vous ! ces gens-là, avec leur silence, crient haut et fort qu'ils ont besoin d'aide...ces gens-là, avec leur solitude, crient haut et fort qu'ils sont seul ! ces gens-là, avec leurs douleurs, crient haut et fort qu'ils sont sur le point de commettre l'irréparable...puis ces gens-là ne crient plus...car ils ont commis l'irréparable. Cette situation ne peut plus durer, elle ne fait que prolonger la souffrance de ceux qui souffre, elle ne fait que prolonger le malheur de ceux qui ont mal... elle ne fait que détruire ceux dont les proches se sont détruits...
Les conseillers me dévisagent bouche-bée, le président aussi...mais je n'ai pas terminé. Dans un mouvement fluide, je pivote vers le public et les fixe d'un regard déterminé.
- Je m'adresse maintenant à vous. Vous qui êtes en train de m'écouter, ne soyez pas idiot au point de croire que faire cet acte arrangera vos soucis...bien au contraire ils vous suivront où que vous alliez et même au-delà ! Ne faîtes pas de mal à ceux qui vous aime. Car en le faisant, vous ne faites que transmettre votre mal à ceux que vous aimez aussi. Alors rappelez-vous bien de ces mots, et pas ceux que votre professeure de français vous dictait lors d'une interrogation surprise, Vous. N'êtes. Pas. Seul. C'est en vous croyant seul que vous rendez invisible ceux qui sont là pour vous ! Tournez la tête, ouvrez les yeux et ne laissez pas ce voile de pensées vous obscurcir votre vie...elle ne ferait qu'obscurcir votre vue...Si nous nous allions tous ensemble, si nous mettons nos méfiances et nos craintes de côté, si nous nous prenions la main dans un seul objectif : les sauver, les choses serait meilleurs ! meilleurs parce que vous madame, vous monsieur, vous ou encore vous, éviterez peut-être d'être le prochain à avoir les pensée, la vue et la vie obscurcis...
Je baissais mon doigt tendu, puis me retourna de nouveau vers le président. Je l'avais soufflé.
C'était mon but.
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