S'aimer sans se l'avouer
Ink se réveilla calmement dans un grand lit confortable, son fils contre son sternum, encore endormis. Il n’avait pas connu de nuit aussi calme depuis près d'une semaine et, malgré le fait qu'ils étaient toujours prisonniers, il remercia intérieurement Dust de lui avoir rendu son enfant et de l'avoir autoriser à dormir dans un vrai lit.
C'était attentionné de la part d'un meurtrier.
L'artiste se redressa en veillant à ne pas réveiller PJ et s'adossa contre les oreillers avant de se figer.
Dust dormait dans un fauteuil, de longs cernes noirs sous les orbites et la tête négligemment posée sur son poing. Ink attendit plusieurs secondes avant de percevoir le souffle régulier et calme du meurtrier, signe qu'il était dans un profond sommeil.
Mais surtout, il voyait son pinceau posé contre le mur.
Ce même pinceau qui lui permettait de créer ses portails.
Il regarda son arme, puis l’horloge et enfin le tueur. Avec une légère crainte et beaucoup de détermination, il réveilla doucement son fils en chuchotant.
-Jammy... Jammy réveille toi...
Le plus jeune ouvrit les yeux difficilement.
-Mama ? Il est quelle heure ?
-Chut... Il est tôt mais on doit quand même se lever. S'il te plaît mon coeur, sois silencieux...
-D'accord...
Sans dire un mot, il se leva et resta près de son père tandis que ce dernier prenait son pinceau sans faire de bruit. Il sentit son âme inexistante battre plus fort et prit son fils par la main en traçant un portail.
Portail qui n’apparut pas.
Ink jura intérieurement. Dust avait dû mettre un dispositif anti-magie dans ses appartements.
Toujours sans faire aucun bruit, il se dirigea lentement vers la porte et pria pour que son geôlier n'ait pas fermé à clé...
La chance lui souriait enfin !
Il retint un cri de joie et demanda à son fils de le suivre dans le couloir, s’éloignant de la porte et de la chambre qui lui interdisait tout acte de magie. À une heure pareille, tout le monde devait dormir, le soleil peinait d'ailleurs à pointer le bout de ses rayons.
Mais la chance s'arrêta là.
Au détour d'un couloir, il se figea devant une silhouette bien reconnaissable, serrant un peu plus Jammy contre lui alors que ce dernier se cachait dans son dos. L’artiste sentit sa respiration s’accélérer, ses mains trembler en tenant son arme inefficace et il recula machinalement de plusieurs pas en voyant son sourire froid et cruel, avec néanmoins une lueur d'incompréhension dans l'oeil.
-Comment es-tu sortis de ta cellule toi ?
Ink ne répondit pas.
-Quand on est invité chez quelqu'un, il est mal vu de partir à l'improviste, ricana Nightmare en avançant vers ses victimes. Je crois que tu vas devoir te faire pardonner Ink.
En repensant à ça, le gardien des univers commença à paniquer et lâcha son pinceau à force de trop trembler. Les larmes lui vinrent aux orbites bien trop rapidement et il recula encore, jusqu'à ce qu'un mur frotte contre sa colonne vertébrale.
-Eh bien alors ? Tu n’as plus de voix ? Je vais arranger ça.
Ink vit les tentacules noirs se précipiter vers lui, certains de l’attraper... Avant de se faire désintégrer par un Blaster aux yeux rouges et violets.
Les trois squelettes tournèrent la tête vers Dust, bien réveillé, qui s'était placé devant l'artiste et son fils.
-POURQUOI TU M’AS EMPÊCHÉ DE L’ATTRAPER !? ragea le Maître des Cauchemars, son visage déformé par la haine.
-Tu m'as laissé carte blanche pour semer le malheur à Underswap non ? répondit calmement le meurtrier. Par conséquent Ink et PJ sont sous ma responsabilité. Et j’ai interdit quiconque de leur faire du mal. Si tu veux que je continue à aller entre les univers pour faire ton travail, personne ne touche à mes victimes.
Nightmare ne hurla pas, comme s'y attendait Dust. Il se contenta de repartir, furieux, laissant les trois autres squelettes dans le couloir.
Le meurtrier eut un soupir et fixa intensément ses prisonniers. Sans rien ajouter, il se redirigea vers ses appartements tandis que son Blaster donnait un petit coup dans l'épaule de Ink, lui intimant de le suivre, le pinceau entre ses crocs.
Une fois de nouveau tous les trois dans la pièce, il ferma la porte, s'assit devant Jammy et Ink, debout devant lui, faisant disparaître son Blaster, et reposa le pinceau contre le mur.
-La prochaine fois, ne sortez pas d'ici, surtout à une heure pareille. Je ne suis pas votre ange gardien.
Le silence devint pesant. Long. Dust finit par se lever et regarda les deux autres.
-D'accord ?
Ink ne répondit rien mais Jammy eut une réaction des plus inattendues. Il se défit de l’étreinte de son père, alla à la rencontre du plus grand et l’enlaça à la taille, tandis que l’artiste retenait son souffle. Dust, quant à lui, resta figé avec une expression assez prononcée de gêne.
-Merci d’avoir aidé Mama ! sourit l’enfant avec sincérité. Vous êtes gentil finalement !
Le meurtrier sentit son âme rater un battement et, sans trop savoir ce qu'il faisait, posa une main sur l'épaule du jeune squelette, son regard fixé sur le vide.
-Crois-moi gamin... Je ne mérite rien. Je suis égoïste, menteur, tricheur, sadique...
Il le força doucement à le lâcher et Ink éloigna Jammy du meurtrier, tandis que ce dernier commençait à rire nerveusement, avant de tenter d’étouffer ledit rire avec sa main en tournant le dos au gardien des univers et à son fils.
-Dust ? s’inquiéta un peu Ink en voyant ses épaules trembler légèrement.
Sans répondre, il sortit en fermant cette fois la porte à clé et alla voir Nightmare en veillant à sécher de discrètes larmes teintées de violet.
******
Blue se réveilla plus tard que d’habitude, l'esprit un peu embrumé.
Il se souvenait avoir tenté de sauter dans le Core, à cause des meurtres.
Il se rappelait de Hokori qui était venu l'empêcher de mettre fin à son existence.
Il se rappelait les battements de son âme et ceux de l'âme de son ami, si proches, si apaisants mais tellement tourmentés, de sa magie englobant la sienne pour qu'il se calme, de cette sensation de chaleur et de protection.
Ça avait été tellement bizarre... À cet instant, il n’aurait plus quitter les bras de son sauveur, il aurait voulu qu'ils restent ainsi, qu'ils restent ensemble...
Avant même d'ouvrir les yeux, il sentit quelque chose de doux contre sa cavité nasale, qui sentait bon. Un subtile mélange de cannelle et de pins, surmonté d'une note plus âcre et froide, sans que cela n' en affecte la douceur. Curieux, il ouvrit une orbite et reconnut entre ses mains la veste de sa version alternative, rougissant comme si ce dernier avait lu dans ses pensées. Il aimait beaucoup cette odeur rassurante, ce parfum de sécurité, la sensation de son âme battant à l’unisson avec la sienne, il aimait son regard soucieux bien qu'un peu froid, il aimait son contact, il aimerait tellement plus de ce contact...
-Tu es réveillé ?
La voix de Papyrus lui parvint et, en se redressant, Blue vit son frère entrer dans sa chambre, soucieux, une tasse à la main et des cernes sous les yeux.
-Papyrus..., commença le plus jeune en jouant avec ses phalanges et en baissant les yeux. Je...
Sans lui laissée le temps de finir, son frère posa sa tasse et l’enlaça avec force, comme s’il craignait de le perdre à chaque instant.
-Ne me refais plus jamais ça ! Plus jamais ! Qui te dis que ce meurtrier faisait ces meurtres pour toi ? Et qu'il aurait seulement arrêté si tu avais mis fin à ton existence ?
Le cadet sentit une incroyable culpabilité s'abattre sur lui. Il rendit son étreinte à son frère et se retint de pleurer.
-Je voulais juste... que ça s'arrête... que plus personne ne soit tué... Vous auriez été heureux...
-Et tu crois que j'aurais pu vivre sans toi ? l’interrompit Papyrus. J'aurais sauté dans le Core moi-même pour te retrouver !
Ils ne se séparèrent pas, se contentant de sentir la présence l'un de l'autre, rassurante. Ils étaient tellement complices depuis toujours qu’à cet instant, Blue saisit tout l’amour que lui apportait son aîné.
Un amour inconditionnel.
-Je ne referai jamais ça, je te le promets...
Après quelques minutes, ils se séparèrent et Papyrus lui tendit une tasse chaude, que le petit squelette prit avant d'en boire le contenu.
-Au fait... Hokori n'est pas revenu ?... demanda Blue, une jolie couleur bleu aux pommettes.
-Non, il est reparti hier après t'avoir amené ici. D'ailleurs il a oublié sa veste.
L’innocent peut squelette détecta la moquerie dans la voix de Pap’s et se recroquevilla de gêne, un drôle de sentiment à l'intérieur de son âme. Après un petit rire de la part du plus grand, Papyrus et Blue quittèrent la chambre et Blue insista pour aller patrouiller avec, sur ses épaules, la veste de son ami. Papyrus se contenta de le suivre, un rictus aux dents en voyant la version alternative de son frère arriver vers lui avec un sourire.
-Hokori, le salua Pap’s. Ça va ? Tu avais l'air un peu... secoué hier.
-Ouai, répondit Dust, gêné. Blue a failli subir le même sort que Gas-qu'une personne que je connaissais ! J'étais inquiet.
Le meurtrier soupira de soulagement en voyant que Papyrus semblait ne pas se souvenir de leur très courte discussion de la veille. Tant mieux !
-Au fait, je vois que tu t’es trouvé une nouvelle veste ! ricana le grand squelette en désignant la veste classique de Dust, bleu à capuche teintée de gris.
Le meurtrier tourna la tête pour cacher la jolie couleur violette de ses joues.
-Et sinon, Blue n’est pas là ?
-Il est en train de patrouiller plus loin, pas loin de mon poste de sentinelle, rendit le grand squelette en s'appuyant contre un arbre pour sommeiller.
-Hokori !
Dust tourna la tête et vit Blue revenir vers eux en souriant, lui souriant en retour.
Mais il le perdit en voyant la personne qui était avec lui : une humaine aux cheveux bruns-roux et aux yeux rouges habillée d'un pull rayé de vert et de jaune.
Le sang...
la poussière...
la mort...
les resets...
le couteau...
Chara...
Sans même réfléchir, il activa sa magie et fit léviter la gamine en rejoignant Blue.
-Sale tueuse génocidaire mégalomaniaque !
-Hokori ! paniqua Blue en essayant de lui faire lâcher l'humaine. Qu'est-ce qui te prend ?!
-Elle les a tous tuée ! Elle les a massacrée ! Resets après resets !
Dans ses yeux, il n'y avait que la haine et une légère once de fatigue qui baignaient dans une lueur violette malsaine et froide. Blue n’avait jamais vu son ami aussi effrayant, il lui faisait presque peur... Sans réfléchir et pour sauver l'humaine, il attrapa le bras de Dust et le regarda avec des yeux implorant.
-Arrêtes elle n’a rien fait ! Elle vient d'arriver ! Elle est gentille !
-C'EST UNE MEURTRIÈRE !
Son ton et le regard qu'il porta au plus petit le fit frémir. Mais il ne se découragea pas pour autant.
-Regarde dans ses yeux ! Crois-tu qu'elle soit si méchante que ça ?
Dust darda son regard sur la silhouette de l'humaine et fut surpris de la voir pleurer.
Non pas des larmes de crocodile comme il en avait souvent vu, mais des larmes sincères et effrayées qui coulaient le long de ses joues.
Toute colère envolée, il la lâcha brutalement et s'éloigna en tremblant, revoyant son passé comme une gifle magistrale. Le petit squelette habillé de bleu s'approcha de lui avec un sourire rassurant.
-Ça va aller d'accord ? Je...
-Ne me dit pas que tu crois en elle, ou en moi !
Le meurtrier recula encore, refusant la main tendu qu'il lui tendait, et eut du mal à respirer, la tête entre les mains.
-Pourquoi je ressens ça ? Pourquoi je vois à nouveau ma propre folie ?! Comment je peux ressentir le poids de la réalité à nouveau ?!
-Hokori...
Blue voulut s'avancer vers lui mais il recula à nouveau et se mit à trembler violemment, secoué d'un rire hystérique.
Le plus petit ne savait pas pourquoi son ami était dans cet état mais il voyait qu'il avait besoin d'être aidé. D'un coup, il l’enlaça sans lui laisser le temps de réagir. Surpris, le meurtrier se raidit d'abord avant de se laisser faire et de se calmer progressivement, le nez au creux du bandana bleu de Blue. Une délicieuse odeur de pain d'épice flotte jusqu'à sa cavité nasale.
Étrange parfum pour le petit squelette, dont Dust ne se plaignait pas. Il finit par répondre à son étreinte et sentit son âme et sa respiration reprendre un rythme normal, se calquant sur celui de Blue.
-Calme-toi...ça va aller...chuchota son ami en lui offrant un regard et un sourire compatissant.
Il n'aurait sut dire pourquoi mais Dust aimait voir Blue sourire. Était-il en train de tomber... amoureux ?...
******
Dream tentait de calmer Error mais, privé de son lien si particulier avec Ink, il paniquait.
-Calme-toi Error, tenta la Positivité. Ton lien ne peut pas être brisé définitivement, il doit juste être tellement affaibli que tu ne le sens plus. Ink t'aime toujours, n'en doute pas ! Votre lien est puissant !
-Tout ça, c’est ma faute... murmura le destructeur empli de culpabilité. Si je n'avais pas...
Il se tut un instant et trembla un peu.
-Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ? demanda doucement Dream en le prenant par les épaules.
Ink et Error s'était bêtement disputés lorsque le destructeur avait brisé une assiette. Ink s'était apparement levé du pied gauche et n’avait pas décoléré de la matinée, le jeune PJ âgé de sept ans toujours endormi.
Il n’avait pas pu dormir de la nuit lorsque leur fils avait fait un cauchemar et avait passé la nuit à essayer de le réconforter. Alors, après avoir fais la vaisselle, Error l'avait aidé avec le rangement avant faire tomber une assiette.
-Tu ne peux pas faire attention non ?! se mit à hurler Ink, à fleur de peu. C'était un cadeau de ton frère pour notre mariage !
-Désolé, je ne faisais pas attention, grogna le destructeur en ramassant les débris.
-De toute façon tu ne sais que détruire ! s'emporta son mari.
Piqué au vif, Error se releva et fusilla le gardien des univers du regard.
-Pas besoin d’être méchant, c'était juste de la vaisselle.
-Mais rien n'a d'importance avec toi ! C'est à se demander ce que tu trouve important en dehors de toi-même et de ton anti-void !
-Et toi alors ?! craqua Error. En dehors de tes foutus univers, il y a quelque chose qui compte ou pas ?!
-Ne crie pas comme ça !
-JE CRIE SI JE VEUX !
-JE TE PRÉVIENS J'EN AI PLUS QUE MARRE DE TON ÉGOÏSME !
-AH OUAI ?! J'EN AI PLUS QUE MARRE DE CÔTOYER DES ERREURS JOURS APRÈS JOURS À CAUSE D'UN FOUTU SERMENT !!!
Ink se tut, stupéfait, et commença à pleurer. Error détourna le regard.
-Très bien, déclara sèchement Ink en étouffant ses sanglots et en retirant son alliance pour la poser sur la table. On aurait jamais dû se mettre ensemble...
Il tourna le dos à Error et pleura en silence tandis que le destructeur fixait la bague et son mari tour à tour. Puis il prit l'anneau et sortit de la maison, sans voir que son fils en train de pleurer lui aussi en haut des escaliers, ayant tout entendu, pour aller dans son anti-void. Il n'a plus revu l'artiste depuis ce jour, ni son fils qu'il aimait tant.
-Je suis vraiment le pire des abrutis ! pleura Error en caressant une petite chaîne autour de son cou.
Sur cette chaîne, il y avait une jolie bague dorée gravée.
« À mon arc-en-ciel »...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top