Chapitre 31

Mercy était plus chamboulée par la conversation qu'elle venait d'avoir qu'elle ne souhaitait le laisser paraître. Elle était tant perdue dans ses pensées que ses mouvements étaient mécaniques. Ses pas la guidèrent d'eux-mêmes chez Falia. Après la dispute qu'elle avait eu avec sa mère la dernière fois, elle n'avait pas vraiment envie de la revoir de sitôt.

Ce ne fut qu'après que sa main droite eût frappé à la porte en bois qu'elle se reconnecta au monde réel. La nymphe n'eut pas le temps de faire passer son étonnement d'être déjà arrivée ici, qu'elle se retrouvait encerclée par une paire de bras qu'elle connaissait bien. Le nez enfoui sous de courts cheveux blonds.

-Tu es là, souffla son amie.

Il y avait dans ses mots une inquiétude sous-jacente qui toucha la princesse.  Falia serait toujours là pour elle. C'était une évidence. Elle passa lentement ses bras autour de son corps, prenant garde à ne pas brusquer ses côtes.

-Oui, je suis plus coriace que j'en ai l'air.

Elle sentit un souffle irrégulier glisser le long de sa nuque, signe que l'autre femme riait.

-Ca j'en suis convaincue depuis le temps.

Mercy esquissa un sourire.

-Bon, c'est pas tout ça mais tu me broies les côtes. C'est pas comme si j'étais blessée.

Son interlocutrice se recula immédiatement et passa une main dans ses cheveux.

-Oh, désolée.

Elle l'inspecta d'un regard scrutateur et ajouta avec un intérêt manifeste :

-Tu vas mieux, sinon ?

La princesse acquiesça silencieusement.

-J'ai manqué beaucoup de choses ?

-Non, pas spécialement. Nous étions super inquiets pour toi ! Tu vas enfin pouvoir nous dire exactement ce qu'il s'est passé. Aller rentre, je vais te faire un chocolat chaud.

Elle obtempéra en fronçant les sourcils.

-On ?

Avant que Falia n'ait pu lui répondre, elle aperçut du coin de l'œil Ryan se lever du canapé. Mercy esquissa une moue pincée. Elle dévisagea son coéquipier. Peut-être allaient-ils enfin pouvoir se réconcilier. Une chose était sûre, elle ne ferait pas le premier pas. Leur hôte s'éclipsa discrètement, prétextant aller préparer les boissons. Le silence s'éternisa avant que le jeune homme ne finisse par bouger. Il marcha dans sa direction d'une traite et la serra dans ses bras.

-Je me suis comporté comme un con. Je suis désolé. Ce qui compte c'est que tu ailles bien. Je veux que tu sois heureuse, Mercy. Même si c'est dans les bras de ce connard de satyre.

Bien que touchée par cette déclaration, elle ne put s'empêcher de ricaner.

-Ce n'est pas près d'arriver. Je te pardonne Ryan, ton amitié m'est bien trop précieuse pour que nous gâchions tout avec une brouille ridicule.

Ils se séparèrent au moment précis où Falia revenait, un plateau chargé de trois tasses et une assiette de friandises dans les mains.

-Bon, puisque tout va bien on va pouvoir discuter.

Les trois amis prirent place dans le canapé. Ryan regarda les trois tasses avec circonspection et plissa le nez.

-Pourquoi n'y a-t-il que deux tasses de chocolat ?

-Je me suis dit que Mercy apprécierait une potion calmante pour apaiser ses douleurs.

L'intéressée fut émue par l'attention.

-En effet, c'est gentil à toi d'y avoir pensé.

Elle saisit la tasse qu'on lui tendait et but une première gorgée avec précaution. Le liquide était brûlant, mais étonnamment le goût n'était pas si amer que ce dont elle avait l'habitude.

-Mercy, l'interpela Falia après que tout le monde fut servi, qu'est-ce qui s'est passé ?

-Eh bien, je me suis rendue aux grottes comme je te l'avais dit. J'y ai passé un certain temps à réfléchir de choses et d'autres. Quelqu'un est arrivé et m'a menacée avant de m'attaquer. Je n'étais pas vraiment préparée à ce qu'il s'est passé. Si son attitude avait déjà été agressive, il n'était jamais passé à l'action. Après m'avoir giflée avec force, -je vous jure que ma joue s'en souvient ! -, il m'a poussée du haut de la falaise.

Comme personne ne disait rien, Mercy releva la tête pour regarder Ryan. Il avait la mâchoire si crispée qu'elle pouvait entendre ses dents grincer. Finalement il ouvrit la bouche pour la questionner d'un ton bourru :

-Qui ?

Elle avait volontairement omis de citer le nom du général le plus apprécié par leur peuple. C'était assez délicat et elle craignait sincèrement qu'on l'accusât de mentir. Non pas qu'elle doutait de ses amis, loin de là. Mais il fallait envisager toutes les possibilités.

-Silas. Il a entendu notre dispute après le discours de ma mère. Comme il me déteste depuis qu'il nous a surpris avec Jay à ce même endroit il y a cinquante ans, il a saisi l'occasion.

-Il a toujours été rancunier, murmura Falia. Je n'aurais pas dû te laisser y aller seule.

Peu désireuse de laisser son amie s'accabler de reproche, elle posa une main rassurante sur son épaule.

-Tu ne pouvais pas prévoir. De toute façon, je ne t'aurais pas laissé m'accompagner, j'avais trop besoin d'être seule après la dispute avec ma mère. Et puis, il faut dire que j'aurais pu avoir moins de chance. Je suis tombée sur la seule satyre qui ne souhaite pas ma mort.

-Et la blondasse ?

Le surnom ridicule dont Ryan venait d'affubler son ancien amant la fit éclater de rire.

-C'était le mal indésirable qui est venu se greffer à l'équation. Je suis étonnée que tu ne l'aies pas étripé, et vice-versa.

Il lança un regard mauvais à Falia.

-C'était pas faute d'en avoir envie.

Elle leva les yeux au ciel mais ne releva pas la remarque.

-D'ailleurs, je suis tout aussi surprise que vous ne vous soyez pas écharpé tous les deux à ton réveil. La dernière fois vous n'aviez pas pris le temps de discuter.

Mercy esquissa un sourire en coin.

-Ca a bien failli, mais Jessmina est arrivée avant. Il m'a raccompagnée jusqu'à notre territoire et avant de nous séparer notre dispute n'était pas très loin de dégénérer non plus.

-Vous vous êtes disputés pour quoi ? l'interrogea sa meilleure amie avec sa curiosité naturelle.

L'intéressée haussa les épaules.

-On a reparlé de ce qu'il s'est passé. Il a dit que j'étais lâche, que j'avais abandonné ce que nous construisions et que je l'avais manipulé. Je pense surtout qu'il a reporté sa culpabilité sur moi et décidé d'inverser les rôles. Son histoire ne tenait pas debout. Il m'a assuré que quelqu'un était venu le libérer et l'avait convaincu de partir en prétextant que j'étais morte.

Falia haussa un sourcil et s'apprêtait à rebondir sur le sujet lorsque de brefs coups tonnèrent contre la porte. Surprise, elle se leva pour voir qui venait interrompre leur conversation. Pile au moment où cela devenait intéressant ! Elle ouvrit la porte et se retrouva face à l'un des gardes personnels de la reine.

-Oui ? 

Il la salua d'un signe de tête et s'excusa :

-Je suis désolé de vous déranger, mais la reine requiert la présence de la princesse Mercy, immédiatement.

L'homme passa la tête par l'embrasure et s'adressa directement à la concernée :

-Je dois vous conduire jusqu'à elle, si vous voulez bien me suivre Votre Altesse.

Mercy soupira, consciente qu'elle ne pouvait en aucune façon refuser cette convocation. Elle adressa un regard désolé à ses amis. Ryan lui serra la main gentiment pour lui prouver son soutien.

-J'arrive.

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