Chapitre 28

A la seconde où Mercy reprit conscience, elle le regretta. Son corps entier n'était que douleur et son crâne lui faisait si mal qu'elle en vint à se demander si une épée n'y était pas plantée. Contenant avec peine un gémissement, elle remarqua la difficulté avec laquelle elle respirait. Ses côtes lui faisaient un mal de chien. Qu'avait-il bien pu se passer ?

Alors qu'elle tentait de se rappeler les derniers événements, elle ouvrit brusquement les yeux. Silas. Ce connard avait tenté de la tuer et apparemment il avait échoué. Elle tourna la tête pour détailler les lieux. Elle n'était pas dans sa chambre, bien que l'intégralité de la petite maison dût en faire la taille. Les murs, le sol et le plafond étaient exclusivement en bois. Il n'avait l'air d'y avoir que deux pièces. L'une comportant le lit dans lequel elle était allongée ainsi qu'une petite cuisinière. Et une autre dont elle ne voyait que la porte close, qui menait probablement à une salle de bain.

La nymphe allait se lever lorsqu'elle entendit un écoulement d'eau, suivi de bruits de pas. Instinctivement elle ferma les yeux et laissa glisser avec autant de discrétion que possible sa main jusqu'au poignard accroché à sa cuisse. Quelle chance ! Il était toujours là. Elle resserra sa prise quand une voix d'homme grogna :

-Comme si je n'avais que ça à faire...

S'en suivit un bruit de faïence et le son de ses pas se rapprocha. Mercy le sentit se pencher au-dessus d'elle. Ses réflexes firent le reste. Elle ouvrit les yeux et remonta simultanément sa jambe et sa main, plaquant le poignard contre sa gorge. D'un geste souple de la hanche, elle le retourna pour le maintenir contre le matelas. Sa détermination faiblit un instant lorsqu'elle le reconnut.

-Qu'est-ce que je fous là, Jay ?

Le satyre ricana, pas du tout impressionné par l'arme qui le menaçait. Avec une facilité déconcertante, il inversa les rôles et saisit ses poignets qu'il bloqua au niveau de son visage.

-On va commencer par se calmer et après peut-être que nous pourrons avoir une conversation civilisée.

La princesse lui adressa un regard noir en se débattant.

-Laisse-moi rire. Tu veux juste profiter de mon état de faiblesse pour...

-Te tuer ? l'interrompit-il en esquissant un sourire narquois. Crois-moi, si je le voulais ce serait déjà fait depuis plusieurs jours.

Elle pâlit.

-Plusieurs jours ?

Comme elle semblait avoir arrêté de résister, il relâcha ses poignets doucement, prêt à les reprendre si le besoin s'en faisait ressentir.

-Oui, tu es restée inconsciente presque une semaine.

Jay allait poursuivre lorsque la porte d'entrée s'ouvrit sur Jessmina. Celle-ci cessa même de respirer en avisant la position étrange dans laquelle ils se trouvaient. Reprenant ses esprits, elle referma la porte derrière elle et croisa les bras sur sa poitrine.

-Qu'est-ce que tu fa... Oh ! Tu es réveillée !

Mercy lui jeta un regard perdu avant de se reconcentrer sur le général. Il bougea afin de lui rendre sa liberté de mouvement. Elle s'assit et recula jusqu'à ce que son dos soit collé au mur. Elle détailla la satyre du regard avant de plisser les yeux, méfiante.

-Apparemment. On s'est déjà vues, non ?

Son interlocutrice acquiesça.

-Oui, tu as empêché l'un de tes... amis de me tuer. Je te jure que nous n'avons pas de mauvaises intentions. Si j'avais voulu te faire du mal, je t'aurais laissé au bord de la rivière lorsque je t'ai trouvée.

La nymphe fronça les sourcils.

-Au bord de la rivière ? Qu'est-ce que je faisais au bord de... Silas...

Jay crispa la mâchoire à l'entente de ce nom mais ne pipa mot.

-Je vais tout t'expliquer, lui assura Jess. Mais avant, je pense que tu ne serais pas contre l'idée d'aller prendre une douche, te changer et manger un vrai repas.

Mercy porta la main à son estomac qui choisi ce moment précis pour se réveiller. Elle esquissa un sourire timide. L'autre femme avait l'air sincère, il ne lui coûtait rien d'accepter de signer une trêve avec elle.

-J'avoue que je ne serai pas contre. 

Jessmina prit Jay par le biceps et le conduisit jusqu'à la porte, ignorant le regard noir qu'il lui lançait.

-Je vais m'occuper d'elle, revient dans une heure.

Alors qu'elle ouvrait la porte, il croisa les bras.

-Tu me mets dehors ? Je crois qu'il va vraiment falloir que tu revoies les règles de hiérarchie.

Un sourire en coin étira les lèvres de la satyre.

-Là tout de suite, tu es mon ami et non mon général. Tu te plaignais de devoir délaisser ton travail, non ? Eh bien je te laisse le temps d'aller bosser un peu, réjouis-toi.

Il quitta la petite chaumière en maugréant, peu ravi de se faire exclure de la sorte. Mercy, quant à elle, se sentait soulagée. Elle avait ressenti un fort malaise en sa présence et avait eu l'impression qu'on lui pressait le cœur dans un étau. Il était tellement plus simple de le combattre. Le voir sans que la haine ne prenne le dessus lui rappelait trop le passé. Un passé qu'elle souhaitait oublier.

-Je me doutais que tu serais plus à l'aise s'il partait, lança Jessmina avec un sourire bienveillant. Je sais que tu as plein de questions et j'y répondrai volontiers, mais plus tard. Je vais te préparer un repas pendant que tu vas te doucher. Il y a une serviette propre sur l'étendoir et tu as les vêtements que tes amis t'ont ramenés sur l'étagère. Non, ajouta-t-elle en la voyant ouvrir la bouche pour l'interroger, je t'expliquerai tout à l'heure ! Promis, tu comprendras.

La princesse acquiesça et se dirigea vers la petite pièce qu'elle lui désignait de la main. Elle verrouilla la porte et se dévêtit. Il lui fut difficile de retenir une grimace en découvrant l'énorme bleu qui recouvrait ses côtes ainsi les hématomes que l'on percevait encore sur son visage. Une chose était sûre, il ne l'avait pas loupée.

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