Chapitre 20

-Puis-je savoir ce que mon comportement a de particulier ?

Mercy ne voyait absolument pas où sa mère voulait en venir. Le monde s'était-il ligué contre elle afin de lui faire passer la pire journée de sa vie ? Encore qu'avec la torture à laquelle son père l'avait soumise, il était difficile de faire pire. Son ainée émit un renâclement dédaigneux.

-Tu ne véhicules pas une image digne de toi.

La nymphe haussa les sourcils. Elle n'aurait su dire si elle était amusée ou éberluée d'entendre de tels propos. 

-Tu te bats avec d'autres nymphes, reprit la reine, bien que je conçoive qu'Evy ne soit pas toujours facile. Tu ne prends pas la peine de prendre place à côté du trône lors des annonces officielles, tu préfères rester avec Fiona. Tu es impertinente. Tu...

-Oui, oui, la coupa la jeune femme, je cumule toutes les tares imaginables, on a bien compris. Je ne vois pas pourquoi cela vous chiffonne tant.

Mercy sentait son sang bouillir dans ses veines. Elle était déjà lasse de cette conversation et doutait que cela s'améliore. Elle n'avait pas eu le temps de voir sa rage précédente retomber et était clairement à fleur de peau. Elle avait l'impression qu'un rien pourrait la faire craquer.

-Cela me "chiffonne", comme tu dis, puisque le peuple ne cesse de médire sur tes écarts de conduite. Ton image est absolument déplorable. 

La princesse sentit une digue se rompre en elle. Le surplus d'émotions qu'elle avait accumulé jusque-là se déversa d'un seul coup, désireux de s'exprimer.

-Ah, parce que vous croyez que c'est entièrement de ma faute ? Je pense, mère, qu'avant de m'accabler avec tant de hargne, vous devriez commencer par regarder vos propres torts dans cette histoire. Vous et père avez soufflé au peuple ses répliques, il ne fait qu'imiter le comportement de ses souverains. La seule différence entre père et vous, s'empressa-t-elle d'ajouter en voyant sa mère sur le point d'ouvrir la bouche, est que lui a eu la bonté d'afficher clairement la haine que je lui inspirais. Par votre passivité, vous avez finalement fait bien pire. Vous m'avez laissé l'entrevoir sans jamais clairement l'affirmer, m'en dévoilant d'infimes parties bien malgré vous à chaque fois que vous m'adressiez la parole. Je sais très bien que vous avez honte de moi. Que vous regrettez que je sois votre fille. En revanche ne venez pas me dire que l'inimitié que le peuple ressent à mon égard est de mon fait. En plus de lui en avoir donné l'autorisation par votre comportement à mon encontre, soyez bien consciente que je n'ai pas changée. Je suis toujours la même que lorsque l'on m'appelait "la Sauveuse". Evie est toujours la même garce et je ne m'excuserais jamais de répondre à ses attaques. Vous n'avez aucune idée de ce que j'ai vécu, mère. Vos visites ponctuelles lors de mon enfermement étaient pires qu'un coup de poignard en plein coeur. Non, laissez-moi finir ! l'avertit-elle. Alors oui, j'ai peut-être commis "une faute" en m'amourachant de ce que nous nous obstinons à considérer comme des ennemis, mais je crois avoir largement payé pour cette erreur. Les insultes, les regards, je les ai subis sans rien dire. Je ne sais pas si c'est une façon pour vous de valider ces agissements ou si vous ne savez tout bonnement pas ce qu'il se passe sur vos propres terres. Vous êtes d'une passivité affligeante ! Je parie que vous ne saviez même pas que Evy a tenté de me tuer hier matin. Non, bien sûr, ajouta-t-elle en voyant la reine froncer les sourcils. Elle m'a laissée dans une position de vulnérabilité extrême en pleine frontière avec les satyres. Non armée. Donc peut-être que vous regrettez de m'avoir pour fille, mais sachez que j'aurais souhaité avoir une mère aimante. On a visiblement pas toujours ce que l'on souhaite dans la vie.

Sans laisser le temps à Regina de répondre, elle partit en claquant la porte. Il lui fallait à tout prix sortir du palais au plus vite. Elle ne tiendrait plus longtemps avant d'éclater en sanglots. Mercy se sentait libérée d'avoir enfin exprimer ce qu'elle ressentait, mais s'en voulait en même temps. Elle s'en voulait de s'être laissée aller et d'avoir craqué. Ses pas la menèrent instinctivement jusqu'à la maison de Falia. Comme la nymphe vivait seule, la princesse frappa brièvement et entra sans lui laisser le temps de venir ouvrir. 

-Mercy ? 

Son amie arriva dans la pièce en s'essuyant les mains, la mine inquiète. Cette expression se renforça lorsqu'elle vit les larmes silencieuses qui commençaient à inonder le visage de la Sauveuse. Se précipitant vers elle, elle la prit dans ses bras et la berça tandis qu'elle se permettait enfin d'éclater en sanglots. Falia l'entraîna jusqu'au canapé et la fit asseoir, toujours en la tenant enlacée.

-Qu'est-ce qui s'est passé ?

Mercy calma sa respiration hachée et se décolla de l'autre patrouilleuse. Elle essuya ses larmes et inspira un grand coup.

-Beaucoup trop de choses. J'ai essayé de parler avec Ryan mais ça c'est très mal fini et j'ai dit ses quatre vérités à ma mère. 

-Ok, je nous prépare du thé et tu commences par me raconter ce qu'il s'est passé avec Regina.

Ajoutant les gestes à la parole, elle se leva et mit de l'eau à chauffer tandis que la princesse lui répétait la teneur de leur conversation.

-Tu sais, commença Falia en lui tendant une tasse fumante, je pense que c'est un mal pour un  bien. Cela va peut-être vous permettre de mieux communiquer. Maintenant elle sait ce que tu ressens et je pense que ça va la faire réfléchir.

La guerrière haussa les épaules.

-Je n'en suis pas convaincue, je pense plutôt qu'elle n'en aura rien à faire. Mais mettons. 

-Et pour Ryan ? Parce qu'il me semble que tu devais déjà me raconter ce qu'il s'était passé hier.

Mercy se mordit la lèvre.

-Okay, du coup il vaut mieux que je commence par le début. Hier j'étais dans la forêt quand Evy m'est tombée dessus. Cette peste m'a joué un mauvais tour avec sa magie et je me suis retrouvée suspendue dans les airs, tête en bas. Elle a décidé de me laisser là alors que nous étions à la frontière du territoire satyre et que c'était clairement dangereux. Je me suis débrouillée pour me détacher, mais un bruit a attiré mon attention. Je te le donne en mille, c'était un satyre. On s'est battu et finalement Ryan est arrivé. On est partis et il m'a soignée. Nous discutions et je lui ai raconté ce qu'il s'était réellement passé après que mes parents aient découverts pour Jay et moi. Il m'a embrassée, je l'ai repoussé et il l'a mal pris. Du coup je suis partie et en voulant lui reparler tout à l'heure il s'est braqué. Je lui ai demandé si c'était possible de tout oublier mais il est devenu froid et acerbe. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas vu ainsi... Il m'a dit qu'il se rappelait pourquoi je le répugnais et il m'a traitée de trainée.

Falia fronça les sourcils.

-Je ne comprends pas. Pourquoi est-ce qu'il a fait ça ?

-Il croit que je l'ai repoussé parce que j'aime toujours Jay.

-Mais qu'est-ce qui l'a poussé à croire ça ? questionna-t-elle, ne comprenant vraiment pas le cheminement de pensée du coéquipier de son amie.

La princesse pinça les lèvres, légèrement coupable.

-J'ai omis de te préciser que le satyre que j'ai combattu était Jay...

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