Chapitre 2

Mercy avait espéré pouvoir retourner au château sans se faire remarquer, mais c'était sans compter sur le sixième sens de sa mère. A peine eut-elle monté la dernière marche de l'escalier qui menait à l'aile ouest qu'une voix stricte retentit:

-Nous ne t'attendions plus.

Elle chercha quelques instants d'où provenaient ces mots révélateurs d'un amour maternel intense. Régina se tenait sur sa gauche, aussi droite qu'un piquet. Son regard vert pomme irradiait d'une déception qu'elle ne cherchait même plus à cacher. Mercy masqua la douleur qu'elle ressentait derrière un sourire ironique.

-Nous? De qui parlez-vous mère?

La reine renâcla avec dédain.

-Ne joue pas sur les mots.

Elle s'approcha de sa fille, ses talons aiguilles claquant sur le sol de marbre à chacun de ses pas aussi réguliers qu'une horloge. Elle tendit une main vers elle, qu'elle passa lentement sur son visage fin. Régina regarda ses doigts avec attention et les frotta entre eux avec un dégoût mal dissimulé. Elle poursuivit avec hauteur:

-Comment peux-tu te balader ainsi dans les couloirs du palais? Je tiens à te signaler que le repas est dans moins d'une heure.

Mercy défia sa mère de son regard orange.

-Je n'avais pas prévu d'y aller. Je veux juste être prête pour la patrouille de ce soir.

-Ce n'est pas négociable. Penses-tu vraiment que tu seras apte à te battre sans avoir fait le plein d'énergie?

La jeune fille sourit intérieurement, son interlocutrice avait vraiment le chic pour manipuler les autres. Ainsi elle faisait semblant de se soucier de la santé de sa progéniture dans l'unique but qu'elle participe à ce repas où seraient présents bien trop de convives.

-Il ne sert à rien de faire comme si vous vous souciiez réellement de ma santé. Je serai là.

Elle reprit son chemin sans faire attention à la mine outrée qu'arborait la reine. Dès qu'elle passa le pas de la porte de ses appartements, elle la referma en poussant un soupir de délivrance puis alla se réfugier sous les jets chauds de sa douche. Elle se délecta de chaque gouttelette qui glissait sur sa peau laiteuse avant de s'enrouler dans une serviette moelleuse. Après avoir essoré ses longs cheveux, elle les démêla avec soin avant de les laisser librement sécher à l'air frais. Mercy se dirigea jusqu'à la salle qui lui servait de dressing et sortit une grande boîte noire couverte de poussière. Elle en souleva le couvercle avec précaution et saisit délicatement la tenue qu'elle y avait rangée un siècle auparavant. Elle caressa le tissu coûteux et un sourire triste éclaira son visage lorsqu'elle se remémora toutes les aventures qu'elle avait vécues.

La mélancolie lui étreignit le coeur quand elle les enfila et se dirigea vers un grand miroir afin d'en admirer le résultat. La jeune femme eut l'impression de se retrouver projetée naguère, à cette époque où sa réputation n'était plus à faire. L'utilisation d'un cuir souple avait permis la fabrication de ces habits qui permettaient une mobilité et une discrétion sans équivoque. Un ras-le-cou bleu uni, décoré d'une grande croix, descendait jusqu'aux hanches de la princesse, semblable à un étendard puisque les côtés d'un beau rouge contrastaient avec le reste. Ne disposant pas de manches, elle portait de grands gants aux couleurs nocturnes qui remontaient jusqu'à ses biceps. Une épaisse ceinture d'argent, sertie de fines pierres dorées assurait la transition avec le pantalon de même teinte que les gants. Ce dernier collait à la manière d'une deuxième peau, épousant ses formes et facilitant ses gestes. Afin de se procurer une protection maximale, elle avait ajouté des manchettes, épaulettes et genouillères, fabriquées à partir d'un cuir rigide très résistant, aux nuances vermeilles. Cette touche d'armurerie portait l'emblème de la croix, renvoyant à celle qui ornait son haut. Elle laissa de côté son arme et sa cape, ne souhaitant guère s'encombrer pour assister à ce dîner barbant auquel elle n'avait aucune envie d'aller.

Elle descendit dans le hall principal avec plus d'avance qu'elle ne l'avait escompté, c'est pourquoi elle chercha un moyen de s'occuper, ne voulant en aucun cas parler avec ces personnes qui, elle le savait, la méprisaient. Le tableau affichant les rétributions de chacun lui parut alors être la solution la plus reluisante. Elle put ainsi s'assurer de son office pour l'année à venir et vérifier avec quels coéquipiers elle allait devoir travailler. Bien qu'heureuse de redevenir patrouilleuse, elle déchanta vite en voyant son équipe. Elle connaissait chacun d'entre eux depuis des siècles et à part Seil, ils étaient tous aussi odieux les uns que les autres. Bien qu'elle doive reconnaître que Ryan les surpassait tous, avec son mépris naturel et son goût très prononcé pour rabaisser ceux qui n'avaient pas le privilège de l'avoir pour ami. 

Les groupes de patrouilles n'étaient que rarement supérieurs à cinq, voire six chasseurs qui avaient su faire leurs preuves lors des tests que chaque nymphe devait passer à l'âge de 30 ans, afin de pouvoir se spécialiser dans une discipline. Bien sûr leur formation commune leur permettait d'étudier chacun de ces secteurs, ce qui leur procurait de solides bases dans chaque domaine. La communauté vivait à la manière des abeilles, le palais, comparable à une grande ruche, avait pour coutume d'accueillir des membres de la population à tour de rôle pour un repas mensuel. A cette occasion la reine faisait un discours des plus soporifiques que Mercy avait pris pour habitude de ne plus écouter. De plus, tout le monde avait un rôle à jouer dans cette société très hiérarchisée. Il y avait tout d'abord la catégorie des Guerriers, celle-là même dont faisait partie les patrouilleurs. Puis celle des Nourrices qui touchait tout ce qui concernait les enfants, celle des Guérisseurs qui avait pour objectif de développer leurs talents médicinaux dans le respect de la faune et de la flore. Il y avait aussi la caste des Salvateurs, ce n'était autre que toutes les personnes qui avaient une capacité magique très élevée. En effet chaque nymphe naissait avec des pouvoirs en rapport avec la nature, mais cette magie était très faible chez la plupart sauf une minorité qui était donc chargée de ce qui était en lien avec ce don. Pour finir, Les formateurs: ceux qui n'avaient pas de capacités développées dans un secteur particulier avait pour charge de former et d'éduquer la jeunesse afin qu'ils passent leur test avec le plus de fiabilité possible. Un groupe restreint de dirigeants, composé de la reine et de quelques conseillers qu'elle sélectionnait sans prendre en compte leurs compétences, était chargé de régir cette organisation complexe.

Mercy regorgeait d'idées pour réformer ce système qu'elle trouvait obsolète, mais ses parents n'avaient jamais voulu la prendre en considération. Elle s'était donc adaptée et appréciait  cette structure fondée sur une entraide commune. Bien que cela aurait pu sembler idyllique au premier abord, les nymphes n'agréaient pas toutes à ce principe, et au fil de leur histoire de nombreuses révoltes avaient déjà eu lieu, causant des centaines de morts. La mesquinerie de certaines était sans égale et la voix qui tira Mercy de ses pensées était sans doute le meilleur exemple possible:

-Tiens, mais ne serait-ce pas la traîtresse? Je suis étonnée que l'on t'ait laissée entrer.

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