Chapitre 16

Mercy esquissa un brusque mouvement de recul avant que son corps ne la ramène à l'ordre. Elle étouffa un grognement de douleur et se leva en affichant un air méfiant. La nymphe serra son poignard dans sa main droite et dévisagea le satyre qui lui faisait face. Celui-ci était nonchalamment adossé contre un grand chêne. Sa hache dépassait derrière son dos et un sourire mauvais éclairait son beau visage.

Visage qu'elle n'aurait jamais cru revoir. Elle aurait parfaitement pu s'y attendre au vu  des récents événements, toutefois la princesse ne se sentait pas prête à l'affronter. Encore moins maintenant qu'il se trouvait devant elle.

-Jay.

Ce nom s'était faufilé sans qu'elle ne le retienne. Un rire froid franchit la barrière des lèvres de son ancien amant.

-Je suis bien étonné que tu te souviennes de moi après tout ce temps.

Son ton sec et tranchant attisa la colère de la jeune femme.

-On arrive pas toujours à oublier ce que l'on voudrait.

Il esquissa un geste dans sa direction, mais elle se mit instantanément dans une posture défensive.

-N'approche pas.

Croisant les bras, il arbora un sourire narquois.

-Si je peux me permettre, la mort te va bien au teint.

Son ton transpirait de sarcasme et Mercy plissa les yeux, légèrement décontenancée.

-Est-ce une menace ?

Jay pencha la tête sur le côté, feignant de réfléchir à la question.

-Plutôt un constat. 

Elle raffermit sa prise sur le manche de son arme.

-Pour ton honneur satyre, battons-nous à armes égales.

Une lueur sauvage passa au fond de ses yeux améthystes. Avec un amusement certain il retira l'imposante hache qui scindait son dos. 

-Tes désirs sont des ordres, princesse.

Il avait craché ce dernier mot avec un mépris évident. Il fit tourner son arme entre ses doigts habiles, se délectant des événements à venir. Jay l'observa resserrer sa petite main sur son poignard, sans jamais le quitter des yeux. Elle lui rendit son sourire en coin, narquoise.

-T'effraierai-je au point que tu aspires à profiter de mon désavantage ? Une hache contre un malheureux poignard. Je ne te savais pas si lâche. Quoique finalement j'ai déjà eu plus d'une occasion de constater ta couardise.

La froideur et la haine que contenaient ces mots l'énervèrent d'autant plus. Il haussa l'un de ses sourcils blonds et laissa tomber son arme imposante sur le sol. Sans qu'elle n'eût le temps de voir comment, il saisit une arme égale à la sienne. 

Un large sourire étira ses lèvres. Il était loin de paraître amical ou de dégager une quelconque chaleur. Bien au contraire, il était haineux et arborait l'indifférence qu'il disait ressentir à l'idée de lui ôter la vie.

-Cela vous sied-t-il davantage, princesse ?

Il avait ponctué cette interrogation rhétorique d'un mépris évident. Elle ne prit donc pas la peine de lui répondre et laissa sa colère diriger ses gestes. La nymphe fondit sur lui, son poignard dressé, prêt à le transpercer. Il esquiva habilement l'attaque et refoula les souvenirs qui jaillissaient dans son esprit. Souvenirs d'un autre temps qu'il s'était pourtant promis d'oublier. Cette pointe de mélancolie qui s'était emparée de lui fut bien vite oubliée. Jay resserra la prise qu'il tenait sur sa propre arme et se lança, bien décidé à ce que ce combat soit le dernier.

La suite ne fut plus que violence. La hargne des deux combattants à achever l'autre les maintenait en état. Ils enchainaient coups sur coups, cris sur cris. Le sang avait coulé plus d'une fois mais uniquement par des plaies minimes, des égratignures. Leur endurance s'estompa à mesure que le temps s'écoulait. Tout d'abord le soleil fut à son zénith, observant le duel au plus haut de son ascension. Puis, las de ce qu'il voyait, il débuta sa lente descente afin de laisser place à l'astre lunaire.

De nombreuses heures s'étaient écoulées et les anciens amants se dévisageaient à présent. Délestés de leurs armes depuis un long moment, ils tentaient de reprendre leur souffle. Aucun d'eux ne quittait l'autre du regard, à l'affût de la prochaine attaque. 

-Après autant d'années... il est bien triste de voir qu'aucun de nous n'arrive à prendre le dessus sur l'autre, souffla Mercy.

Le satyre haussa un sourcil.

-Je ne te permets pas de parler du passé. Tu n'as plus rien de celle que tu étais. Sinon jamais tu n'aurais fait ce que tu as fait.

La princesse cligna des yeux, penaude face à cette accusation. Elle ne comprenait plus rien de ses propos. Mais pire que cette incompréhension, elle sentit une rage sourde l'emplir de nouveau.

-Ce que j'ai fait ?

Elle explosa d'un rire sardonique et reprit:

-S'il y a bien un de nous deux qui devrait s'excuser d'une quelconque félonie c'est bien toi.

Jay crispa la mâchoire.

-N'inverse pas les rôles. Ce que tu as osé me faire croire est impardonnable. J'aurais parfaitement pu me laisser exécuter par ton connard de père, si l'on était pas venu m'aider à m'enfuir.

Une infime expression passa sur son visage, mais elle la réprima aussi vite qu'elle était venue.

-Crois-moi ce sort t'aurais été préférable. Althair n'aurait pu te faire subir un sort pire que celui qu'il a infligé à sa propre fille.

Elle avait parlé d'une voix froide, sans la moindre émotion. Jay la dévisagea, cherchant à discerner la vérité dans ses propos. Toutefois il n'eut guère le temps de lui poser la moindre question qu'un bruissement les interrompit. Ryan surgit de la forêt, épée en main.

-Mercy ! Est-ce que tout va bien ? Je t'ai cherche absolument partout sans...

Il laissa la fin de sa phrase mourir sur ses lèvres lorsqu'il aperçut le satyre. Ce fut à cet instant qu'il sembla prêter attention à l'image qu'il renvoyait. Celle de deux ennemis qui avaient combattus vaillamment. Il esquissa un geste en direction de Jay mais la princesse l'en empêcha.

-C 'est mon combat Ryan.

Il s'arrêta et acquiesça de bien mauvaise grâce. Mercy reporta son attention sur son ancien amant.

-Tire-toi. La prochaine fois attend-toi à ce que mon épée te transperce le corps.

Il plongea ses yeux glacés dans les siens.

-Ne sois pas si sûre de toi, je meurs d'envie de planter ma hache à l'arrière de ton crâne.

Sur ces promesses transpirantes d'amour, notez l'ironie, le satyre prit la direction de son territoire, non sans récupérer ses biens qui gisaient sur le sol. 

Mercy l'observa partir, songeant à ses paroles. 

Elle se le jurait, leur prochain duel serait un duel à mort. 

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