Third
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Lorsque Changbin se réveilla, il était encore tôt, mais il ne parvint pas à se rendormir. Il était parvenu à grappiller quelques heures de sommeil, et le manque se faisait cruellement ressentir. La douleur de ses côtes en était la cause principale, ainsi que ses pensées agitées.
En comprenant qu'il perdait son temps, il se leva en réprimant une grimace. Il n'était pas mortellement blessé, loin de là, mais la souffrance n'en était pas moins présente.
Le noiraud se rendit dans la salle de bain pour rincer la brûlure de son coude, et appliqua de la pommade sur les quelques ecchymoses qui étaient dues aux coups de Hyunjin. Il revêtit un jeans et un hoodie, et alla manger.
Son père n'était pas à la maison, probablement parce qu'il s'était levé tôt pour repartir au travail. Ils ne se voyaient que très rarement.
Changbin se chaussa et prit une veste, avant de quitter l'appartement en veillant à bien fermer derrière lui. Il devait réviser pour ses examens, mais peu importe, sortir lui ferait du bien.
Il flâna un moment dans la rue en observant les diverses échoppes qui se succédaient, et les passants pressés. Il avait mal dormi, il était vraiment fatigué ; impossible pour lui de prendre totalement conscience de ce qui se trouvait autour de lui.
Malgré tous ses efforts, ses pensées se tournèrent finalement vers l'homme qui l'avait aidé la veille au soir. Il était vraiment étrange, et c'était pour cela que le noiraud le trouvait très intriguant. Ayant eu toute la nuit pour cogiter, il ne pensait pas qu'il soit fou. Son regard pétillant était bien trop sagace pour que cela lui semble possible.
« Il est sûrement rentré chez lui », pensa-t-il en se rappelant ne pas l'avoir aperçu dans l'immeuble.
Il ignorait bien s'il devait s'en sentir soulagé, ou au contraire, alarmé. Mais étonnement, ce fut un sentiment d'inquiétude qui l'envahissait.
Changbin chassa rapidement l'émotion étrange qui l'avait submergé. Ce n'était pas le moment de s'attacher à un inconnu.
Il se balada longuement, veillant à garder un rythme lent. Sa respiration devenait sifflante lorsqu'il faisait des efforts trop importants.
L'adolescent, en sentant le poids d'un regard sur sa personne, fit brusquement volte-face. Quelques mètres derrière lui se tenait un jeune homme à la chevelure blonde qui l'observait tranquillement.
— Mais c'est qu'il fait peur, en plus..., marmonna le noiraud en inspirant profondément.
Il le laissa s'approcher avec appréhension. Ses vêtements archaïques attiraient les regards sur sa personne, les enfants riaient sur son passage. Mais lui avançait imperturbablement, prenant soin de ne pas se perdre dans la cohue de passants.
— Bonjour.
— Hey. Qu'est-ce que tu fais là ? s'enquit Changbin en l'attirant au bord de la ruelle.
— Je veille sur toi. J'ai rarement vu quelqu'un d'aussi imprudent.
Le plus petit poussa un profond soupir.
— Je ne connais presque rien de cette planète, il est vrai, acquiesça Chan. Et tu es le seul qui puisse m'aider, puisque je n'ai parlé à personne d'autres.
— Et moi qui pensais qu'une bonne nuit de sommeil te ferait du bien...
— En effet, je me suis requinqué.
— Tu m'énerves, lâcha Changbin en lui décochant un regard courroucé. Qui que tu sois, arrête de me suivre, et fous-moi la paix.
— Je suis Chan de la première tribu, la plus septentrionale. Je te l'ai déjà dit, pourtant.
— Tu...
Le noiraud s'interrompit et ravala un commentaire peu flatteur.
— Va te changer, dit-il plutôt. On dirait que tu sors d'un film moyenâgeux.
Le regard brillant de curiosité, le blondinet ouvrit la bouche avec l'intention de poser une question. Mais il n'en eut pas le temps, son vis-à-vis tourna les talons sans plus se préoccuper de sa présence.
Changbin se dirigea vers le parc en fulminant intérieurement. Il regrettait de s'être inquiété pour Chan alors que celui-ci allait pour le mieux, et que de surcroît, il n'avait pas renoncé à le suivre. Bien qu'il soit tenté d'appeler la police, il ne le fit pas. Il savait que les agents ne le prendraient pas au sérieux. Au pire des cas, ils enverraient le blond dans un asile, mais celui-ci ne méritait pas ça. En échange de son aide, il lui évitait l'hôpital, il s'agissait d'un bon compromis, non ?
Le noiraud s'aventura sur un chemin de terre et pénétra toujours plus profondément dans les bois. Il se rappela soudainement ce qui s'était passé la dernière fois qu'il s'y était rendu, et il se figea net.
L'adolescent retourna sur le sentier en se maudissant intérieurement de son étourderie. Chan avait peut-être raison au sujet de son imprudence et de sa spontanéité. Même s'il était convaincu qu'il n'avait rien à craindre de la tempête, Hyunjin était une menace bien réelle.
Changbin pourrait pourtant se défendre face aux coups de celui-ci, mais il n'était pas comme ça. Cela le révoltait de s'en prendre à quelqu'un, surtout à une personne qui n'en valait pas la peine. De surcroît, user de violence contre lui ne ferait qu'attiser sa haine.
Il n'avait rien fait pour s'attirer son attention fielleuse. Cet adolescent nourrissait une profonde aversion pour son père, mais le noiraud en ignorait la raison. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il faisait les frais de sa rage à la place de l'ambassadeur. C'était principalement pour cela qu'il ne disait rien et qu'il se laissait faire. Si cela permettait à Monsieur Seo d'être sauf et de continuer son travail, alors soit.
Le noiraud vit sans surprise le châtain en question se dresser à l'autre bout du chemin, un rictus indescriptible sur son beau visage. Avec un soupir, il fit demi-tour, mais n'alla pas bien loin. Instantanément, Hyunjin se retrouva devant lui.
Changbin eut tout juste le temps de froncer les sourcils avant que le poing de son vis-à-vis ne heurte violemment son menton. Sonné, il fut pris d'un vertige qui le fit trembler sur ses jambes.
Il fallait qu'il évite cet affrontement à tout prix. Ses côtes étaient encore fragiles, le moindre coup pourrait les briser.
Il chercha aussitôt à s'écarter, mais le châtain lui agrippa le poignet. Malgré tous ses efforts, le noiraud ne parvint pas à se défaire de sa poigne soudainement bien plus forte.
— Ne bouge pas, où je te brûle, gronda le plus grand sur un ton dur.
Changbin déglutit péniblement et cessa de se débattre. Le souvenir de la morsure ardente de la flammèche le paralysa. Ce feu était différent, il en était certain. Il n'avait pas fait que brûler sa chair, mais également son esprit. Lorsqu'il songeait à cette flamme, une étrange chaleur s'éprenait de lui et le glaçait de terreur.
En apercevant les étincelles rougeoyantes qui crépitaient au bout des doigts de Hyunjin, il n'eut aucun mal à croire qu'il mettrait sa menace à exécution.
Il ne comprenait pas comment c'était possible, mais ce n'était guère le moment de s'interroger.
Le châtain esquissa un rictus dédaigneux. Il appréciait le nouveau pouvoir qu'il détenait sur le plus petit, et il avait envie d'en user un peu plus. Il se concentra intensément et réussit à faire jaillir une bluette au creux de la paume de sa main qui s'était cramponnée à Changbin. Ce dernier poussa un cri de surprise mêlé de douleur alors qu'elle dévorait son épiderme.
— Lâche-le ! éclata une voix qui était devenue familière au noiraud.
Un soupir de soulagement traversa la barrière de ses lèvres lorsqu'il aperçut le blond à quelques pas de leur position. Son visage façonné par une expression dure lui fit comprendre qu'il était mécontent.
Hyunjin pencha la tête, l'air pensif.
— T'es qui ? cracha-t-il sans politesse.
— Cela n'a aucune importance, répondit Chan sur un ton neutre. Lâche-le.
— Sinon quoi ?
Une flammèche carmin dansa entre les doigts de Hyunjin. Son visage se changea en un masque menaçant.
— Ton feu ne me fait pas peur, assura calmement le blond. Tu n'es qu'un novice en la matière, ça se voit. Tu le maîtrises à peine.
Le châtain se mordit la joue et se fit violence pour ne pas répondre à sa provocation. L'air railleur de Chan aurait pourtant dû le mettre en garde, mais finalement, aveuglé par la rage, il se jeta sur lui pour en découdre.
L'aîné avait anticipé son geste, aussi il s'esquiva aisément. Profitant de sa confusion, il se saisit du poignet de Hyunjin et plaqua ses doigts enflammés sur la peau de celui-ci.
Le châtain écarquilla les yeux, mais ne réagit pas. Ce n'était qu'un stratagème, le blond savait fort bien qu'il était ignifugé. Ne lui laissant pas le temps de se remettre de son ébranlement, il fonça vers Changbin. Il lui prit la main et le tira en direction de la ville.
Derrière eux, Hyunjin hurla de rage, mais Chan n'en tint pas compte. Il avançait inlassablement pour éloigner le noiraud du danger.
D'ailleurs, ce dernier était complètement ébranlé. Outre sa douleur et sa confusion, il était en proie à un intense soulagement.
— Je t'avais pourtant dit de faire attention ! le sermonna le blond une fois qu'ils furent hors de portée du feu.
— H-Hyunjin n'a rien avoir avec la tempête...
— Peut-être pas, mais il reste dangereux ! Et de surcroît, il a reçu une aide.
— Comment ça ? s'étonna Changbin en reprenant son souffle.
— Emmène-moi chez toi, s'il te plaît. Ce serait plus sûr.
Son regard céruléen immensément insistant finit par convaincre le noiraud encore secoué. Il emmena docilement le blondinet jusqu'à son appartement, complètement dérouté.
Chan jugea plus sûr de le laisser entrer d'abord. Il voyait bien que c'était sa terreur qui l'avait poussé à accepter la requête d'un inconnu. En apercevant l'indécision sur le visage encadré d'une chevelure d'ébène de son vis-à-vis, il s'empressa de renchérir :
— Je ne resterai pas longtemps.
Il tâcha d'adoucir sa voix pour qu'elle paraisse plus douce. Cela n'allait pas être une mince affaire de le persuader de l'existence des extraterrestres, mais il n'avait pas d'autres choix que d'essayer. De toute manière, il allait probablement finir par se raisonner lui-même lorsqu'il constaterait qu'il n'y avait pas d'explications plus rationnelles.
Le peuple du blond ne lui avait jamais appris que les Terriens ne possédaient aucun pouvoir. Mais en se promenant, il n'avait vu absolument personne faire usage de magie, et la mine consternée de Changbin en apercevant la flamme de Hyunjin avait attesté son hypothèse.
C'était très étrange pour lui, mais il n'allait certainement pas se plaindre de ce changement d'environnement radical.
Le noiraud referma la porte. Son gémissement de douleur quasiment imperceptible n'échappa pas à Chan, qui se redressa brusquement.
— T'as mal ? s'alarma-t-il.
— Ça va, t'inquiète... C'est juste une brûlure.
Son regard brillant de douleur semblait pourtant dire tout le contraire. Le bond se saisit délicatement du bras de Changbin, et grimaça en distinguant sa peau. Le châtain, bien que peu entraîné, était tout de même parvenu à créer une flammèche suffisamment chaude pour provoquer une cloque brunâtre sur la peau de sa proie. Une autre plus pâle et plus petite s'étalait également au niveau de son coude.
— Ce n'est pas la première fois, nota Chan, de plus en plus inquiet.
— Assieds-toi à table pendant que je vais me soigner, marmonna son cadet sur un ton sans appel.
L'aîné obtempéra et le suivit des yeux alors qu'il pénétrait dans une autre pièce. Sa demeure n'était définitivement pas comme la sienne, elle était bien plus spacieuse et confortable. Quelques gadgets et meubles disposés çà et là ne lui disaient rien du tout, mais ce n'était pas vraiment le bon moment pour questionner son hôte.
Ce dernier revint avec des pansements roses collés sur ses brûlures. Il prit place en face de Chan sans le quitter un seul instant du regard.
« Il a peur de moi », en conclut le concerné sans sourciller.
— Bon, Changbin, déclara-t-il en croisant les bras. Ce que je vais te dire devra rester entre nous, du moins, jusqu'à ce que j'aie découvert ce que Hyunjin fait sur Terre. Je ne doute pas que ça va être difficile à croire, mais je sais que tu es suffisamment intelligent pour te rendre compte que mes propos sont d'une véracité incontestable.
Le noiraud arqua un sourcil, mais tint sa langue. Il en avais vu assez pour se mettre à douter de sa propre certitude.
— Je viens de Red Sun.
— « Soleil Rouge » ?
— J'ignorais que cela avait une traduction dans votre langue, confessa Chan. Mais quoi qu'il en soit, elle est logique. Red Sun est principalement composé de roches rouges et brillantes.
— C'est quoi comme lieu ? s'impatienta Changbin.
— Une planète.
Le cadet faillit s'étouffer avec sa salive. Il se leva brutalement et alla se servir un verre d'eau qu'il avala d'un trait. Chan le regarda faire, alors que celui-ci essayait tant bien que mal de se remettre de sa surprise.
— Red Sun réunit les descendants d'humains en provenance de Blue Sun, que vous appelez « Terre », renchérit-il alors. On raconte qu'ils ne pouvaient plus y vivre en raison de surpopulation et de famine, et que certains d'entre eux se seraient fait envoyer sur cette planète pour la coloniser. La Terre se serait débarrassée de plus de la moitié de sa population de cette façon, ainsi que par le biais de la mort.
— J'ai déjà entendu parler de terraformation, mais seulement dans les livres de science-fiction..., murmura le noiraud, profondément renversé.
— De quoi s'agit-il ?
— En gros, c'est quand une autre planète est transformée pour être capable d'accueillir les hommes.
— Alors, c'est notre cas.
— Je ne peux pas... je suis désolé, mais je ne peux pas croire en une chose aussi... aberrante.
Avant que Chan ne puisse rétorquer, celui-ci se remplit un nouveau verre et le but brutalement. Le blond se leva et saisit fermement le bras de Changbin. Il planta son regard bleuté dans le sien, d'un noir profond.
— Je t'en prie, laisse-moi aller jusqu'au bout, le supplia-t-il. À toi de voir si tu parviendras à me croire ou non par la suite, mais pour le moment, je dois te faire comprendre que le danger que tu coures est réel.
Après un instant d'hésitation, le noiraud finit par opiner du chef. Il était angoissé. Si toutes ses certitudes s'écroulaient en poussière, c'était son monde qui s'en voyait bousculé.
Les prunelles de son aîné le bouleversaient. Elles luisaient d'une vivacité sauvage et d'un discernement bien trop impétueux pour un homme de son âge. C'était comme s'il avait mis sa souffrance morale de côté pour son bien à lui, quelqu'un que pourtant, il ne connaissait pas.
Changbin accepta de se rasseoir et de tendre l'oreille aux propos décousus de Chan.
— Avec le temps et l'évolution, recommença doucement ce dernier, les habitants de Red Sun ont acquis certaines capacités surnaturelles, notamment la magie.
Le plus jeune esquissa une moue incrédule, mais choisit de ne pas répliquer.
— Je suis le seul de ma tribu à ne pas en avoir hérité, avoua le blond en baissant piteusement la tête. Cela m'a d'ailleurs valu beaucoup de problèmes. Mais bref, ce n'est pas la question. Ce garçon, Hyunjin, détient un pouvoir élémentaire, et celui qui t'a assailli hier soir également.
— Et ? demanda le noiraud en retrouvant soudainement la parole.
— Les personnes avec ce type de magie sont rares et généralement issus d'un croisement entre deux races. Et dans ce cas, entre un Terrien et un humain de Red Sun.
Le plus jeune expira doucement, digérant ce qu'il venait d'apprendre. « Improbable. C'est improbable, je dois être en train de faire un rêve... », pensa-t-il en se massant les tempes.
En levant les yeux sur son vis-à-vis qui observait sa réaction en silence, il lui vint à l'esprit qu'il ne ressemblait pasdu tout à un extraterrestre. « Est-ce qu'il se moque de moi ? » se méfia-t-il.
— Le fait que Hyunjin utilise une magie rudimentaire m'a également fait comprendre qu'il n'avait reçu aucun entraînement, poursuivit Chan, imperturbable. Et pour se déplacer comme il l'a fait, une aide lui a été offerte. Je pense qu'il s'agit de la même personne qui t'a attaqué hier soir, puisque l'air fait partie de sa panoplie de pouvoirs. Par contre, sa magie est bien plus étendue et dévastatrice que celle de Hyunjin, et c'est bien cela qui m'inquiète...
La mine du noiraud était sceptique, mais le blond ne s'en offensa pas.
— Et en outre, Changbin, enchaîna-t-il avec gravité, cela signifie forcément que quelqu'un de Red Sun a emprunté le même portail que moi et a débouché ici. Que ce soit sciemment ou un simple concours de circonstance, une ou plusieurs personnes ont débarqué sur Terre et se sont accouplées avec des Terriens, alors qu'il s'agit d'un acte strictement prohibé.
— Tu veux dire, interdit ? s'enquit son cadet. Pourquoi ?
— Parce que la magie dont héritent leurs descendants est corruptrice et primitive. Elle provient directement des éléments qui nous entourent, et ceux-ci insufflent des pensées pernicieuses à leur possesseur, d'où leur comportement belliqueux.
— Hyunjin serait un demi-extraterrestre, et c'est pour ça qu'il se prendrait à moi ? Et la tempête aurait été créée par quelqu'un qui me voudrait du mal ?
Chan détecta aussitôt la perplexité dans le ton de sa voix, et soupira.
— Écoute, Changbin. Je ne te connais pas, mais je tiens à ce que tu saches que tu coures un grand danger. Je t'en prie, fais attention aux endroits isolés.
— Je... Je ne suis pas sûr de...
— Réfléchis, insista l'aîné. Et si tu refuses, laisse-moi au moins t'accompagner lorsque tu sors pour te protéger. Je n'ai pas de pouvoir, mais j'ai de l'expérience en la matière.
Changbin resta un long moment silencieux, le regard absent. Tout ce qu'il venait d'apprendre dépassait l'entendement, mais il avait lui-même été témoin de la magie de Hyunjin. Il ne parvenait pas à trouver une explication plausible à cela. Quant à Chan... il n'y avait rien qui puisse lui prouver qu'il provenait d'une autre planète, hormis son comportement étrange et ses vêtements dépassés.
— Donc, tu es passé à travers un portail dans un livre, réfléchit le noiraud à voix haute.
— En effet.
— Comment tu comptes rentrer chez toi ?
— Je n'en sais rien, avoua le blond. Pour le moment, ma priorité est de dénicher une façon d'éliminer ce qui te menace.
Changbin haussa les épaules avec désinvolture.
— Que Hyunjin me frappe, c'est habituel. La seule chose qui change, c'est le feu.
— Et en même temps, une tempête tente de t'occire. Cela ne peut pas être une simple coïncidence. Quelqu'un est derrière tout ça, et nous devons absolument le retrouver avant qu'il finisse par s'en prendre à d'autres gens.
— C'est tellement insensé..., murmura le noiraud.
— Tu dois me croire.
— T'es peut-être fou.
— Eh ! J'ai toute ma tête ! protesta Chan, vexé.
Le plus petit pouffa doucement.
— Très bien. Je vais essayer de te croire. Mais pour le moment, c'est pas gagné.
⚘
— Monsieur ? s'enquit Chaerin.
Le concerné leva un regard las sur sa stagiaire.
— Qu'y a-t-il ? souffla-t-il avec découragement.
— Nous avons une piste.
Un éclair d'espoir traversa les yeux sombres de l'ambassadeur. Il se redressa sur son siège comme sous l'effet d'une piqûre d'énergie.
— Parlez, la pressa-t-il.
— Hier soir, un étrange évènement est survenu, indiqua-t-elle d'une voix sûre. Au premier abord, cela ressemblait à un simple incendie, mais il y a plus. Un brouillard très dense avait englouti le quartier, mais uniquement celui qui était touché. De la glace recouvre le béton, et ce n'est pas que du givre. Elle est épaisse et dure, il est impossible de la faire fondre. Certaines personnes témoins des intempéries ont déclaré qu'une pluie drue était tombée brusquement et s'était arrêtée tout aussi vite, comme si quelqu'un la contrôlait.
— C'est ça... c'est forcément ça.
Monsieur Seo se leva en passant outre sa lassitude et se précipita sur ses dossiers, Chaerin sur les talons.
— Il m'a averti de leur présence..., murmura-t-il dans sa barbe en fouillant dans ses papiers. Et là... ils se sont enfin manifestés. L'eau pour la pluie et la glace, l'air pour la tempête, le feu pour l'incendie, l'électricité pour la foudre... c'est impossible de maîtriser autant d'éléments à la fois... Il s'agit forcément de plusieurs personnes... À moins que... Oui, à moins qu'il ne s'agisse que d'un élément, mais que cet individu en contrôle plusieurs facettes... Il est puissant, trop puissant, il faut à tout prix le retrouver et l'éliminer, avant qu'il ne soit trop tard...
Il dénicha finalement la feuille qu'il recherchait. Son regard parcourut rapidement le texte.
— Deux... ils en ont détecté deux..., réfléchit l'ambassadeur à voix haute.
Il poussa un profond soupir, le dos voûté par la tâche colossale qui l'attendait.
— Chaerin ?
— Oui, monsieur ?
— J'ai entendu dire que vous étiez douée dans l'art de dénicher les traces, de les traquer, et de débusquer les responsables.
— C'est exact, monsieur, acquiesça-t-elle en redressant fièrement la tête.
— Bien. Si vous dénichez la moindre information supplémentaire, j'exige que vous veniez immédiatement m'en informer.
— Sur cette tempête, monsieur ?
— Oui, s'il vous plaît. C'est extrêmement important, il faut que j'arrête les créateurs de cette catastrophe avant qu'ils ne reviennent faire d'autres dégâts.
La jeune femme opina vivement du chef, signe qu'elle acceptait de prendre la responsabilité de cette tâche.
Monsieur Seo l'observa un instant en se pinçant les lèvres.
— Utilisez toutes les ressources dont vous aurez besoin, déclara-t-il finalement. Mais soyez prudente, et ne prenez aucun risque inutile. Je m'en voudrais de causer votre perte, même si l'avenir de la ville est en jeu.
— Bien, monsieur. Quand dois-je commencer ?
— Demain.
Chaerin s'empressa d'obtempérer. Elle courba légèrement l'échine pour saluer l'ambassadeur, et quitta son bureau en échafaudant des plans pour coincer les responsables. Bien qu'elle ne comprenne pas comme il était possible que des humains aient pu engendrer une tempête, les ordres de son supérieur étaient indiscutables. Elle était parvenue à tenir sa langue devant lui, mais elle brûlait d'envie d'en apprendre davantage.
Quant à Monsieur Seo, il avait d'autres préoccupations, comme l'évaluation des dommages. Les intempéries n'avaient heureusement causé que des dégâts matériels, mais ils étaient bien trop étendus pour que cette besogne incombe à ses conseillers.
Avec un soupir las, l'ambassadeur fit signe à l'employé qui attendait devant sa porte d'entrer.
⚘
Changbin avait finalement cédé à sa curiosité insatiable et demandé à Chan de lui conter les us et coutumes de son étrange peuple. Ce dernier s'était exécuté avec plaisir, ravi de pouvoir commencer à tisser des liens d'amitié avec lui.
Le noiraud avait quelque chose qui lui plaisait, une sorte de candeur mêlée d'une douce tendresse et d'un sens aigu du devoir. Cette attirance l'effrayait, mais il désirait en savoir plus, comme si une partie de lui souhaitait apprendre à davantage le connaître.
Le plus petit accepta ensuite d'expliquer au blond à quoi servaient les différents appareils de son appartement. Ce fut avec beaucoup de révérence que celui-ci y toucha, émerveillé et intimidé à la fois. Pourquoi son peuple avait-il renoncé à toutes ses technologies ?
— Elles ne nous apportent pas que des bienfaits, tu sais, indiqua Changbin. Elles ont eu beaucoup de conséquences néfastes.
Peu à peu, il avait cessé de se méfier de l'étranger. Ses barrières tombaient un peu trop rapidement à son goût, mais ne l'avait-il pas aidé par deux fois ?
Il partagea un repas avec lui, tout en se demandant s'il était prudent de le laisser dormir dans son appartement. Après tout, rien ne lui disait qu'il méritait sa confiance.
Chan se sentait parfaitement à l'aise auprès du noiraud, probablement parce qu'il s'agissait de la première fois qu'il rencontrait quelqu'un n'ayant aucun pouvoir, tout comme lui. Même s'il n'était plus chez lui, il possédait une remarquable faculté d'adaptation.
Son éducation différant de celle des Terriens, il n'éprouvait pas la même défiance que son nouvel ami. Malgré les regards avilissants de ceux de son village, aucun d'entre eux n'avait jamais songé à lui faire du mal. Il était d'une naïveté qui chamboulait le plus jeune, lui n'étant pas habitué à ce genre de comportements de la part des adolescents de son âge.
Changbin lui offrit de porter un de ces vêtements, et il accepta immédiatement. Ils avaient l'air bien plus confortables que sa tunique et son pantalon de toile.
Alors que le blond s'apprêtait à ôter ses habits devant son hôte, ce dernier le poussa dans la salle de bain. Les pommettes cramoisies, le noiraud grommela qu'il n'avait vraiment aucune pudeur. Il fit taire sa raison lui murmurant qu'il était bien trop embarrassé pour que ce soit juste à cause de cela, et alla l'attendre dans le salon.
Lorsque Chan revint vers lui, vêtu d'un hoodie bleu nuit et d'un jeans, il en resta bouche bée. Décidément, il n'avait rien avoir avec un extraterrestre. Seules ses prunelles bridées aussi chatoyantes que les saphirs témoignaient de ses origines.
— Mon meilleur ami va bientôt arriver, lâcha Changbin. S'il te plaît, évite de faire des conneries.
— Je ne vois pas pourquoi j'en ferai, rétorqua son vis-à-vis. Je suis déférent.
— Je sais, tu l'es trop d'ailleurs. Il restera une heure ou deux, le temps qu'on étudie pour notre examen d'astronomie. Je compte sur toi pour ne rien casser.
Le blondinet fronça les sourcils, signe qu'il était vexé par les propos de son hôte.
— Je serai un grand garçon, c'est bon, bougonna-t-il en faisant la moue.
La sonnette résonna dans l'immeuble, et le noiraud partit ouvrir la porte.
— Seung', je te présente Chan, marmonna ce dernier. Chan, lui c'est Seungmin.
— Enchanté, déclara poliment l'aîné.
— Je croyais que j'étais ton seul pote, s'étonna le brunet.
— Tu l'es. Lui c'est... mon cousin. Ouais, c'est ça, mon cousin.
— Pardon ? s'étonna l'aîné. En réalité, je...
Changbin lui décocha un regard aigu pour le faire taire. Il tira Seungmin par le bras jusqu'à sa chambre, et referma derrière lui.
— Il est bizarre, commenta le plus jeune, un sourire amusé sur les lèvres.
— Je sais, soupira son ami. J'espère qu'il ne restera pas trop longtemps.
D'un accord commun, ils ouvrirent leurs livres d'astronomie et parcoururent les pages à apprendre. « Rien de bien compliqué », se rassura le noiraud en apercevant les différents thèmes qu'ils avaient vus durant les derniers mois. Lorsqu'il aperçut le dernier titre, il se figea.
— Oh putain... Mais bien sûr, comprit-il enfin. Mars est une planète rouge...
« Chan est Martien ? » se demanda-t-il avec incrédulité.
Incapable de se concentrer sur ses études, son esprit se mit à échafauder toutes sortes de théories sur la possibilité que cette planète qui affichait des similitudes avec la Terre ait subi une terraformation.
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Le blond en provenance de Red Sun se morfondait. Il s'ennuyait à mourir, mais, de peur de déplaire à Changbin, il n'osait pas toucher à quoi que ce soit d'inconnu.
Yongbok lui manquait cruellement. À l'heure qu'il était, il devait sûrement se faire un sang d'encre pour lui. Un sourire amusé fleurit sur ses lèvres à la seule idée qu'il puisse avoir défié les Doyens. Il savait qu'il en était capable.
— Si seulement je pouvais lui faire parvenir un message..., soupira Chan à voix haute.
Perdu dans ses pensées, il approcha sa main de son verre d'eau posé sur la table à manger. Mais à peine l'avait-il effleuré que, soudain, une étincelle immaculée s'échappa de ses doigts.
Le jeune homme poussa un cri de surprise et plaqua brutalement sa main brûlante sur la table. La sensation de chaleur s'apaisa, et il la retira prudemment.
Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il constata que le bois avait noirci. Puis, il poussa un cri de stupéfaction.
Entre ses doigts tremblants dansait une petite flamme bleuâtre.
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