Seventh ⚘

Lorsque Chan se réveilla, il était oppressé par un mal de crâne atroce. Les souvenirs refirent peu à peu surface dans son esprit. Tout son corps le faisait souffrir, mais la seule pensée que Changbin soit peut-être blessé lui donna la force nécessaire pour ouvrir les yeux.

Il promena son regard sur la pièce et constata qu'il était seul. Malgré sa faiblesse, il posa ses mains sur ses tempes et employa tous ses efforts à faire taire le martèlement persistant. Ses doigts s'illuminèrent l'espace d'un instant, et la douleur disparut. Le blond poussa un soupir de soulagement.

C'est alors qu'il entendit des voix étouffées en provenance du couloir derrière la porte.

— Laissez-moi le voir !

— Monsieur, il n'a pas assez récupéré pour que nous tolérions une visite...

— J'en ai rien à foutre ! Vous avez refusé hier parce que j'étais encore mal en point, mais maintenant, je ne peux plus attendre ! Ouvrez cette porte !

En reconnaissant le noiraud, le cœur du jeune homme se réchauffa instantanément. « Il va bien », se rassura-t-il en sentant un sourire se dessiner sur ses lèvres.

Changbin fit soudainement irruption dans la salle, et leurs regards se croisèrent. Le sien était baigné de larmes.

— Channie ? laissa-t-il échapper avec étonnement. Ils ont dit que tu serais encore inconscient pendant une semaine !

— Je suis plus fort que ça, voyons...

En réalité, grâce à sa constitution différente de celle des Terriens, il récupérait bien plus rapidement qu'eux.

Le noiraud vint s'asseoir sur le matelas. Le mouvement arracha une grimace à son aîné.

— J'aimerais vraiment t'étreindre, mais je pense que c'est mieux d'attendre..., marmonna ce dernier.

— Où est-ce que tu as mal ? s'enquit son interlocuteur sur un ton alarmé.

— Partout...

« Il ne faut pas que ça devienne une habitude, non plus », songea-t-il avec amusement.

— Comment tu vas ?

— J'ai souffert d'une hypothermie légère, répondit Changbin en soupirant. Mais en tout cas, je suis bien moins amoché que toi !

— Je suis soulagé que tu aies bien..., souffla Chan.

Le noiraud piqua un fard et détourna le regard. Il ne réagit pas lorsque le Martien posa une de ses mains sur la sienne.

— Ça faisait trois jours que tu étais inconscient... je commençais vraiment à m'inquiéter, tu sais.

— Seungmin m'a dit que je ne survivrai pas, se rappela le blond. Il a encore menti...

— Puisque tu étais dans un état comateux, les policiers n'ont interrogé que nous deux. Ils avaient plusieurs preuves contre lui, par exemple les empreintes décelées, et ils l'ont déclaré coupable d'assassinats. Seungmin est maintenant en prison.

En observant attentivement son visage, le plus âgé comprit que cela ne lui apportait aucun réconfort. Il était seulement infiniment triste.

— J'ai réussi à persuader Min de ne pas parler de magie à la police. De toute manière, ils ne nous auraient jamais crus, même s'ils ne comprennent toujours pas l'origine de la lumière qu'ils ont vue...

— Je suis désolé...

— Pour quoi ? s'étonna Changbin.

— Pour lui et pour ton père. Cela n'aurait jamais dû se produire, Binnie. Nos lois intransigeantes nous défendent de nous en prendre à qui que ce soit, et encore moins à des Terriens. Enfin, hormis à un enfant d'ascendances terrienne et martienne...

— Min a dit que si tu avais été élevé comme les autres, tu lui aurais coupé la tête.

— Probablement, car on nous apprend que les hybrides doivent être éliminés.

— Mais tu lui as laissé la vie...

— Bien sûr. Ce n'est pas sa faute si une part de lui est indomptable. Les Terriens et les Martiens sont tout simplement incompatibles...

— Tu te rends compte que tu as risqué ta vie en lui prenant sa magie ?! éclata Changbin. Qu'est-ce que j'aurais fait, sans toi ?

— Mais je ne suis pas mort, Bin.

— Tu aurais pu.

— Sauf que non.

— Tu es désespérant.

Chan esquissa l'ombre d'un sourire en lui prenant les deux mains.

— Arrête de vouloir m'amadouer, se lamenta le noiraud en rougissant. Tu es la seule personne qu'il me reste...

— Je ne serais pas parti, tu es bien trop important pour moi.

— Pourquoi tu ne l'as pas écouté quand il parlait de me trahir ? Il a raison, je ne suis qu'un Terrien, après tout.

— Un Terrien vraiment attirant, renchérit très sérieusement le blond.

— Argh, tais-toi.

Le plus âgé sourit tendrement et alla doucement caresser les joues de son vis-à-vis. Celui-ci se laissa faire de bonne grâce en retenant son souffle.

— Seungmin parlait d'âmes sœurs... Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il dans un chuchotement.

— Il est dit qu'une âme ne peut naître sans une autre qui lui ressemble en tout point. Ce sont des êtres qui s'attirent comme des aimants et à qui on a confié une destinée semblable. Les Terriens pensent que ce n'est qu'une légende, mais chez les Martiens, il existe des Sorciers capables de les discerner.

— Et... tu penses que tu connais la tienne ?

Il y eut un long silence pendant lequel Chan chercha vainement à comprendre ce qu'il ressentait au plus profond de son cœur.

— Peut-être bien...

Encouragé, Changbin se pencha lentement sur son aîné qui ne broncha pas. Il approcha ses lèvres des siennes et y déposa un doux baiser.

— Tu crois... que ça pourrait être moi ? murmura-t-il.

En guise de réponse, le blond glissa ses mains dans la nuque de son vis-à-vis et l'attira à nouveau à lui.

Ils s'embrassèrent timidement, se faisant emporter par un flot tumultueux de sensations encore inconnues mais terriblement grisantes. Les paupières closes, Chan se laissa guider par ses sentiments et offrit le plus tendre des baisers à son cadet.

Il n'avait jamais considéré la possibilité de tomber amoureux d'un Terrien, d'un homme de surcroît, mais il s'en fichait. De toute évidence, l'âme qui le complétait en tout point était la sienne. Depuis le début, il s'était toujours senti profondément attiré par Changbin. Instinctivement, il l'avait protégé sans même savoir son nom et avait secrètement éprouvé le désir de le connaître davantage.

Le noiraud l'embrassa avec de plus en plus de passion, mais ce faisant, sa main s'appuya sur la cuisse du blond qui poussa un gémissement de douleur.

— Oh, pardon ! Je suis désol... hmm...

Chan le fit taire en allant cueillir un baiser sur ses lèvres. Avec regret, il finit par s'écarter de lui.

— Je ne suis pas encore en possession de tous mes moyens, s'excusa-t-il.

— Mais tu peux rentrer, n'est-ce pas ? fit le Terrien d'un air suppliant.

— Évidemment.

Satisfait de sa réponse, Changbin reprit docilement sa place sur le bord du matelas.

— T'es tout mignon, d'un coup, constata le blond. Je découvre de nouvelles facettes de toi, on dirait.

Le plus jeune détourna le regard en rougissant.

— Au fait, tu te souviens de quand je t'ai dit que ma mère m'était apparue en rêve ? s'enquit ce dernier. Et bien... elle m'a dit que je pouvais faire confiance au super-héros.

— Au « super-héros » ?

Le noiraud opina du chef.

— C'est un être généralement doté de pouvoirs qui fait le bien autour de lui. J'ai tout de suite su que c'était de toi qu'elle parlait.

« Il doit être beau et musclé, aussi », songea-t-il en s'empourprant.

— Ça me plaît bien, apprécia Chan.

Changbin resta songeur un long moment.

— À quoi tu penses ?

— À mon père..., répondit le plus petit. Il aurait probablement aimé savoir que notre ennemi a été défait.

— Eh... ne sois pas triste... Peu importe où il se trouve, je suis sûr qu'il le sait.

Le cadet baissa la tête en réprimant ses larmes de son mieux.

— Au moins, je t'ai toi, maintenant...

— Content de constater que tu ne me considères plus comme un fou, le taquina le blondinet.

— Tu crois vraiment que j'aurais embrassé un fou ? rétorqua l'autre en pouffant de rire.

Ils discutèrent encore un long moment, avant que Changbin ne se voie obligé de partir pour le laisser se reposer. Il lui souffla un baiser sur le bout des doigts, et rentra chez lui.

Chan ne parvenait pas à dormir. Étant resté plusieurs jours alité chez son petit ami, il ne ressentait pas la moindre once de fatigue.

Finalement, il quitta le lit en prenant bien soin de ne pas réveiller le noiraud allongé à ses côtés, et quitta la chambre. Il erra un instant dans l'appartement, avant de pénétrer dans une pièce qui contenait un bureau. « Celui de l'ambassadeur », supposa-t-il en allumant la lumière.

Il fureta un peu partout, avant de finalement remarquer un symbole familier sur un tiroir. Intrigué, il s'en approcha davantage. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il constata qu'il s'agissait de l'effigie de sa tribu !

Le blond laissa échapper une exclamation de stupéfaction. Son cerveau se mit à tourner à plein régime alors que des dizaines de questions l'envahissaient. « Le père de Changbin aurait-il un lien avec les Martiens ? »

Le souvenir des paroles décousues de Seungmin refit surface dans son esprit. « Peut-être bien... »

Le jeune homme cédait peu à peu à la tentation d'ouvrir le tiroir. « Pas sans l'autorisation de Binnie », décida-t-il. Mais il hésitait à aller le réveiller au beau milieu de la nuit. Pourtant, il savait pertinemment qu'il ne réussirait pas à se rendormir avant d'avoir contenté sa curiosité.

— Chan ?

Le concerné se retourna et aperçut le noiraud sur le pas de la porte. Sa chevelure plus sombre que la nuit était éparse, complètement ébouriffée et parsemée d'épis. Il peinait à garder les yeux ouverts.

« Trop mignon », s'attendrit Chan.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il d'une voix endormie.

— J'ai découvert quelque chose d'étrange, avoua l'aîné en indiquant le symbole. Regarde.

— Je n'avais jamais vu ce tiroir avant...

— Tu n'es jamais entré dans son bureau ?

— Je ne voulais pas me mêler de ce qui me regardait pas.

— C'est l'emblème de la tribu septentrionale, expliqua Chan.

Changbin resta un instant silencieux, cherchant à recouvrer complètement ses sens.

— Qu'est-ce que t'attends pour l'ouvrir ?

— Justement, j'attendais ta permission.

— Pas besoin de me demander, c'est chez toi, ici.

Le blond réprima de son mieux un sourire, et essaya d'ouvrir le compartiment. Malheureusement, il ne bougea pas d'un pouce.

— Quelqu'un l'a sciemment scellé avec de la magie, constata-t-il.

— Mon père ?

— Non, l'énergie que je ressens est martienne. Je vais essayer de débloquer le sortilège.

— Mets pas le feu à l'appartement, s'il te plaît.

Chan décocha un regard amusé à son petit ami désormais complètement éveillé. En se concentrant davantage, il découvrit que l'auteur avait usé d'un sort qui n'était maîtrisé que par une poignée de personnes.

— Un Doyen...? s'étonna-t-il en sortant de sa transe.

— Hein ?

— Est-ce que ton père était ami avec un vieil homme ?

— Je ne m'en souviens pas, Chan. Il ne voyait pas d'amis en dehors de son travail.

— Si l'auteur est bien un Ancien, je vois mal comment je pourrais le décadenasser, se découragea l'aîné.

— Essaie quand même. T'es pas un Martien normal, de toute manière.

— En effet.

Sans laisser le temps à Changbin de soupirer face à ses paroles surannées, il posa ses doigts illuminés contre le tiroir. Sa chevelure blonde et bouclée se mit à s'agiter sous l'effet d'une brise invisible, et le noiraud observa le phénomène avec fascination.

Soudain, un déclic se fit entendre, et le compartiment s'ouvrit de lui-même.

— T'as réussi ! s'enthousiasma le plus jeune. Comment t'as fait ça ?

— J'ai utilisé un soupçon d'illusions.

— Hein ?

— Je ne maîtrise pas de pouvoir capable de décortiquer la magie, alors j'ai simplement fait croire au sortilège que j'en étais l'auteur, pour ensuite le persuader de se débloquer.

Le Terrien resta bouche bée. Son vis-à-vis leva sur lui un regard bleu électrique pétillant de malice et de perspicacité.

— J'avais oublié ce détail, bougonna Changbin en le remarquant. Bref, qu'est-ce qu'il y a, là-dedans ?

— Des feuilles, un livre...

— Encore des dossiers...

— Et un fascicule coloré, ajouta Chan en sortant le tout de la cachette.

Ils se mirent à éplucher les papiers, sans toutefois dénicher quelque chose d'intéressant, hormis des avertissements.

— On dirait des lettres..., comprit alors le blond malgré sa difficulté à déchiffrer l'écriture.

— Papa échangeait des lettres avec un Doyen ? s'étonna le plus jeune. Ce ne sont pas des menaces, on dirait qu'ils s'entendent bien...

Le blond fut ébranlé en reconnaissant la signature qui s'étalait au fond. Seuls les conteurs et les Anciens utilisaient une écriture.

— Mon père..., articula-t-il enfin. Mon père parlait avec le tien... Mais comment...? Je croyais qu'il détestait les Terriens !

— Tout le monde a ses secrets, Chan...

— Je veux bien, mais il est allé jusqu'à me mentir et me retirer toutes mes prérogatives devant le village entier !

Le blond alla ouvrir la fenêtre de la pièce pour prendre une bouffée d'air frais, cherchant désespérément à faire taire le courroux qui sourdait en lui comme un volcan sur le point d'entrer en éruption.

— Chan...

Changbin vint appuyer son torse contre son dos, et passa ses bras autour de sa taille. Son souffle chaud effleura délicieusement la nuque de Chan, qui finit par se détendre.

— Peut-être que c'était trop dangereux qu'il le dévoile, même à son fils...

— J'ai grandi avec la conviction que personne, hormis Yongbok, ne pourrait comprendre mon attirance pour la souche ancienne de l'humanité, murmura l'aîné d'une voix éplorée. Et puis... mon père m'a appris très tôt qu'il était contre mes idéaux, contre mon besoin d'en apprendre davantage... Non, je pense qu'il me l'a caché parce qu'il ne m'aime pas.

— Mais s'il en savait plus qu'il ne le laissait entendre, ne crois-tu pas qu'il était au courant que tu étais un absorbeur ?

— Je ne veux pas entendre de pareilles fadaises !

Le noiraud ne réagit pas, car il savait que sa colère n'était pas réellement dirigée contre lui.

— Si c'était le cas, bredouilla Chan, pourquoi m'aurait-il sans cesse rabaissé ?

— Je n'en sais rien, Chan. Mon père non plus n'avait pas des raisons particulièrement évidentes, mais il agissait toujours pour mon bien et celui d'autrui.

— Mon bien ? Mais... je ne comprends pas...

— Seungmin a dit qu'absorber une trop grande quantité d'énergie magique pourrait te tuer, non ? se rappela le Terrien.

— Oui, mais ma magie s'est développée tardivement. Il n'y avait aucun risque que cela arrive.

Le blond exhala un profond soupir, observant le firmament constellé d'étoiles chatoyantes.

— Peut-être... qu'il voulait que tu sois mis à l'écart des autres.

L'aîné pivota sur lui-même pour se retrouver face à son petit ami.

— Qu'est-ce que t'as dit ?

— Il désirait peut-être que son fils développe les qualités qui font défauts à votre peuple, supposa Changbin.

Chan se mit à arpenter la pièce sous le regard inquiet de son vis-à-vis.

— Je n'en vois pas l'utilité, avoua-t-il finalement. L'aurait-il fait sous les ordres des Doyens ou du Sorcier ? Eux seuls connaissent ma destinée...

— Peu importe, trancha son interlocuteur. Je suis d'avis qu'il n'aurait jamais dû se comporter aussi durement envers toi. De toute façon, tu ne résoudras pas cette énigme cette nuit, alors arrête d'user le parquet. Viens plutôt lire le contenu du livre.

Le Martien dut admettre qu'il avait raison. Le noiraud lui saisit tendrement la main, avant d'ouvrir l'ouvrage pour le feuilleter.

— C'est un journal, je crois, l'informa-t-il en le lui tendant.

— Si c'est ton père qui l'a écrit, c'est toi qui devrais le lire, s'opposa aussitôt le blond qui désirait respecter leur intimité familial.

— Je préférerais qu'on le lise tous les deux...

Le plus jeune fit la moue, et Chan alla cueillir un baiser sur ses lèvres boudeuses en signe d'assentiment.

Changbin ouvrit donc le journal devant eux, découvrant ainsi une écriture précipitée, et ils s'installèrent en tailleur sur le sol.

« Dans ce journal, je vais relater les grandes lignes de mon existence. Je n'ai pas le temps d'entrer dans tous les détails, donc j'irai droit au but. »

— Il a probablement dû l'écrire récemment, avança le blond en posant sa tête sur l'épaule du noiraud.

« Je suis tombé amoureux d'une femme terrienne, et nous nous sommes mariés. Malheureusement, le destin a voulu qu'elle périsse en donnant naissance à notre fils, Changbin. J'ai pris beaucoup de temps pour faire mon deuil, trop même. J'ai négligé mon enfant, que j'avais confié à mes parents.
Un soir, alors que mon chagrin avait atteint son paroxysme, j'ai rencontré une étrange femme qui répondait au nom de Yena. Selon ses dires, elle provenait d'une autre planète qu'elle nommait Red Sun. (J'ai compris par la suite qu'il s'agissait en réalité de Mars.) Au début, je ne l'avais évidemment pas prise au sérieux, mais la manière dont elle se comportait m'a mis la puce à l'oreille. Pour elle, la Terre était Blue Sun, car l'océan règne sur tous les continents.
Elle m'a dit qu'elle cherchait à fuir son peuple qui l'avait ostracisée. Elle n'a voulu m'en donner la raison. »

— Bizarre...

Le plus jeune n'écouta son copain que d'une oreille, étant bien trop absorbé par sa lecture.

« Je l'ai accueillie chez moi en bonne et due forme, puis j'ai entretenu une courte relation amoureuse avec elle. Lorsqu'elle est tombée enceinte, j'ai compris mon erreur. Mais c'était trop tard.
Le jour où elle l'a appris, elle m'a dit qu'elle ne pouvait pas garder ce bébé. Je lui en ai demandé la raison, et elle m'a simplement révélé que, tout comme elle, il n'aurait sa place nulle part. Elle m'a affirmé que son peuple n'accepterait jamais un enfant au sang mâtiné du mien. »

— Ça veut dire que papa savait que son autre enfant était hybride, raisonna Changbin.

— Mais il ignorait que Yena elle-même était hybride, termina Chan.

« Les Terriens ne seraient pas plus conciliants, d'après elle. Et elle a eu raison, comme toujours.
Yena avait de la difficulté à maîtriser ses incroyables pouvoirs, et sa situation précaire avait empiré la chose. Elle a causé beaucoup de dommages à la ville, et la police a voulu l'arrêter.
Je n'ai pas eu le choix... Ses pouvoirs, en plus de menacer sa vie, pouvaient détruire Blue Sun. D'une relation entre un Terrien et une Martienne ne pouvait naître qu'un enfant sauvage qui influençait même la magie de sa mère. Après une longue discussion, j'ai réussi à lui faire comprendre que la Terre était un lieu bien trop dangereux pour elle, et qu'il valait mieux qu'elle rentre définitivement chez elle. »

— Mais cela n'arrangerait pas la chose, déplora l'aîné pendant que l'autre tournait la page.

« Elle m'a promis qu'elle renoncerait à ce bébé, mais j'ai vu l'amour d'une mère dans ses yeux. C'était trop tard, elle s'y était attachée, et rien ne pourrait la séparer de lui.
Nous avons cherché pendant des jours une façon de la ramener chez elle, mais avant que nous puissions tomber sur le portail, un Martien a débarqué chez moi. Il a exigé que Yena rentre et qu'elle lui remette son enfant, mais elle a refusé.
Ils se sont battus, longuement, avant qu'elle ne le mette hors d'état de nuire. Mais elle était blessée, et apparemment, bien plus que je le croyais.
Je l'ai soignée de mon mieux pendant des mois. Mais un drame est survenu. »

Changbin lâcha un profond soupir, apeuré par les découvertes qu'ils faisaient.

« Un matin, je ne l'ai pas trouvée à mes côtés. Elle avait disparu. Je me suis aussitôt mis à sa recherche, mais quand je l'ai trouvée, il était trop tard.
Elle gisait sur le sol, sans vie. Mais surtout, son bébé n'était plus là. J'ai tendu l'oreille, au cas où il pleurerait, mais rien. Je l'ai cherché, mais il n'était nulle part.
J'ai longuement pleuré sa mort, puis, le Martien est arrivé et m'a demandé de lui remettre l'enfant. J'ignorais où il se trouvait, alors il est reparti d'où il venait en me menaçant d'un terrible châtiment si je lui mentais. Étonnement, il n'avait pas l'air de se soucier du corps.
En le suivant secrètement, j'ai découvert qu'il avait utilisé un livre pour retourner chez lui. J'ai alors décidé que je déploierai tous mes efforts à refermer définitivement le portail pour que plus jamais les Martiens ne reviennent sur Terre.
Je suis revenu sur mes pas pour transporter le cadavre ailleurs, mais lorsque je l'ai touché, il a disparu en mille étincelles. Aujourd'hui encore, je n'en comprends toujours pas la raison. »

— Yena devait forcément être encore en vie ! s'exclama alors Chan. Sinon, comment Seungmin aurait-il pu connaître tout cela ?

— Il est donc bien mon demi-frère..., murmura le noiraud, secoué.

« Changbin, le portail est dans ce tiroir. Je t'en supplie, ne l'ouvre pas, auquel cas nous aurions probablement affaire à d'autres hybrides incontrôlables. Ces deux peuples sont semblables, mais leurs enfants sont bien trop puissants et sauvages pour ce monde. Il vaut mieux que chacun reste de son côté.
J'ai du contact avec un Martien d'une peuplade nordique qui est d'accord avec mon initiative. Mais bientôt, nous couperons tout lien pour notre bien à tous. »

— Comment se peut-il que je sois arrivé ici si le portail était fermé ? questionna alors Chan.

Le noiraud ne lui répondit pas. Son teint était livide.

— Binnie..., murmura doucement le blond en l'apercevant. Ça va aller, cette histoire date d'il y a presque vingt ans...

— Non... Non, ça ne va pas du tout, gémit Changbin en se redressant. Pourquoi Seungmin voulait me tuer ? Ce n'était pas du tout de la faute de mon père si sa mère est morte !

— Je n'en sais rien, peut-être que Yena lui a servi un discours différent. Et puis, je ne pense pas qu'elle ait réellement été morte.

— Mais elle l'aimait !

— Ça, on n'en sait rien, rétorqua l'aîné. C'est ce que ton père prétend, mais on n'a aucune preuve. Si ça se trouve, Yena s'est servie de son fils pour instiller en lui une haine incommensurable contre l'humanité qu'elle tient responsable de son malheur.

— Ça tient la route, concéda son petit ami. Et peut-être que Seungmin a mal interprété ses propos... Mais on n'en saura rien pour le moment, il est en train de se faire juger.

Une terrible pensée lui effleura alors l'esprit. Son regard tomba sur le fascicule à la couverture bariolée qui ressemblait étrangement à une bande dessinée.

— Channie, le portail est juste là.

Le blond l'examina attentivement.

— Il ressemble à celui que j'ai emprunté pour arriver ici, nota-t-il, mais ce n'est pas le même.

— Tu... Tu vas t'en aller ?

Le Martien perçut un tremblement dans sa voix.

— Quoi ? Bien sûr que non ! Je ne veux pas partir loin de toi...

Chan se jeta sur Changbin pour l'étreindre si fort que celui-ci en perdit son souffle et tomba à la renverse. De ses grandes mains marbrées de traces bleutées, il imita le geste que le rouquin avait si souvent fait avec lui : il les passa dans la chevelure de jais de son petit ami et caressa tendrement sa nuque.

— Je ne veux pas y retourner, je prendrais un grand risque en ouvrant le portail... et surtout, je ne veux pas te perdre.

— Si tu restes ici, tu ne reverras plus jamais les tiens..., bredouilla le noiraud en serrant les larges épaules de son vis-à-vis de son mieux.

— De toute façon, je serais constamment en danger, là-bas. Je préfère la Terre, au moins je peux avoir des contacts avec des gens sans craindre pour ma vie.

— Tu en es sûr ? Tu ne pourras jamais connaître la raison du comportement de ton père.

— Absolument certain, Binnie, affirma le blond. Ce n'est pas grave, je n'ai pas envie de le revoir, ni même de savoir. Cela ne me concerne plus, j'ai pris mon existence en main, désormais. Je suis parfaitement heureux sur Terre, et j'ai même une idée de ce que je pourrais y faire.

Il rapprocha lentement son visage de son vis-à-vis.

— Et puis... comment pourrais-je retourner là-bas en sachant que mon âme sœur vit ici ?

— Tu n'es même pas sûr que je sois vraiment ton âme s...

L'aîné plaqua ses lèvres contre les siennes pour l'interrompre et l'embrassa avec passion. Changbin se laissa entraîner en poussant un léger gémissement, puis l'imita. Ses mains descendirent progressivement de ses bras à ses hanches afin de les caresser à travers ses vêtements.

Lorsque Chan s'arrêta pour le dévisager tendrement, le plus jeune dut faire un effort surhumain pour maîtriser ses pulsions. Le Martien dut le remarquer, car un léger sourire amusé fendit ses lèvres. Il se pencha jusqu'à effleurer son oreille de sa bouche, se découvrant un don de séduction qu'il ignorait posséder.

— Je suis complètement fou de toi..., minauda-t-il.

Dans les prunelles du noiraud, une étincelle de désir chatoya de mille feux. Ces quelques mots l'avaient profondément pénétré et réchauffé son cœur endolori par ses nombreuses pertes. Au fond de lui, il eut alors la certitude que leurs sacrifices n'étaient pas factices, que leur avenir aux destinées enchevêtrées n'avait rien d'un futur chimérique.

« Je n'ai pas tout perdu..., comprit-il enfin en apercevant les iris céruléens de son interlocuteur. Au contraire, j'ai tout gagné. »

Avant que le Terrien ne puisse réclamer un autre baiser, son petit ami se redressa souplement avec un clin d'œil. Le plus jeune le laissa faire sans chercher à contenir sa déception.

Lorsqu'il fut arrivé à la porte, le blond se retourna pour le gratifier d'un sourire espiègle, avant de filer dans la pièce adjacente.

« Chan, tu es à moi », jura Changbin en se levant.

À suivre...

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