Fifth
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Avec la furtivité d'un félin, la silhouette dissipa ses sorts et disparut du quartier en se fondant dans l'air.
Le faiseur de feu avait fait échouer ses plans qui consistaient à tuer le fils de l'ambassadeur pour faire souffrir celui-ci. Mais désormais privé de ses fantastiques pouvoirs, il n'en était plus du tout capable.
De par son sang de Martien mâtiné de Terrien, il était certes puissant, mais il n'avait été qu'un pion décevant. Tant pis, il ne pouvait plus se servir de lui. La magie du blond l'avait bien trop affaibli pour qu'il puisse un jour se rétablir de la blessure béante due à l'absence de son feu.
L'homme se matérialisa dans une pièce déserte d'un immense bâtiment. Peinant à réfréner sa hargne, il serra les poings. Par la seule force de son esprit courroucé, les vitres et l'ampoule éclatèrent. Des tessons de verre s'éparpillèrent dans la salle, mais ils laissèrent l'intrus parfaitement indifférent.
Il s'efforça d'inspirer profondément. Pour mener à bien son nouveau plan, il devait à tout prix passer inaperçu.
Il resta un long moment songeur. Il n'avait jamais fait face à quelqu'un qui pourrait mettre en péril le pouvoir qu'il exerçait sur ces Terriens faibles et ignares. Mais le blond qu'il avait aperçu, Chan, représentait une menace considérable pour lui. Il en vint rapidement à la conclusion que l'unique manière de se débarrasser de ce gêneur était de l'éliminer. Pourtant, il hésitait, même s'il ne doutait pas qu'il avait assez de puissance pour le détruire.
Puisque ce blond protégeait Changbin, il ne pouvait pas assouvir ses représailles sanglantes, et cela l'emplissait d'une rage folle. Tant pis, il allait s'y prendre autrement. « La vengeance est un plat qui se mange froid, après tout », ricana-t-il intérieurement.
Un rictus sadique aux lèvres, il quitta la salle et s'avança sans se presser dans un long couloir blanc et propre. Les portes se succédèrent, mais il ne rencontra pas âme qui vive, avant d'enfin tomber sur une employée qui semblait dans la lune. Lorsqu'elle fut à sa portée, il la saisit par la gorge et fit jaillir une décharge électrique. Les yeux de la pauvre femme se révulsèrent et elle s'effondra au sol, inerte.
L'homme poursuivit son chemin, tuant tous ceux qui se trouvaient sur son passage, jusqu'à ce qu'il déniche la salle qu'il recherchait. Comme elle était surveillée par des gardes, il se fit discret et se débarrassa d'eux en les électrocutant à distance. Il commanda ensuite au vent d'ouvrir la porte, et pénétra dans le bureau.
— Qui êtes-vous ? retentit une voix masculine.
La silhouette distingua sa proie à l'opposé de lui, une agrafeuse dans les mains. Il fit un pas dans sa direction.
— Non ! Je vous interdis de vous approcher !
— Sinon quoi ? Vous allez m'agrafer au mur ? railla-t-il.
— Qu'est-ce que vous voulez ? Pourquoi avoir tué ma stagiaire ?
L'individu pencha la tête de côté.
— Je veux votre mort, Seo. Quant à votre employée... Je n'aime pas qu'on fouine dans mes affaires.
— Vous êtes un monstre ! s'écria l'ambassadeur, terrorisé.
Son vis-à-vis éclata d'un rire antipathique.
— Moi, un monstre ? Mais vous ne vous êtes pas regardé, ma parole !
— Qu'ai-je donc fait pour ainsi attiser votre haine ?
— Vous avez rejeté une femme uniquement parce qu'elle venait d'une autre planète ! À cause de vous, ma vie a été ravagée de souffrance et constamment parsemée d'embûches !
— Elle...
Les yeux de Monsieur Seo se remplirent de larmes.
— Ce n'est pas ce qui s'est passé, murmura-t-il. Je l'avais prévenue que la Terre était un lieu bien trop dangereux pour elle, mais elle ne m'a pas écouté...
— Je vous interdis de prononcer un seul mot de plus, est-ce bien clair ?! explosa la silhouette sur un ton impérieux. Je présume que vous ne souhaitez pas précipiter votre mort, alors taisez-vous. Estimez-vous heureux que je daigne vous parler.
Il bouillait d'une aversion intarissable pour l'ambassadeur. Rien ni personne ne l'arrêterait, cette fois-ci.
— Aujourd'hui, je vais enfin la venger en débarrassant l'univers de votre présence néfaste, se réjouit l'intrus. Et juste après, j'étancherai ma soif de hargne sur votre fils.
— Non ! Je vous interdis de toucher à Changbin ! Ce qu'il s'est passé entre elle et moi ne le concerne d'aucune façon !
— Détrompez-vous. Changbin et moi sommes tous les deux impliqués à vos sottises.
Monsieur Seo sembla enfin comprendre qui il était, car il s'était figé.
— Vous... qu'allez-vous faire ? Et... pourquoi maintenant ?
La silhouette ricana méchamment.
— Je ne suis pas naïf au point de vous raconter mes plans, Seo. J'ai pris tout mon temps pour préparer ma vengeance, et maintenant, je suis fin prêt. J'aurais bien voulu me débarrasser de Changbin en premier, mais il est sous la protection d'un Martien particulièrement coriace.
« Un Martien ? » s'étonna le père du noiraud en écarquillant les yeux.
— J'imagine que vous n'étiez pas au courant, en conclut l'autre. Mais ça ne fait rien, je commencerai par vous. Je trouverai de toute façon un moyen de me débarrasser de lui, et votre lignée s'éteindra.
— Je n'ai rien fait de mal ! se défendit l'émissaire. C'était la décision de Y...
— Foutaise ! Vous avez décidé de fermer le passage à tout jamais !
L'indésirable se rapprocha de lui, le regard chargé de rancœur.
— Je n'avais pas le choix..., articula le pauvre homme en reculant jusqu'à se cogner contre le mur derrière lui.
— Elle est morte, par votre faute ! hurla son vis-à-vis. Vous allez payer pour vos crimes !
L'ambassadeur n'eut pas le temps de rétorquer. Il sentit ses poumons se comprimer dans sa poitrine, et l'air lui échappa.
— Oups, s'amusa l'individu. Je crois bien avoir oublié de vous dire : je suis le descendant du premier hybride. Ce qui signifie que j'ai, tout à fait par mégarde, hérité de certains pouvoirs. Dommage pour vous.
Alors que son vis-à-vis suffoquait, il s'évapora en riant sadiquement.
Monsieur Seo, se sentant défaillir, se raccrocha à son bureau.
— Changbin... je suis désolé...
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Chan se réveilla sur un lit qu'il ne reconnaissait pas. Lorsqu'il voulut bouger, il sentit le matelas s'affaisser.
— Channie ? Est-ce que ça va ?
Le blond se tourna face à Changbin qui le dévisageait avec inquiétude.
— Depuis quand tu m'appelles « Channie » ? s'enquit-il avec amusement.
— Chan ! Je suis sérieux, là !
— Je me sens tout étourdi, mais ça va. Combien de temps ai-je dormi ?
— La fin de la journée d'hier et toute la nuit.
— Oh... et toi ? Comment va ta brûlure ?
— Justement, je n'arrive pas à la soigner, avoua le noiraud en soupirant.
Le Martien fronça les sourcils. Il usa de ses dernières forces pour s'asseoir.
— Montre.
— Chan, tu dois te reposer..., protesta Changbin.
— Je ne pourrais pas dormir en sachant que tu souffres. Montre.
Le noiraud exhala un profond soupir, et lui tendit finalement son bras parsemé de brûlures plus ou moins grandes. La plus foncée attira l'attention de Chan. Il l'effleura à peine, mais cela arracha un cri de douleur au Terrien.
— Ce n'est pas normal, s'alarma-t-il.
— Je l'ai passée sous l'eau froide des dizaines de fois, mais rien n'y fait, indiqua le plus jeune. Même quand je n'y touche pas, ça me fait mal.
— Je vais devoir essayer quelque chose, alors.
— Chan, depuis quand tu as des pouvoirs ? Tu m'as dit que...
— Je pensais vraiment que je n'en avais pas, rétorqua l'aîné. Mais après avoir eu un contact avec Hyunjin pour la première fois, j'ai été capable de former des flammes.
— Tu as ouvert la porte sans la brûler, pourtant.
— Parce que mon pouvoir n'est pas le feu, mais l'absorption.
— Hein ?
— J'ai compris que, lorsque j'ai un contact physique avec quelqu'un, je suis capable de reproduire son type de magie par la suite. Mais apparemment, pas seulement. Je peux vider totalement une personne de ses pouvoirs.
Changbin resta un long moment songeur.
— Combien de gens as-tu touché ? chercha-t-il à savoir.
— Pas énormément, essentiellement mes proches. Peu de gens voulaient m'approcher, de toute façon.
— Si ça se trouve, vu qu'elle s'est enclenchée que récemment, tu n'as pas acquis la magie de tous ceux que tu as touchés dans ta vie...
— Peut-être bien, admit Chan. Mais en tout cas, j'ai le pouvoir de Hyunjin et celui de ma mère. Elle fait de la lévitation, et c'est ce qui m'a permis d'ouvrir la porte.
— Tu as dû avoir des contacts récents avec elle. Ça ne veut rien dire.
— C'est pourquoi je vais tout de suite vérifier ce que je sais faire.
— Channie, tu es épuisé, riposta le noiraud. Je t'interdis de te mettre en danger, je peux attendre.
— C'est bizarre que tu t'inquiètes pour moi, d'un coup.
Le concerné lâcha un soupir d'irritation.
— Va te recoucher, marmonna-t-il en passant outre le commentaire de son vis-à-vis.
— Pas question. J'ai assez dormi !
— Ce n'est pas suffisant. Regarde-toi, tu trembles et tu tiens à peine assis.
Chan dut admettre que Changbin avait raison. Mais il était prêt à mettre sa faiblesse de côté pour apaiser les souffrances de son cadet.
— D'abord, laisse-moi te soigner, insista-t-il.
Le noiraud protesta encore, mais finit par céder en maugréant.
Le blond fit la sourde oreille à ses complaintes et approcha ses doigts de la cloque. En se concentrant intensément, il parvint à faire briller sa paume. Face à ce signe encourageant, Changbin se tut.
Son père ayant souvent fait appel à son pouvoir de guérison, le Martien savait parfaitement comme s'y prendre.
Il passa lentement sa main au-dessus de la brûlure, interceptant les différentes informations qu'elle lui renvoyait. Oui, le noiraud était cruellement calciné, mais son mal était bien plus profond que la boursouflure ne laissait croire.
Chan sentait son énergie s'envoler par bribes, mais il n'en tint pas compte. Sa paume émit une lumière plus vive encore alors qu'il la posait sur la cloque. Les deux jeunes hommes serrèrent les dents pour supporter la douleur qui résulta de cette action.
Lorsque le Martien éteignit sa main, il était complètement fourbu. Il se laissa tomber sur l'édredon, tandis que l'autre observait son bras. Toutes les brûlures avaient disparu, même sa constante douleur aux côtes s'était amenuisée.
Changbin voulut remercier son aîné, mais celui-ci s'était endormi. En se disant qu'il avait bien fait de sécher les cours, il remonta la couette jusqu'à son menton, et quitta silencieusement la pièce.
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Le blond se réveilla dans l'après-midi. Tous les muscles de son corps le faisaient atrocement souffrir, mais il n'en tint pas compte et se leva. Il constata qu'il était vêtu des mêmes vêtements qu'il portait lors de l'attaque de Hyunjin.
Son regard dévia aux alentours. Il se trouvait dans une pièce sobre, sans artifices inutiles, uniquement constituée d'un lit, d'une armoire, d'un bureau et d'une bibliothèque. « Je suis dans la chambre de Binnie », comprit-il enfin. Pourquoi lui avait-il laissé son lit, alors qu'il l'avait fait entrer dans son appartement avec réticence ?
Il aperçut finalement un verre d'eau posé sur la table de chevet, à côté d'une pile de vêtements propres. « C'est de plus en plus bizarre... », se dit le blond, perplexe. Toutefois, il se désaltéra et se changea, tout en grimaçant sous le moindre geste qu'il esquissait. Il n'avait pourtant pas fait de mouvements brusques. « Je me pencherai sur ce mystère plus tard », se résolut-il.
En abaissant la poignée, le jeune homme s'aperçut avec étonnement que son hôte n'avait pas fermé la porte à clé. Bien décidé à le questionner sur ses agissements inaccoutumés, il s'avança à petits pas prudents en direction du salon.
Bientôt, des sons presque imperceptibles lui parvinrent. Alarmé, Chan mit de côté ses douleurs et se précipita dans la direction que ses oreilles lui indiquèrent.
— Binnie ?
Celui-ci, roulé en boule sur le canapé, laissait échapper des sanglots étouffés par les oreillers. N'écoutant que son cœur, le blond se coucha à côté de lui et passa ses bras autour de sa taille.
Contrairement à ce qu'il crut, Changbin n'eut aucun mouvement de recul. Au contraire, il se blottit un peu plus contre lui, et enfouit son visage dans son cou pour pleurer toutes les larmes de son corps. Elles glissèrent sur la peau de Chan, mais celui-ci s'en fichait, tant qu'il pouvait apporter un peu de réconfort au plus jeune. Il lui murmura maintes et maintes fois que tout irait bien au creux de son oreille, espérant ainsi l'apaiser.
Les adolescents s'étreignirent ainsi pendant de longues minutes, jusqu'à ce que le noiraud, embarrassé, ne finisse par repousser son vis-à-vis et par s'asseoir. Le Martien ne s'en offensa pas, prenant aussitôt la même position que lui.
— Eh... qu'est-ce qui se passe ? s'enquit-il lorsqu'il ne parvint plus à contenir sa curiosité plus longtemps.
Changbin se mordit la lèvre inférieure tout en réprimant de nouvelles larmes de peine qui ne demandaient qu'à dévaler ses joues mouillées. Incapable de prononcer le moindre mot, il alluma la télévision. Il s'agissait d'un objet technologique que Chan ne connaissait pas, mais il préféra taire ses interrogations, et se concentra sur le reportage.
Immanquablement, le noiraud tomba sur ce qu'il recherchait, puisque toutes les chaînes parlaient de ce malheureux évènement.
— Hier dans l'après-midi, l'ambassadeur Seo a été retrouvé mort dans son bureau. Plusieurs de ses employés ont par ailleurs subi le même funeste sort. Les traces sont multiples et ne permettent pour l'instant pas d'identifier le ou les responsables de ces assassinats. Nous ignorons s'ils étaient prémédités, mais de toute évidence, la cible était bien indiquée. La plupart sont décédés par électrocution ou par asphyxie. Mais certaines personnes ont rendu l'âme d'une bien curieuse manière : leurs organes vitaux ont été recouverts de glace. Quant à Monsieur Seo lui-même, sa cage thoracique a été écrasée, mais rien n'indique qu'il ait été victime d'agression. Des recherches sont en cours pour déterminer comment cela s'est produit, et retrouver le ou les meurtr...
Le plus jeune éteignit sèchement et fondit en larmes.
— Bin, je suis navré..., murmura doucement le blond.
— C-C'est lui... le s-salaud qui veut ma m-mort l'a t-tué...
Chan ne le savait que trop bien, mais il ignorait quoi dire pour réconforter son ami.
Il aperçut dans son regard sombre la profondeur de sa peine, et cela le toucha. Cette personne avait détruit toute sa vie en un claquement de doigt.
L'aîné le serra dans ses bras, embrassant doucement sa chevelure d'ébène. Ses gestes d'une tendresse exquise eurent finalement raison de la vive détresse de Changbin. Il sécha ses pleurs une heure plus tard, harassé et brisé par la tristesse. Mais rien ni personne ne pourrait la faire disparaître, seul le temps l'allégerait.
Le blond s'attrista de voir vaciller un intense désir de vengeance dans ses yeux.
— Binnie... cela ne réglera rien, murmura-t-il en lui prenant les mains. Je le retrouverai et je lui ôterai sa magie, je te le promets.
— Il mériterait de...
— Oui, tu as raison, mais ce n'est pas notre rôle de s'occuper de la justice. Ou ai-je tort ?
Le silence du noiraud était éloquent.
— Et même si les hommes en uniforme bleu sont censés s'occuper de cela, tu sais autant que moi qu'ils se feront massacrés si je ne fais rien. Je suis le seul capable de le neutraliser avant qu'il ne fasse d'autres victimes. Tu es triste, et je comprends tout à fait, Bin. Mais entretenir des pensées vindicatives ne fera qu'empoisonner ton cœur, et c'est la dernière chose que je souhaite...
— Pourquoi tu te soucies autant de moi ? questionna Changbin d'une voix cassée. Je ne pose que des problèmes.
Chan passa ses pouces sur les pommettes humectées de son cadet en de douces caresses destinées à retirer les larmes. Le noiraud, malgré ses joues qui devenaient de plus en plus chaudes, se laissa faire.
— Tu sais, sourit alors l'aîné, quand je t'ai vu pour la première fois, j'ai tout de suite su que nos destins seraient liés. Tu étais là, paralysé par la peur, sur le point d'être frappé par la foudre. Même s'il est vrai que je serais de toute façon allé à ton secours, quelque chose m'a poussé à le faire. J'ignore ce dont il s'agit, mais je sais qu'écouter mon instinct a été la meilleure chose que je n'ai jamais faite. Tu es quelqu'un de spécial, Binnie. On ne se connaît que depuis quatre jours, mais je sais que sous ton regard dur se cache une douceur inattendue, que même si tu feins l'impassibilité, au fond, tu souffres plus que moi. Sache que je tiens énormément à toi.
Son vis-à-vis ne sut pas comment réagir à cette marque de confiance. Au lieu de s'en sentir froissé, le blond lui sourit à nouveau.
— D'ailleurs, il va falloir que tu m'expliques pourquoi d'un seul coup tu me laisses ton lit.
— Je... j'ai rêvé de ma mère, cette nuit...
Chan arqua les sourcils. Il aurait voulu en savoir davantage, mais en apercevant les yeux sombres de Changbin se remplir de larmes, il se ravisa. Il se contenta de le serrer à nouveau dans ses bras, se découvrant une tendresse tout à fait inopinée pour lui.
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