Second

— Environ dix fois moins massive que notre planète, Mars ressemble fortement à la Terre : elle a des volcans, des crevasses, des vallées, des plateaux, des dunes, et même des calottes polaires. Les cratères qui parsèment sa surface accentuent néanmoins sa ressemblance avec la Lune. De très rares évènements naturels se produisent parfois, comme des coulées de lave, des séismes, et des geysers. Certaines traces sur son sol rocheux témoignent de la présence ancienne de lacs. On suppose donc que, jadis, cette planète était sillonnée d'eau, et que des formes de vie similaires que sur Terre s'y étaient formées. Or, la présence durable d'eau liquide à la surface de Mars est considérée comme improbable. En effet, compte tenu de la pression et de la température à la surface de Mars, l'eau ne peut exister à l'état liquide et passe directement de l'état solide à l'état gazeux.
» La masse de son atmosphère est environ deux cent fois moins élevée que l'atmosphère terrestre. Mars possède deux satellites naturels, Phobos et Déimos.
» Ses saisons sont similaires à celles de la Terre, mais elles sont d'intensité et de durée très inégales au cours de l'année martienne. L'hémisphère septentrional connaît ainsi des saisons moins marquées que l'hémisphère méridional : ses hivers sont courts et doux, et ses étés, longs et frais. À l'inverse, le sud connaît des hivers longs et très froids, et des étés courts et chauds. Un jour dure environ vingt-quatre heures, trente-neuf minutes et trente-cinq secondes, soit presque quarante minutes de plus que sur Terre.
» La couleur rouge de Mars est due à l'abondance d'hématite amorphe à sa surface, c'est pourquoi elle est souvent surnommée « la planète rouge ».

Changbin lâcha un profond soupir au terme de sa lecture, et referma son livre. Il n'était décidément pas d'humeur à étudier son cours d'astronomie. Le souvenir cuisant de sa rencontre avec Hyunjin l'obnubilait au point qu'il ne parvenait plus à se concentrer sur ce qu'il faisait.

Il se leva, et alla passer une énième fois son coude sous l'eau froide. Peut-être était-ce simplement psychologique, mais il avait l'impression d'être cruellement calciné, alors que sa peau avait à peine roussi. Toujours aussi perplexe quant à la provenance de la brûlure, son esprit était tourmenté par des questionnements sur le grand châtain de sa classe.

Jamais il n'avait paru aussi effarouché auparavant. Il était pourtant d'un naturel confiant, mais il avait reculé aussitôt qu'une flamme avait brûlé sa victime. Changbin écarta rapidement l'idée qu'elle avait peut-être été produite par lui, il n'y croyait pas une seule seconde. Mais malheureusement, il ne parvenait pas à formuler une autre hypothèse.

Il dut se contenter d'un mystère et d'un épiderme brunâtre comme unique preuve.

Son père n'était pas encore rentré, comme à son habitude. Il avait probablement dû s'occuper d'un autre de ses innombrables dossiers.

Légèrement anxieux, le noiraud décida de quitter l'appartement pour aller prendre l'air. Il enfila un manteau pour se protéger de la bise fraîche du soir, et sortit en fermant la porte derrière lui.

Histoire de pouvoir marcher sans être importuné par des passants ou des véhicules, il choisit de se promener dans un endroit reculé de la banlieue à proximité de chez lui. Il y allait souvent avec Seungmin pour se détendre avant les examens.

Changbin s'aventura dans une rue jalonnée d'arbres qui commençaient à perdre leurs feuilles jaunâtres. Il respira profondément l'air froid, se détendant enfin.

Tout était calme, trop même. Ni voitures, ni conversations lointaines ne se faisaient entendre. Seul le vent bruissait autour de lui et agitait sa chevelure de jais.

L'ambiance était bien trop irréelle à son goût. Inquiet, il chercha à rebrousser chemin. Mais quelqu'un arrêta son geste.

Entre deux arbustes rubescents, une silhouette se détachait de la ruelle baignée de pénombre. Une paire d'yeux d'un blanc intense s'allumèrent au beau milieu de l'obscurité.

Effaré, Changbin ne parvint plus à esquisser un seul mouvement. Autour de lui, le temps se gâta brusquement, et une tempête se déchaîna.

Une bourrasque impitoyable se leva et fit danser les feuilles des arbres. Une pluie drue et torrentielle tomba, et le jeune homme se mit à claquer des dents sous le froid hiémal.

Ses yeux s'emplirent d'effroi lorsqu'il aperçut l'asphalte se couvrir d'arabesques de givre. Ils sillonnèrent jusqu'à lui en se durcissant de plus en plus. Bientôt, le trottoir et la route se retrouvèrent ensevelis sous une épaisse couche de glace azurée.

Lorsque la foudre s'abattit sur un des végétaux en l'incendiant d'un seul coup malgré la pluie, le noiraud s'arracha enfin à sa fascination. Il se mit à reculer sur ses jambes chancelantes, priant pour que rien ne l'atteigne.

— Bordel, mais qu'est-ce qui se passe ?! s'énerva-t-il en apercevant le feu se propager aux autres arbres à une vitesse fulgurante sans même être freiné par l'eau.

Le dernier pas qu'il esquissa fut suivi d'un craquement sonore. Changbin baissa les yeux et distingua la glace fendue sous ses pieds.

En reportant son regard sur la rue, il fut submergé d'épouvante. La foudre, illuminée d'une puissante lumière argentée, tombait avec de plus en plus de force en se rapprochant de lui. Le vent qui sévissait poussait la fumée noirâtre issue de l'incendie en direction de l'adolescent terrifié.

Alors qu'il croyait sa dernière heure venue, le noiraud sentit une main lui agripper le poignet et le tirer en sens inverse. Incapable de résister, il suivit docilement la personne qui fuyait loin de la tempête. La glace se lézarda en d'horribles craquements sous leurs pas, mais cela n'arrêta pas l'autre pour autant.

Les jambes vacillantes du jeune homme à la chevelure d'ébène ne lui permirent pas d'aller bien loin. En effet, une centaine de mètres plus tard, il chut brutalement sur le bitume. Ils étaient loin du givre et de la foudre, mais les gros nuages de fumée les poursuivaient toujours avec ferveur, et il en était de même pour l'ondée.

— Relève-toi, tout de suite ! s'écria une voix masculine.

Mais Changbin, complètement terrorisé, ne l'entendit pas. Il tremblait comme une feuille, et son sauveur grimaça. Ils devaient partir vite, autrement les intempéries finiraient par les rattraper.

— Allez, lève-toi ! Je ne compte pas te laisser périr ici !

Il posa ses mains sur les larges épaules de l'adolescent et le secoua pour chasser sa torpeur. Celui-ci sembla graduellement reprendre contenance. Se rendant compte de la proximité de l'étranger, il le repoussa violemment.

— J-Je...

— Viens, ordonna sévèrement le plus grand.

Sans rétorquer d'une quelconque manière, car l'orage qui approchait dangereusement l'effrayait, Changbin se releva en s'aidant de ses bras. Après s'être assuré que ses jambes étaient assez solides pour le porter, son vis-à-vis lui agrippa à nouveau le poignet et l'exhorta à courir.

Le noiraud fut poussé par son instinct, qui lui insufflait la force de fuir la tempête. Il suivit sans discuter le garçon salvateur, s'éloignant ainsi des volutes de nuage et de fumée.

Les iris chatoyant s'éteignirent dans la nuit. L'homme avait échoué, mais rien ni personne ne l'empêcherait d'accomplir ses méfaits, pas même la personne qui avait eu suffisamment de toupet pour épargner à l'adolescent l'impétuosité cruelle des intempéries.

Un sourire sadique fendit ses lèvres fines. Il avait tout son temps pour parfaire son plan. La destruction de la race humaine ne tarderait pas. Tout de suite après le fils de l'ambassadeur, c'était la ville qu'il allait réduire en cendres.

La silhouette esquissa un geste sec de la main. Obéissant à son ordre silencieux, la pluie s'arrêta et les nuages s'évaporèrent. Il choisit néanmoins de laisser l'incendie se propager. Il se baissa en direction de l'asphalte et plaqua sa paume contre la glace. Aussitôt, elle s'étendit à plusieurs kilomètres à la ronde jusque dans les rues voisines, et remonta le long des murs des immeubles.

Après tout, rien ne l'empêchait de commettre des ravages sur son passage.

Le vent tomba quelques instants plus tard. L'homme agita ses doigts, et des rubans de brouillard épais enveloppèrent le quartier.

En entendant les sirènes des pompiers se rapprocher de sa position, il s'évanouit dans l'air.

Il n'avait pas encore tout à fait terminé, car il lui restait une dernière chose à accomplir. Son échec était cinglant, mais il avait d'autres desseins en réserve.

Il ne comptait pas laisser ses déboires l'arrêter.

Il se laissa porter par le vent, et se matérialisa dans une allée qui se trouvait dans une autre banlieue. En ressentant la présence du garçon avec qui il était venu s'entretenir, il esquissa un petit rictus.

— Approche.

Une ombre se profila aussitôt entre deux immeubles. Grande et élancée, elle s'approcha à petits pas prudents en direction de la silhouette qui venait de lui adresser la parole.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il craintivement en apercevant les iris opalins du visiteur.

— N'aie crainte, Hyunjin. Je suis seulement venu de proposer un marché.

Le concerné fronça les sourcils. Cet homme le connaissait, mais lui ne parvenait pas à reconnaître le timbre âpre de sa voix.

— Quoi comme marché ? s'enquit-il.

L'autre dissimula habilement sa satisfaction. Il savait que sa curiosité prendrait le pas sur sa peur pourtant parfaitement fondée.

— Je sais ce dont tu es capable, faiseur de feu.

Le visage du châtain se crispa avec terreur.

— Je sais également que cela t'effraie, continua l'inconnu. Et donc, c'est très simple. Je t'apprendrai à maîtriser le pouvoir tumultueux qui brûle en toi, et en échange, tu me rendras un petit service.

Malgré son hésitation, Hyunjin savait qu'il n'avait pas le choix. Sa magie devenait de plus en plus incontrôlable, si bien que le cacher relevait de l'impossible.

— Q-Quel service ? questionna-t-il dans un souffle.

Un petit sourire suffisant s'étira sur les lèvres de la silhouette.

— Tu le sauras le moment venu. Je viendrai à toi demain matin pour ta première leçon. Tâche de garder pour toi cette rencontre, où sinon...

Une douleur insoutenable éclata dans le corps du châtain, semblable à un grand froid. Il étouffa une plainte sourde.

— Ça va de soi..., bredouilla-t-il, en proie à d'atroces souffrances.

— Bien.

Le visiteur de la nuit s'évapora, emportant avec lui la douleur glaciale qui labourait les entrailles du grand adolescent. Ce dernier, tentant en vain de reprendre son souffle, courba l'échine pour rendre son repas sur le sol.

Tremblant de peur, Hyunjin essuya sa bouche et rentra prestement chez lui.

À plusieurs lieux de là, Changbin et l'homme qu'il avait suivi s'arrêtèrent enfin après leur course effrénée.

Déboussolé, mais surtout effaré, le noiraud ne parvenait pas à se calmer. Son souffle était horriblement haché, et ses côtes légèrement fêlées n'arrangeaient guère la situation.

— Eh, ça va ? demanda l'adolescent à ses côtés en posant une main sur son épaule.

— Est-ce que... d'après toi... ça a l'air... d'aller...? haleta Changbin en se tenant la poitrine.

Il geignit de douleur, tentant désespérément de se ressaisir.

— Je ne sais pas vraiment comment t'aider..., marmonna le plus grand. Je peux aller chercher un guérisseur, si tu veux.

Ne comprenant pas ce qu'il lui racontait, le noiraud se contenta de se redresser et de respirer profondément. Ainsi, une dizaine de minutes plus tard, il se sentit bien mieux, malgré ses jambes flageolantes.

Changbin expira avec lenteur, reprenant peu à peu ses esprits.

— Où on est ? demanda-t-il alors en sortant son portable.

— Aucune idée. C'est bien la première fois que je mets les pieds ici.

Ce dernier observa d'un air interrogateur l'objet que son vis-à-vis détenait entre ses mains. Il lui semblait vaguement l'avoir déjà aperçu dans le livre qu'il avait lu. Il tressaillit avec surprise lorsqu'il émit soudainement une vive lumière blanche.

Le noiraud le dévisagea étrangement, puis reporta son attention sur son téléphone.

— Merde, jura-t-il. On est hyper loin de chez moi !

Il fourra son natel dans sa poche et se tourna vers le garçon.

— Au fait... merci pour ton aide.

— Il n'y a pas de quoi.

— Je suis Changbin, et toi ?

— Chan.

— Où est-ce que tu habites ? s'enquit le plus jeune avec empressement.

— Dans le village de la tribu la plus septentrionale, répondit son interlocuteur.

— Hein ?

— En tout cas certainement pas ici, dans cet endroit recouvert d'étranges habitations rectangulaires.

Changbin arqua un sourcil, dubitatif.

— D'accord... et donc... tu sais comment retrouver ton chemin ?

— Pas vraiment, déplora l'autre. J'ai le souvenir d'avoir ouvert un livre dans les bois, puis c'est le trou noir. Je me suis réveillé non loin de l'endroit où tu te trouvais. Est-ce que tu pourrais me conduire chez les Doyens de ce village ?

« Alors lui, c'est un spécimen particulièrement... givré », songea le noiraud. En plus de s'exprimer d'une manière un peu surannée, ses paroles étaient insensées.

— Je ne sais pas ce que c'est.

— Il n'y a pas d'Anciens ici ? s'étonna Chan. Où suis-je ?

— Bah à Séoul, évidemment.

— Séoul ?

— Bon, c'est pas tout ça, mais je suis fatigué. Alors fais ce que tu veux, mais moi, je rentre chez moi, trancha Changbin.

— Attends ! Quelqu'un t'a attaqué en usant de ses pouvoirs, et c'est contraire à la loi. Il faut que tu fasses preuve d'une grande prudence.

— Je ferai mieux d'aller me coucher.

En faisant fi de son aîné qui l'exhortait à faire attention, il prit le chemin du retour. L'autre lui emboîta le pas, fâché de ne pas être pris au sérieux.

En lui agrippant le bras, il le força à s'arrêter.

— Écoute-moi ! le supplia-t-il. L'essence de cette tempête était magique et belliqueuse, quelqu'un a sciemment essayé de te faire du mal !

— Je te suis vraiment reconnaissant de m'avoir aidé, mais maintenant, si tu veux bien, j'aimerais aller dormir et oublier cet incident insensé, réclama le noiraud en se défaisant de lui.

— Changbin !

Voyant que l'adolescent était bien trop ébranlé pour être raisonné, Chan le suivit, bien décidé à lui faire prendre conscience du danger qu'il courait.

La lumière des lampadaires le fascinait, bien qu'il ait vu plus impressionnant dans sa vie. D'autres lueurs avançaient parfois en brillant dans la nuit, suivies d'un fracas étrange, mais puisque l'adolescent qu'il avait aidé ne s'alarmait pas, il resta parfaitement calme.

Malgré l'obscurité, il parvint à observer les bâtiments autour de lui. La plupart étaient immenses, et il comprit bien assez vite qu'il ne s'agissait pas d'un village.

Une idée lui effleura rapidement l'esprit, et bien qu'elle lui paraisse absolument folle, il voulut en avoir le cœur net.

— Est-ce qu'on est sur Terre ? s'enquit-il avec appréhension.

Changbin, ne l'ayant pas remarqué, sursauta violemment.

— Pourquoi tu me suis ? demanda-t-il avec effarement.

— Ne t'inquiète pas, je ne te veux aucun mal, affirma Chan. Seulement, je n'ai nulle part où aller, et en outre, je pense qu'il est de mon devoir de t'aider.

Le noiraud exhala un profond soupir en secouant la tête. Il ignorait bien s'il devait croire les propos démentiels de cet homme.

— Sommes-nous sur Terre ?

— C'est quoi ces questions bizarres ? s'agaça le plus petit. Tu veux qu'on soit où ?

— Je suis sur Terre..., murmura l'autre, peinant à y croire.

Changbin poursuivit son chemin à grandes enjambées. Il se faisait tard, l'obscurité ne cessait de croître. Et comme si cela ne suffisait pas, ses côtes recommencèrent à le faire souffrir. À chacun de ses pas, une douleur sourde explosait dans son abdomen.

Il fallait absolument qu'il parvienne chez lui avant son père. Il s'imaginait mal trouver une excuse valable, cette fois-ci.

Derrière lui, Chan le talonnait avec ferveur.

— Arrête de me suivre, et rentre chez toi, l'apostropha le noiraud.

— J'aimerais bien, mais j'ignore comme m'y rendre, rétorqua son interlocuteur. J'ai emprunté un passage à travers un fascicule, comme une sorte de téléportation.

— Apparemment, t'as besoin d'une bonne dose de sommeil.

— Je vois bien que ne me crois pas, mais emmène-moi au moins chez vos mages les plus puissants.

— Tu joues trop aux jeux vidéo.

— C'est loin d'être un jeu ! protesta violemment l'aîné. Quelqu'un possédant une magie redoutable a essayé de te blesser, et peut-être même pire !

— Arrête de dire n'importe quoi ! cria alors Changbin en se retournant brusquement. Les tempêtes, ça arrive ! Ça n'a rien d'exceptionnel !

— Celle-ci était trop malveillante pour être naturelle ! Son origine est bien plus sombre que cela ! Tu dois me croire !

— Tu penses vraiment que je vais croire un inconnu qui sort de nulle part, qui parle comme un aïeul, et qui affirme que quelqu'un a usé de « magie » contre moi ? T'es complètement taré !

Sur ces mots, le noiraud se remit en route, bien qu'il eut sans doute été préférable qu'il offre son hospitalité à Chan pour le remercier. Mais il était bien trop secoué pour y songer.

L'homme originaire de Red Sun poussa un profond soupir en le voyant s'éloigner. Il n'avait pas le choix, il devait lui assurer une protection, même s'il ne possédait aucun pouvoir. Et puis, il ne connaissait rien de la Terre hormis les légendes contées par les siens. Alors même si, pour le moment, il ne semblait pas vouloir le croire, Changbin était le seul susceptible de lui apporter de l'aide. Personne d'autre ne se laisserait approcher par un étranger tel que lui.

Même en sachant qu'il n'apprécierait pas qu'il le suive, le blond s'empressa de lui emboîter le pas. Ses intentions étant bienveillantes, les Dieux ne pourraient pas lui tenir rigueur de son audace.

Une vingtaine de minutes plus tard, le noiraud s'était arrêté devant un immeuble. Pressentant la présence de Chan, il se tourna vers lui avec une mine réprobatrice.

— Je vais finir par appeler la police, si tu continues, marmonna-t-il.

Son vis-à-vis pencha la tête d'un air interrogateur. « Il a vraiment l'air de ne rien savoir..., songea le plus petit. Ou alors, il se moque de moi. »

— Bon, soupira-t-il en se passant la main dans ses cheveux imbibés d'eau. Qu'est-ce que tu veux ?

— Je te l'ai déjà dit. Je veux t'aider, c'est tout.

— Chan, c'est ça ? C'était vraiment très gentil de ta part de m'avoir épargné la foudre, mais maintenant, il faut que tu rentres chez toi. Tes parents doivent s'inquiéter.

Le blondinet secoua la tête.

— Ils ne m'aiment pas, de toute façon. Et je ne sais pas comment rentrer non plus. Si tu ne veux pas de mon aide, je peux dormir dehors.

Même si Changbin commençait à s'irriter du comportement de Chan, il mentirait s'il disait qu'il n'était pas intrigué. Il n'avait pas l'air dangereux, du moins, au premier abord. Le fait qu'il l'ait sauvé jouait en sa faveur, puisqu'il ne pouvait tout simplement pas s'imaginer le laisser à l'extérieur sans toit. Mais il était absolument hors de question qu'il le fasse entrer dans son appartement.

Le noiraud tapa le code de l'immeuble, et la porte émit un bruit sec, signe qu'elle s'était ouverte. Il pénétra dans le bâtiment, l'inconnu sur les talons. La lumière s'étant allumée, il se tourna vers lui pour le dévisager.

Son corps était svelte mais musclé, et un peu plus grand que lui. Vêtu d'une étrange tunique marron et d'un pantalon de toile, il semblait tout droit sorti d'un film. Sa chevelure blonde comme les blés frisait en de petites boucles serrées légèrement humides dues à l'averse. Mais ce fut son regard qui l'ébahit : d'un bleu électrique, il était très alerte et vibrant d'une vive intelligence. La profonde inquiétude qu'il y perçut également l'ébranla.

Ce n'était définitivement pas là les yeux d'un fou, mais on n'était jamais trop prudent.

En face de lui, Chan fit de même, constatant ainsi la petite taille et les muscles saillants de son vis-à-vis. Il avait déjà senti ceux de ses épaules, mais cela n'en restait pas moins impressionnant. Ses cheveux de jais ruisselant d'eau étaient plaqués contre son crâne, et ses vêtements trempés lui collaient à la peau. Curieusement, il ne reconnaissait pas la matière de ces derniers.

— Ne devrais-tu pas changer de pantalon ? s'enquit le blond en indiquant le jeans troué de Changbin.

Ce dernier éclata de rire, ce qui déboussola son compagnon.

— T'es vraiment un drôle de gars..., pouffa-t-il. Bon, j'y vais. Et ne me suis pas, cette fois-ci, compris ? Reste ici si tu veux, mais compte pas sur moi pour faire entrer un inconnu aux origines et à la mentalité douteuses dans mon appartement. Par contre, essaie de te faire discret si tu veux éviter de te faire virer de l'immeuble.

En soupirant, il gravit les marches de l'escalier et disparut à l'étage supérieur. Chan sut qu'il n'avait pas d'autres choix que de s'installer là pour la nuit. Cela valait mieux que de rester sous le froid de l'extérieur, alors il ne s'en plaignit pas. De toute façon, il comptait bien établir un lien de confiance entre lui et le noiraud.

En silence, il fureta un peu partout au rez-de-chaussée, et finit par se coucher derrière les escaliers. Le sol n'était pas en pierres, contrairement à ce dont il avait l'habitude, et cela l'arrangea. Ainsi, c'était bien plus confortable. Sans perdre de temps, il ferma les paupières. Il aurait bien voulu posséder le pouvoir de traquer les énergies afin de directement neutraliser le problème, mais il en était tout simplement incapable.

Sans l'appui de Changbin, il ne pouvait pas avancer dans son enquête.

Harassé par cette soirée éprouvante, le blondinet sombra immédiatement dans un sommeil réparateur, sa dernière pensée étant pour son ami roux.

— Je vous en prie, écoutez-moi !

— Yongbok, c'en est assez, coupa un vieillard à la longue chevelure anthracite. Notre attention est requise dans des problèmes bien plus vitaux que ceux d'un garçon capricieux.

— Mais vous ne comprenez pas ! Il a disparu hier dans la forêt, et ce matin, il n'est toujours pas...

— Suffit ! S'il a enfreint les règles, il s'agit d'une raison de plus pour ne pas nous en préoccuper. Chan n'est d'aucune utilité à la communauté en raison de son anomalie, alors qu'il vive ou qu'il meure nous revient au même.

— Il est peut-être dépourvu de pouvoirs, mais il ne reste pas moins un être humain ! clama le petit rouquin. Et c'est mon ami !

— Il a une très mauvaise influence sur toi, tu ne devrais même pas le connaître ! tonna un des Doyens. Alors maintenant, Yongbok, tâche de l'oublier. Ça vaudrait mieux pour toi.

Profondément outragé par les propos de l'aîné, celui-ci gronda de mécontentement. Alors que les Anciens s'éloignaient de lui, il sentit une incontrôlable force invisible le submerger. Sans même essayé de la freiner, il tendit brutalement les bras en direction des hommes aux longues chevelures immaculées.

Brusquement, un feulement rauque résonna dans le village. Quelques mètres devant les Doyens, un énorme félin au pelage couleur de nuit apparut de nulle part. D'épaisses rayures blanches striaient sa fourrure sombre, et son regard d'onyx brillait de méchanceté. Ses babines se retroussèrent pour laisser paraître des crocs carminés et affûtés comme des lames.

L'animal poussa un grondement sourd qui effraya les hommes. Ils poussèrent des hurlements et déguerpirent comme ils purent en direction de leurs chaumières. Le tigre, en quelques bonds, se jeta sur les Anciens qui devinrent blancs comme de la craie. Mais avant que les canines incarnates ne s'enfoncent dans leur peau parcheminée, le félin s'évanouit brutalement en mille étincelles.

Les vieillards comprirent enfin qu'ils avaient été victimes d'une illusion trop bien réussie à leur goût. Ils se tournèrent en direction de Yongbok dans le but de le punir pour les avoir ainsi apeurés, mais celui-ci avait disparu. Bien qu'ils soient bouleversés et tremblants de terreur, ils étaient fort impressionnés par la puissance du rouquin, qui avait déchaîné sa magie sous l'effet d'une émotion négative.

— Retrouvez-le et punissez-le, ordonna le plus âgé des Doyens sur un ton cassant.

— Bien, sire.

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