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Pendant de longues minutes, jusqu'à ce que le soleil disparaisse à l'horizon, on avait attendu, sans parler, sans savoir quoi dire.
Mais le silence était tellement agréable que, pour ma part, j'avais eu peur de le briser. Peur de briser le moment. Peur de démolir cette ambiance. Peur que tu me glisses entre les doigts.
Alors je m'étais contenté d'attendre. D'attendre que tu décides de parler.
Accroché à tes lèvres comme si mon destin en dépendait.
Et il en dépendait.
Dieu sait que mon destin dépendait de chacun de tes mots.
Mais tu ne parlais pas. Continuant à t'amuser avec le buée qui sortait de ta bouche. Réchauffant parfois tes petites mains en soufflant dessus.
J'aurais voulu le faire à ta place. J'aurais voulu te réchauffer à chaque fois que tu avais froid. Mais j'avais peur, je l'ai déjà dit. J'aurais pu te morceler à n'importe quel geste, j'en étais persuadé.
Sans que je m'y attende, tu t'étais alors levé. Soudainement. Frictionnant légèrement tes jambes raidies par le froid.
- Est ce que tu veux marcher un peu ?
Je n'avais pas spécialement envie de marcher pour être honnête, mais si cela me permettait de rester un peu plus avec toi, alors je crois que j'aurais même été prêt à courir un marathon s'il le fallait.
Tout semblait en valoir la peine avec toi.
Alors je m'étais redressé également. Puis, en voyant notre taille similaire j'avais souris. Tu n'étais pas plus grand que moi. Ton épaule était à la hauteur de la mienne. Ta main aussi l'était.
Peut être que j'aurais du l'attraper à ce moment là.
Mais je ne l'ai pas fait.
J'ai juste gardé cette distance entre nous en commençant à marcher à côté de toi. Le fil rouge entre nos deux corps tombait légèrement. Se laissant un peu de lest pour bouger au gré du vent.
Tes yeux étaient fixés sur la route, un sourire toujours plaqué sur ton visage. Mes yeux à moi, étaient sur toi. Je ne regardais même pas où j'allais. Je ne pouvais pas détacher mon regard de ta personne.
Tes cheveux blonds s'ébouriffaient légèrement, et j'avais une envie monstre d'entremêler mes doigts à l'intérieur. Ils avaient l'air tellement doux.
Mais ça non plus je ne l'ai pas fait.
J'ai juste laissé ce silence reprendre sa place, en marchant à tes côtés. Mais j'avais envie de parler pour être honnête. J'avais envie d'en apprendre plus sur toi. De savoir plus que ton simple prénom.
Seulement, je ne savais pas comment commencer une conversation avec toi.
Tu me déstabilisais tellement que j'en perdais tous mes moyens. Je ne savais plus comment m'adresser correctement à quelqu'un. C'est à peine si je savais encore parlé.
Alors, j'ai finalement lancé une phrase dans le vide. Une phrase vide de sens. Une phrase qui avait uniquement pour but de t'interpeller. Une phrase qui attendait une suite.
Ta suite.
- J'aime bien l'hiver.
Trois pauvres mots, c'est tout ce que j'avais réussi à bredouiller.
Tu avais alors rigolé. Je ne sais pas si tu t'étais moqué de moi sur le coup. Tu avais sûrement eu raison en tout cas. Je devais être ridicule.
Et puis, avoir l'air ridicule était un mal pour un bien.
Ton rire était vraiment parfait. Je crois que c'était le son le plus agréable qu'il m'avait été donné d'entendre. Il était tellement sincère. Lumineux. Ta voix était lumineuse.
C'est étrange de dire ça d'une certaine manière. De parler de luminosité quand on parle de voix, mais c'est ce qu'il en était pourtant.
- Oui, moi aussi j'aime bien l'hiver.
Et tu ne m'avais pas laissé comme un idiot. Je t'en suis d'ailleurs reconnaissant quand j'y pense. Je te suis reconnaissant d'avoir répondu à mes paroles idiotes. Je te suis reconnaissant de m'avoir laissé entendre ta voix une nouvelle fois.
- J'aime surtout la neige en fait.
La neige.
À cet instant là, je ne savais pas à quel point elle pouvait avoir de l'importance pour toi. Je ne me doutais pas que les premières tombées de neige, quelques jours plus tard, allait être comme un second Noël pour toi.
Et pourtant.
Mais ce jour là. Quand tu m'as dit ça, je n'y étais pas. Pas encore.
Le vent soufflait de plus en plus fort. La nuit était déjà presque entièrement tombée. Seuls les quelques lampadaires présents éclairaient difficilement la route. Et pourtant, on ne s'était pas arrêté. On avait continué de marcher. Encore et encore.
Sans vraiment savoir où aller.
De toute façon moi, je me contentais juste de te suivre pour être honnête. De m'harmoniser avec ta cadence lente. De regarder parfois l'environnement changer autour de nous.
Passer de petites ruelles, à une allée plus découverte. Une allée parsemée d'immenses arbres dénués de tout feuillage. Non, ce feuillage se trouvait sur le sol, créant une route colorée sous nos pieds. Une route qui semblait tracée juste pour nous.
Le soleil laissait place à la lune. Elle était grosse ce soir là. Et remplaçait aisément la lumière artificielle des néons.
Puis lentement, le rivage d'un petit fleuve dont je ne connaissais même pas l'existence auparavant s'était dressé devant nous. L'astre lunaire se reflétait sur l'eau calme et offrait alors un spectacle splendide.
C'était comme dans un film. Le lieu semblait tellement magique que j'avoue m'être demandé si je ne rêvais pas en cet instant. Sincèrement, comment est ce que je pouvais m'expliquer tout ça ? Comment est ce que la simple hallucination d'un bout de ficelle rouge aurait pu m'amener dans un tel lieu ? Avec quelqu'un comme toi à mes côtés ?
Et pourtant j'étais vraiment là.
J'étais vraiment là quand tu t'étais arrêté et que tes yeux avaient de nouveaux pris en otage les miens. Quand ton sourire avait une nouvelle fois volé mon cœur.
Quand ta demande avait fait frissonner chaque partie de mon corps.
- Est ce qu'on peut se revoir demain en fin d'après midi ? À cet endroit là ?
Je t'avais sourit en retour, en acceptant ta proposition. Et alors, tu étais parti. Sans un mot de plus. Dans la direction opposée à laquelle on était arrivé. Tu t'étais simplement retourné doucement, me faisant un léger signe de la main avant de disparaître dans le carrefour de l'aller suivante.
Me laissant seul.
Le spectacle de la nature s'étendant devant mes pupilles éblouies. Le souvenir de ton visage gravé de manière indélébile dans mon esprit.
C'est fou. Je ne te connaissais pas.
À part ton prénom, je ne savais rien de toi.
Tu étais un inconnu.
Malgré tout, lors de cette soirée froide, irrévocablement, je me suis mis à t'aimer.
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