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Je ne bougeais. Tu ne bougeais pas non plus. Toi assis. Moi debout, planté comme un idiot devant toi et ton sourire ravageur. Si tu savais la vision que tu m'avais offerte à ce moment. Tu m'as intimidé. Tu m'as intimidé comme on ne l'avait jamais fait.

Rien que par ton sourire. Rien que par tes yeux noisette plongés dans les miens. Rien que par l'aura que dégageait ta présence.

Aussitôt, je t'ai trouvé beau.

Vraiment beau.

Mais pas d'une beauté habituelle.

Tu avais ce genre de beauté immaculée. Une beauté froide. Comme l'hiver. Comme le paysage hivernal qui allait bientôt s'étendre sur le pays. Balayant tout sur son passage.

Balayant tout, comme tu as su balayer mon cœur

- Je m'appelle Jimin au fait.

Ta petite voix avait de nouveau résonné dans la ruelle. Et enfin, je pu mettre un prénom sur ton visage. Un prénom qui t'allait bien je dois l'avouer. De toute façon, il n'y a pas grand-chose qui ne t'allait pas.

- Et moi Yoongi.

Alors je m'étais aussi présenté, avant de venir m'asseoir à côté de toi. Prudemment. Veillant à ce que nos vêtements ne puissent même pas s'effleurer. Gardant une sorte de distance de protection entre nous. Pour ne pas te brusquer.

J'avais l'impression, qu'au moindre contact, j'aurais pu te briser tellement tu m'avais l'air fragile.

Pourtant, c'est étrangement heureux que tu avais tourné la tête vers moi. Étrangement heureux que je vienne m'asseoir sur ce banc. Que je vienne m'asseoir près de toi.

- C'est joli.

Tu avais lancé ça dans le vide. Juste parce que cette constatation avait traversé tes pensées. Sans aucune gêne. Sans penser aux conséquences.

Sans penser à mon cœur qui s'était arrêté l'espace de quelques secondes.

J'avais aussitôt changé de sujet. Te demandant si tu avais ce fil accroché à toi depuis longtemps.

J'étais tellement troublé.

Trop troublé pour répondre quoi que ce soit à ton compliment. Là encore j'ai été stupide. J'aurais voulu te dire que ton prénom aussi était beau.

Aussi beau que toi.

Mais pourtant, alors que je venais d'éviter une conversation, tu as fait comme si de rien n'était. Ne faisant pas attention à mes yeux fuyant les tiens. Tentant de trouver un point d'ancrage assez solide pour ne pas faire chavirer mon cœur.

Tu t'étais contenté de hausser légèrement les épaules, avant de placer ton doigt noué devant ton visage.

- Oh ça ? Non, je crois pas. Depuis quelques heures tout au plus. Il est apparu tout seul. Comme par magie.

Sous tes derniers mots, tu t'étais alors mis à rigoler. À rigoler en secouant ton doigt comme pour essayer de faire de petites vagues avec le fil. Comme un enfant.

Tu avais l'air tellement jeune à cet instant là.

Je n'aurais jamais pensé que tu puisses avoir mon âge.

Tu avais l'air tellement pur. Comme si la vie ne t'avait jamais amoché. Comme si elle ne t'avait jamais même touché. Comme si tu avais été protégé de toutes les horreurs du monde.

C'est exactement ce que tu m'inspirais. L'innocence dans son plus beau manteau.

Mimant ton geste, j'avais aussi placé ma main devant mon visage. Puis j'avais remué mon petit doigt. Les vagues calmes de ton côté du fil s'écrasaient contre les miennes, plus violentes. Puis tout retombait, jusqu'à ce qu'une autre onde revienne à la charge.

Je t'avais répondu que moi aussi, il était apparu il y a peu. Et que, sans comprendre pourquoi, je n'arrivais pas à le toucher.

Tentant d'expliquer mes paroles, j'avais alors levé ma main libre pour tenter d'attraper le fil. Sans succès. Ma paume se contentant de traverser le ruban rouge comme s'il n'existait pas.

Intrigué, tu avais aussi imité mon geste, et le résultat avait été le même.

- C'est drôle quand même

En prononçant ces quelques mots, nos regards s'étaient de nouveau retrouvés. Pour ne pas se lâcher. Seulement, je ne comprenais pas ce que tu voulais dire, alors qu'un énième sourire fleurissait sur le coin de tes lèvres.

Lors de cette première rencontre, j'avais l'impression que tu passais ton temps à faire ça. À sourire. Tu ne faisais que ça. À chaque fois que nos yeux se croisaient.

- Ça me fait penser à une histoire.

Cette histoire. Celle dont tu n'as pas arrêté de me rabâcher les oreilles. Tellement que je crois qu'elle fait maintenant partie de mon vocabulaire habituel.

Mais bon, comment t'en vouloir ?

Cette histoire était vraiment jolie. Et puis, d'une certaine manière, elle était vraie. Pour nous.

Tu m'avais alors raconté cette légende que tu avais sorti de je ne sais quelle série romantique adolescente. Celle de ce fil rouge.

De ce fil du destin.

Reliant deux âmes sœurs.

Leur permettant de se rencontrer. De se trouver.

Tu avais l'air tellement convaincu. Tellement convaincu que c'était ça. Ça en était adorable. Tu n'avais pas fait attention à d'autres détails puisque pour toi, ce fil avait raison de nous réunir.

Tu n'avais rien dit sur le fait que j'étais un homme. Que je n'étais pas spécialement beau. Pas spécialement grand. Pas spécialement bien habillé.

Non, d'aucune façon tu ne m'avais jugé sur mon apparence physique.

Tu t'étais contenté d'être heureux d'avoir trouvé ta soit disant âme sœur, tout simplement. Le bonheur semblait tellement simple avec toi que ça en était presque irréel.

Si seulement le monde entier pouvait penser comme toi, tout serait tellement plus facile. Mais ce genre de choses était complètement impossible. Parce que personne ne pouvait être comme toi.

Dès le commencement, tu étais unique, à ta manière.

- Peut être qu'on devait se rencontrer. C'est peut être le fil rouge du destin qui nous relit. Tu penses pas Yoongi ?

À cet instant, à cet instant précis où tu as prononcé mon prénom pour la première fois, je me suis senti vibrer. Mon cœur battait à tout rompre en terre et ciel. Le sol sous mes pieds semblait inexistant. Le principe même de la gravité semblait même irréel.

Newton pouvait bien raconter ce qu'il voulait, pour moi, tu étais même plus influent que tout ça.

Je m'étais seulement contenté de sourire comme un idiot, trop ébloui par ce que tu dégageais pour pouvoir sortir ne serait ce qu'un mot.

Les yeux dans les yeux on se regardait. Sans pouvoir se lâcher.

Le temps passait tellement vite et semblait en même temps durer une éternité.

J'avais tellement envie de te toucher en cet instant. De te prendre dans mes bras. De poser mes lèvres contre les tiennes. De sentir ton épiderme contre ma peau.

Même encore maintenant je me demande. Est ce que c'est ça le coup de foudre ?

Est ce que c'est ce qu'il s'est passé entre nous ? Sur ce banc ? Au crépuscule d'une dernière nuit froide d'automne ?

Est ce que c'est pour ça que j'ai voulu que tu m'appartiennes ?

Que tu ne sois qu'à moi et que je ne sois qu'à toi ?

Sans même prendre la peine de te connaître.

Comme si je n'en voyais pas la nécessité.

Comme si c'était naturel. Tout simplement.

Une légère bourrasque était venue s'abattre sur nos visages déjà froids. Je te voyais frissonner d'où je me tenais. Tu avais serré tes bras contre toi, tentant de te réchauffer comme tu le pouvais. Puis tu avais levé la tête, avant de respirer profondément.

De respirer l'odeur de cette brise avant de replonger rapidement ton visage dans ton col roulé.

Puis, en me regardant de nouveau alors que ton petit bout de nez se secouait encore, tu m'avais dit, comme si c'était la chose la plus logique au monde, que tu aimais sentir l'odeur du vent.

Le vent qui sentait l'approche de l'hiver.

Le vent qui sentait l'odeur du renouveau.

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