77 - Frayeurs

Takashi était blême quand il raccrocha le téléphone.

– Taka ? Qu'est-ce qui se passe ? Lui demanda Hakkai.

Derrière lui, Arisa apparut en compagnie de Yuzuha.

– Hime... Dit Takashi. Elle est à l'hôpital.

Yuzuha fronça les sourcils.

–Fonce, lui dit-elle.




Le taxi le déposa devant l'entrée de la clinique et Takashi en jaillit après avoir payé. L'infirmière de l'accueil sursauta en le voyant se précipiter vers elle, le regard fou.

– Mitsuya Himeko ! S'écria-t-il. Où est-elle ?

Il fallut à l'infirmière quelques minutes pour lui faire retrouver son calme et comprendre ce qu'il disait.

– Vous êtes de la famille ? Lui demanda-t-elle.

– Je suis son mari !

– Un instant je vous prie...

Elle consulta son ordinateur.

– Elle vient d'être emmenée chambre 323, répondit-elle enfin. Le médecin a terminé les examens, vous pouvez aller la voir.

Takashi monta au troisième étage et, une fois devant la porte, il essaya de reprendre son souffle, le cœur battant à tout rompre dans la poitrine et la main sur la poignée.

La chambre abritait trois lits, mais seul celui qui se trouvait près de la porte était occupé. Himeko était étendue sous une couverture, une perfusion dans le bras.

Elle avait les yeux fermés. Takashi s'approcha en silence. Il tira une chaise près d'elle et s'assit pour prendre la main de Himeko dans la sienne. Elle avait les traits pâles, même ses lèvres semblaient plus fines et presque translucides sous la lumière crue des néons.

Il caressa son poignet du pouce en essayant de faire taire l'inquiétude qui lui cognait les tempes.

Faites que ça ne soit pas grave... Faites que ça ne soit pas grave... Se répétait-il, comme un mantra.

Elle tourna la tête dans son sommeil et une mèche de cheveux glissa sur sa joue. Il la repoussa. Ses doigts s'attardèrent sur son visage et elle frémit.

– J'aime bien... Murmura-t-elle. Continue...

Elle entrouvrit les yeux et Takashi sourit, soulagé. La seconde suivante, Himeko regardait autour d'elle, désorientée.

– Taka... Dit-elle. On est où ?

– On est à l'hôpital Hime, lui dit-il. Tu as fait un malaise au restaurant.

Les souvenirs remontèrent à la mémoire de Himeko et elle se redressa, les yeux écarquillés.

– Quoi ? Dit-elle. Quelle heure il est ? Pourquoi tu n'es plus au défilé ?

Elle bredouillait, affolée. Takashi la prit par les épaules pour la rallonger, mais elle se débattit.

– Tu ne devrais pas être là ! Répéta-t-elle. Retournes-y vite ! Il est peut-être encore temps !

Cette fois, il la prit dans ses bras.

– Arrête Hime...

Elle s'agrippa à sa chemise, le front contre sa poitrine et le souffle court. La porte s'ouvrit sur un médecin. Il s'immobilisa sur le seuil, puis referma la porte derrière lui et s'approcha.

– Comment vous sentez-vous madame Mitsuya ?

Himeko ne répondit pas.

– Je suis le médecin qui vous a pris en charge à votre admission, lui dit-il. Vous n'avez rien de grave, rassurez-vous. Les examens sont rassurants. Vous souffrez essentiellement de surmenage.

Il feuilleta le bloc qu'il avait apporté et Takashi soupira à nouveau de soulagement. Le médecin continua.

– Mais il va falloir vous ménager à présent, dit-il. Ça n'est pas bon dans votre état, ni pour vous, ni pour le bébé.

Himeko et Takashi le regardèrent, bouche bée.

– Le bébé ? Dit Himeko. Quel bébé ?

– Vous êtes enceinte, dit le médecin, la prise de sang le confirme. Je pensais que vous le saviez ?

L'expression de Takashi et Himeko montrait clairement que ça n'était pas le cas.

– Dans ce cas, reprit le médecin, je regrette de vous l'avoir annoncé de cette façon. Quoi qu'il en soit, à partir de maintenant, il va falloir penser à votre santé.

– Mais... Comment c'est possible ? Dit-elle. Je prends la pilule !

– Vu votre état de fatigue, répondit le médecin, je ne serais pas surpris que vous l'ayez oubliée une fois ou deux.

Himeko baissa les yeux, dévastée.




Lorsque le médecin les laissa, elle ramena les mains sur la couverture.

Un bébé, se dit-elle. Je viens de ruiner le défilé de Taka et maintenant... un bébé. Alors qu'on a déjà à peine de quoi vivre. Pourquoi... Pourquoi est-ce que je fais échouer tout ce qu'il entreprend ? Il s'est donné tellement de mal... Pourquoi à cause de moi tout se casse la figure ?

Himeko ramena le visage dans ses mains et elle se mit à pleurer.

Finalement rien n'a changé. Je reste une ratée qui bousille tout ce qu'elle touche !

– Pardon... Sanglota-t-elle. Pardon Taka... Je suis tellement désolée... Si tu savais... J'ai détruit ton rêve... Tout ça c'est de ma faute... Pardon... Si tu savais comme je m'en veux !

Takashi lui releva le visage des deux mains.

– Qu'est-ce que tu racontes ? Dit-il.

Elle continua à pleurer sans réussir à se retenir et ses sanglots faisaient trembler ses épaules sous la chemise d'hôpital.

Il soupira.

– Hime, dit-il. Il faut qu'on parle tous les deux.

Elle rouvrit les yeux et Takashi poursuivit.

– À quel moment je t'ai dit que mon rêve c'était de vivre dans le monde la mode ?

Himeko leva les mains pour s'essuyer les yeux avec ce geste tellement enfantin qu'elle avait toujours quand elle pleurait et il reprit.

– Mon rêve je t'en ai parlé il y a des années déjà. C'est une famille. Une femme, des enfants, un foyer, rien d'autre. Et si en plus je peux faire le travail que j'aime et vous faire vivre avec, alors c'est parfait, mais si je dois faire un choix entre une famille et ma passion, le choix est tout fait. Je choisis la famille.

C'est ça que je veux, lui avait-il dit autrefois. Une femme, des enfants, un foyer... tout ça.

Le souvenir de ses paroles revint à l'esprit de Himeko. Elle laissa retomber ses mains sur la couverture. Dans la chambre, on n'entendait plus de temps en temps que les hoquets qui montaient de sa poitrine.

– Tu n'es pas en colère, comprit-elle.

– Non, je ne suis pas en colère, dit-il. Je ne peux pas être en colère au moment où je viens d'apprendre une nouvelle comme celle-là.

Il la prit dans ses bras.

– On va être parents, dit-il. Toi et moi.

– Parents...

Je vais être maman, se dit Himeko. Maman. Je vais être maman...

L'angoisse lui tordit brusquement la poitrine. Himeko se réfugia contre lui et se mit à trembler de tout son corps.

– Hime, qu'est-ce qu'il y a ? S'alarma Takashi.

Elle inspira.

– J'ai peur Taka, dit-elle. Je ne sais pas ce que c'est une maman, je n'en ai jamais eu, moi ! Je ne sais pas comment on fait ! Je ne peux pas être une maman !

Himeko sentit une vague de panique l'envahir.

Les bras se Takashi se refermèrent autour d'elle.

– Calme-toi Hime... Tu n'as pas à avoir peur, je suis là. Tout va bien se passer.

Il lui passa la main dans le dos comme il l'aurait fait avec une enfant effrayée. Cette peur-là, il pouvait la comprendre. Himeko n'avait jamais eu une vie facile, elle ne possédait aucun des repères que les enfants avaient en temps normal. Une famille, un foyer, des parents, elle ne savait pas ce que c'était, elle avait grandi toute seule, baladée d'institution en institution, et l'idée de plonger dans un monde inconnu la terrifiait.

– Tu n'as pas à avoir peur, répéta-t-il. Toi et moi, on va s'en sortir et on va faire de ce bébé l'enfant le plus heureux du monde.

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