7 - Une épaule sur laquelle pleurer

Le poing de Hôko s'écrasa sur son visage à plusieurs reprises et le cercle des filles se resserra autour d'elles.

– Vas-y Hôko !

– Montre-lui un peu qui c'est la vraie boss ici !

Himeko recula sous la violence des coups, mais elle lutta pour ne pas tomber. Elle avait assisté suffisamment souvent à ce genre de lynchages pour savoir que la fille qui tombait était systématiquement passée à tabac par toute la bande. Tant que la correction gardait un semblant de ressemblance avec un duel, elle pouvait s'en tirer.

Assisté ? Ricana une petite voix dans sa tête. Ou participé ?

Himeko grimaça, mais ça n'était pas de douleur cette fois. Elle releva les yeux vers Hôko, mais celle-ci lui écrasa aussitôt son poing dans la figure.

– MAIS RÉAGIS PUTAIN ! Cria-t-elle. IL EST OÙ LE LÉGENDAIRE PAPILLON ROUGE DE SHIBUYA ? ELLE EST OÙ LA FILLE QU'ON SURNOMMAIT ONIHIME ? HEIN ? RÉPONDS-MOI ! RÉPONDS-MOI OU JE TE DÉFONCE !

Himeko ne dit toujours pas un mot. Autour d'elle, le cercle des filles s'était dangereusement rapproché et Himeko faisait de son mieux pour rester debout.

Elle profita d'une accalmie dans les coups pour se redresser et faire face à Hôko.

– Ça te fais du bien Hôko ? Dit-elle en essuyant le sang qui avait coulé de sa bouche. Tu te sens mieux quand tu me cognes ?

Hôko la regarda avec de la haine dans les yeux. Himeko poursuivit.

– T'as l'impression d'être la chef comme ça ?

Elle écarta les bras et ajouta :

– Alors vas-y, frappe. Je ne me défendrai pas. Fais-toi plaisir.




Lorsque Himeko reprit ses esprits, elle était étendue, seule, sous le pont. Les autres étaient parties après l'avoir passée à tabac. Elle se redressa avec peine, chaque parcelle de son corps criant de douleur, et elle s'assit. Elle avait perdu connaissance peu après que l'une des filles se soit emparée de la batte de baseball pour la cogner. Ensuite c'était le trou noir. Himeko rassembla ses forces et elle réussit à se lever. Elle récupéra ses affaires et partit aussi vite que ses jambes le lui permettaient.

Hors de question de rentrer comme ça au foyer. On lui poserait des questions. Le souffle court, Himeko rebroussa chemin vers le collège, à quelques centaines de mètres de là.

Une fois à l'intérieur, elle se réfugia dans les toilettes du rez-de-chaussée. Son visage avait pris une couleur violacée par endroit, elle avait la lèvre fendue et son arcade aurait bien besoin d'un ou deux points de suture. Ses côtes et ses jambes lui faisaient mal et elle découvrit plusieurs brûlures de cigarettes sur ses bras. Elle n'arrivait pas à se souvenir à quel moment elles l'avaient brûlée. Elle remplit d'eau ses mains en coupe et se rinça la figure à plusieurs reprises. Elle n'arrivait pas à contrôler les tremblements qui s'étaient emparés d'elle. L'eau du robinet se confondait avec ses larmes et Himeko sentit des sanglots nerveux monter de sa poitrine.

C'est alors que la porte des toilettes s'ouvrit sur des filles du club de basket. En la voyant, elles s'immobilisèrent à l'entrée et Himeko ramassa précipitamment son sac pour sortir en courant.

Elle ne savait pas où aller. Elle repensa brusquement à la bibliothèque et se tourna vers la salle des professeurs pour aller chercher la clé. Heureusement, à cette heure, élèves comme enseignants étaient tous occupés avec le rangement des activités de clubs.

Himeko arriva devant la porte de la bibliothèque et elle chercha le trou de la serrure pendant plusieurs secondes tant ses mains tremblaient. Quand elle réussit à ouvrir la porte, elle la rabattit brutalement et entra avant de refermer derrière elle. N'y pouvant plus, elle laissa tomber son sac dans l'entrée et se ramassa, accroupie, le visage dans les mains pour pleurer. Il lui semblait que ses sanglots allaient lui déchirer la poitrine et, en dépit de ses efforts, elle n'arrivait pas à se calmer. C'était comme si on avait ouvert les vannes d'un barrage qu'elle n'arrivait plus à refermer.

Une main se posa sur son épaule.

– Est-ce que ça va ?

Himeko sursauta et recula. Mitsuya Takashi se tenait à côté d'elle, le regard inquiet. La lueur d'inquiétude dans son regard redoubla quand il vit son visage.

Il prit son menton entre ses doigts.

– Qui est-ce qui t'a fait ça ? Dit-il.

Himeko eut un nouveau mouvement de recul. Elle dégagea son visage de sa main et se releva. Elle réussit à afficher un sourire.

– Ça n'est rien senpai, dit-elle. Je suis tombée dans les escaliers.

Son expression disait très clairement qu'il n'en croyait pas un mot. Après une hésitation, il saisit son poignet et il l'entraîna derrière lui.

– Viens avec moi, dit-il.

Il l'accompagna jusqu'à l'infirmerie, à l'étage au-dessous, et il la fit asseoir sur un lit.

– Ne bouge pas, ajouta-t-il.

À cette heure, l'infirmière était rentrée chez elle et Mitsuya alla chercher lui-même de quoi la soigner. Il attira un tabouret près du lit où Himeko était assise et il examina son visage. Puis il entreprit de désinfecter ses plaies une à une.

– Tu ne veux vraiment pas me dire qui a fait ça ? Reprit-il.

Himeko détourna la tête.

– Je vois, dit-il.

Jamais Himeko n'avait autant éprouvé l'envie de fuir. En cet instant, elle aurait donné tout ce qu'elle possédait pour pouvoir se lever et partir en courant très loin d'ici. Mais dans le même temps, elle aurait donné tout ce qu'elle avait pour poser, ne serait-ce qu'un instant, la tête sur son épaule et pleurer.

Les poings serrés sur les cuisses, elle luttait pour retenir ses larmes, la poitrine parcourue de tremblements. Mitsuya s'immobilisa. Il la regarda.

Finalement il se leva et passa le bras dans son dos.

– Viens là, dit-il en la prenant dans ses bras.

Pendant une seconde, Himeko fut trop stupéfaite pour réagir. Puis elle se mit à pleurer sans réussir à s'arrêter, le visage enfoui contre sa poitrine.

Lorsque ses sanglots finirent par se calmer, elle ramena les yeux sur ses genoux en reniflant comme une gamine.

– Ça va mieux ? Lui demanda-t-il.

Elle hocha la tête.

– Tant mieux, dit-il.

Himeko crut entendre l'ombre d'un rire dans sa voix. Mitsuya reprit place sur le tabouret et il finit de nettoyer ses blessures.

– Voilà, dit-il enfin. C'est mieux comme ça.

Il jeta les cotons souillés et les emballages de pansements dans la poubelle et il alla ranger le désinfectant dans l'armoire où il l'avait pris.

– Merci... Bredouilla-t-elle.

Mitsuya revint vers elle.

– Pas de quoi. Tu as quelqu'un pour te ramener chez toi ?

Himeko secoua la tête.

– Alors je te raccompagne, dit-il.

Elle leva la tête, une lueur affolée dans le regard.

– Ça n'est pas la peine ! Dit-elle. Vraiment ! Tout va très bien maintenant !

La dernière chose qu'elle voulait, c'était que Mitsuya tombe nez à nez avec les filles qui l'avaient tabassée. Qu'est-ce qu'il dirait si elles lui révélaient qui elle était ou ce qu'elle avait fait ?

Un instant Himeko imagina le regard de dégoût qu'il poserait sur elle, ce même regard que les gardes du centre de redressement posait sur vous, et elle sentit qu'elle allait se remettre à pleurer.

– Je comprends que ça te dérange, dit-il. Mais ça n'était pas une question. Je te raccompagne chez toi et c'est non négociable.

Il se tourna vers la porte et Himeko vit qu'il avait emporté son sac à elle, en plus du sien, en quittant la bibliothèque.

– Je vais rendre la clé de la bibliothèque, dit-il. N'en profite pas pour disparaître ou ça va barder.

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