6 - Mauvaise rencontre

Une semaine plus tard, Himeko tria sur une des tables de la bibliothèque les livres qu'elle avait tirés de la réserve pour le club de travaux domestiques. Le professeur Yoshida s'était montré exagérément heureux, comme à chaque fois qu'elle lui en demandait la clé. À ses yeux, rien ne traduisait mieux la renaissance du club de littérature et de la bibliothèque que l'usage de la réserve par les étudiants. Il lui avait même donné quelques conseils lorsque Himeko lui avait expliqué ce qu'elle cherchait. C'était la raison pour laquelle elle se retrouvait maintenant avec une montagne de livres devant elle.

Elle en fit trois piles, une qu'elle apporterait à Mitsuya senpai, une qu'elle conserverait au cas où il aurait besoin d'autres ouvrages et enfin une dernière qu'elle irait remettre discrètement dans la réserve pour ne pas froisser le professeur Yoshida.

Himeko examina cette dernière et laissa échapper un petit rire. Il y avait peu de chance que le club de travaux domestiques soit disposé à utiliser une série de chroniques de l'ère Hôgen rédigées en vieux japonais.

Elle souleva le premier tas de livres et se dirigea vers la porte.

– Umi, dit-elle. Je passe au club de travaux domestiques leur donner les livres qu'ils m'ont demandés. Je reviens dans un petit quart d'heure.

Umi Kana leva les yeux de son livre, assise derrière le comptoir de l'accueil.

– Pas de problème Oniroku senpai, répondit-elle. Tu peux prendre ton temps. Ça n'est pas comme s'il y avait du monde.

Himeko jeta un œil sur la salle vide derrière elle. Il n'y avait que le professeur Yoshida pour voir dans l'existence du club de littérature une renaissance pour la bibliothèque. En réalité, les élèves la fréquentaient désormais d'autant moins qu'ils n'avaient plus à en assurer la permanence à tour de rôle.

Parvenue au troisième étage, devant la porte du club de travaux domestiques, Himeko cala les livres contre sa hanche pour frapper. Un tumulte de voix de filles montait de l'autre côté et après plusieurs minutes, personne n'était venu lui ouvrir. Elle frappa plus fort en se disant qu'on ne l'avait pas entendue, mais sans obtenir plus de résultat. Finalement, elle se décida à entrer.

– Je me permets d'entrer... Dit-elle en repoussant la porte coulissante.

Elle fut aussitôt assaillie par une cacophonie de questions et de réponses lancées dans toutes les directions.

– Il me faut plus de brocard pour le rideau !

– Est-ce que quelqu'un sait où sont passés les ciseaux ?

– Je n'aurais jamais le temps de finir, ça. Yuki san tu pourras m'aider ?

– Mais non ! Ne fais pas comme ça ! Je t'ai montré pourtant !

– Président, comment est-ce que je peux finir l'ourlet sans abîmer les boutonnières ?

Himeko fit un pas en arrière, surprise. Le dos contre la porte, elle serra les livres contre elle en se demandant comment attirer l'attention de quelqu'un sans le déranger.

– Oniroku san ? Tu es venue apporter les livres ?

Himeko se retourna et découvrit Mitsuya senpai, un mètre ruban autour du cou et l'air parfaitement à l'aise malgré l'agitation qui régnait autour de lui. Elle se ressaisit.

– Oui, dit-elle. J'ai amené tout ce que j'ai pu trouver d'intéressant. Le professeur Yoshida m'a aidé.

Mitsuya s'empara de la pile de livres qu'elle lui tendit et il la conduisit jusqu'à son bureau.

– Je te remercie d'avoir pris la peine de faire ces recherches, dit-il. Ça va nous être très utile.

Himeko jeta un œil dans la salle. L'activité battait son plein, tout le monde semblait courir dans tous les sens et le bourdonnement des machines à coudre emplissait les lieux.

– C'est un petit peu le branle-bas aujourd'hui, dit-il en remarquant son regard. Le professeur Nobusuke a demandé à la troupe de théâtre de préparer une représentation de leur pièce pour la fête de quartier qui aura lieu dans trois semaines.

Himeko se retourna vers lui, effarée.

– Je ne pensais pas que vous en auriez besoin si tôt, s'excusa-t-elle. J'aurais dû faire plus vite, je suis vraiment désolée !

– Ne t'en fais pas, la rassura-t-il. Nous aurons le temps de tout faire, même si ça va être un peu juste. Ta documentation nous permettra d'avoir les modèles sous les yeux. ça nous fera gagner un temps précieux.

Himeko examina son visage pour voir s'il était sincère. Puis elle sourit.

– Je ne vais pas vous déranger plus longtemps dans ce cas, dit-elle. N'hésite pas à repasser à la bibliothèque si tu as besoin d'autre chose.

Mitsuya la regarda s'éloigner, pensif. Il ignorait que le club de littérature avait rouvert avant que Yasuda san le lui fasse remarquer. Il ignorait aussi qu'il avait une aussi jolie présidente.

– Président ! L'interrompit Yamada Reiko. Est-ce que tu peux venir voir si c'est bon ?





À la fin de la journée, Himeko ferma la porte de la bibliothèque puis elle alla accrocher la clé sur le tableau, en salle des professeurs, avant de quitter le collège. Elle ne s'était pas imaginée que le club de travaux domestiques était aussi mouvementé. Dans son esprit, c'était un endroit calme à l'ambiance feutrée, bien éloigné de ce qu'elle avait découvert un peu plus tôt. Elle dut reconnaître néanmoins que Mitsuya senpai n'y déparait pas. Au contraire, il avait l'air de régner sur son petit monde avec calme et gentillesse. Le petit ami parfait.

Himeko rougit à cette pensée.

C'est vrai que Mitsuya Takashi avait tout pour lui. Il était séduisant, gentil... Pas le genre de garçon à être célibataire longtemps !

La gare se profila plus loin et Himeko rit intérieurement à tout ce qui lui traversait l'esprit en ce moment. Voilà qu'un garçon lui faisait tourner la tête ! Elle avait vraiment beaucoup changé !

Une main l'attrapa par le haut du bras et Himeko fut propulsée par terre, dans la ruelle voisine. Trois filles, en uniforme des Papillons Rouges, la regardaient.

– C'est elle ? Dit une.

– J'sais pas, répondit une autre.

Elle avait l'air de se moquer éperdument de la situation.

– Faut demander à la boss, ajouta-t-elle.

La troisième se pencha vers Himeko, qui recula contre le mur.

– Ton nom ? Dit-elle.

Himeko ne répondit pas.

– En vrai j'men fous, dit la fille. Tu viens avec nous.

Elle la saisit par les cheveux et la traîna vers le fond de la ruelle, tandis que Himeko essayait de se dégager en grimaçant de douleur.






Toutes les trois la conduisirent sous un pont, au bord du fleuve. Plusieurs membres des Papillons Rouges s'y trouvaient déjà et elles tournèrent la tête en les voyant revenir.

– Vous l'avez ? Dit une.

– Je sais pas, répéta la fille qui se tenait derrière elle. Boss, c'est elle ?

Les filles s'écartèrent, et Himeko sentit son cœur manquer un battement dans sa poitrine.

– Salut Himeko, dit Hôko.

Assise sur un bidon vide, Hôko Hitoshi la regardait approcher, poussée par ses ravisseuses, un sourire en coin. Elle avait des cheveux blonds et courts désormais et ses chaussures à talons accentuaient encore sa grande taille. Son manteau des Papillons Rouges était retroussé sur ses avant-bras et elle avait posé une batte de baseball à côté d'elle.

– J'étais sûre que c'était toi, reprit-elle. J'arrivais pas à y croire quand je t'ai vue dans la rue. Pourquoi tu t'es détournée quand on est passé près de toi ? Pourquoi tu m'as pas dit que tu étais sortie de maison de correction ?

Himeko demeura silencieuse et Hôko se leva.

La gifle fit voler le visage de Himeko en arrière et elle sentit le goût du sang dans sa bouche. Elle s'efforça de n'en rien laisser paraître.

– J'te parle ! Reprit Hôko. T'es sourde ? Où t'étais passée bordel ? T'es le boss des Papillons ! T'as oublié ? T'as oublié tout ce qu'on a fait ensemble ?

Himeko continua à la regarder en silence. Il n'y avait rien qu'elle puisse dire pour calmer sa colère, alors mieux valait se taire.

Hôko cracha à ses pieds.

– J'pensais que tu valais mieux que ça Himeko, dit-elle. Mais en fait, t'es juste une lâche ! Tu vaux rien !

Hôko se détourna et Himeko la regarda se diriger vers le bidon sur lequel elle était assise. Elle saisit un objet qu'elle avait laissé derrière et Himeko écarquilla les yeux. Une crosse de hockey.

– Tu reconnais ça ? Dit Hôko. Je l'ai soutiré aux flics après qu'ils t'aient arrêtée. Ils l'ont cherchée longtemps les cons !

Plusieurs filles rirent autour d'elle. Hôko revint vers Himeko et elle lui tendit la crosse.

– C'est ça dont tu as besoin ?

Elle la poussa de la pointe de la crosse, mais Himeko ne fit pas un geste. Elle ne baissa même pas les yeux. Le coup la saisit à la mâchoire et, même si elle s'y était attendue, il lui fit un mal de chien. Des larmes perlèrent dans ses yeux sans qu'elle puisse les retenir.

– T'es juste une lâche et une traîtresse, reprit Hôko. Et tu sais comment on traite les traîtresses chez nous.

Oui, Himeko le savait. Elle le savait mieux que personne.

NDA : Pour créer le personnage de Himeko, je me suis inspirée en partie de Kyoko Honda de Fruits Basket et en partie de Himeko Onizuka de Sket Dance, un petit mélange à ma sauce ! ^^

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