55 - Merry Christmas
Le trajet du retour fut compliqué. Mitsuya avait pris plus de coups qu'il n'avait bien voulu l'admettre et, à une ou deux reprises en chemin, il avait senti sa moto vaciller avant d'en reprendre le contrôle in extremis.
Quelle soirée de merde, se dit-il, je laisse Himeko en plan alors que je nous organise un truc rien que pour nous deux, ensuite je me fais démonter la gueule bien comme il faut... il ne manquerait plus que j'ai un accident de moto pour que ce soit la totale !
En cet instant, Takashi ne souhaitait plus qu'une chose, arriver sain et sauf chez lui, prendre un bain et aller se coucher. Et puis surtout ne plus penser.
Les cloches de l'église avaient sonné minuit un peu plus tôt. Il ne devait pas être loin de une heure du matin maintenant.
La neige s'amoncelait sur la route et le froid était de plus en plus vif. Au moins il engourdissait la douleur.
Mais demain, se dit-il, je vais le sentir passer. Il faut quand même que je pense à nettoyer mes blessures avant d'aller me coucher sinon je vais déguster.
Takashi soupira de soulagement en arrivant près de chez lui, mais quand le phare de sa moto balaya la ruelle où il se garait, il vit que la place était déjà occupée.
Assise sur la selle de sa SR, les mains dans les poches et la capuche de sa veste rabattue sur sa tête pour se protéger du froid, Himeko l'attendait. Elle se redressa en entendant le moteur de son Impulse et descendit de sa moto pour venir à sa rencontre. Takashi se gara à côté d'elle.
– Hime ? Dit-il. Qu'est-ce que tu fais là ?
– Je m'inquiétais, dit-elle, alors je suis venue t'attendre.
Elle frissonnait et elle avait les lèvres bleues de froid.
– Mais depuis combien de temps tu es ici ? S'alarma Takashi en descendant de moto à son tour. Tu dois être frigorifiée !
Elle sourit.
– J'avoue, dit-elle.
Lorsqu'il s'approcha, Himeko vit son visage et son sourire fondit. Elle sortit une main de sa poche et effleura sa joue.
– Taka... Dit-elle.
Takashi prit sa main et il embrassa ses doigts.
– Viens, dit-il. Rentrons nous mettre au chaud.
Takashi alluma le radiateur de l'appartement désert et, le temps que la chaleur se répande dans la pièce, il alla faire chauffer de l'eau pour le thé. Himeko revint de la salle de bain, la pharmacie entre les mains.
– Viens là, dit-elle en tapotant le coussin voisin. Montre-moi un peu dans quel état tu es.
Takashi déposa les deux tasses sur la table basse et il s'assit à côté d'elle. Himeko passa avec légèreté les doigts sur son visage, puis elle ouvrit la pharmacie sur la table et en sortit de quoi le soigner.
Elle désinfecta les plaies une à une en faisant attention de ne pas lui faire mal et Takashi la regarda faire. Le radiateur qui crépitait dans un coin était le seul bruit qui rompait le silence de la nuit.
– Qu'est-ce que tu regardes ? Lui demanda-t-elle sans cesser de nettoyer une estafilade sur sa joue.
– Toi, souffla-t-il.
Elle posa le coton qu'elle tenait à la main et passa doucement le pouce sur sa lèvre. Ses yeux plongèrent dans ses prunelles lilas.
– Retire ta chemise, dit-elle.
– Hmm ?
– Je suis sûre que tu es amoché là-dessous aussi, expliqua-t-elle.
Takashi sourit et il s'exécuta. Quand Himeko vit les plaques violacées qui s'étendaient sur sa poitrine et ses épaules, elle écarquilla les yeux.
– Tu t'es battu avec un ours ma parole ! Dit-elle.
– Quelque chose comme ça, reconnut-il.
Voilà une description qui convenait parfaitement à Taiju Shiba, un ours.
Himeko se leva et se dirigea vers le frigo.
– Il va falloir mettre de la glace, dit-elle. Sinon demain tu vas vraiment avoir mal.
Elle remplit une poche de glaçons et revint vers lui.
Takashi frissonna quand elle l'appliqua sur sa peau. Il la laissa faire quelques minutes puis il posa sa main sur la sienne et le contraste entre la chaleur de sa paume et la glace la fit frissonner à son tour.
– C'est agréable d'avoir mon infirmière personnelle, murmura-t-il. Je pourrais me blesser tous les jours à ce rythme.
Elle rit, mais ne répondit pas. Takashi trouvait cette soirée de moins en moins désastreuse à chaque seconde qui passait.
– Désolé pour ce soir, reprit-il. Je sais que je t'avais promis un rendez-vous rien que nous deux et...
Himeko posa le doigt sur sa bouche.
– Chuut, dit-elle, ne dis rien. C'est aussi pour ça que je t'aime Taka. Parce que tu voles au secours de tes amis quand ils ont besoin de toi. Ne t'excuse pas pour ça, je ne voudrais pas que tu sois autrement.
Sans lâcher sa main, Takashi se pencha en avant et posa sa bouche sur la sienne. Il se redressa et grimaça quand une coupure se rappela à son souvenir sur sa lèvre.
– Merde, dit-il, je suis vraiment dans un sale état.
Elle rit.
– Comment va Hakkai ? Demanda-t-elle un instant plus tard. Est-ce que ça va aller pour lui ?
Himeko avait beau le taquiner chaque fois qu'elle le voyait, elle était sincèrement inquiète pour lui après ce que lui avait raconté Takashi.
– Je crois que oui, dit-il.
Il préféra ne pas lui dire que Yuzuha, elle aussi, s'était prise des coups par Taiju ce soir.
– Mais celui qu'il faut vraiment féliciter sur ce coup-là, reprit-il, c'est Takemicchou. Ce mec m'impressionne de plus en plus. Tu verrais son état, moi, c'est rien à côté. Et pourtant, il continuait à se relever, il n'a rien lâché. Si Hakkai et Yuzuha sont tirés d'affaire maintenant, c'est grâce à lui.
Takashi lui avait déjà parlé de Takemichi Hanagaki. Lorsque Himeko avait fait sa connaissance lors de la soirée qu'ils avaient passé tous ensemble, il ne lui avait pas semblé avoir quoi que ce soit de particulier. Au contraire même, personne ne se serait douté que ce gamin taillé comme un cure-dent était un capitaine du Toman. Mais c'était parce que sa force résidait ailleurs.
Takashi la tira de ses pensées.
– Ça veut dire que tu vas recommencer à embêter Hakkai ?
Himeko le regarda, elle eut un sourire en coin.
– Ah ? Tu avais remarqué ? Dit-elle. Je n'y peux rien, c'est plus fort que moi, il est trop mignon à avoir peur des filles comme ça. Cela dit, je n'ai jamais cessé.
– Je me souviens que tu as été plutôt sage pendant la soirée avec les autres.
– Ça c'est parce qu'il ne détachait pas les yeux de Arisa.
Tous les deux se regardèrent.
– Tu crois que...? Commença Takashi.
Ils répondirent en même temps.
– Non, pas Hakkai.
– Ça n'est pas le genre à s'intéresser aux filles de cette façon, dit Taka.
– C'est juste parce qu'elle était assise juste en face de lui, ajouta Himeko. Arisa est flippante quand elle s'y met.
– Même Takemicchou est devenu vert quand elle a parlé de dissoudre des cadavres.
Himeko rangea le nécessaire dans la pharmacie et elle récupéra la poche de glace qui commençait à fondre pour la déposer dans l'évier. Quand elle revint près de lui, Takashi saisit sa main au passage et il l'attira sur le coussin voisin. Himeko se rassit à ses côtés. Les yeux de Takashi ne pouvaient se détacher de ses lèvres. Il finit par y déposer les siennes en caressant le dos de sa main du pouce et Himeko ferma les yeux. Lorsqu'il recula sous le tiraillement de ses plaies, Himeko posa la main sur sa joue.
– Laisse faire ton infirmière personnelle, dit-elle.
Elle se pencha à son tour vers lui et s'empara doucement de ses lèvres en prenant soin d'éviter ses blessures. Sa bouche dansa sur la sienne, chaude et délicate, puis Himeko effleura sa peau du bout de la langue pour lui demander l'accès à la sienne et Takashi lui livra le passage sans lutter. Son contact était si doux, qu'il en oubliait la douleur. Sa respiration s'accéléra et il serra machinalement sa main pour l'amener plus près de lui encore.
Lorsqu'elle se redressa, il la retint, le regard brûlant.
– Tu n'es pas en état Taka, lui rappela-t-elle.
– Je m'en fiche.
La lueur fiévreuse dans ses yeux était plus éloquente que tous les mots. Himeko passa la main dans sa nuque pour caresser ses cheveux.
– Alors laisse-moi prendre soin de toi, dit-elle.
Après avoir leurs ébats, ils s'étendirent sous la couette. Himeko posa la tête sur sa poitrine en prenant garde de ne pas lui faire mal et les doigts de Takashi se mirent à jouer avec ses cheveux.
En quelques heures, réalisa-t-il, cette soirée était passée de franchement merdique à la plus merveilleuse de sa vie. Et tout ça, c'était grâce à elle.
– Tu dois rentrer, dit-il, ou tu peux dormir ici ?
– Je peux rester, répondit-elle. J'ai prévenu que je ne rentrerais sûrement pas ce soir.
Il se souleva pour embrasser sa tête et elle glissa son bras dans son cou.
– Je suis content que tu restes, dit-il.
– Moi aussi...
Puis elle ajouta :
– J'ai rêvé de ça il y a quelque temps.
– Hmm ?
– Que je dormais dans tes bras, expliqua-t-elle. C'était le plus beau rêve que j'ai fait.
Il sourit et, un instant plus tard, tous les deux dormaient profondément.
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