46 - Confiance

Assise sur le banc dans l'obscurité, Himeko avait la tête posée sur l'épaule de Takashi.

– Tu n'as pas froid ? Lui demanda-t-il.

Elle secoua la tête.

– Non.

Elle tenait sa main et jouait avec ses doigts comme si elle redoutait de le lâcher. Il lui semblait indécent d'être aussi heureuse alors qu'il souffrait juste à côté d'elle.

– Tu tiens le coup ? S'enquit-elle.

Takashi réfléchit.

– C'est tellement... irréel, dit-il. L'instant d'avant il était là et maintenant je ne le reverrai plus jamais.

Elle entendit sa voix s'étrangler.

– Tu veux en parler ?

– J'aimerais plutôt tout oublier de cette journée si c'était possible.

Himeko releva la tête.

– Non, dit-elle, je veux dire, de lui, tu veux en parler ?

Takashi la regarda, surpris.

– Oui, dit-il. Je veux bien.

Il passa presque une heure à lui raconter les souvenirs de Baji qui lui venaient à l'esprit les uns après les autres : leur rencontre, son caractère si irritable que ça en devenait comique, son sens de l'amitié qui dépassait tout ce qu'il avait vu, cette façon qu'il avait de s'attacher les cheveux lorsqu'à ses yeux les choses devenaient sérieuses, ses éclats de rire tonitruants et contagieux, son goût immodéré pour les nouilles et l'admiration, tout aussi immodérée, que son second, Chifuyu Matsuno, avait pour lui, en dépit de leurs caractères si différents. Il lui décrivit à nouveau le jour où Baji leur avait proposé de fonder le Toman et où ils avaient acheté cette amulette. Amulette qui avait fait sa réapparition pendant la bataille.

Les derniers mots de Baji lui revinrent et, à ce souvenir, Takashi se tut. Himeko le prit dans ses bras.

– D'abord Kazutora, dit-il, puis Pachin. Maintenant Baji. Où est-ce que ça va s'arrêter ?

Himeko n'avait pas de réponse. Takashi se réfugia entre ses bras et il la serra avec force.

– Merci d'être venue Hime, dit-il.




Lorsqu'ils se levèrent, il était presque minuit. Himeko frissonna dans sa veste trop fine et Takashi s'en aperçut.

– Attends... Dit-il.

Il retira son blouson et il le lui posa sur les épaules.

– Tu vas avoir froid, dit-elle.

– C'est bon, répliqua-t-il. Quel genre de petit ami je serais si je laissais ma copine grelotter ?

Petit ami.

Ces deux mots firent courir un frisson agréable sur la peau de Himeko. Elle s'appuya contre Takashi et il passa le bras autour de ses épaules. Ils se mirent en marche sur le sentier plongé dans l'obscurité.

Takashi était là, près d'elle. Tout cela lui paraissait être un rêve merveilleux.

Si c'est un rêve, se dit Himeko, je ne veux plus me réveiller.

– Hime, dit-il, est-ce que je peux te poser une question que tu ne vas pas aimer ?

Intriguée, Himeko leva la tête.

– Laquelle ?

– Raito Miruki... Commença-t-il.

Elle frissonna, mais pas de froid cette fois. Takashi poursuivit.

– Est-ce qu'il y a quelque chose entre vous ?

– Non, répondit-elle.

En cet instant, Himeko se serait mise des claques pour ne pas avoir mis les choses au point plus tôt avec Miruki.

– Je l'ai croisé en sortant du collège il y a quelques jours, reprit-elle, et il a proposé de me raccompagner à la gare pour s'excuser pour la dernière fois.

Ils firent quelques pas et elle ajouta :

– Il m'a invitée à aller boire un verre avec lui. Je me suis dit que ça me changerait les idées et, comme une idiote, j'ai accepté.

Takashi ne dit rien.

– Et maintenant, finit-elle, j'esquive ses coups de fil et je me planque dans les toilettes des filles entre chaque cours comme une chef de gang très courageuse.

Cette fois, Takashi pouffa de rire.

– Je vois, dit-il une fois qu'il se fut calmé.

– Je suis désolée Taka, reprit-elle, tu dois te dire que je suis une garce qui joue avec les sentiments des garçons.

– Non, dit-il. Jamais je n'ai pensé une chose pareille.

Il s'immobilisa sur le sentier et Himeko leva les yeux vers son visage plongé dans l'ombre.

– J'avais peur... que tu m'aies remplacé, dit-il. Hime, j'étais sérieux tout à l'heure : je veux plus qu'une simple relation avec toi.

Quelque chose dans sa voix, comme une sorte de fragilité, fit se rapprocher Himeko. Elle posa la main sur sa joue, sa peau était chaude sous ses doigts.

– Je l'étais moi aussi Taka, dit-elle. Je veux plus avec toi. Je suis prête à n'importe quoi pour ça.

Elle posa le front sur sa poitrine et elle sentit les bras de Takashi se refermer sur elle.

– Hime, reprit-il, je n'aurais jamais dû te dire que je considérais ces sales types comme faisant partie du Toman. Mais... j'avais peur. Pour toi.

Himeko voulut lever les yeux vers lui, mais les bras de Taka refusèrent de la lâcher.

– J'avais peur, continua-t-il, que tu fasses une bêtise sous le coup de la colère. J'avais peur de te perdre. Je suis désolé.

C'était donc ça, se dit-elle.

Étrangement, si n'importe qui d'autre avait dit ça, Himeko se serait mise en colère. Mais c'était Taka, et tout ce qu'elle ressentait c'était une chaleur plaisante dans la poitrine.

– Merci, dit-elle, de te faire du souci pour moi.

Elle le prit dans ses bras et se laissa envelopper par la chaleur de son torse.

– Et pardon de t'avoir fait peur, ajouta-t-elle.

Au-dessus d'elle, Takashi laissa échapper un soupir soulagé.

– Je sais, dit-il, que tu penses que tu dois tout faire toute seule, que tu dois tout résoudre toute seule parce que la vie n'a pas été tendre avec toi et qu'on ne t'a jamais aidée. Mais j'aimerais que tu comptes sur moi Hime. Je veux être là pour toi, je ne veux plus être tenu à l'écart de ta vie.

Il n'y avait pas de reproches dans sa voix, juste de la tristesse.

– Je n'ai jamais voulu te tenir à l'écart, lui assura-t-elle. Tout ce que je voulais, c'était te protéger. Mais je m'y suis prise comme un pied.

– Et toi Hime, dit-il, qui va te protéger ?

Cette fois, elle ne répondit pas.

– Je veux être là pour toi dans les bons comme dans les mauvais moments, dit-il, parce que je t'aime. Tu te souviens ?

– Oui, je me souviens.

C'était ses propres mots, ceux qu'elle avait prononcés après que Draken se soit fait poignarder. Takashi reprit.

– Alors laisse-moi faire pour toi ce que tu veux faire pour moi.

Himeko inspira et releva la tête.

– Tu as raison, dit-elle. D'accord.

Parvenus près de sa moto, Takashi s'appuya contre la selle et il attira Himeko contre lui. Il plongea le nez dans son cou, les yeux fermés.

– Je suis vraiment content que tu sois venue ce soir, dit-il.

Elle sentait si bon, le parfum de sa peau était comme une drogue, une drogue dont il n'arrivait pas à se rassasier. Il pourrait rester comme ça des heures, juste à la tenir contre lui.

– Tu m'as manquée Hime.

Himeko passa les mains dans son cou et ses doigts caressèrent ses cheveux.

– Tu m'as manqué aussi Taka. Plus que je ne saurais le dire.

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