44 - En panique

Le lendemain, un samedi, fut un des derniers beaux jours de la saison. Himeko en profita pour s'acquitter des ses corvées. Alors qu'elle nettoyait le couloir, son téléphone sonna pour la troisième fois de l'après-midi dans la poche de son tablier. Elle jeta un œil à l'écran et le rangea.

Encore Miruki.

Depuis qu'elle avait accepté d'aller boire un verre avec lui, il ne cessait d'essayer de fixer une date pour ce rendez-vous. Himeko, elle, n'avait plus envie d'y aller. Elle n'avait dit oui que pour se changer les idées et, surtout, sans connaître ses vrais sentiments pour Takashi. Maintenant, elle s'en voulait d'avoir accepté si facilement. Elle se faisait l'effet d'être une fille ignoble qui se sert des garçons.

Tu es une garce, se dit-elle en se remettant au travail. Le surnom Onihime te va comme un gant.

En passant devant sa chambre, Himeko y abandonna son téléphone en se promettant d'avoir une conversation avec Miruki dès lundi. Mais en vérité, celui avec qui elle voulait parler, c'était Takashi.

Qu'est-ce que je dois lui dire exactement ? Quels mots employer ? Comment lui faire comprendre ce que je ressens ?

Les mêmes questions tournaient en boucle dans sa tête. À plusieurs reprises déjà, Himeko avait saisi son téléphone avec l'intention de l'appeler. Mais elle s'était toujours ravisée à la dernière minute.

Et si je ne trouve pas quoi lui dire ?

Cependant, la véritable raison qui la faisait hésiter, c'est qu'elle avait peur. Peur de sa réaction. Peur d'être rejetée.

Tu es une trouillarde ! Essaya-t-elle de se sermonner.

En vain, la peur qu'elle ressentait à l'idée qu'il puisse décider de sortir définitivement de sa vie lui mettait le cœur au bord des lèvres.

Tout, mais pas ça.

Tout en parcourant le couloir de long en large penchée sur son chiffon, Himeko décida qu'il fallait d'abord mettre les choses au point avec Miruki.

Je ne veux pas leur donner à tous les deux l'impression que je l'ai gardé sous le coude au cas où, se dit-elle. Déjà, Miruki ensuite...

Elle ne finit pas sa phrase dans sa tête.

Ensuite, se dit-elle, on verra.




Quand la journée se termina, Himeko finit de rentrer le linge puis elle se dirigea vers la salle de bain. Il n'y avait que trois filles en plus d'elle ce soir-là, Orie était absente et les lieux étaient calmes. Après s'être lavée, Himeko plongea dans le bain et aussitôt, elle se remit à penser à Taka.

Comment je vais faire pour lui dire ?

Elle s'immergea un instant sous l'eau, l'esprit empêtré, et elle ferma les yeux avec force. Quand elle faisait ça, elle avait toujours l'impression de laisser les problèmes à la surface.

Arisa a raison, se dit-elle, je suis conne des fois !

Finalement, elle remonta à la surface avec l'envie de se donner des claques.

Ça suffit, se dit-il. Après avoir vu Miruki, tu vas le trouver et tu lui parles, point. S'il t'envoie promener, tu l'auras mérité !

Cette nouvelle résolution en tête, Himeko sortit du bain et rejoignit sa chambre.

Elle s'était habillée et elle était en train de se coiffer, quand elle vit que son téléphone avait reçu des notifications. Elle l'attrapa pour les consulter et ouvrit les yeux, stupéfaite.

Dix-sept appels en absence.

Si c'est Miruki, se dit-elle, il exagère !

C'est alors qu'elle se rendit compte que presque tous les appels provenaient de Arisa. Une sourde panique envahit sa poitrine et Himeko l'appela.

– Arisa ?

Hime ? Enfin ! Je n'arrivais pas à te joindre !

– Qu'est-ce qui se passe ?

– C'est Mitsuya ! dit Arisa. L'un de ses potes, Baji, Il est mort ! Il s'est fait planter pendant la bataille contre le Valhalla !

Himeko sentit comme un bloc de glace lui tomber dans le ventre.

Elle raccrocha, attrapa sa veste et se rua dans le couloir.

Un de ses amis est mort...

Tout en courant vers l'entrée, elle composa le numéro de Taka.

Réponds, réponds... Supplia-t-elle.

"Votre correspondant n'est pas disponible actuellement, vous pouvez laisser un messa..."

Himeko raccrocha. Le souvenir de la détresse de Takashi lorsque Draken avait failli perdre la vie quelques mois plus tôt lui revint en mémoire et elle accéléra l'allure. Une fois dans la rue, elle regarda autour d'elle.

Où le trouver ? Chez lui ? Au collège ? Non, sûrement pas au collège, il est trop tard, le bâtiment doit être fermé.

Tout en retournant ces pensées dans son esprit, Himeko partit en courant vers la gare. Elle n'aurait qu'à essayer tous les endroits où il pouvait être comme elle l'avait fait la dernière fois. Elle finirait bien par le trouver.




Debout devant la porte du wagon du train, prête à en jaillir dès qu'elle s'ouvrirait, Himeko trépignait.

Ce train a toujours été aussi lent ? Se demanda-t-elle.

Lorsqu'elle arriva enfin dans la rue où vivaient les Mitsuya, la nuit était tombée depuis longtemps. Il y avait de la lumière à la fenêtre, mais elle ne vit pas la moto de Takashi dans l'allée.

Le souffle court, Himeko s'efforça de réfléchir.

Où est-ce qu'il peut être ?

Elle essaya de lui téléphoner encore une fois, mais elle retomba de nouveau sur le même message. Il avait sûrement éteint son téléphone.

Qu'est-ce que je fais ? Je vais où maintenant ?

Tout en se demandant où elle aurait le plus de chance de le trouver, Himeko arpentait les rues.

Elle ne s'était jamais sentie aussi impuissante qu'en cet instant. Toute la peur qu'elle avait ressentie à l'idée de se trouver face à lui, s'était envolée. Tout ce qu'elle souhaitait pour le moment, c'était le prendre dans ses bras et ne pas le laisser seul face à son chagrin, et peu lui importait qu'il la repousse ensuite.

Taka, dis-moi où tu es...

Finalement, elle s'arrêta au pied d'une fontaine, sur une place pleine de monde en ce samedi soir du dernier jour d'octobre et elle s'assit sur le rebord.

Comment est-ce que je peux le trouver ?

Elle était sur le point de pleurer de frustration lorsqu'une idée lui vint à l'esprit. Elle ressortit son téléphone et appela Arisa. Celle-ci décrocha aussitôt.

Hime ? Dit-elle.

Himeko ne la laissa pas parler.

– Ari ! J'ai besoin que tu m'aides à le trouver ! Il y a forcément quelqu'un qui l'a vu ou qui sait quelque chose ! Trouvez-le moi !

Même elle, entendit la note de panique dans sa voix, mais elle s'en moquait. Tout ce qu'elle voulait, c'était savoir où était Takashi.

Sur le bord de la fontaine, son téléphone serré dans son poing, Himeko attendit. Les minutes lui paraissaient durer des heures et elle jetait un œil à l'écran toutes les dix secondes. Finalement, presque quarante-cinq minutes plus tard, Arisa la rappela.

Des filles ont vu son impulse, garée à l'entrée du parc Nabeshima Shoto.

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