4 - Mitsuya Takashi
Himeko s'habitua rapidement à son rôle de présidente du club de littérature. Si on lui avait dit, quelques heures après la rentrée des classes, qu'elle aurait pris la tête de ce genre de clubs, elle n'y aurait pas cru.
Et la précédente toi encore moins, pensa-t-elle.
Tous les jours, à l'heure du repas et après les cours, elle allait assurer la permanence au bureau de la bibliothèque. Son rôle consistait à renseigner les élèves, ranger les rayonnages et s'occuper de la gestion du prêt d'ouvrages principalement. Il arrivait que des enseignants leur demandent de l'aide pour des projets en particulier, notamment le professeur de littérature japonaise, monsieur Yoshida, qui prenait comme une victoire personnelle la réouverture du club. Mais le plus souvent, la bibliothèque était un endroit calme ou Himeko passait le plus clair de son temps à lire, assise sur le rebord de la fenêtre. Quelques semaines après la rentrée, le BDE lui avait adjoint deux aides, Kana Umi et Korotami Sachi, deux jeunes filles timides de première année qui se connaissaient depuis l'école primaire. Comme Himeko, elles n'avaient pu se décider sur le choix d'un club et c'était une de leur camarade qui leur avait suggéré d'intégrer le club de littérature.
Sachi était une mince jeune fille à lunettes qui aimait porter des tresses. Tout le portrait d'une bibliothécaire, alors que Umi, plus petite et exubérante, avait toujours un sourire aux lèvres et un mot gentil pour ceux qui l'entouraient. On n'aurait pu imaginer des amies plus différentes, pourtant elles se complétaient parfaitement.
– J'ai fini de ranger senpai ! S'exclama Umi.
Himeko leva les yeux depuis le comptoir de l'entrée.
– Ne crie pas comme ça, lui rappela Sachi. Tu es dans une bibliothèque et tu dois montrer l'exemple.
Umi rigola.
– Même quand il n'y a personne ?
Leurs échanges faisaient toujours beaucoup rire Himeko. Elle aurait aimé avoir une amie comme elles.
Cette pensée lui fit pincer les lèvres et elle préféra la repousser.
– Nous allons y aller senpai, lui dit Sachi, la tirant de ses pensées.
Himeko releva la tête.
– Oui, merci. Bon travail les filles, à demain.
Les deux jeunes filles récupérèrent leurs sacs et la saluèrent d'un signe de la main avant de sortir.
En dehors des périodes d'examens où les étudiants venaient réviser à la bibliothèque, les lieux étaient vraiment calmes. De taille plutôt modeste, une dizaine de rayonnages, la bibliothèque du collège de Shibuya Nichu faisait davantage penser par son apparence à une bibliothèque de quartier qu'à un lieu où l'on venait faire des recherches. C'était une volonté du professeur de littérature japonaise. Il souhaitait que les élèves puissent avoir envie d'y venir pour se détendre autant que pour y travailler. Toutefois la seule personne pour l'heure qui profitait des lieux, c'était Himeko.
Elle regarda sa montre. Elle avait encore une heure de permanence à assurer. Elle reprit le livre qu'elle était en train de lire et alla s'installer sur le rebord de la fenêtre, laissant ses chaussures par terre pour être plus à l'aise. Dehors, le club de baseball s'entraînait dans le soleil couchant qui étirait les ombres sur le terrain. De là où elle se tenait, Himeko pouvait apercevoir un groupe de jeunes filles agglutinées contre le grillage. Sans doute pour voir jouer un des garçons. Les sportifs avaient toujours beaucoup de succès auprès des collégiennes. Himeko n'aurait su dire lequel des joueurs attirait ainsi leur attention. Elle ne s'était pas vraiment préoccupée de la vie du collège, de crainte que quelqu'un finisse par la reconnaître.
Les rumeurs la concernant avaient fini par mourir d'elles-mêmes quelques semaines après la rentrée et aujourd'hui, presque un mois plus tard, plus personne ou presque ne faisait allusion à la fameuse délinquante qui avait rejoint les bancs du collège de Shibuya Nichu. Pour tous, elle avait simplement décidé de ne jamais se présenter en classe.
Himeko s'était demandée à plusieurs reprises dans quelle mesure les professeurs étaient au courant de sa situation, mais soit ils n'en savaient rien, soit ils n'en laissaient rien paraître. Ce qui lui convenait tout à fait.
Elle n'était plus la personne qu'elle était quelques mois plus tôt et elle ne le redeviendrait jamais.
Perdue dans son ouvrage, Himeko n'entendit pas s'ouvrir la porte de la bibliothèque. Lorsqu'il l'interpella, elle sursauta et en lâcha son livre.
– Salut !
La main sur le cœur, elle s'efforça de calmer la pointe de panique qui l'avait saisi en découvrant quelqu'un près d'elle. Le garçon se baissa pour ramasser son livre. À la couleur de ses chaussures, Himeko sut que c'était un troisième année.
– Je suis désolée senpai ! Dit-elle. Je ne vous ai pas entendu entrer !
Il lui tendit son livre et sourit.
– Il n'y a pas de problème, ne t'en fais pas.
Il avait une allure de garçon sérieux, si l'on faisait abstraction de sa boucle d'oreille, et le regard fatigué. Himeko se leva et elle enfila rapidement ses chaussures, gênée d'avoir été surprise dans cette position.
– Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? Lui demanda-t-elle.
– En fait, oui, lui dit-il. Le club de théâtre prépare une pièce pour le festival de cet été et ils nous ont demandé de leur réaliser une série de costumes d'époque. Je me demandais si tu aurais de la documentation à ce sujet.
Himeko réfléchit. Elle avait dévoré une grande part des ouvrages de la bibliothèque. Son contenu n'avait plus beaucoup de secret pour elle.
– Il me semble que nous avons quelque chose, oui, dit-elle.
Elle le conduisit entre les rayonnages et se hissa sur la pointe des pieds pour attraper un fascicule en hauteur. Elle le lui tendit.
– Celui-ci traite des techniques de fabrication des costumes de scène.
Un peu plus loin, elle sortit un autre livre.
– Celui-ci c'est une autobiographie de Momonoi Nanako...
Le garçon leva un sourcil.
– Le fabricant de kimonos ?
Himeko tourna un sourire vers lui.
– Lui-même, dit-elle. Le livre contient plusieurs illustrations de référence qui pourraient t'être utiles.
Il la regarda continuer à circuler parmi les rayonnages comme si elle était chez elle.
– Tu t'y connais drôlement, dit-il un instant plus tard.
Himeko rougit, gênée par sa réflexion.
– Pas tant que ça, dit-elle. J'en ai juste lu beaucoup.
Elle réfléchit et ajouta.
– Je devrais pouvoir te trouver des ouvrages plus spécifiques dans la réserve. Mais il va falloir que je fasse des recherches. Est-ce que ça te dérange de patienter quelques jours ?
– Absolument pas, dit-il. Tu n'auras qu'à m'apporter ce que tu auras trouver quand tu auras le temps. Mitsuya Takashi, je suis dans la classe trois. Ou bien tu n'as qu'à passer au club de travaux domestiques, c'est là que je suis le plus souvent.
– Très bien, dit Himeko. Je t'apporterai ce que je trouve dans le courant de la semaine prochaine.
Elle le regarda s'éloigner, le cœur battant. Elle ne s'était pas encore remise du choc de l'avoir découvert si près d'elle un peu plus tôt. C'était un garçon plutôt séduisant avec ses cheveux gris tirant sur le mauve, et sa boucle d'oreille lui donnait un petit air rebelle que démentait le reste de sa personne. Et puis, il avait l'air gentil.
Funfact : Au Japon, Mitsuya est une marque de soda très connue !
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