35 - Tu n'es pas toute seule
Le lundi arriva beaucoup trop vite au goût de Himeko. Lorsque son réveil sonna, elle l'éteignit avant de rabattre la couette sur sa tête.
– J'ai pas envie... Marmonna-t-elle. Pas envie, pas envie....
Cinq minutes, puis dix minutes passèrent et, enfin, elle se décida à se lever et gagna le réfectoire où les autres pensionnaires déjeunaient.
– Madame Fuya ? Dit-elle en se plantant en pyjama à côté de la directrice. Je ne me sens pas bien aujourd'hui. Est-ce que je pourrais rester ici ?
La femme leva les yeux. Elle écrasa sa cigarette dans son cendrier portable et elle le referma.
– Tu as une sale tête, reconnut-elle. C'est d'accord. Tu veux que j'appelle un médecin ?
Himeko secoua la tête.
– Non, je vais juste dormir. Je suis sûre que demain ça ira mieux.
Juste une journée, se dit-elle en tournant les talons, demain j'y retourne, c'est promis, mais juste pour aujourd'hui je ne veux plus entendre parler de tout ça.
Himeko retourna dans sa chambre pour envoyer un message à Taka.
Himeko contempla longuement l'écran de son téléphone, avant de se réfugier à nouveau sous sa couette.
Tu lui as menti encore une fois, lui fit remarquer la petite voix.
– La ferme... Lui répondit-elle.
Comme Himeko, Takashi contempla un moment l'écran de son téléphone, avant de le ranger dans sa poche. Il irait la voir en sortant des cours, décida-t-il, il y avait quelque chose qui n'allait pas et il était bien décidé à savoir quoi.
Quand sonna l'heure de la fin des cours, Takashi passa en coup de vent au club de travaux domestiques.
– Yasuda san, dit-il. Je suis désolé, je vais encore te laisser tomber aujourd'hui.
La jeune fille à lunettes qui lui tenait lieu de bras droit au sein du club haussa un sourcil.
– Oui, vas-y président.
Takashi était surpris.
– Je pensais que tu m'engueulerais ? Dit-il tout haut.
Yasuda se tourna vers lui.
– Tu vas voir Oniroku san, non ? Dit-elle. Je ne suis pas aveugle président, ni sourde d'ailleurs, j'ai bien entendu ce qu'on raconte à son sujet. Alors va la voir.
Le visage de Takashi s'adoucit.
– Très bien.
– Et ramène-la ici demain matin, ajouta Yasuda san. À coups de pieds dans les fesses s'il le faut.
Avant de partir, Takashi gagna la classe de Himeko pour vérifier si un de ses camarades s'était chargé de lui apporter les devoirs. Il tomba sur le petit groupe préposé au ménage.
– Salut, dit-il en entrant. Je vais voir Himeko et je suis passé vous demander s'il y avait quelque chose à lui apporter.
Une jeune fille se détacha du groupe tandis que les trois autres ignorèrent le nouveau venu.
Haruka les regarda un instant avant de revenir à Takashi.
– Tu vas la voir finalement senpai ? Dit-elle. C'est le mieux je pense.
Takashi ne comprit pas où elle voulait en venir. Haruka lui désigna le bureau de Himeko du menton et elle repartit vers son sac qu'elle avait posé au pied de l'estrade.
Quand Takashi arriva devant le bureau de Himeko, il se figea de surprise. Des insultes barbouillaient le plateau dans tous les sens et on devinait encore les traces d'anciens graffitis que Himeko avait nettoyé de son mieux. Il posa la main sur le bureau.
– Tiens, dit Haruka en revenant vers lui, je lui ai pris les cours de la journée. Je comptais les lui apporter, mais je crois que c'est mieux si c'est toi qui le fais.
Takashi prit la liasse de feuilles et il la rangea dans son sac.
– Qu'est-ce qui se passe ici ? Demanda-t-il.
Haruka san lui montra le bureau.
– Tu as besoin de plus d'explications senpai ?
Non, il n'en avait pas besoin.
Takashi revit encore le visage souriant de Himeko lui assurant que tout allait bien et il serra les poings. Tout cela, c'était de sa faute.
– Tu peux lui transmettre un message de ma part senpai ? Reprit haruka. Dis-lui que si elle n'est pas là demain matin à huit heures pétantes, Haruka san viendra la déloger de chez elle et elle la traînera en cours par les cheveux s'il le faut, chef de gang ou pas chef de gang.
La jeune fille se détourna pour récupérer son cartable et elle ajouta :
– Ça me met hors de moi de la voir se faire marcher dessus comme ça !
Quarante-cinq minutes plus tard, Takashi était devant l'entrée du foyer Hakifumi. Il chercha une sonnette, mais n'en trouvant pas il leva la main pour toquer. Il n'en eut pas le temps, la porte s'ouvrit en coup de vent et une jeune fille aux cheveux coupés au carré, juste vêtue d'un short en jean et d'un top qui ne masquait pas grand-chose de sa poitrine, faillit lui rentrer dedans.
Orie fit un pas en arrière et elle le regarda.
– Oh ! Dit-elle. Tu es le petit ami de Hime ! Tu es venu finalement ! Cool !
Un cri monta derrière elle et Orie Reimi grimaça avant de revenir à Takashi.
– Hime est à l'arrière ! Lui dit-elle en lui désignant l'autre côté du bâtiment. Elle s'occupe de la lessive ! Tu m'excuses, je ne peux pas te conduire !
Elle s'échappa en courant et une petite femme à lunettes parut à l'angle du couloir, un gigantesque éventail en papier dans la main.
– Reimi san ! Viens ici ! Tu es chargée de nettoyer les sanitaires alors tu ne t'échapperas pas !
Takashi resta une seconde interdit, avant de contourner le foyer par l'extérieur. Il trouva rapidement les étendoirs à linge sur lesquels flottaient toute une série de draps blancs. Lorsqu'un coup de vent les souleva, il aperçut la silhouette de Hime, un panier à linge entre les mains. Elle portait un tablier et ses cheveux, qui avaient bien repoussé maintenant, étaient retenus par un foulard noué dans sa nuque.
Un instant, il resta à la regarder. Elle était vraiment jolie avec sa silhouette fine. Il aimait le moindre de ses gestes.
– Alors c'est ici que tu te caches ? Dit-il en s'avançant.
Himeko se tourna, surprise, et elle sourit.
Je me damnerais pour que tu me souris comme ça à chaque seconde, se dit-il.
– Taka ? Dit-elle. Qu'est-ce que tu fais ici ?
Elle abandonna le linge pour venir vers lui.
– Je suis venu voir comment tu allais, répondit-il, mais on dirait que tu vas mieux.
Elle rougit et détourna la tête.
– Oui, dit-elle. Ça n'était rien finalement.
Takashi leva la main, il prit son visage entre ses doigts et il le ramena vers lui.
– Hime, dit-il, et si tu me disais la vérité maintenant ?
Elle essaya à nouveau de fuir son regard.
– Je suis passé par ta classe avant de venir, lui apprit-il. Rassure-moi sur un point : ce n'est pas eux que tu essaies de fuir ?
Himeko ne répondit pas. Elle se pencha et posa le front contre sa poitrine. Takashi passa son bras dans son dos.
– Hime, dit-il. Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? Je croyais qu'on était d'accord pour ne rien se cacher.
– Pardon... Bafouilla-t-elle. Je...
Il l'interrompit.
– Et ne me sors pas des absurdités comme quoi tu voulais me protéger ou quelque chose dans ce genre, lui dit-il.
Entre ses bras, Himeko rit.
Un cri, à la porte arrière du foyer, leur fit lever les yeux à tous les deux.
– JE LE SAVAIS ! Brailla Orie. HIME EST UNE FLIPETTE ! T'ÉTAIS PAS MALADE EN VRAI ! T'AVAIS JUSTE LA TROUILLE !
Elle repartit en courant quand madame Kanami et son éventail se profilèrent au coin du bâtiment.
– Reviens ici Reimi san ! Cria-t-elle.
– Il se passe quoi dans cette maison ? Demanda Takashi en se retenant de rire.
– Orie est de nettoyage de salle de bain, lui apprit Himeko. Elle essaie d'y échapper à chaque fois, mais aujourd'hui, madame Kanami a décidé qu'elle ne lâcherait rien.
Elle releva la tête, un sourire sur les lèvres.
– On a fait des paris, ajouta-t-elle, tu veux en être ? J'ai misé mille-cinq-cents yens que madame Kanami abandonnerait la première.
– Vous vous amusez bien à ce que je vois.
Himeko ramena le front contre son épaule.
– Pardon Taka, dit-elle. J'aurai dû t'en parler, tu as raison. Je suis contente que tu sois là. Je me sens moins seule.
Il la serra dans ses bras.
– Tu n'es pas toute seule Hime. Haruka san m'a donné les devoirs pour toi, elle m'a aussi chargé de te dire que tu avais intérêt à venir demain, sinon elle venait te chercher elle-même, et Yasuda san m'a dit pratiquement la même chose.
Himeko rit.
– Les connaissant, elles n'ont pas dû formuler ça comme ça, dit-elle.
– Oui, il était question de te botter les fesses pour l'une et de te traîner par les cheveux pour l'autre.
Cette fois, Himeko éclata de rire.
– Oui, là je les reconnais.
– DIS LE PETIT AMI, reprit Orie, de retour à la porte. TU AURAIS PAS UN FRÈRE OU UN COUSIN, OU MÊME UN POTE CÉLIBATAIRE POUR MOI ? J'AI PLUS DE PETIT COPAIN, POURTANT JE SUIS GENTILLE !
Takashi posa le menton sur la tête de Himeko et elle s'aperçut qu'il était en train de rire.
– Je vois ce que tu voulais dire par une grande famille, dit-il. Tes sœurs n'ont rien à envier aux miennes.
– Tu m'excuses une petite seconde ? Dit Himeko en se détachant de lui.
D'un mouvement souple, elle retira sa claquette en l'envoya en direction de la gêneuse qui l'esquiva prestement.
– WOOOW ! S'écria Orie. T'AS VU CE MOUVEMENT D'ESQUIVE ? EST-CE QUE T'AS VU CE...
Elle ne put finir sa phrase, la seconde claquette la frappa en pleine face dans un Plaf ! sonore et Himeko murmura :
– Strike...
Madame Kanami parut à la porte et elle saisit le bras de Orie.
– Je te tiens ! Dit-elle en l'entraînant derrière elle. Maintenant ça suffit, tu ne quitteras pas cette salle de bain avant qu'on puisse y manger par terre !
– Mais madame Kanami ! Himeko m'a frappée ! Vous l'avez vu !
– Oui, oui, tu es une pauvre victime.
– Mince, comprit Himeko. Je viens de perdre mille-cinq-cents yens.
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