21 - Entente
Himeko resta longtemps ainsi, le front appuyé contre sa poitrine. Les yeux fermés, elle savoura l'odeur de sa peau. Elle se demandait encore si c'était fini entre eux.
Finalement, elle rassembla son courage.
– Si tu veux partir en courant, dit-elle. C'est maintenant.
Au-dessus d'elle, Takashi rigola.
– Ça devrait aller, dit-il.
Il la prit par les épaules et la recula pour la regarder dans les yeux.
– Tu pensais vraiment que je prendrais la fuite pour si peu ?
Elle réfléchit.
– Je ne sais pas, dit-elle.
Il prit son visage dans le creux de sa main et son pouce alla caresser sa joue.
– Je crois que nous sommes partis sur de mauvaises bases tous les deux, dit-il.
Il hésita et reprit.
– Même si j'ai du mal à l'admettre, dit-il. Moi non plus je n'ai pas fait preuve de franchise. J'aurais pu te parler du Toman dès le début, mais la vérité, c'est que je ne l'ai pas fait parce que j'avais peur que tu prennes la fuite.
Himeko leva la tête et écarquilla les yeux, surprise. Il continua.
– Comment j'aurais pu imaginer qu'une fille comme toi veuille d'une racaille comme moi ?
Elle eut un petit rire et se pencha pour cacher son visage contre sa poitrine.
– Tu me piques mes répliques, dit-elle.
– Hime... dit-il.
Sa voix s'était subitement faite plus grave.
– Je crois que je t'aime, finit-il.
Himeko sentit un frisson lui dévaler l'échine. Elle se félicita d'avoir baissé le front, sans quoi elle n'aurait pu dissimuler le trouble qui avait traversé son visage.
– Je ne veux pas que tu prennes peur, dit-il. Mais puisque j'ai décidé d'être franc ce soir, autant l'être jusqu'au bout.
Les joues brûlantes, Himeko resta appuyée contre lui.
– Comment imaginer qu'un garçon comme toi veuille d'une racaille comme moi ? Dit-elle, reprenant ses propres mots.
Takashi rit.
– On fait vraiment la paire, hein ? Dit-il.
– Une belle paire d'abrutis, confirma-t-elle.
Un silence plana entre eux, puis Himeko saisit le devant de son t-shirt entre ses doigts.
– Je t'aime Taka, souffla-t-elle. Quand j'ai cru t'avoir perdu tout à l'heure, j'ai eu mal à en crever. Je ne veux plus jamais connaître ça.
Il frissonna et ses bras se refermèrent sur elle. TaKashi posa le menton sur sa tête et Himeko reprit d'une toute petite voix.
– Tu ne veux toujours pas partir en courant ?
Il rit.
– Non, dit-il.
Il s'écarta, saisit son menton entre ses doigts et ses lèvres allèrent chercher les siennes. Himeko goûta la chaleur de sa bouche, sa main posée sur celle de Taka. Pendant plusieurs minutes, leurs lèvres dansèrent doucement, se séparant pour mieux se retrouver la seconde d'après. Puis Takashi glissa le bras dans le creux de ses reins, et Himeko se hissa sur la pointe des pieds, abandonnant sa main pour passer les doigts dans son cou, à la naissance de ses cheveux, et il s'enlacèrent plus étroitement. Il lui semblait qu'elle ne pourrait jamais se rassasier de lui et, lorsque la langue de Takashi se fraya un chemin entre ses lèvres, elle l'accueillit, des fourmillements agréables lui envahissant le bas du ventre.
Lorsqu'ils se séparèrent, à bout de souffle, Takashi reprit.
– Est-ce que tu dois rentrer tout de suite ou bien est-ce qu'on peut parler encore un peu ?
– Je n'ai pas de couvre-feu à respecter, dit-elle. Pourquoi ?
– Je me disais, dit-il, que puisqu'on a décidé de repartir sur de bonnes bases, pourquoi ne pas mettre tout à plat maintenant ? Je te dirai tout ce que tu veux savoir. Je n'ai plus envie de te cacher des choses qui pourraient te faire souffrir.
Himeko réfléchit et elle hocha la tête.
– On n'a qu'à s'installer sur le banc, dit-elle.
Pendant l'heure qui suivit, ils se racontèrent leurs vies sans rien passer sous silence. Himeko lui raconta la maison de correction, les gardes qui ne vous voyaient pas, les longues heures passées à lire à genoux sur le tatami de sa cellule – parce qu'on n'avait pas le droit de bouger ni de sortir du champ de vision des gardes. Elle lui raconta le passage à tabac de Hôko lorsqu'elle l'avait retrouvée, et sa reprise en main du gang qui s'était faite presque contre son gré. Takashi lui parla de ses sœurs, du Toman, des espoirs qu'il avait fondés à sa création. Il lui raconta la fugue qu'il avait faite quand il était plus jeune, abandonnant Luna et Mana, encore bébé, toute une journée à leur sort et le tatouage qu'il s'était fait faire ensuite, quand il avait décidé de devenir une racaille.
Himeko se redressa et elle scruta sa tempe, intriguée.
– Vraiment ? Dit-elle.
Il hocha la tête.
– Vraiment, confirma-t-il.
Il poursuivit avec l'accident qui avait vu la mort du frère de Mikey.
– Kazutora est sûrement sorti de maison de correction maintenant, dit-il. Mais nous n'avons plus de nouvelles de lui. À part peut-être Baji. Kazutora et lui ont toujours été proches.
– C'est de lui dont tu voulais parler tout à l'heure, quand tu disais que tu avais un ami qui n'arrivait pas à regarder en face ce qu'il avait fait ?
Takashi hocha la tête. Himeko essaya d'imaginer ce que cela pouvait faire quand, dans un groupe d'amis, l'un d'eux commettait un geste aussi irréparable. Comment aurait-elle réagi, à leur place, si Hôko avait abattu un être qui lui était cher ?
Elle l'aurait tuée.
La réponse s'était imposée à elle avec une évidence effrayante.
À son tour, elle lui raconta son amitié avec Arisa et Hôko, comment elles s'étaient rencontrées alors qu'elles jouaient les racailles dans Shibuya quand elles étaient petites. Comment elles avaient décidé de monter leur propre groupe, dégoûtées par les règles absurdes qu'elles avaient rencontrées dans les autres clans. Elle lui parla de la création du Papillon Rouge et de Arisa, qui lui avait trouvé un nom.
– C'est une poète en fait, dit Taka.
Himeko rit.
– C'est ça. Je me suis toujours demandé ce qu'une fille comme elle faisait dans un gang. Avec son physique, elle pourrait être mannequin. J'ai beau la connaître depuis des années, je ne la comprends toujours pas.
– Il y a des gens comme ça.
Takashi réfléchit.
– Hime, est-ce que m'autorise à parler de toi avec les gars ? Je crois que vous comme nous, nous avons intérêt à mettre nos infos en commun pour éviter qu'un incident comme celui de cette nuit se reproduise.
– Hmm, oui, vas-y.
Himeko ramena les yeux sur l'étang, plus loin et elle lui demanda :
– Tu crois que ce sont eux qui ont manigancé ça pour qu'on se retrouve face à face.
– J'ai du mal à y croire, répondit Taka. Osanai n'est pas réputé pour être particulièrement intelligent, ou alors il aura fallu qu'on lui souffle l'idée.
Elle fronça les sourcils.
– Dis-leur tout ce que tu estimes utile, dit-elle. Je te fais confiance. En échange, tiens-moi au courant de vos décisions.
– Ça marche.
Il se leva et Himeko l'imita. Tous les deux regagnèrent le parking, le bras de Takashi autour de sa taille. Himeko posa sa tête sur son épaule, plus apaisée qu'elle ne l'avait jamais été. Si seulement ce sentiment pouvait durer toujours.
Arrivée à proximité de la moto, Himeko s'immobilisa.
– C'est une Impulse ? Dit-elle.
Takashi haussa un sourcil surpris.
– Tu t'y connais ?
– Un peu. Je suis une racaille moi aussi, dit-elle en riant.
Elle reposa la tête sur son épaule.
– Tu gères, Takashi Mitsuya, on te l'a déjà dit ?
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