Alison posa son dernier sac dans le carton des lots assemblés. Jerome saisit l'énième boîte kraft pleine à craquer pour l'apporter aux barrières de sortie du meeting.
Ethan venait de partir. N'étant venu que pour récupérer quelques dollars à mettre dans sa cagnotte pour l'université, il n'avait pas voulu rester pour le discours.
Alison ne pouvait pas détacher ses yeux de la foule. Elle n'avait jamais vu autant de personnes rassemblées en un même endroit à Bridge City. Devant la tente s'étaient amassés des centaines d'habitants curieux, voire déjà convaincus pour certains.
Tous étaient prêts. Prêts à entendre les sages paroles de cette nouvelle personnalité politique. Prêts à voir leur concitoyen qui avait quitté la ville pour se bâtir un empire à en faire trembler l'Empire state building. Prêts à voir leur ville en forme de cœur brisé rayonner de nouveau à travers le grand Texas.
L'hymne national débuta de nouveau, crescendo, comme pour préparer les oreilles à la force des propos qu'elles allaient recevoir. Les lumières s'allumèrent, passant en revue la multitude de visages et les étoiles venues se joindre au public.
Des voix familières approchèrent de la tente par la gauche. Ashley, probablement Sam... et Drew. Sans réfléchir, elle s'accroupit à même l'herbe aride qu'elle avait piétinée ces deux dernières heures. Derrière la table de la tente, ils ne la trouveraient pas. Avec un peu de chance, elle pourrait même les éviter pour le restant de la soirée.
Assise à même la poudreuse glaise, le dos contre un pied métallique de la table, la nappe rouge effleurant le haut de sa queue de cheval à chaque mouvement du vent, elle avait pour seul horizon le rouge écarlate de la cloison de la tente, de tant à autres traversé par un faisceau de lumière froide. Les voix qu'elle fuyait n'avaient pas bougé. Seule la table et sa nappe de papier lui servaient de bouclier.
- Aller, Drew! suppliait Ashley d'un ton se voulant langoureux mais laissant transparaître une pointe d'alcool.
- N... commença Drew alors que les notes se faisaient stridentes dans les enceintes, empêchant les oreilles d'Alison de comprendre la suite.
Alors que l'hymne national savourait son apogée au creux des tympans, les mains s'entrechoquèrent pour servir de percussions. Le roulement de tambour humain s'accompagna bientôt de cris poussés à pleine gorge et réussissant presque à couvrir la fin de l'hymne.
La musique s'arrêta brusquement, laissant les bruits et claquements de mains comme seule mélodie dans la nuit tout juste tombée. Bientôt, les gorges et les paumes renoncèrent. L'espace d'une seconde, il n'y avait que le silence. Celui qui précédait les grands instants. L'impatience muette. L'appréhension privée de voix.
Quelqu'un tapota dans le micro, faisant résonner le son à travers le champ humain pour atteindre la structure métallique de la tente. Le silence venait de prendre fin.
- Chères voisines, chers voisins.
La voix détendue à l'accent texan presque surjoué marqua une pause avant de reprendre:
- Vous n'êtes pas sans savoir que ces dernières années ont été difficiles pour la ville mais aussi pour notre grande nation en général.
Alison entendit le micro prendre une inspiration, semblable à celles qui procédaient un discours d'enterrement:
- Lors de la Troisième Guerre, la Chine ne nous a pas pris des soldats. Elle a fait couler le sang de nos voisins, de nos amis, de nos frères et sœurs. Leurs noms sont inscrits par centaines sur les murs de l'hôtel de ville. Nous sommes tous d'accord, je pense, pour dire que ça ne doit plus jamais se produire. Jamais.
Les enceintes s'interrompirent de nouveau, laissant les lumières blanches danser seules pendant une poignée de secondes. Lorsque la voix résonna de nouveau, elle avait abandonner la tristesse pour prendre les intonations des propos légèrement alcoolisés d'un grand-père à un repas de famille:
- Nous devions nous relever. L'Amérique devait retrouver sa puissance afin que personne ne soit à nouveau en mesure de s'en prendre aux nôtres. Mais qu'a-t-on fait? s'emporta légèrement la voix. Ou, plutôt, qu'ont fait nos leaders?
Cette interpellation laissa place à quelques échos, des cris éparses semblant former le mot "rien".
- Notre pays est aujourd'hui la septième puissance mondiale alors que nous devrions être à la tête du Monde! Notre taux d'emploi à rarement été aussi bas. Nos entreprises se portent mal. Le pouvoir d'achat de nos concitoyens diminue d'année en année. J'avais espoir que l'arrivée de Monsieur Espinoza à la Maison Blanche ne stoppe cette décente aux Enfers mais elle n'a fait que l'accélérer!
Nous devons arrêter ce cercle vicieux entretenu par nos dirigeants! Ce que je vous propose, chères voisines et chers voisins, c'est de mettre fin à ce cauchemar. Main dans la main et sous le regard du Seigneur.
La voix nasillarde se tut pour laisser les applaudissements et cris d'encouragements monter librement vers le ciel étoilé et faire trembler la terre fatiguée. Ils étaient à peine retombés lorsque les enceintes recommencèrent à faire vibrer le sol sous les pieds d'Alison, un peu plus fort qu'auparavant:
- Ensemble, nous pouvons rétablir la Grande Amérique, celle dans laquelle les gens partagent les mêmes valeurs et les mêmes couleurs. Celle qui protège ses enfants dès leur création.
Un raclement de gorge retentit dans le micro, faisant presque sursauter Alison. Puis la voix poursuivit, avec encore un peu plus de conviction:
- Pour ses raisons, chères voisines et chers voisins, je vous présente ma candidature aux élections des représentants qui prendront place l'année proch...
Avant que le dernier mot ne retentisse complètement dans les enceintes, les cris montrèrent en une seule voix résonnant a travers chaque brin d'herbe tenant encore au sol éprouvé par l'été touchant à sa fin. Puis les applaudissements se joignirent aux hurlements avec une synchronisation déstabilisante, donnant un rythme presque militaire à tout ce vacarme.
A suivre...
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Que pensez-vous du discours?
Je dois avouer que j'ai eu assez de mal à l'écrire parce qu'au final, le style des discours de Trump a évolué au cours de sa campagne et il était en fait plutôt soft au début de sa campagne (Oui, j'ai été voir quelques discours en guise de modèle).
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