Chapitre 10 / Mad World

Alison regarda le papier que le prof de sport lui avait donné. Selon lui, l'équipe d'athlétisme serait plus que ravie de l'accueillir. Mais accepter signifiait renoncer à sa place au sein de l'équipe de cheerleading, au championnat de l'état puis au championnat national. C'était renoncer à une potentielle bourse de cheerleading pour l'université et à ses rêves... C'était bien la question: pouvait-elle toujours réaliser ses rêves?

A cette simple pensée, sa main droite froissait le morceau de papier sur lequel étaient imprimés des visages de sportifs souriants. Quand elle s'arrêta pour le laisser tomber dans une poubelle, le tract tenait à peine en un seul morceau.

Devant elle, le parking était peu à peu déserté par les véhicules, les lycéens fuyant les murs de l'établissement scolaire sous les nuances dorées et orangées du soleil préparant déjà son coucher. Sa Toyota avait déjà été délaissée par ses voisines d'un jour.

Alors que les doigts de sa main droite se perdaient dans son sac, essayant d'agriper ses clés, elle remarqua une silhouette sur sa gauche. Elle identifiait sans grande difficulté la démarche, reconnaissait le parfum et son crâne était subitement douloureux à l'idée du dialogue qui se préparait.

Ses doigts trouvèrent enfin le précieux sésame de sa voiture et elle se dépêcha de fermer son sac puis releva la tête. Elle n'était pas prête. Mais autant en finir. Vite.

- Salut, commença Drew. On peut parler?

Elle n'osa pas répondre. Elle ne désirait rien de plus que de dire non pour s'enfuir au volant de sa voiture comme l'avait déjà fait la plupart des lycéens à cette heure-ci. Sa tête devait l'avoir trahie puisqu'il reprit.

- Je suis désolé. Si seulement je pouvais trouver la personne qui a pris ces stupides photos...

- Et quoi? Tu ferais quoi? Laisse tomber...

Sans ajouter un mot, elle se tourna et se dirigea vers son véhicule.

- Alison! Attends... est-ce que tu as vu mes messa...

Mais elle avait fermé la portière et inséré la clé dans le contact avant qu'il ne termine sa phrase. Le voyant s'approcher de la voiture, elle entama une marche arrière et quitta le parking.

Son pieds droit était comme bloqué sur la pédale de l'accélérateur alors les pneumatiques embrassaient le bitume brûlant. La lumière chaude du soleil s'apprêtant à fuir derrière l'horizon s'immisçait dans l'habitacle par chacune des six vitres.

Lorsqu'elle aperçut enfin le grand néon rose en forme de donut, elle enclencha son clignotant. Seules deux voitures étaient garées devant la vitrine du Roi du donut quand elle coupa le moteur.

Elle détacha sa ceinture de sécurité et la chanson crachée par la radio se mua peu à peu en un vague ensemble de bruits de fond alors qu'elle se perdait dans ses pensées. La même question lui trottait dans la tête depuis le début de la semaine: Drew avait-il publié lui-même les photos?

Il n'avait pas pu les prendre sachant que le bord de la fenêtre de sa chambre apparaissait en bas des clichés qu'elle avait regardés une bonne dizaine de fois à défaut de pouvoir les oublier. Mais quelqu'un les avaient imprimés et en avait recouvert les murs du lycée. Qui avait intérêt à le faire? Qui pouvait la détester autant? Elle ou Drew... bien que ce dernier paraissait avoir été épargné par les conséquences.

Le bruit de fond disparut, chassé par le signal d'alarme des flashs infos. Les yeux d'Alison se portèrent instinctivement sur la radio intégrée au tableau de bord vibrant au rythme de la voix grave de l'animateur:

- Chers auditeurs, chers amis... on vient de m'apprendre que le président Espinoza nous à quitté. Je n'ai pas de détail sur ce qui s'est passé mais... j'espère que c'est faux. Que Dieu le bénisse et que Dieu bénisse l'Amérique.

A suivre...

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