Chapitre 8
J'adore ma trousse à outils. Je l'ai constituée au fil du temps, l'agrémentant de nouveaux jouets au fur et à mesure de mes expériences. L'ouvrir et l'étaler devant moi me met toujours de bonne humeur. Mes doigts glissent sur les différents ustensiles à la recherche de celui qui serait plus approprié pour commencer.
- Franchement j'hésite. Est-ce que je te sors la formule habituelle ou j'innove ? Parce que quand même, on commence à se connaitre toi et moi. C'est quand même la deuxième fois qu'on se retrouve face à face.
- Red, arrête. Je t'en prie. Tu n'es pas obligée de faire ça.
- Tu n'as qu'une chose à faire.
- Je ne peux pas. Elle va me tuer.
Un rire sarcastique passe la barrière de mes lèvres.
- Parce que tu crois pouvoir en sortir vivant ! Rumple, sois raisonnable. Tu as violé les règles. En plus, des bébés. On ne peut pas faire plus sordide.
- Je n'y suis pour rien. C'est ce que me demandait mon commanditaire.
Je porte mon attention sur un scalpel avec une lame de 15. Idéal pour les incisions profondes de la peau. Je l'examine sous toutes les coutures pour vérifier qu'il soit en parfait état. Avant de me lever, j'attrape le bâillon avec une boule en caoutchouc. Ces sadomasochistes ont quand même de bonnes idées. Je contourne la chaise en évitant soigneusement d'effacer le sceau magique. Puis je me penche pour susurrer à l'oreille du démon.
- Tu es prêt ?
Je fais glisser mes doigts sur sa gorge, jusqu'à atteindre l'autre côté et attraper le bâillon. Je tire d'un coup sec pour le tendre face à lui.
- C'est Grandma Candy, hurle-t-il.
Ma main s'arrête à quelques centimètres de sa bouche. Je rapproche mon visage du sien.
- Tu as dit quoi ?
- C'est Grandma Candy qui m'a embauché. Cette vieille bique raffole de ces marmots hurlants.
Je me mets face à lui et attends qui me déballe tout. Quel dommage, je vais devoir remettre la partie à plus tard.
- Cette folle dingue me paie un max pour avoir sa livraison hebdomadaire de gosses.
- Elle en fait quoi ? Elle les vend ? elle les bouffe ?
Le sourire malsain du démon répond à lui tout seul à ma question.
- Putain. Saleté de démon ! vocifère-je entre mes dents.
- Qui t'a dit que c'était un démon ?
Je lève les yeux vers lui. Il jubile, l'enfoiré.
- C'est quoi alors ?... Croquemitaine ? Loup-garou ?
Il continue à me fixer de ses yeux mauvais. Bordel ! Il me gonfle. J'attrape le scalpel et lui enfonce dans la jambe. Il pousse un hurlement à réveiller un mort.
- Merde, Red. Je coopère, là.
- Tu te fous de moi surtout. Crache le morceau !
- C'est une sorcière.
J'ai un mouvement de recul. Une sorcière mangeuse d'enfants ? J'en connais qu'une et... Merde alors ! C'est un sacré morceau.
- Je vois que tu commences à piger, reprend-il de son air arrogant. Tu n'as aucune chance face à elle. Elle te mettra en pièces avant même que tu n'entre dans sa ferme.
J'ai soudainement envie de lui planter quelque chose dans l'autre jambe, histoire d'équilibrer.
- Comment ça, sa ferme ? Attends ! Tu veux parler de la mamie de la pub ? celle de la ferme bio ?
- Elle-même. Comment crois-tu qu'elle puisse faire fortune avec ces conneries de plantes ?
Je laisse échapper un juron. La salope ! Elle utilise la magie noire pour faire pousser ses carottes et autres saloperies. Dire que j'étais tentée de goûter ces machins bio.
La porte d'entrée s'ouvre alors. Instinctivement, je saisis mon arme et la pointe dans sa direction. Gabriel, deux cafés à la main, lève les bras en l'air.
- C'est moi. Vous faites quoi, bordel ? J'ai entendu son cri jusque dans l'ascenseur. Les flics vont sûrement rappliquer.
- Je sais, dis-je tout en rengainant. J'ai eu les renseignements que je voulais. J'en ai fini avec lui.
Rumple semble se détendre derrière moi.
- Je n'ai pas dit que je te laisserai partir, du con.
J'attrape la bouteille d'eau bénite et contourne le démon. Je relève son menton pour avoir accès direct à sa gorge. Rumple se débat, comprenant ce qui va se passer.
- Première leçon, blondinet. Comment procéder à un exorcisme express. Normalement, ça prend plus de temps, pour éviter de traumatiser l'hôte. Mais vu que tes copains ne vont pas tarder...
Je bloque la tête du démon contre ma poitrine, lui pince le nez, l'obligeant à ouvrir grand la bouche. Puis j'y déverse le contenu de la bouteille. Son corps se met à convulser. Gabriel fait un pas vers moi.
- On se calme. C'est impressionnant mais sans danger pour l'humain.
L'odeur de chair cramée remonte jusqu'à mes narines. Je marmonne l'incantation, jusqu'à ce qu'il cesse de gigoter. Je le relâche enfin et le corps de l'homme s'avachit sur la chaise. Gabriel me dévisage, horrifié.
- Ne me regardez pas comme ça. Il va s'en sortir. Le démon a quitté son corps. Les plaies liées à l'eau bénite vont se guérir d'elles-mêmes. Demain matin, il ne se souviendra de rien.
- Et sa jambe ?
Je grimace en constatant à quel point je me suis laissée emporter. Il faut vraiment que je travaille mon self-control.
- Filez-moi un couteau de cuisine. Evitez d'y laisser vos empreintes. Ce serait con qu'on vienne vous arrêter pour agression à l'arme blanche.
Le petit flic s'exécute. Il me tend l'arme que je saisis, à travers la manche de ma veste. D'un coup sec, je lui enfonce la lame à l'endroit où était planté mon scalpel quelques secondes avant.
- Voilà. Ils vont penser qu'il a été victime de la mafia, ou quelque chose comme ça, à cause de ses dettes de jeu. Maintenant, on nettoie nos traces et on se barre.
Alors que je ramasse mes outils, le blondinet reste figé. Je me relève et le détaille. Son visage est fermé et ses poings serrés. Il a du mal à encaisser. Etre de l'autre côté de la barrière n'est jamais très reluisant. Mais c'était le prix à payer. Je l'avais prévenu qu'on ne s'aventure pas dans ce monde, sans contrepartie.
- Allez, bougez-vous. On n'a pas le temps pour vos états d'âme. Les flics approchent. Ils ne doivent pas nous trouver ici.
Il finit par réagir. Alors que les sons des sirènes de police approchent, nous remontons en voiture. Le petit flic est tendu. Ses doigts se crispent sur la poignée tandis que je démarre. Nous croisons des voitures de police qui arrivent en sens inverse. Gabriel tressaille quand nous les dépassons. Quand enfin le son des gyrophares n'est plus qu'un murmure, ses épaules s'affaissent. Il colle sa tête contre la vitre et s'enferme dans le silence.
J'ai conduit jusqu'à la ruelle où on s'est rencontré. Le soleil commence à se lever, colorant le ciel de stries rosées et dorées.
- Voilà, nous sommes arrivés.
Je coupe le moteur et attends qu'il se décide à descendre. Mais il ne bouge pas. L'heure tourne. Je suis crevée. J'ai besoin qu'il parte pour aller me coucher. Ne serait-ce que quelques heures.
- Comment faites-vous ?
- De quoi parlez-vous ?
Son regard est perdu sous le tableau de bord.
- Ce que vous faites. Tuer des... démons.
- Je fais ce qu'il y a à faire. Je suis une chasseuse. C'est mon travail d'éradiquer cette menace. Pour que vous, les humains, puissiez dormir sur vos deux oreilles.
Je l'entends soupirer. Il courbe encore plus le dos, posant la tête sur le plastique de la boite à gants.
- Je devrais vous arrêter pour ça.
- Oui, mais vous ne le ferez pas.
Il tourne la tête vers moi, attendant la suite.
- Je vous ai donné le choix et vous m'avez donné carte blanche. Cela veut dire que vous comprenez.
Cette fois, il se redresse entièrement. Ses sourcils se froncent et le regard se fait assassin.
- Je comprends quoi ? que c'est normal de torturer quelqu'un ? de tuer ? Je ne suis pas comme ça. Je traque les gens comme ça.
Le petit flic s'est mis à hurler. Je contiens avec peine ma colère.
- Moi aussi je les traque. Vous croyez quoi ? que seuls les flics sont là pour maintenir l'ordre ? Ouvrez donc les yeux. Je viens de vous montrer ce qu'est le monde, mon monde ! je ne l'ai pas choisi, mais c'est comme ça. J'ai été élevée pour faire ce job et je le fais foutrement bien. Les démons se tiennent à carreaux là où je suis.
Il ne dit rien, mais je vois, par son regard, qu'il a une furieuse envie de me mettre un poing dans la gueule.
- Je ne voulais pas vous entrainer là-dedans mais vous avez fait votre tête de mule. Et voilà le résultat ! maintenant, assumez.
Nous restons un moment à nous fusiller du regard, attendant de voir qui cèdera le premier. Je n'ai rien à me reprocher et je ne laisserai pas un petit con me dire comment gérer ces salopards de démon.
C'est lui qui brise le lien, en sortant en trombe de ma caisse. Je lâche un soupir de soulagement quand je le vois tourner au coin de la rue. Mes mains serraient tellement forts le volant que mes articulations me font mal.
Putain de soirée. Il est temps que j'aille retrouver mon pieu.
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