Chapitre 4

En entendant sa voix rauque, je me tends. Ses yeux me dévorent littéralement. Ils ont cette lueur malsaine que j'avais croisée quand j'étais encore qu'une enfant. Je ne peux empêcher mon cœur de s'emballer. Après toutes ces années, ils me fichent toujours autant la trouille. Ce démon a hanté mes pires cauchemars durant toute mon adolescence et même au-delà. Et le voilà, devant moi, en chair et en os. D'ailleurs, bien foutu l'emballage. Il a l'air de plaire énormément à la jeune femme avachie à ses pieds, vu la manière dont elle lui caresse la cuisse. Son air complètement stone me fait dire qu'il n'y a pas que le charme de Blauen qui l'a fait planer. Sûrement un des petites décoctions de Caterpillar. Cet enfoiré se fait un fric fou en vendant ces saloperies. Malheureusement, je ne peux rien y faire. Démons comme chasseurs en usent et en abusent. Moi-même, je ne m'en prive pas.

- Toujours aussi belle malgré ce look de garçon manqué, continue Blauen de sa voix chaude.

Sa réflexion a l'effet d'un coup de fouet et je me ressaisis aussitôt. Mes sourcils se froncent.

- Moi par contre, je me serais bien passée de croiser de nouveau ta route.

Sa bouche s'étire dans un rictus de suffisance, tandis que la mienne se tord dans une grimace de dégoût.

- Mais je n'ai pas vraiment le choix. Je ne vois personne d'autres à qui le demander.

- Voilà qui est intéressant. Qui donc dois-je remercier pour cela ?

- Rumple. Je dois lui mettre la main dessus au plus vite. Mais il se planque. Et tu es le seul à le connaître suffisamment pour savoir où.

Un rire doux s'échappe de sa bouche pulpeuse. Je déglutis avec peine car l'effet qu'il vient de produire sur mon corps n'est pas du tout celui que je voulais. Et toujours ce sourire arrogant.

- Et qu'a donc fait cet imbécile heureux ? Encore du commerce illégal de nourrissons ?

Je jette un regard derrière moi. Gabriel nous observe, toujours aussi silencieux. La conversation commence à déraper. Il ne faudrait pas que Blauen l'ouvre un peu trop en sa présence.

- On s'en fout. Je dois le retrouver. Le reste n'a pas d'importance.

Le regard de l'homme à la chevelure bleutée passe de moi au petit flic, avant de revenir se fixer sur moi. Je n'ai jamais compris son goût prononcé pour cette couleur. Quel que soit son hôte, il se teint les cheveux en bleu. Bleu électrique, Bleu ciel, il ne recule devant rien. Aujourd'hui, il a opté pour un bleu nuit, presque noir. Un tantinet trop sobre, il m'a habitué à plus excentrique. Blauen se lève alors, repoussant sans ménagement la junkie à ses pieds.

- Allons en discuter dans mon bureau. En privé.

Il a particulièrement appuyé sur le dernier mot, tout en lançant un regard condescendant à Gabriel.

- Si vous vouliez bien nous excuser, Mr Kadvael.

Le flic me fixe un instant, semblant attendre une réaction de ma part. Je hausse les épaules.

- On n'en a pas pour longtemps.

Je me détourne et suit Blauen vers une porte dérobée, camouflée dans le mur derrière lui. Je me sens tendue comme un string. Je navigue à vue et je déteste ça.

Nous débarquons dans un bureau qui respire la testostérone. Meubles noirs épurés, déco minimaliste, style moderne poussé à l'extrême. Masculin et très froid. Mais ce qui attire inexorablement l'attention, c'est l'immense télévision encastrée dans la bibliothèque qui tapisse le mur du fond. Elle capte l'attention par sa dimension démesurée, mais surtout par les images qu'elles laissent défiler. Plusieurs fenêtres dévoilant la grande salle sous différents angles, mais aussi des endroits inconnus où se déroulent les scènes de sexe les plus débridées que je n'ai jamais vu. Du sado-masochisme dans toute sa splendeur. Ma bouche s'assèche, mon cœur tambourine, mais mes yeux restent scotchés.

- Emoustillant, n'est-ce pas ?

Blauen s'est glissé derrière moi pour me susurrer ces mots à l'oreille. Je sursaute aussitôt.

- Le mot dégradant me vient plutôt à l'esprit.

Il continue sa route jusqu'à son fauteuil, derrière son bureau et devant l'immense poste de télévision. Je ne sais plus quoi regarder : lui ou les vidéos.

- Ne joue pas les mijaurées, veux-tu. Je sais très bien que tu es loin d'être une sainte. Surtout depuis ta transformation. Alors qu'est-ce que ça fait d'être de l'autre côté de la barrière ?

Je grimace. Cet enfoiré sait comment faire mouche. Il veut me pousser dans mes retranchements. Me faire perdre mes moyens. Je ne le laisserai pas gagner aussi facilement.

- Je ne suis jamais passée de l'autre côté, Blauen. Je continue à chasser ceux de ton espèce qui outrepassent les limites.

- Chasseur un jour, chasseur toujours. Quel dommage qu'ils ne te voient plus comme l'un des leurs. Quelle tristesse ! Rejetée par les siens, haïe par les créatures de l'ombre, ta vie ne doit pas tous les jours être facile.

Il commence sérieusement à me gonfler là. S'il continue, je vais lui montrer comment je m'occupe des langues trop bien pendues des démons qui me font chier.

- Je ne suis pas là pour discuter de ma vie, mais de Rumple.

- C'est dommage, tu es bien plus passionnante.

Je me mets à grogner d'agacement. Il me répond par le même rire léger que tout à l'heure, tout en se calant dans son fauteuil en cuir.

- Très bien. J'ai compris. Tu veux le retrouver. Mais pourquoi crois-tu que j'aurais envie de t'aider ?

Je m'y attendais à celle-là. Sauf que la réponse que je vais lui fournir va me coûter cher. Très cher.

- Que veux-tu en échange ?

Blauen se redresse et pose ses coudes sur la table, tout à coup beaucoup plus intéressé. Il me fait même la faveur de dévoiler ses dents blanches parfaites. Bordel ! Ce mec est un archétype à lui tout seul.

- Oh ! Ne me tente pas, Aïdenn.

La façon dont il vient de prononcer mon prénom me file les jetons. Je tente de contrôler les tremblements qui commencent à parcourir mon corps.

- Si j'avais une autre option, je ne serais pas là et tu le sais.

Blauen continue à me dévisager, tel un fauve détaillant sa proie.

- Je vais te donner l'information que tu cherches et même plus. En échange, tu me devras une faveur, celle de mon choix. Et où je veux, quand je veux.

Son aura de démon s'intensifie. Je me sens comme un rat dans une souricière. Aculé et sur le point de passer à la casserole.

- Ai-je ta parole, Red ?

J'hésite un instant. Je m'engage dans une voie sans retour possible. Blauen peut me faire faire les pires choses. Si j'accepte, je risque d'aller à l'encontre de ce qui fait de moi ce que je suis. Suis-je prête à l'accepter ?

- Cette offre a une durée limitée, ma jolie chasseuse. Tic tac tic tac !

- Ok, c'est bon. Tu l'as !

Blauen se réinstalle au fond de son siège, ravi.

- C'est un plaisir de faire affaires avec toi.

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