Chapitre 11


Non mais c'est le bouquet ! Quelle conne j'ai été. J'aurais dû lui tirer une balle dans la tête quand il en était encore tant. Et maintenant, j'ai ouvert la boite de Pandore. Il s'agite dans tous les sens, ouvrant ses dossiers les uns après les autres, me montrant des photos, des comptes-rendus. Il me fout la migraine. Il est hors de question que je me farcisse un bleu. Non, non, non ! Autant aller voir Blauen et passer un pacte avec le diable. Ah oui ! Ça c'est déjà fait.

- Ça suffit ! Il est hors de question qu'on travaille ensemble.

- Et pourquoi ?

- Parce que... J'ai toujours fait comme ça et je ne vois pas pourquoi ça changerait.

Il croise les bras sur son torse et me fixe intensément.

- C'est parce que vous êtes la personne avec le plus mauvais caractère que je connaisse.

Quoi ? ma bouche s'ouvre en grand sous le choc. Mais il a osé ! Il a osé m'insulter. Ouvertement. Je sens la colère prendre le dessus. Je vais lui casser la gueule à ce petit con. Je lève le poing, prêt à lui refaire le portrait, quand un homme dans la cinquantaine fait son apparition.

- Kadvael, que fait une fille ici ? Et c'estquoi toute cette paperasse étalée partout  ?

Blondinet se redresse et passe nerveusement la main dans ses cheveux.

- Désolé, chef. Euh... ce sont de vieux dossiers. Je voulais... y jeter un œil.

- Vous n'avez pas assez de travail ? Et l'affaire des bébés volés ?

- Hé bien... Je suis dans l'impasse.

Le chef se met à ronchonner, puis revient à moi.

- Et elle ?

Le petit flic reste muet comme une tombe. Il a vraiment un timing d'enfer. Comme si c'était le moment de perdre sa langue. Allez, bordel ! Dis quelque chose ou on va être dans la mouise.

- C'est... ma copine.

Hein ?

- Je vois, répond son interlocuteur, tout en me détaillant de la tête aux pieds. Evitez de ramener votre « copine » au travail, Kadvael. Ce n'est pas vraiment l'endroit pour un rendez-vous galant.

Je me mords la langue pour éviter de lui balancer tous les jurons qui traversent mon esprit. Par contre, mon pied atterrit avec plaisir sur ses orteils. Gabriel étouffe un cri de douleur. Son chef nous lance un dernier regard avant de s'éclipser. J'attends qu'il soit assez loin et j'envoie un coup de poing dans le sternum du blondinet, qui se plie en deux.

- Ça c'est pour m'avoir insulté tout à l'heure et pour avoir fait croire que je suis votre « copine ». Et maintenant, je me barre avant que tout le poste vienne voir à quoi je ressemble.

Tandis que je m'éloigne, je l'entends baragouiner quelque chose, mais je n'en ai rien à foutre. Il m'a mise en rogne. Alors que je traverse la grande salle, Kojak m'interpelle.

- Déjà fini vos mamours ?

Je ne me retourne même pas. Je me contente de lui montrer le fond de ma pensée en levant bien haut mon majeur. Tout le monde se met à pouffer. J'entends juste quelqu'un dire.

- Elle a l'air coriace la petite amie de Mulder. Ça doit être un sacré coup pour qu'il continue à la voir.

Si j'avais le temps et si je ne risquais pas de finir en taule, je leur aurai bien sauter dessus. Quelle bande de connards attardés !

Quand je sors du bâtiment, je fouille dans mon paquet à la recherche d'une bouffée d'air artificielle. Merde. Il est vide. Il faut que j'aille chez Edel. Fais chier. Je sors mon téléphone et lui envoie un texto. Quelques secondes plus tard, sa réponse tombe. Dans quinze minutes. Sauvée. Je n'aurais pas tenu une heure, vu mon état. Foutue drogue. Elle aura ma peau bien plus tôt que je ne le pense.

Il me faut à peu près dix minutes pour rejoindre le parking de son immeuble cossu, situé en plein quartier d'affaires. Encore cinq minutes. Je vais prendre mon temps pour monter jusqu'à son étage. Je salue d'un mouvement de tête le portier qui me connait. D'un pas décidé, je me dirige vers la cage d'escalier. Jamais d'ascenseur. Beaucoup trop risqué et confiné.

Quand j'arrive enfin, la porte s'ouvre. Cachée derrière le mur du couloir, j'épie la scène. Un jeune homme, tout juste majeur, au profil androgyne, quitte l'appartement d'Edel. Son regard vide et son look débraillé ne laissent aucun doute sur la nature de leur entrevue. Encore un qui a dû passer par le lit de cette sorcière. Alors qu'il est pratiquement dehors, une main manucurée apparait pour saisir l'homme par l'encolure et l'attirer de nouveau vers l'intérieur. Elle n'en a toujours pas fini ? Si je n'avais pas autant besoin d'elle, cette nymphomane ne ferait certainement pas partie de mes fréquentations. Mais, malheureusement, c'est la seule qui ait accepté de me procurer du tue-loup. Il faut dire que c'est une spécialiste. La reine des poisons. Elle en use et en abuse, offrant ses services aux créatures comme aux humains.

Il faudrait qu'elle se dépêche. Je déteste poireauter. Enfin, il repart, la chemise entrouverte et mal reboutonnée. Quand les portes de l'ascenseur se referment sur lui, une voix chaude m'interpelle.

- Tu peux venir maintenant, Red.

Les mains posées sur ses hanches moulées dans une robe indécente, Edel m'accueille d'un sourire glacial dont elle a le secret. Sans attendre ma réponse, elle se détourne et repart à l'intérieur. Je la suis de près.

Son appartement m'a toujours troublée. Particulièrement son couloir. Il est recouvert de miroirs de toutes sortes. Petits, ronds, carrés, gigantesques, anciens, design. Mon reflet se déforme au gré de ma progression. Parfois, j'ai même l'impression qu'il me sourit. Sûrement un des tours de magie de la maîtresse de maison. Franchement, plus vite je serais partie, mieux je me porterai. La magie et moi, on ne s'entend pas des masses.

Edel me conduit dans son bureau, là où elle traite ses affaires, officielles et officieuses. Je fais évidemment partie de la deuxième catégorie.

- Déjà à court, Red ? Tu consommes un peu trop vite.

- Ouais. Je suis un tantinet stressée ces jours-ci.

- Qui te met les nerfs en pelote, ma chérie ?

Je déteste quand elle se la joue compatissante. Edel ne pense qu'à elle. Tout tourne autour d'elle. A tel point qu'elle refuse d'avoir des femmes dans son agence de mannequinat. Sexiste ? je dirais plutôt narcissique. Edel adore être adulée. C'est une femme magnifique mais à l'âme gangrénée par la jalousie. Elle aime être le centre d'intérêt de la gente masculine et élimine, au sens littérale, toute concurrence. Il vaut mieux qu'il n'y ait pas de femmes dans son entourage, pour leur propre bien. Je pense être la seule qu'elle tolère. Mais j'évite tout de même de me retrouver dans la même pièce qu'elle, quand il y a du mâle dans les parages.

- Un jeune homme ?

Je tressaille, tirée de force de mes divagations.

- Hum, intéressant. Un homme a réussi à attirer ton attention. Il faudrait que je rencontre cette perle rare.

- Non... enfin... c'est compliqué. Et je ne suis pas venue pour ça. Tu as la marchandise ?

- Tu as le paiement ?

Je lui tends un sac poubelle par-dessus son beau bureau en bois précieux. Elle l'ouvre et inspecte le contenu. Ses yeux brillent de convoitise. Edel et moi avons un deal. Elle me fournit en tue-loup. Je la fournis en substances illicites. Dents de vampires, griffes de loups-garous, tout ce que je peux récolter pendant mes chasses. Et vu le nombre de cas que je traite, j'ai toujours de quoi la satisfaire. C'est complètement illégal mais qui ne sait rien n'en souffre pas. Seul Malek est au courant. C'est d'ailleurs un sujet de dispute entre nous, mais je n'ai pas vraiment le choix.

Edel me tend une petite boite contenant mon bien le plus précieux. Sans plus de cérémonie, je me relève et m'apprête à partir.

- Il parait que tu en as après la vieille bique ?

Je m'arrête et la regarde droit dans les yeux. J'ai beau la voir régulièrement, mais une sorcière reste une sorcière. Il faut toujours s'en méfier.

- Les nouvelles vont vite. En quoi ça te concerne ?

- Cette vieille peau me fait concurrence. Si je peux te rendre service pour la renvoyer en enfer, n'hésite pas.

- Je prends note.

- Et par la même occasion, ramène ton bellâtre que l'on fasse connaissance.

Je pars aussitôt. Comme si j'allais ramener le blondinet ici. Autant le pendre maintenant. Je ne reprends ma respiration qu'arrivée sur le trottoir, la cigarette allumée, une bouffée envahissant mes poumons. Bien, maintenant que j'ai fait ma provision, il faut que je retourne chez Malek.

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