Chapitre 9
- Julio ! Hé, Julio, réveille-toi mon vieux !
Je sens qu'on me secoue et j'ouvre mes yeux. Encore une fois, je me suis endormi. Je passe mon temps à faire ça, partout. Si je trouve un endroit où m'allonger, je m'endors. Ça fait bien marrer toute l'équipe, et ils n'hésitent jamais à me prendre en vidéo ou en photo et à montrer à tout le monde que je ne suis qu'un gros koala.
Je jette un œil autour de moi, un peu perdu. C'est toujours comme ça quand on se réveille.
- Faut qu'on aille répéter la chorée de Grita. Mais t'inquiète gros, on a déjà prévenu tous nos abonnés que tu dormais ! me dit Alan.
Il rigole et s'en va. qu'est-ce que j'avais dit ? Toujours à me prendre en vidéo ceux-là ! Mais j'admets que ça me fait rire, comme tout le monde d'ailleurs. Tant que ça répand un bon sentiment, ça ne me dérange pas.
Je vais dans la salle de danse et vois que tout le monde est en train de m'attendre. Oups...? De toute façon, ils ont l'habitude de mes retards. Le chorégraphe me réprimande du regard et je lui fais un petit sourire désolé.
- Viens, on commence.
Je les rejoins en courant, et il lance directement la musique. On répète la chorée entière deux trois fois puis il nous dit les points que nous devons améliorer. On répète ensuite à nouveau la chorégraphie entièrement, sauf que mon esprit divague. Alors que j'enchaîne les pas, je me revois sur la scène de théâtre, jouant avec elle, dansant notre chorégraphie ensemble. Elle sous moi, moi qui l'embrasse, ses mains sur moi, comme lorsqu'elle me touchait le soir, me forçant à faire de même avec elle...
En un mouvement de travers à cause de mon inattention, je tombe, me rattrapant à l'aide de mes mains. Tout le monde autour de moi se pousse, sûrement pour pas que je ne me blesse.
- Julio ! Ça va ?
Mon poignet me fait assez mal, mais je hoche la tête et me relève, évitant de m'appuyer dessus.
- C'est ce qu'il se passe quand on est distrait ! dit le chorégraphe. Il faut faire attention à chaque mouvement, chaque pas peut être crucial. Et estimez-vous heureux, on ne vous demande pas des chorégraphies difficiles, il faut juste être concentré. Remettez-vous en place ! On recommence !
J'ignore l'inquiétude dans le regard de Rhener et on recommence tous à danser. La douleur de mon poignet s'intensifie de plus en plus chaque minute mais je tente de l'ignorer.
Une fois la séance de danse terminée, je vais dans les toilettes et passe de l'eau glacée sur mon poignet endolori. Rhener entre lui aussi et me regarde, inquiet.
- Tu t'es fait mal ?
- Un peu, mais ça va passer...
- C'est tout bleu Julio. Tu devrais aller voir l'infirmier.
- Je t'ai dit que ça allait, t'en fais pas. C'est juste un petit bleu, dans deux jours j'aurai déjà oublié cette chute.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive Julio ? En ce moment tu es... différent, distrait, bizarre...
Si seulement je savais pourquoi tout me revient maintenant... J'ai juste besoin d'oublier toutes ces images, tous ces souvenirs que je me suis forcé de garder pendant deux années. Ce n'est pas le moment de les ressortir. Bien sûr, j'y pense toujours, mais en ce moment c'est plus fort que d'habitude. Plus douloureux, une vraie torture.
- Je ne sais pas Rhener... Des vieux trucs qui me perturbent, rien d'important.
- Rien d'important ? Si peu important que tu en tombes à cause du manque de concentration. Si peu important que tu en fais une crise d'angoisse !
- Rhener...
- Putain Julio faut que tu me racontes ! Je ne sais pas de quoi tu as peur, mais je suis là pour t'aider. T'as besoin de quelqu'un, tu dois pas être tout seul à combattre tes démons. Tu m'as toujours aidé quand ça allait mal, à mon tour maintenant. Je suis ton grand frère, non ?
Je le prends dans mes bras, éclatant en sanglots. Je suis épuisé, et il a raison : j'ai besoin de lui. Mais je ne peux pas lui raconter. Ça aurait de trop lourdes conséquences sur tout le monde, et je ne veux pas qu'il ait à porter un poids aussi lourd sur les épaules. C'est à moi de m'en sortir tout seul.
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