Miroire

Droite, immobile, elle regarde fixement devant elle. Elle scrute la personne devant elle. Guette le moindre défaut sur le visage qui lui fait face.

Refusant de jeter un regard aux multiples blessures sur le reste du corps. Blessures résultants de son inattention envers son propre corps.

Elle remonte à partir du menton, qu'elle trouve trop pointu. Arrive à la bouche, dont elle trouve les lèvres trop fines. Voit ce nez trop gros à son goût, jetant au passage un coup d'œil à ces joues constellées de tâches de rousseur qui lui ont valu tant de surnoms dans son enfance. Croise ces oreilles légèrement décollées -bien trop peu, si bien qu'on le remarque à peine-. Ignore rapidement les yeux pour se concentrer sur le front. C'est bien ce qu'elle avait vu. En plein milieu de ce grand front -grand seulement quand elle soulève ses cheveux-, un bouton. Son regard accroche la frange de cheveux qui lui tombe devant les yeux. Cette couleur rousse. Elle la trouvait belle avant. Avant les moqueries...

Elle secoue la tête. Lorsqu'elle revient droite, elle les croise alors... Ces yeux. Ces grands yeux emplis d'innocence quand elle était enfant... Ces yeux qui ne reflètent plus rien maintenant, si ce n'est de la tristesse. Ces yeux auparavant d'un vert si éclatant, qui se sont ternis avec le temps. Elle esquisse un maigre sourire crispé, et la bouche en face l'imite. Elle aurait presque envie de rire. Mais la joie et le rire l'ont quittés il y a longtemps. Elle reste encore un moment sans bouger, à simplement fixer la personne en face d'elle, qui lui rend bien. Regard contre regard. Comme un duel silencieux.

Soudainement, une voix de femme l'appelle dans son dos. Alors difficilement, mais pourtant presque comme si c'était un soulagement, elle s'arrache à la contemplation de son propre reflet.

Il finit de s'habiller, là où il s'était arrêté quand il avait croisé le miroir. Passe une chemise sur ses épaules, qu'il referme sur son binder. Avant de se glisser dans son large sweat préféré pour dissimuler ses courbes. Il se retourne et ferme la porte de la salle de bain, sans même adresser un dernier regard au reflet triste derrière lui.

Celui d'un enfant qui souffre. Celui d'un enfant emprisonné dans son corps.


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