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Écrite par cherokeeNY

La nuit bruyante gronde avec cet orage.

Elle est peinte par l'obscurité, la pluie, la boue, la puanteur des hommes et des bêtes mélangée au sang, et au ciel. Ce ciel sans étoiles qui inlassablement s'éclaire puis s'éteint, avec ces flash. De brefs instants de lumière qui nous rappellent cette horreur. L'horreur de cette nuit sanguinaire, de ces visages marqués par la lutte, la douleur, la peur, la haine, la mort. 

Je sens le metal froid des chaines épaisses autour de mes poignets. Ils sont écrasés, douloureux, pris au piège. Comme moi. Tout ça pour rien. Tout ça pour ce carnage, cette tuerie, cette barbarie sans nom. C'était une bataille perdue d'avance. Nos adversaires étaient 15 fois plus nombreux. Mais que fallait-il faire? Se rendre? Jamais. Notre tribu était le dernier rempart qui pouvait sauver la liberté. On était la dernière meute libre et prospère, vaillante et puissante, du Nord.
On est tombé. Le rempart est au sol. Dès demain, ils iront répandre le massacre, la haine, la sauvagerie au delà de nos frontières. La totalité des royaumes du Nord seront à eux. Eux, ils ne sont que cela, haine et barbarie, méchanceté et dictature: Le clan Tomlinson.

Tomlinson, ce nom qui est synonyme, pour nous, de terreur et de fin de tout.

Depuis que je suis petit, j'ai grandi en apprenant à craindre ce mal qui commençait à peine à se répandre. D'abord comme une menace lointaine et insignifiante, puis comme une lente douleur qui s'approchait, jusqu'à se transformer en terreur pour ces jours proches. Et ce jour proche, cette nuit de sang est arrivée.

Alors non, nous n'avons pas eu le choix, nous nous sommes livrés au combat, pour la paix, la sérénité, et pour notre liberté. Le Nord tomberait avec nous, où il ne tomberait pas.

Et nous avons échoué.

La meute Styles est tombée. Le dernier prestigieux clan est à terre. Et moi, le dernier fils vivant, le dernier descendant, je suis là, sur mes pieds, trainé tel un animal enchainé qu'on va livrer à eux, à leurs pieds. Je vais être le trophée encore vivant qu'ils vont exposés mort  à leur peuple. Ils vont me jeter au pied du trône Tomlinson, me faire subir l'humiliation de devoir m'incliner devant eux. Et ainsi, le reste des meutes lointaines du Sud qui garde espoir saura. Ils sauront que moi, le dernier rempart de liberté, le symbole d'espoir que je représentais, a failli.

Leur forteresse se dessine péniblement dans l'obscurité. Je ne peux que la deviner. Alors comme pour m'offrir une dernière vision du monde extérieur, ou pour me glacer le sang, le ciel s'éclaire plus longuement et je peux la contempler: Immense, sombre, lugubre, à faire froid dans le dos. A travers le vent et la pluie qui fouettent mon visage, je jurerais presque les entendre: Des cris, des larmes, des lamentations. 

Le pont levis s'abaisse dans un bruit de grincement atroce. Des pierres, des visages marqués par la souffrance et la peur, du métal, des pierres...voilà ce que je peux voir en marchant.

Je pense à nos collines vertes et abondantes, à nos arbres colorés généreux en fruits, nos champs prospères, la joie de vivre et le bien être des miens. Tout cela va bientôt être remplacé par cela....j'en ai mal au coeur. Je n'ai pas réussi à empêcher cela, je ne réussirai plus à les sauver. Mais mes souffrances seront brèves. Ils me trainent à l'intérieur du château. C'est comme si j'allais vers mon destin, signer ma défaite. Je suis clairement conduit devant leur chef, comme on me conduirait à l'échafaud.

A l'intérieur, tout est aussi lugubre qu'à l'extérieur. On me fait traverser la grande salle, et de loin je le vois, droit et fier, machiavélique et austère, sur son trône de métal et d'ossements.

Il est comme la légende le décrit: vieux, maigre, blafard, avec cette haine et ce mépris gravés au plus profond de son regard plus blanc, que bleu.

Alors c'est lui, Le grand Alpha: Aldrick Tomlinson. 

Je le regarde droit dans ses yeux ne formant que deux minuscules fentes diaboliques.

Je ne baisse pas la tête, je ne m'incline pas.

Je suis là, devant lui, je n'ai plus rien sur moi qui pourrait faire planer un restant de noblesse. Je ne suis pas digne dans l'image que je renvois.

Mes cheveux longs sont sales, pleins de boue et de sang, trempés. Quelques mèches collent mes joues et mon front.  Ce matin j'étais vêtu d'une tenue digne de mon rang, de notre gloire, digne pour le combat, de l'honneur du clan Styles. Mais elle n'est qu'un lambeau déchiré, minable. Je ne saurais moi-même pas dire qu'elle en était la couleur d'origine, avant la bataille.

Je suis en face de lui, dans cet état misérable, pieds nus, mais je ne baisse pas le regard devant lui.

Ils ont beau me faire plier avec leurs coups pour que je m'agenouille devant "sa grâce disgracieuse", mais mes yeux, eux, ne s'inclinent pas devant lui. Je le défie même d'un sourire en coin mauvais, empli de haine.

- Alors c'est toi? Il parle fort d'une voix très très fine. Je m'attendais à un son plus rauque et plus grave. Je m'attendais à une voix démoniaque. J'en souris. Le dernier Styles, le dernier fils de Gotran. Le dernier fils vivant, aussi.

Mes quatre frères ainés ont été terrassé l'un après l'autre, dans cette guerre contre les Tomlinson. Je suis le dernier, le cadet. Mon père est mort dans son sommeil le soir où on a appris la mort de mon dernier frère. Il m'a tenu la main, et m'a fait promettre de me battre jusqu'au bout, de ne jamais flancher, ne jamais m'allier aux Tomlinson. De faire que le clan des Styles, même éteint, demeure dans les mémoires comme celui de coeurs nobles et vaillants.

Voilà pourquoi j'ai mené ce combat perdu d'avance sans flancher.

Un garde me donne un coup pour me dire de répondre.

- C'est moi, oui. Harry Edward Styles. Alpha et dernier héritier Styles.

- Alpha...un Alpha. Rit d'une voix démente le vieux Tomlinson. Tu entends ça, Louis? Il s'adresse à une personne à coté de lui, sur un siège en retrait. Je sais de qui il s'agit sans perdre une seconde à le regarder. De toute façon, je n'avais même pas remarqué sa présence avant qu'il nomme son prénom.

- Oui, "père". J'entends un timbre fin et aigu. Un son jamais égalé. Je pose finalement mes yeux en sa direction.

J'aperçois une petite forme, assise sur un fauteuil rouge. Elle est couverte par une énorme  cape épaisse et fourrée, dont la capuche retombe sur la tête. A la place de son visage, je ne vois que de l'ombre. Comme s'il s'agissait d'un spectre sans peau, sans figure.

Louis Tomlinson. Un fils Tomlinson. Le seul à ne jamais partir, ou être parti, au combat. Sur ces sept fils combattants, il n'en reste plus que deux. La famille Tomlinson aussi a subi des pertes dans cette guerre. Louis est décrit comme le bras droit de son père, la main de soutien, le couperet. Je ne pensais pas me trouver face à une silhouette aussi petite, malgré sa tenue le recouvrant entièrement.

- Qu'as tu à dire pour ton salut, Harry de la famille Styles? Le père a un ton moqueur et vainqueur.

- Que vous puez le vieux chien mouillé, Sir! Je crache.  Aldrich se renfrogne. La silhouette chétive de son fils se crispe. Il porte la main à ce que je devine être sa bouche.

- Au cachot! Hurle le vieux. Laissez le y jusqu'à ce qu'il crève. On exposera sa dépouille sur les murs du château quand il rendra son dernier souffle.

- Ainsi soit-il, je rétorque, haut et fort. Vous n'aurez rien de moi. Ni pleurs, ni supplications, ni demandes de clémence, ni accords alliés. Je souris, mauvais.

- Hors de ma vue!

Je sens les hommes me relever. Ils me poussent pour me trainer hors de sa vue, hors de la pièce, jusqu'au cachot où je rendrais mon dernier soupir, affamé, assoiffé, ou vidé de mon sang qui s'échappe toujours de mon bras. Je fixe une dernière fois Aldrich, avec un air de défi.

Puis je passe devant Louis.

Une fraction de seconde, un instant bref, le temps d'une vision qui se ralentie et ralentie le cours du monde, le temps, comme s'il marquait une pause, je découvre son visage.

Des yeux bleus à se damner, un visage fin, parfait, beau, presque aussi parfait que celui des anges, des Dieux.

Un regard à faire trembler les océans, à s'en foutre royalement, soudain, de bientôt mourir dans un cachot. Tout ça, car on l'a aperçu. Comme si plus rien ne comptait, à part ce visage, ses yeux, ce regard.

Mes sens d'Alpha se réveillent. Je peux respirer, sentir son souffle, un semblant de son odeur masquée par autre chose. Mes pupilles se dilatent, mon corps se redresse. Et alors que je suis obligé de quitter cette vision extraordinaire, poussé plus fort et plus loin par le gardes, j'entends le vieil Alpha hurler:

- Louis, dans tes appartements! Maintenant!

....

Je suis dans une endroit humide et obscur. Ca pue l'eau stagnante et la moisissure. Ils m'ont mis un collier avec une chaine. Celle-ci, bien que assez longue, me relie aux murs de pierres de ce cachot. Il y a de la paille, dans un coin. Elle pue aussi. Je sais, grâce aux dires forts peu aimables d'un des geôliers qui m'a balancé ici, que je ne serais pas nourri. Ce cachot est isolé, ils reviendront dans un mois récupérer ma dépouille pour l'exhiber.

Mais la situation n'est pas si terrible. Je viens de voir une apparition divine. Partout où je pose les yeux, je vois les siens. Ca pureté, son souvenir, illuminent cet endroit des plus sombre.

Louis.

Je n'avais jamais remarqué combien ce prénom sonnait bien.

Louis.

Je m'écroule sur la paille. Je pense à l'odeur que j'ai pu deviner de lui. Je me concentre sur elle. J'en oublie celle qui effleure amèrement mes narines.

Je me réveille. Je ne sais ni combien de temps j'ai dormi, ni si on est déjà demain. Je n'ai plus de notion de temps. Je suis juste là, dans ce trou obscur.

Mon odorat est attiré par une odeur agréable. Je me redresse, et rampe jusqu'à elle en reniflant. Au sol, au pied de la porte/grille, il y a une assiette en fer avec du pain, des cobettes de maïs, et un pichet d'eau. J'allais me faire la réflexion qu'ils ne sont pas censés me nourrir, quand je remarque un reste d'odeur. Je sens l'assiette. Je souris.

Elle sent Louis.

La nourriture me fait du bien. Depuis plusieurs "jours?" il me laisse ce plateau repas. Mais à chaque fois, je le rate, je dors quand il passe. Ma blessure au bras m'épuise et me fait de plus en plus mal. La faim ne me tuera pas, mais ma blessure si.

Je suis plié en deux. La fièvre et la douleur m'empêchent de trouver le repos.

Je l'entends. Je le vois. De légers pas de loup dévoilant sa silhouette sous cette éternelle cape et capuchon. Je l'observe.

Il tire vers lui l'assiette, le pichet. Il sort de sa cape un chiffon. Il le déplie et il déverse son contenu dans le plat. Ensuite, il vide sa gourde dans le pichet.

- Merci! Je murmure. Il sursaute. Pendant une seconde, je pense qu'il va fuir en courant. Je sais qu'il y pense et hésite, d'ailleurs. Mais il reste là. Il m'observe. Je tente délicatement de m'approcher. Je ne veux pas qu'il change d'avis et parte en courant. Mais la blessure me lance et j'émets malgré moi un cri de douleur. Louis pose une de ses mains autour d'un des  barreaux de la grille. Le silence est lourd, puis j'ai enfin le plaisir d'entendre de nouveau le son de sa voix. Elle est douce et fine. Ce n'est pas un loup, c'est une sirène qui pourrait ensorceler n'importe quel homme avec sa voix.

- Tu es blessé?

- Le bras. Je réponds. Il m'en fait perdre mes mots. Je ressens un peu de colère contre moi même pour cela. Je suis en train de perdre mes moyens et de fondre complètement devant le fils de l'Alpha, mon ennemie juré, le mal incarné. Comment un être qui a l'air si doux, et si pur, peut être le fils de L'Alpha? 

Je vois Louis sortir une clef de sa cape. Il cache combien de choses là-dessous? Je rougis en songeant à ce qu'il y cache d'autre: Son corps. Je suis certain qu'il est parfait.

Louis tourne la clef, et prudemment, il pousse la grille.

- Je suis encore attaché par le cou. Je précise, pour le rassurer.

- Je sais. Sinon je ne serais pas entré. J'aime! Il s'avance. Viens jusqu'à la limite de la chaine, s'il te plait. Je comprends sa manœuvre. Ainsi, si je venais à vouloir l'attaquer, il n'aurait plus qu'à se reculer un peu. J'obéis. Il patiente pendant que je rampe. Je rampe à ses pieds, et je me dis que si la vie avait été différente, je ramperais quand même à ses pieds, pour l'avoir, pour l'aimer. 

Il se penche vers moi, s'accroupit. Pendant qu'il écarte délicatement le tissu qui est sur ma blessure, avec ses doigts longs et fins, j'essaie de mieux voir son visage. Mais il a toujours sa tête baissée. Il le fait exprès. Je voudrais mieux le détailler, pour mieux en rêver.

- Je reviens, il murmure, interrompant ma contemplation difficile, à cause de sa capuche et de l'obscurité. Il se relève et s'en va.

Il revient de longues minutes plus tard. Il sort de sa cape un sac. Il pose le tout à coté de moi. Je ne regarde pas ce qu'il fait. Je ne regarde que l'ombre de son visage, que le reflet de ses yeux que je devine. Je ne souffre pas de ses soins, je suis ailleurs, quelque part sur l'océan, dans les cieux, dans ses yeux que j'essaie de croiser encore.

- Je ne suis pas un guérisseur, mais, je pense que ça devrait aller. Je regarde mon bras. Il est bandé, propre.

- Merci. Il se relève pour partir. Louis! Il sursaute et se retourne. Je pense qu'il est surpris que je sache son identité, ou que je l'ai reconnu. Pourquoi tu fais tout ça?

- Nul être ne mérite de mourrir ainsi. Il semble réfléchir. A part peut être celui que les gens appellent "mon père".

Il s'en va.

....

Je passe ma nuit à y songer. Ainsi, Louis, le fils, n'aime pas son père. Il le déteste au point de penser qu'il mérite de mourir ainsi, enchainé à un mur, sans soins, sans aliments, jusqu'à ce que mort s'en suive.

Pourquoi l'appelle t'on Le Couperet, le bras droit de l'Alpha?

A défaut de dormir, ces questions ont hanté mes heures, et m'ont bien occupé. Le temps s'écoule avec une seule lumière, une seule motivation, un seul espoir: Voir Louis.

J'entends ses petits pas résonner dans les escaliers. Je souris. Le meilleur moment de ma journée est là. La meilleure chose aussi.

Il voit que je l'observe, mais il suit son petit rituel habituel. Il déplie un chiffon, en sort du pain et du fromage avec un bout de lard. Il verse sa gourde dans mon pichet. Il se redresse pour partir.

- Reste! Je lâche, dans un souffle court. Je...je suis seul, je m'ennuie, et...j'ai envie de discuter avec toi. Il se fige. Je pense qu'il est autant surpris d'entendre ça, que moi d'avoir réussi à le lui demander.

Il se retourne vers moi, pose une de ses mains sur un des barreaux.

- Discuter de quoi?

- Ce que tu veux. Je ne sais pas...Raconte moi ta vie ici, au château. La vie avec ton père.

- Il n'y a rien d'intéressant à raconter pour moi, et à entendre pour toi, à ces sujets.

- Laisse moi en juger. Je pourrais aussi te raconter ma vie dans mes terres. Si tu en as envie. Il réfléchit. Ou sinon, tu peux me raconter ce que tu aimes faire, tes passes temps...ce que tu lis. J'essaie de trouver des idées, n'importe quoi. Je veux qu'il reste, je veux passer du temps avec lui, auprès de lui. Comme aucun son ne sort de sa bouche, je commence, pour l'encourager. Je m'appelle Harry Edward Styles. J'ai 22 ans, je suis le dernier né et dernier vivant Styles. Mais je crois que tu le savais déjà.

- Je ne savais pas ton âge, il murmure.

- Tu as quel âge, Louis?

- 22 aussi. Il baisse sa tête.

- Tu sais, tu peux entrer et t'asseoir loin. Je suis toujours attaché. Il pèse le pour et le contre, et sort de nouveau la clef de sa cape. Une fois de plus, je rêve de passer mes mains dessous, pour le sentir, découvrir les formes et les courbes de son corps.

Louis s'assoit pas loin de moi. Je suis déjà au bout de ma chaine, je suis inoffensif. Quand il s'assoit, sa cape remue, le courant d'air est mon allié. Comment je n'ai pas senti ça avant? Bien sûr, c'est pour ça la cape épaisse, pour ça que j'ai tant aimé son odeur dans la salle du trône...

- Tu es un Omega! Je crie de surprise, sans réussir à retenir cette révélation dans un coin de mon cerveau. Il se fige. Il relève la tête, d'un coup. Je peux enfin voir son visage un peu plus clairement que la dernière fois. Je suis tétanisé. Il est encore plus sublime que dans mon souvenir. Mais je ne peux pas m'attarder dessus. Louis se lève et part en courant. Attends, non, Louis, s'il te plait. Il referme la grille. Ce n'est pas un reproche au contraire...Mais il continue sa course et disparait de mon champs de vision, et de mon odorat.

Soudain j'ai peur. J'ai peur qu'il ne revienne plus. J'ai peur de ne plus avoir l'opportunité de le revoir.

Mais ce qui m'effraie encore plus, c'est que je réalise seulement bien plus tard que s'il ne revient plus ce sera la fin de mon alimentation.

Cette mort lente passe donc au seconde plan dans les préoccupations de mon esprit. En second après le fait de ne plus le revoir lui. C'est ça qui m'effraie.

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