TroubleMaker ◦ partie 1
Les explications concernant les Univers qui vont être utilisés dans ce recueil d'OS (One-Shot) se trouvent dans le premier chapitre (je m'excuse auprès des personnes qui vont pouvoir en prendre connaissance seulement après avoir lu le premier OS !).
Même si vous connaissez ces univers, je vous conseille de lire les explications que j'ai écrites, car ils peuvent être légèrement différents des explications que vous avez peut-être déjà lu à leurs propos.
TW : aucun
Univers : UA (Univers Alternatif) - Omegaverse - Hybride
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NDA : Si vous voyez des fautes je suis preneuse afin de les corriger et d'apprendre de mes erreurs.
Bonne lecture~
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Thomas quitta le comptoir quelques secondes après avoir reçu sa commande, remerciant chaleureusement le personnel du café malgré sa voix enrouée. Il saisit l'emballage qui contenait ses achats puis s'avança sur le chemin menant vers l'extérieur.
Il s'arrêta un instant à côté d'une table pour y déposer le sac en papier, afin d'arranger la position de son écharpe sur son col. Grognant quelque peu lorsqu'il sentit son nez couler, il attrapa un tissu en papier dans son blouson pour se moucher, en espérant ne pas faire trop de bruit. Il sentait déjà assez le poids des regards sur sa personne en temps normal, pas la peine d'en rajouter.
Son hybridation était un vrai fardeau.
Ils n'étaient pas nombreux à arborer ces couleurs.
La plupart du temps il suffisait d'observer la forme et la délimitation des pigments noirs et blancs sur sa chevelure pour déjà avoir une idée assez claire de ce qu'il était.
Ses cheveux étaient noirs de jais, sauf à deux endroits situés de part et d'autre de sa tête, deux taches blanches en amande s'étirant à l'horizontale au niveau de ses tempes, jusqu'au-dessus de ses oreilles. C'étaient ses "seconds yeux" comme confondaient souvent les enfants lorsqu'ils voyaient des photos de son animal.
Sa physionomie attirait les yeux ronds de curiosité des hommes et femmes qu'il croisait, mais l'incertitude qu'il lisait dans leurs yeux ne durait guère longtemps avant que leurs regards ne changent et cela le désolait.
Il aurait pensé que la mentalité concernant les hybrides prédateurs évoluerait rapidement après la libération des castes et la proclamation de leur égalité, il y a une quinzaine d'années. Mais la société était lente à changer, les générations passées avaient déjà fait leur travail, inculquant à leurs "bons" enfants la méfiance qui les avaient rongées depuis toujours.
Pour certaines personnes - la plupart d'après lui - le règne animal était toujours ancré dans leurs natures d'humain hybride ... une aberration.
Arborer les caractéristiques d'un des plus grands alpha prédateurs faisait inévitablement trembler la plupart des hybrides et ce, même si la majorité d'entre eux ne faisait pas partie des proies de l'animal qu'il était.
En sentant des regards insistants sur lui, le jeune homme remonta ses yeux vers un groupe de personnes à deux tables de là, avant de le détourner, peu désireux d'entamer un échange qui allait le mettre mal à l'aise.
Il finit par soupirer d'exaspération en secouant la tête lorsqu'il se rendit compte que de plus en plus de monde semblait s'intéresser à sa personne. Thomas rangea son mouchoir dans la poche de son jean, pressé de quitter ce lieu.
Ses doigts se posèrent de chaque côté du sac avant de s'emparer, à travers le papier beige, du support à boisson qui se trouvait dans le fond. Les quatre gobelets avaient beau être normalement bien calés, il lui était déjà arrivé de rentrer à l'entreprise avec un sac humide de café et cette fois-ci n'en ferait pas partie.
Discernant toujours sur lui les pupilles parfois animales, parfois ordinaires des clients, il s'avança vers la sortie, son écharpe remontée juste en dessous du nez. Quand il y pensait, il aurait préféré être totalement recouvert de la peau de son hybridation, vu qu'il était déjà, de toute façon, la source principale des conversations murmurées. Au moins aurait-elle pu mettre à profit convenablement les bienfaits de l'épaisseur de graisse qui résidait en dessous, il aurait été totalement insensible au froid.
Il en rêvait en sentant sa gorge serrée lui faire mal.
Ses pas mesurés quittèrent la table où il s'était brièvement arrêté, afin de l'amener vers la sortie du café et, trop pressé par ses pensées et par l'équilibre du sac en papier qui contenait ce qu'il avait acheté pour ses collègues et lui, il ne fit pas forcément attention à ce qui se passait devant lui.
Il avait l'habitude de passer cette porte, il savait la force qu'il devait exercer pour commencer à la mouvoir. Les yeux un peu trop concentrés sur les gobelets, il s'en était approché. Son corps avait suivi la routine, se tournant légèrement pour s'apprêter à appuyer son épaule contre le battant afin d'amorcer son ouverture. Son pied droit prêt à exercer une pression supplémentaire afin de l'aider à faire pivoter le lourd battant vers la rue.
Sauf que celui-ci s'ouvra beaucoup trop rapidement, laissant à peine le temps à l'épais tissu du vêtement qu'il portait d'effleurer le verre faiblement teinté et opaque. Il se retrouva déséquilibré en une fraction de seconde. Un cri de surprise coincé dans sa gorge, alors que le vent glacial s'était engouffré sur les parcelles de peau découvertes, l'hérissant d'un frisson dû aussi bien au choc de la température, qu'à la surprise qu'il ressentait en se sentant basculer en avant.
Dans un réflexe inutile, ses doigts agrippèrent ce qu'il tenait au lieu de lâcher ses achats pour l'aider à se rattraper, comme si le breuvage que le sac contenait était tout ce qu'il devait sauver en ce moment.
Ses yeux grand ouverts s'accrochèrent à un bouton de manteau qui se trouvait dans son champ de vision, celui-ci s'agita, comme prit dans un mouvement de panique et, l'instant d'après, l'épaule droite de Thomas percuta la silhouette à qui il appartenait, lui extirpant une brusque et bruyante expiration.
Les réflexes de l'inconnu furent plus appropriés et lui sauvèrent la mise. Ses hanches furent saisies avec force, arrêtant d'emblée le vacillement de son centre de gravité. Son corps se stabilisa enfin, son flanc échoué sur le torse de l'étranger au long manteau, Thomas souffla d'une traite tout le stress qui venait de le traverser de la tête aux pieds.
Les joues rouges de honte, l'homme aux cheveux bicolores s'excusa en bafouillant. Ses phalanges serrant avec beaucoup trop de force la poche qu'il avait agrippé, alors que son cœur battait désespérément dans sa poitrine, à tel point que ses oreilles s'étaient misent à bourdonner.
Il avait eu une peur bleue de perdre l'équilibre et l'adrénaline qui parcourait son corps ralentissait encore les pensées de son cerveau. Thomas mit un petit temps avant de se rendre compte qu'il était toujours soutenu et dans un bond, il s'écarta de l'homme au regard surpris, dérobant par la même occasion ses hanches des longs et fins doigts qui s'y étaient glissés.
Il continua de s'excuser, se penchant à de multiples reprises, si bien qu'il remarqua seulement après qu'il se soit complètement redressé que deux paires d'yeux le fixaient.
Thomas essaya de se faire tout petit pour se faire oublier, pas la peine de déranger ces messieurs plus longtemps vu ce qu'il venait de se passer. Il se pinça les lèvres en reculant, son buste toujours tourné vers les deux hommes, tandis qu'il releva prudemment ses prunelles chocolat pour regarder leurs expressions. Si le choc de leur rencontre ne les avaient, semble-t-il, pas trop secoués, peut-être que son physique allait bientôt les effrayer. Il craignait cela en sentant leurs regards sur lui, pourtant il aurait dû se dire que cela était tout à fait normal de dévisager la personne qui venait de percuter l'un d'eux.
Thomas fit tout son possible pour paraître petit, innocent et s'il avait eu des oreilles mobiles, il les aurait baissées pour perdre quelque centimètre. Au moins ce genre d'attribut animal permettait de témoigner visuellement de ses sentiments, il aurait voulu en avoir en cet instant, comme le jeune homme légèrement plus grand que lui, qui était en train de réarranger ses habits, pendant que ses pupilles semblait le regarder.
Au moment où cette pensée lui traversa l'esprit, il entendit un toussotement provenant de l'homme à leurs côtés.
Joseph rit doucement en voyant l'une des oreilles poilues de son ami se tourner vers lui une fraction de seconde avant de revenir sur l'inconnu. Ce dernier les observait toujours et l'alpha Ours se dit qu'il était drôlement insensible face aux oreilles, si particulières, du Félin*. Certes, elles attiraient rapidement et inévitablement les regards, comme cela avait été le cas ici, mais d'habitude elles provoquaient au moins un sourire.
Cependant le jeune homme engoncé dans une écharpe n'avait esquissé aucun rictus.
Même lui en rigolait gentiment de temps en temps, s'amusant parfois à passer ses doigts sur le plumeau de long poils noir présent aux sommet des oreilles du Caracal*, lui provoquant immédiatement un soufflement d'exaspération et une série de mouvements incontrôlés pour tenter de faire partir la désagréable sensation qui s'était répandue sur l'extrémité effleurée.
Joseph leva les yeux aux ciels en souriant, lorsqu'il rendit compte que les pupilles rondes de Damien ne semblaient pas du tout à même de se dissocier du regard de l'inconnu.
Il en était certain maintenant, il avait complètement l'impression de les déranger.
Il reporta son attention vers le garçon chaudement emmitouflé avant d'observer alternativement les deux personnes à ses côtés. Ils se trouvaient en présence d'un autre super prédateur* qu'il n'avait jamais eu la chance de voir, mais ce qui intéressait le plus Joseph, était clairement la réaction de l'aîné qui l'accompagnait. Son ami avait une attitude complètement différente et cela fit légèrement sourire l'Ursidé*.
Malgré le temps qui passait, ni l'un ni l'autre ne semblait vouloir bouger. Joseph, quant à lui, commençait à souffrir du froid de plus en plus agressif sur son cou découvert. Cela faisait déjà un bon moment qu'ils se baladaient à l'extérieur et sa réserve de chaleur corporelle, habituellement élevée, commençait à s'épuiser. Il hésita à tirer son ami vers le café juste pour retrouver un peu de chaleur.
Mais après avoir réfléchi à ce qu'il se passait devant lui, il se rendit compte qu'il s'en serait voulu de briser le moment. Il fut alors soulagé que son essai pour attirer l'attention de son aîné, quelque instant plus tôt, ait été vain.
Il avait une furieuse envie de se racler la gorge mais il se retint, préférant s'écarter pour leur laisser l'opportunité de parler. Mais à peine eut-il fait un pas en arrière que l'inconnu les salua d'une voix enrouée avant de se détourner d'eux et de partir d'un pas mal assuré, sans doute à cause des boissons qu'il semblait transporter avec grand soin.
Joseph fut tout autant surpris que Damien par le cours des événements.
Son regard alterna rapidement entre les deux hommes tandis que les iris oranges incrustés d'or de son ami disparurent plusieurs fois sous les battements de ses paupières. Transperçant de ses grands yeux félins, entourés de noir, la silhouette qui leur tournait désormais le dos.
Thomas les entendit murmurer, cependant il était déjà trop loin pour comprendre leurs paroles. De tout façon, cette conversation ne semblait pas lui être destinée, sinon ils lui en auraient parlé directement pendant qu'il était à leurs côtés.
Au lieu de ça, il avait juste eu l'impression d'avoir passé une éternité devant eux, sans trop savoir pourquoi d'ailleurs. Il avait eu du mal à se détourner d'eux, mais l'impératif de la vie quotidienne l'avait emporté. Il serait attablé dans une salle de réunion avec ses collègues d'ici un peu moins de cinq minutes.
Thomas ne pouvait s'empêcher de repasser dans son esprit la scène catastrophique qu'il avait déclenchée, se maudissant de la maladresse dont il avait fait preuve. Après quelques secondes de réflexion, il finit par souffler brusquement, comprenant d'un coup pourquoi il n'avait pas remarqué les hommes derrière la porte.
Il aurait vraiment dû laisser son tour à un de ses collègues au lieu de sortir dans cet état...
Une bourrasque de vent glacial le frappa de plein fouet lorsqu'il passa le coin d'un bâtiment et comme s'il n'avait pas eu assez de surprise ce dernier quart d'heure, il sentit une main se poser sur son épaule. Il bondit vivement en avant en se retournant par la même occasion, son cœur pris de panique, encore une fois.
Thomas plissa les yeux en observant la personne qui venait de l'interpeller de façon si désastreuse. Il reconnut la forme des oreilles de l'homme qu'il avait percuté en sortant du café et comme pour lui confirmer cela, une voix s'éleva.
"Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire peur comme ça. En fait, tout à l'heure..."
Sa voix mourut dans la respiration hachée qu'il avait. L'homme avait sans doute dû courir pour le rattraper, alors il lui laissa le temps de reprendre son souffle, attendant silencieusement tandis que ses sourcils se fronçaient sous la curiosité.
Sauf qu'il tarda, beaucoup, à reprendre la parole.
Damien avait du mal à se lancer dans son explication. Il avait replongé ses yeux d'ambre dans ceux boisés en face de lui, avant de les laisser doucement parcourir son visage.
Il regarda avec un brin de fascination la peau lisse si caractéristique du milieu de vie de son espèce.
Elle recouvrait presque la moitié de la peau humaine de son minois et se trouvait principalement sur le bas de celui-ci. Suivant la ligne de sa mâchoire supérieure, la peau noire de son animal s'étendait légèrement et de façon irrégulière sur ses joues, avant qu'une délimitation nette marque un changement de couleur au niveau de sa mâchoire inférieure. L'épiderme présent sur cette partie était tout autant brillante, mais d'un blanc pur.
Damien trouvait le contraste de teinte splendide. Sa peau semblait si douce...
Quand cette pensé le frappa il sembla s'extraire de ses rêveries en avalant une goulée d'air, qu'il regretta instantanément en sentant l'odeur de l'inconnu. Il ne fallait pas qu'il y pense, il fallait qu'il lui parle et ne surtout pas y penser.
Il se pinça fortement les lèvres tandis qu'il baissait les yeux, évitant délibérément son regard.
"Tu l'as senti ?"
Damien n'eut pas le temps d'être surpris par le fait qu'il avait tutoyé l'inconnu sans fait exprès, que déjà celui-ci déclarait :
"Pardon ? Sentit quoi ?"
"Ce que j'ai senti, toi aussi, tu ..."
Le Félin avait répondu rapidement, comme s'il voulait au plus vite connaître la réponse à sa question, mais en même temps il ne se voyait pas prononcer les mots qui trottaient dans sa tête.
Il s'était permis d'insister encore une fois, changeant néanmoins la formulation de sa précédente question en affirmation.
L'homme avait forcément dû comprendre, il en était persuadé... Mais alors pourquoi le regardait-il avait cet air aussi perdu ? Damien avait envie de partir, de disparaître, de s'enterr-. Il fut coupé de ses pensées sombres par l'inconnu.
"Je ne comprends pas, de quoi tu parles ?"
Lorsque Damien entendit ces mots, l'expression sur son visage changea rapidement. La lueur dans son regard s'éteignit douloureusement et ses oreilles de caracal se baissèrent sous la déception. Cette dernière fit aussi frémir sa voix par la même occasion sans qu'il ne puisse rien y faire.
"T'as pas ressenti..."
Damien releva ses iris vers l'homme, comme s'il voulait s'assurer qu'il ne lui mentait pas. Il le voyait réfléchir intensément à leur discussion, soucieux de savoir ce qu'il voulait lui faire comprendre.
"Ressenti ?" Il avait marmonné avant que son regard s'illumine et qu'il s'exprime à la suite, de façon un peu plus sûre de lui "Ah tu parles des phéromones ? Quoi- ? Mais c'est pas possible ça peut pas être ça, je suis pas en période avant-"
Il s'était brusquement interrompu, le rouge aux joues.
Le visage de Damien fut pris d'une immense bouffée de chaleur. Il balbutia difficilement pour démentir, s'empêtrant encore plus dans le trouble qu'il ne l'était déjà.
"Non pas ça ! Je ne parle pas de tes pré-ruts", la voix de l'homme mourut, expirant la fin de sa phrase dans un souffle presque inaudible. Se rendant compte avec embarras de ce qu'il avait dit, Damien continua son propos pour tenter de rattraper sa maladresse.
"Non pardon ! Tes phéromones sentent tellem- Non ! Oublie ce que j'ai dit ! Oh merde j'ai tellement honte ..."
Il était si atrocement gêné qu'il pensait même à tourner les talons pour fuir la conversation. Rien de ce qu'il venait de dire n'allait. Il avait du mal à canaliser ses pensées et, apparemment, sa langue aussi.
L'hybride face à lui battit des paupières avant de parler brusquement comme s'il avait compris.
"Ah ! Mais je suis enrhumé !"
L'incompréhension était totale pour le Félin.
Damien avait bien entendu qu'il parlait avec une voix un peu nasillarde, mais en quoi ce fait avait à voir avec ce dont il parlait ? Un rhume n'empêchait pas de capter les phéromones.
Son silence incita l'inconnu à reprendre son explication.
"Je suis pas mal dépendant de mon hybridation, quand je tombe malade ça détraque tout."
Damien sembla comprendre d'un coup.
"L'écholocalisation de l'orque"
Le jeune homme lui sourit et il fut tout de suite rassuré par sa douce expression.
"Exactement, on va dire que quand je suis malade mon sonar déconne... D'habitude je ne rentre pas dans les gens comme ça." Il rigola légèrement, arrachant un sourire à Damien. "Contrairement aux orques dans la nature, quand je ne suis pas au meilleur de ma forme, j'ai des problèmes de vision."
Damien ne put retenir l'étonnement d'envahir son visage pendant un instant, mais en voyant que l'homme n'avait pas l'air plus inquiet que cela, il se relaxa.
Il regarda les joues du garçon, rosie par le froid, s'élevant une nouvelle fois pour découvrir légèrement ses dents. Son expression contamina le visage de l'hybride Félin tandis qu'il le rejoignait, plissant doucement les yeux lorsque ses pommettes s'arrondirent elles aussi.
Ils se sourirent un instant et Damien fut rassuré d'enfin comprendre le sujet de leur conversation. Il voulait en savoir plus sur lui, si bien que, quand l'hybride marin reprit ses précisions, le Caracal se concentra sur ses propos.
"En gros, je sens rien, j'ai du mal à discerner les sons et ma vue est mauvaise."
Les oreilles de Damien s'affaissèrent un peu, décidément il n'avait pas été gâté par la vie.
"Tu me vois correctement là ?"
L'inconnu grimaça un peu, avant de lui répondre.
"Même à cette distance, tu as dû remarquer que je plisse les yeux, c'est pas pour paraître plus méchant, j'ai pas besoin de ça en plus pour faire peur", finit-il par soupirer, alors que ses lèvres perdaient leurs joies, avant de continuer, "Tout est un peu flou."
Damien hocha la tête, avant de se reprendre directement, craignant que le jeune homme n'ai pas pu voir son mouvement, "Je comprends".
En plus de tout cela, son hybridation avait l'air de le faire souffrir du regard des autres, il se rappela la façon dont il s'était adressé à Joseph et lui, à sa tête baissée et son regard fuyant.
"Du coup pour en revenir à ta question, j'aurais dû sentir quelque chose en particulier ?", l'inconnu l'extirpa de ses pensées.
"Oui ... je pense, mais tu n'as vraiment rien senti ?
- Je ... non vraiment non. Le monde n'a plus aucune odeur quand je suis malade, c'est vraiment déroutant, mais j'ai l'habitude à force. En fait, même ce que je mange est sans saveur de ce fait."
Damien l'écouta, abasourdi par les conséquences d'une maladie si bénigne que le rhume.
Il réfléchit un instant, remontant ses iris dans ceux de son vis à vis, n'y décelant qu'un air calme et avenant. Ainsi que probablement un peu de joie qu'on s'intéresse à lui, car l'hybride Delphidé* avait toujours un léger sourire sur les lèvres.
Le Caracal reprit la parole avec plus d'entrain.
"Ça va passer dans combien de jours ? ... Ton rhume", crut-il bon d'ajouter.
Cette question était sans doute inattendue, car l'autre alpha eut l'air surpris.
"Pourquoi est-ce que tu demandes ça ?"
Mais Damien ne reformula pas sa demande, il ne lui donna pas non plus d'explications, il attendit sa réponse en continuant à le fixer.
Il le regardait de ses yeux jaunes irisés de couleur ocre, dont les paupières avaient la capacité de retenir leur clignement pendant une assez longue durée.
Peut-être était-ce un peu trop intense, d'ailleurs, car devant son air curieux et concerné, l'homme finit par parler.
"Généralement, ça prend bien une semaine pour que je me rétablisse complètement."
"Est ce que je peux t'inviter dans une semaine alors ?"
Damien parla sans hésitation, comme s'il avait déjà façonné cette demande dans sa tête avant cet instant.
"Qu-?"
Les pupilles du garçon bougèrent rapidement pour tenter d'analyser son expression. Damien sentit même son corps chaudement emmitouflé se rapprocher de quelques centimètres, sans doute pour lui permettre d'avoir une vision plus nette de l'inconnu qui lui proposait cela.
Le Félin lui laissa le temps de l'observer, de se faire un avis sur lui. Il se rendit compte qu'il s'était vraisemblablement tendu inconsciemment en sentant l'hybride proche de lui, quand il sentit sa mâchoire le faire légèrement souffrir, sa crispation s'étant dirigée vers les muscles de celle-ci.
Il espérait que cela ne lui ferait pas peur, il n'avait pas contrôlé ce geste, ne s'attendant pas du tout à ce que la présence de l'homme se fasse plus marquée dans son champ de vision.
D'un coup, Damien fut inquiet d'avoir été déraisonnable et dès lors que cette idée affreuse lui effleura l'esprit, ses oreilles perdirent de leurs hauteurs, s'aplatissant sur le côté de sa tête, tandis que son sourire fanait peu à peu.
Il l'imaginait déjà refuser cette proposition sortie de nulle part, si bien que lorsque l'Orque lui répondit, il en sursauta presque de surprise.
"Oui, si vous le voulez"
Ses oreilles s'étaient redressées sous l'étonnement et il n'en fallu pas plus à l'homme qui venait de répondre pour lui arracher un petit rire lorsqu'il avait réussi à distingués les plumeaux de poils noirs s'agiter. Damien sentit ses paupières s'agiter sans qu'il ne puisse rien faire en entendant ce son.
La voix de l'homme resta enrobée d'un sourire non dissimulé quand il prit de nouveau la parole.
"Je ne sais pas pourquoi vous y tenez tant, mais ... pourquoi pas"
Sans qu'il ne puisse se contrôler, Damien agita rapidement les attributs de son animal qui pointaient dans sa chevelure. Son regard s'ancra dans les orbes toujours curieuses de son vis à vis, alors que ses oreilles duveteuses frémirent une nouvelle fois sous le vent qui faisait voltiger ses mèches.
Il avala avec un peu de difficulté sa salive afin d'être sûr que sa voix reste stable pour les mots qui allaient suivre.
"Je peux avoir ton numéro de téléphone ?"
Un acquiescement lui répondit immédiatement, pourtant il fut incapable de faire le moindre mouvement. Il était complètement figé, cette situation était complètement inédite et il semblait perdre ses moyens au fil des secondes passées à proximité de l'inconnu.
Ce fut celui-ci qui bougea le premier, changeant de position ses mains pour attraper les anses du sac en papier, il libéra l'une d'elles.
Dès lors qu'il commença à se mouvoir, Damien en fit de même. Le blocage maintenant dissipé, il fouilla dans sa poche de jean, extrayant son téléphone. Il le déverrouilla, puis sélectionna la bonne application pour que l'homme n'ait plus qu'à remplir ses informations.
Ce fut dans un mouvement fluide que l'objet plat passa d'une main à l'autre. Puis Damien attendit jetant de multiples coups d'œil entre les doigts du garçon qui s'agitaient sur le clavier et le visage concentré sur la tâche de leur propriétaire.
À peine quelques secondes plus tard l'hybride marin lui tendit le téléphone pour qu'il le récupère. Le bras de Damien vint l'atteindre puis, l'amenant doucement dans son champ de vision, ses iris parcoururent furtivement l'écran. Il constata avec joie que les informations de l'inconnu y figuraient avant de remonter son regard. Il rencontra d'emblée celui de l'homme en face de lui.
Le rictus confiant qu'il décela sur son visage rassura le Caracal. L'inconnu n'avait pas du tout l'air mal à l'aise et il espérait vraiment que cela signifiait qu'il avait rempli son contact sans mentir.
Son corps se décontracta enfin complètement et Damien entama de nouveau la discussion.
"Je vous contacte dans les jours à venir pour convenir du lieu", il reprit son souffle avant de continuer avec entrain, un petit rictus malicieux au coin des lèvres, "Et je vous promets que le restaurant où je compte vous amenez manger va vous ravir."
L'homme en face sourit franchement avant de pencher doucement la tête sur un côté, curieux que de savoir ce qu'il pouvait bien lui proposer.
"J'espère que ça sera un japonais alors."
Damien rit en dévoilant ses canines légèrement plus pointues que la normale. Ses prunelles s'encrèrent à celles aux chaudes couleurs du bois et il souffla sa réponse dans un énième sourire authentique.
"Je savais qu'on allait bien s'entendre !"
Le rire à peine calmé de l'homme reprit pendant quelques secondes, s'accordant avec l'expression de Damien tandis que le rictus de joie continuait d'arrondir les joues pleines du, désormais, presque inconnu.
Damien l'observa, laissant planer l'ombre de leurs rires sur leurs visages, dessinant sur chacun des leurs, une expression douce mêlée d'attente grandissante.
Il sembla reprendre conscience de la situation, comprenant que l'alpha attendait sans doute qu'il le libère, assurément pressé de rejoindre son lieu de travail, afin que le vrombissement persistant qui provenait de son téléphone cesse pour de bon.
L'hybride Félin se pencha pour le saluer poliment, laissant ses yeux descendre sur la silhouette de l'homme, il constata avec accablement que le fond du sac en papier, qu'il tenait sur le côté de son corps, était mouillé de café.
Damien remonta vivement son buste et son regard, les traits de son visage abaissés sous l'air désolé qui le parcourait.
"Je suis navré, je vous ai fait peur tout à l'heure et ..."
L'homme refusa ses excuses, le sourire toujours aux lèvres, après avoir observé la catastrophe, lui certifiant qu'il n'y avait pas énormément de dégâts vu la taille de la tâche sur le papier brun.
Damien retint de justesse l'expression enfantine qui allait marquer son visage, transformant la moue qui commençait à déformer sa bouche en un pincement de lèvres. Puis il reprit la parole.
"Alors si notre rencontre se passe bien et que vous le voulez, je vous offrirai un café"
Le garçon eut l'air surpris de ses propos. Sans doute avait-il capté dans l'intonation de sa voix qu'il semblait désormais déborder d'une assurance nouvelle. Par un effet miroir, celle-ci sembla faire un peu d'effet à l'homme au nez rougi par le rhume. Comme si le fait que l'hybride Caracal en face de lui était déjà persuadé que le dîner qu'ils allaient partager allait tous les deux les satisfaire, le rassurer et briser le léger doute quant à l'après repas qu'ils allaient prendre ensemble.
Les lèvres de l'Orque s'ouvrirent pour accepter sa proposition et alors que la commissure de celles-ci dévoilait un début de sourire après sa réponse, il sembla se figer. Sa main, ne portant pas les achats qu'il avait fait, s'agita sur les bords de son jean afin d'atteindre une poche, puis que ses doigts glissèrent entre les tissus cousus pour en sortir l'objet qui venait d'interrompre l'élan de ses lèvres.
La sonnerie qui s'échappait de son téléphone finit par s'éteindre lorsqu'il passa rapidement son index sur la surface de l'écran. Quand il reporta son attention sur lui, Damien capta d'emblée le regard désolé qu'il lui lança avant que sa voix ne s'élève.
La buée causé par son souffle accompagna les mots qui glissaient hors de sa bouche lorsqu'il avoua que l'heure avait vite tourné et que, bientôt, ses collègues allaient le relancer afin qu'il se dépêche de rentrer avec les vivres indispensables, selon eux, au bon déroulement de la réunion où il était attendu.
À peine la chaleur de ses mots fut happée par le froid qui les entourait, que la mélodie qui avait agité les oreilles du Caracal un instant plus tôt, retentit de nouveau. L'homme réitéra le mouvement qui avait mis fin à la sonnerie avant de ranger son téléphone en soufflant bruyamment. Il positionna sa main, ainsi libérée, sous le sac qu'il portait afin de le soutenir et éviter qu'il ne se craque à cause de l'humidité présente à sa surface.
Parlant un peu plus vite que précédemment il lança un sourire gêné au Félin, expliquant que ses collègues allaient désormais le harceler d'appels pour le presser. Et qu'une fois rentré à l'entreprise, il allait recevoir une pluie de questions pour savoir s'il était tombé sur un ou une oméga, pour rester autant à l'extérieur et oser, de ce fait, décaler l'heure de la réunion.
En face de lui, l'autre alpha ne sut pas trop comment réagir, avant de voir que son vis-à-vis, accompagnait ses mots avec un léger rire tandis que ses yeux qui se levèrent ostensiblement au ciel.
Il finit par interpréter avec plus de facilité ce que l'homme aux yeux marrons avait réellement en tête lorsqu'il décela la grimace qui déformait sa bouche. Ces dires étaient vraisemblablement une boutade lourde que devait lui envoyer, à la moindre occasion, les personnes qui travaillaient avec lui.
Damien accrocha à ses lèvres un sourire un peu forcé, désireux de lui faire comprendre que ce genre de parole l'incommodait aussi, avant que sa mâchoire ne se décontracte pour rendre sa mine plus joyeuse.
Il lui conseilla de ne pas faire attention à leurs remarques, après tout il avait bien le droit de laisser ses collègues attendre. Ce n'était pas eux qui affrontaient, en ce moment-même, les températures basses de la saison.
En entendant ses paroles, l'air tendu sur le visage de l'homme en retard disparu tandis que son rire, transportant un brin de joie, venait embrasser l'air dans une vapeur cotonneuse.
Damien le regarda avec bonheur avant de mettre fin à leur discussion en lui souhaitant de faire attention sur la route. Puis ils se saluèrent, l'Orque lui souhaita une bonne après-midi et tourna les talons, lui faisant le cadeau d'un dernier sourire jovial avant de reprendre le chemin qui l'amènerait à sa réunion.
Damien le regarda s'éloigner sans bouger du bout de trottoir qui avait accueilli leur discussion. L'homme emprunta un passage piéton plus loin, puis s'engouffra dans une rue, disparaissant de son champ visuel.
Ce fut seulement à ce moment-là qu'il se rendit compte qu'il avait souri en le regardant partir et que désormais, loin de ses yeux, celui-ci s'était tout autant évaporé.
Son rictus se changea vite en expression moelleuse lorsqu'il sentit son cœur battre la chamade, comme s'il l'avait mit en sourdine tout ce temps, désormais il ne pouvait nier que son corps réagissait de façon inédite.
Le Caracal s'agita soudainement, serrant son téléphone dans sa main, il le remonta vers son visage pour observer l'écran. La page d'ajout pour un nouveau contact était toujours ouverte. La barre verticale permettant la saisie de texte clignotait juste à côté d'une série de dix chiffres, il leva légèrement les yeux pour voir le nom de leur propriétaire.
Et sa voix parvint à ses oreilles dans un murmure en couvrant le bruit autour de lui.
"Thomas..."
Il releva les yeux précipitamment les iris comme s'il s'attendait à le voir devant lui, mais il fut déçu en constatant que ce n'était indéniablement pas le cas. Comment cela même pouvait-il être envisageable ? Il venait de le voir partir, il agissait vraiment n'importe comment.
Il reporta son attention sur son téléphone, appuyant avec empressement sur le bouton permettant d'enregistrer les précieuses nouvelles informations sur l'alpha qui l'avait bousculé en sortant du café.
Damien se promit de laisser passer au moins quelques jours avant de le contacter, ne voulant pas paraître trop insistant.
Il se doutait que ça avait dû être une rencontre très bizarre pour Thomas. Le fait de l'aborder, de lui poser ce genre de questions et de lui proposer un rendez-vous alors qu'ils ne se connaissaient pas du tout avait dû fortement l'étonner.
Mais il espérait de tout cœur que l'alpha apprécierait sa compagnie la prochaine fois.
Quelques minutes plus tard, le Félin retrouva son ami attablé dans l'établissement qu'ils comptaient visiter pour la fin de la pause déjeuner.
Joseph avait passé commande sans l'attendre et était désormais installé sur une banquette moelleuse. Il s'était délaissé de son manteau, avait déposé le vêtement sur l'assise à ses côtés et profitait de la chaleur du lieu.
Ses doigts jouant avec la tasse fumante qui était devant lui. Il hésitait à prolonger le contact autour d'elle, trouvant l'émail un peu trop brûlant pour ses phalanges bleuies par le temps hivernal. Mais la chaleur qui s'en dégageait était toujours de même bienvenue et, en portant le breuvage à ses lèvres, il émit un faible soupir de bien-être.
Il releva sa tête vers Damien quand il sentit l'odeur forte et épicée du Caracal.
L'Ours porta son attention sur celle-ci, pendant que son ami contournait une rangée de tables et de banquettes pour arriver jusqu'à lui. Il remarqua que quelque chose détonnait dans les phéromones du Félin. Il avait l'habitude de son odeur. Cela faisait partie de lui, comme d'eux tous. Elle était similaire au timbre de voix et permettait de mettre un nom et un visage sur la personne que l'on entendait.
Les phéromones étaient l'identité de chaque être humain qu'il croisait et, à cet instant, il les trouvait changées.
Joseph se concentra afin d'occulter les fragrances des personnes qui profitaient des lieux. Il huma discrètement l'air pendant que Damien se rapprochait de lui, rendant les notes olfactives plus présentes. Il dénota sans mal en toile de fond, la senteur qu'il avait eu peu de mal à capter de l'inconnu qui les avait surpris quelques minutes plus tôt. Cette dernière était plus douce qu'à leur rencontre et il fut étonné de remarquer qu'elle se liait plutôt bien à celle de son ami, apportant une note suave et légèrement sucrée. Les deux épices se mélangeaient autour du Félin en laissant un parfum à la fois puissant et apaisant.
Il accueilla l'alpha avec un sourire, sans demander d'autres informations sur ce qu'il s'était passé depuis qu'il l'avait laissé partir. Il savait que le plus âgé n'était pas du genre à apprécier qu'on l'interroge sur ce qu'il faisait.
Alors il préféra tendre une de ses mains vers les mets disposés de l'autre côté de la table, tandis que Damien semblait hésiter à enlever sa veste. Ses doigts s'accrochèrent aux pans de celle-ci, puis après un bref moment de réflexion, il laissa son vêtement en place sur son corps. En remarquant son comportement, Joseph haussa un sourcil avant d'agiter doucement la tête de gauche à droite.
Damien finit par se pencher afin de s'adosser à la banquette qui suivait la forme de leur table aux bords arrondis.
Le Félin répondit au sourire de son ami et suivit son geste pour regarder ce qu'il avait commandé pour lui. Ses yeux perçants analysèrent la tasse couleur sable dont s'échappait les effluves de chocolat fondu et de lait chaud, il savait déjà qu'elle ne ferait pas long feu, car il se rendit compte à ce moment-là qu'il était frigorifié.
Il s'empressa d'imiter son ami, posant avec précaution ses doigts sur l'objet qu'il convoitait, puis ses iris se posèrent sur la verrine à côté. Elle contenait un pudding fait maison, dont il raffolait. Il n'en fallut pas plus pour que ses oreilles s'agitent sous la joie qui animait son esprit.
Damien remercia de vive voix Joseph qui dégustait par petites gorgées sa boisson, l'attention de son ami se dirigeait de nouveau vers l'article qu'il avait commencé à lire sur son téléphone, le faisant défiler au fur et à mesure de sa lecture en quittant la source de chaleur qui réchauffait ses phalanges.
Saisissant la cuillère à côté de son dessert, le Caracal dodelina légèrement sa tête tant il avait hâte de se régaler avec. Il savait d'avance, pour l'avoir goûté de multiples fois déjà, qu'il était délicieux.
Comme à son habitude, il rapprocha le verre de lui pour en humer longuement l'odeur, les paupières closes afin d'apprécier chaque senteur qui allait bientôt fondre sur sa langue.
Mais il le recula bien vite de son visage avant de l'amener une encore fois près de son nez, ses sourcils se fronçant de plus en plus sous l'incompréhension. Damien déposa la verrine sur la table avec un peu trop de force, faisant claquer le fond transparent contre le bois dans un bruit sec.
Il sentit le regard de Joseph s'intéresser à lui, mais il n'en avait que faire. Ce qu'il ne comprenait pas actuellement avait plus d'importance que les paires d'yeux qui s'étaient retournées dans sa direction après avoir sans doute dérangé des conversations.
L'hybride aux iris dorés raffolait des puddings, cependant, celui-ci ... Celui devant lui, ne sentait pas aussi bon que dans son souvenir. Il ne le trouvait pas appétissant ...
C'était très perturbant, mais Damien laissa de côté son odorat, peut-être que lui aussi était en train de tomber malade, pensa t-il en dirigeant ses pensées vers l'homme qu'il venait de quitter.
Dès cet instant son esprit se dirigea vers lui, l'alpha à la peau animale bicolore. Damien saisit inconsciemment le couvert avant de se servir, amenant sans vraiment y prêter attention la bouché à ses lèvres.
Il étudia le goût crémeux du dessert avant de froncer le nez, repoussant le plat de ses deux mains en soufflant d'exaspération, après avoir laissé la cuillère se poser bruyamment sur la soucoupe blanche dont il avait oublié la présence quelques instants plus tôt.
Il manquait clairement quelque chose, c'était fade. Vraiment sans saveur.
Ses paupières s'agrandirent d'un coup et, sans perdre un instant, Damien pencha légèrement la tête tandis que l'une de ses mains pinçait le tissu du col de son manteau. Il l'approcha vivement de son nez, le faisant frémir de plus belle lorsque l'effluve des phéromones qui s'étaient déposés dessus frappèrent de plein fouet son visage.
Soudain, il entendit Joseph rire doucement. Ses grands yeux jaunes se relevèrent vivement pour capter le regard de celui qui avait provoqué ce son. Puis, après l'avoir vaguement observé, ses pupilles revinrent sur la table, comme si son ami n'avait pas lieu d'être important en ce moment.
Damien avait bien d'autres soucis en tête que la gentille moquerie que celui-ci venait de faire sciemment en face de lui. Il s'était désintéressé de son pudding et désormais, ce qui retenait toute son attention était son téléphone, disposé à côté du dessert. Il le fit glisser devant lui, décalant la verrine de son autre main pour placer l'objet électronique en face de lui.
Ses orbes couleur ocre le fixèrent intensément, réfléchissant à tout ce qu'il s'était passé dans la dernière heure.
Il posa doucement son index pour déverrouiller le téléphone, l'écran s'éveilla, affichant la page de l'application des contacts. Puis son doigt glissa dessus pour faire défiler la liste classée par ordre alphabétique qu'elle contenait, ralentissant lorsqu'il s'approcha du nom de famille de la personne qu'il cherchait.
Depuis qu'il s'était retrouvé seul, quelques instants plus tôt dans la rue, il n'arrivait pas à se défaire d'une irrépressible envie. Et il savait qu'il était déjà en train de craquer à cette pulsion lorsqu'il tapa sur l'écran pour sélectionner le contact.
Il avait besoin de faire ce qui ne lâchait pas son esprit. Il n'y avait rien de mal à ça, au contraire, il sentait déjà la douce caresse du soulagement se répandre lentement dans son corps.
Comme pour assouvir un besoin vital, ses phalanges près du téléphone s'activèrent.
Une fois le contact trouvé, son doigt fit apparaître le clavier tactile d'une autre pression. Il continua à s'agiter sur les touches virtuelles et, quelques secondes plus tard, une notification de confirmation s'afficha sur l'écran, assombrissant légèrement la liste de contacts qu'elle cachait partiellement.
Damien perdit son regard sur la surface lisse pendant que la notification éphémère disparaissait, rendant sa teinte originale à la partie de l'écran qui était précédemment grisée.
L'application afficha les contacts tout en haut de la barre de défilement et ses yeux trouvèrent immédiatement le nom de l'alpha Orque. Avec ce smiley devant son nom, celui-ci se démarquait maintenant de tous ses autres contacts. Il était désormais en haut de cette liste et ce changement peu anodin fit naître un sourire sur les lèvres du Félin.
Les secondes s'écoulèrent et le silence autour de la table profita à Damien. Il n'arrivait pas à se détacher de l'écran de son téléphone. Il n'en avait aucune envie de toute façon, si bien que sans nouvelle interaction, celui-ci finit par s'assombrir, avant de s'éteindre.
Le Caracal fut saisi d'une brusque envie de le déverrouiller et finit par céder. Le téléphone s'éveilla encore une fois, éclairant faiblement le doigts suspendu à quelques millimètres au-dessus de sa surface, si bien qu'il semblait la caresser.
De l'autre côté de la table, Joseph reposa sa tasse sur la soucoupe à la teinte crémeuse. La vaisselle de couleur unie s'emboita parfaitement dans un léger cliquetis harmonieux. Il vint ensuite saisir le biscuit aux formes irrégulières, qui avait été servi avec sa boisson afin de l'amener à ses lèvres. Celui-ci craqua entre ses dents en répandant un délicieux goût de cannelle sur sa langue. Il dégusta le spéculoos lentement, grignotant avec délectation chaque millimètre du biscuit épicé, afin de profiter au maximum de sa saveur.
Le regard de Joseph était perdu sur son ami. Il l'observait sans rien dire, analysant son attitude, tandis que le silence se prolongeait à leur table. Il n'en voulait pas à son ami de ne pas faire attention à lui, il avait un peu l'habitude de le voir si absorbé par un objet ... mais normalement, lorsqu'ils étaient cet établissement, c'était plutôt le pudding qui piquait son intérêt, pas ce qu'il fixait actuellement, les mains de chaque côté du fin appareil rectangulaire.
Joseph sourit simplement, sans rien dire, en apercevant le changement que le Félin avait effectué dans les contacts de son téléphone. Il savait que ce n'était pas le moment, qu'il ne fallait pas le déranger, il parlerait de lui-même quand il en ressentirait le besoin. L'hybride Ours devinait qu'il n'allait tarder à le faire, vu la façon dont il agissait.
Joseph connaissait les habitudes du plus âgé et, en cet instant, il pouvait voir que l'esprit de son ami semblait bouillonner d'idées, peignant une expression concentrée sur son visage.
Ce dernier finit par relâcher la pression qu'il exerçait sur ses lèvres. Elles se délièrent, présentant à la vue de Joseph les marques que ses crocs pointus avaient laissées sur sa chair rose.
Quelques secondes après, comme il s'y attendait, Damien releva soudain les yeux vers lui. Le tressautement de l'une de ses jambes qui se répercutait dans tout son corps, cessa par la même occasion. Ses oreilles baissées accompagnaient la moue déçue présente sur son visage. Le jeune homme à qui il adressa son expression eut du mal à retenir le mouvement de ses lèvres lorsque celles-ci commencèrent à s'étirer plus encore sans qu'il ne contrôle rien.
Le Caracal prit la parole pendant que ses iris revenaient sur la table, indéniablement attirés par le téléphone. Il était à tel point ailleurs que Joseph fut très étonné de constater que son ami ne semblait pas s'être rendu compte qu'il avait failli lui rire au nez.
Son soupçon se confirma lorsque Damien prit la parole, complètement détaché de ce qu'il venait de se passer sous ses yeux.
"Il est malade, il a pas ...", il semblait avoir du mal à s'exprimer, bloquant sur la phrase qu'il prononçait, avant de reprendre. "On se voit dans une semaine ... le temps qu'il aille mieux..."
Joseph hocha la tête, il connaissait vaguement des personnes qui étaient contraintes par leur condition d'hybride, de souvenir leurs sens n'étaient pas égaux à un humain normal et ils semblaient en souffrir d'autant plus lorsqu'ils étaient malades. Une fois ses souvenirs fouillés, il revint à la conversation avec son ami avant de froncer brusquement les sourcils, son air surpris se répercuta dans sa voix.
"Une semaine avant de vous revoir ?
- J'ai tellement pas envie d'attendre. Mais ça ... j'ai pas envie d'être trop insistant et en plus il avait l'air super perdu quand je lui ai proposé ça."
Son ami pinça ses lèvres, il comprenait désormais son ami, il était plutôt d'accord avec lui. Il avait bien remarqué la méfiance et l'once de fragilité dans le regard de l'alpha prédateur qu'il avait brièvement croisé. Au vu de la réaction de l'homme qui sortait du café, cela avait dû déjà beaucoup le surprendre que quelqu'un lui court après pour discuter avec lui, avant de lui proposer de se revoir.
L'alpha Ours acquiesça lentement tandis que, s'agitant sur la banquette, Damien serrait dans ses mains le téléphone qui lui appartenait, son visage rongé par une multitude d'expressions contradictoires.
Joseph soupira doucement, observant son ami, toujours hésitant, peser le pour et le contre malgré ce qu'il venait de dire à haute voix, son index maintenu au-dessus du logo de messagerie.
Le visage de l'Ursidé s'attendrit en voyant le combat de pensées qui faisaient légèrement trembler la main du Félin.
C'était sa vie, son choix.
Lui seul pouvait décider de ce qui était mieux à faire pour la suite, Joseph était sûr qu'il allait prendre la meilleure décision.
Ce fut sur cette réflexion que l'hybride Ours amena de nouveau sa tasse à ses lèvres, alors que ses yeux bifurquaient vers les tables voisines. Il les survola lentement, accordant assez peu d'attention à ce que sa vision lui dévoilait. Il s'intéressait à l'activité autour de lui afin de laisser un peu plus de temps à son ami, pour qu'il puisse réfléchir calmement à ce qu'il souhaitait vraiment.
Il s'attarda sur le comptoir du magasin, dévorant, sans pouvoir les toucher physiquement, les parts de gâteau à la crème et celles de tarte aux fruits qui étaient exposées face à lui.
Joseph hésita un instant avant de se lever. Laissant Damien seul, il rejoignit d'un pas pressé la file de clients, avant qu'il ne soit découragé par leur nombre qui continuait d'affluer malgré le fait que les aiguilles aient dépassé quatorze heures.
Ses mains portant une assiette qui allait compléter le set de vaisselle dont il s'était déjà servi, Joseph s'installa à sa place avant de reporter ses iris vers Damien. Celui-ci avait, semble-t-il, fixé ses doutes. Les paupières baissées accompagnaient ses orbes ambrées vers l'appareil qui n'allait pas de sitôt, finir d'attiser son intérêt.
Le bout des doigts du Félin tapotait désormais le bois, alors que son autre main avait attrapé le tissu de son manteau pour l'approcher de son visage. Son buste était de nouveau secoué par l'agitation que son talon produisait en percutant rapidement le sol.
Joseph jeta un rapide coup d'œil au téléphone, l'affichage d'une conversation par message y était présent. Plusieurs messages avaient été envoyés et, pour l'instant, aucune réponse ne leur faisait face de l'autre côté de l'écran.
Le Félin sembla sursauter légèrement en remarquant sa présence autour de la table.
Il avait relevé la tête sous l'étonnement et leurs regards s'étaient croisés pour ne plus se lâcher. Damien avait semble-t-il quelque chose en tête, si bien que, quand ses lèvres prirent la forme des mots qui allaient être prononcés, les oreilles de Joseph furent immédiatement envahies de leurs consonances.
Il sut alors qu'il n'allait pas arrêter d'entendre parler de cet homme, aussi longtemps qu'il resterait avec Damien.
Les phrases qu'exprimait actuellement l'alpha en face de lui, n'étaient que des questions dont il n'avait pas la réponse. Le jeune homme ne lui laissait d'ailleurs même pas le temps de réfléchir et, encore moins, d'y répondre. Il mélangeait ses interrogations avec des hypothèses, enchaînant en formulant des envies, sans que Joseph n'arrive à garder l'esprit clair, tant le rythme de ses paroles était ahurissant.
Il ne tint d'ailleurs pas longtemps avant d'éclater de rire, récoltant sur sa personne un regard plein d'incompréhension du Félin.
L'Ours prit un instant pour reprendre son souffle, expulsant une grande goulée d'air afin de se calmer. Son sourire revient rapidement sur ses lèvres tandis que Damien semblait dépassé par les évènements.
L'homme en face de lui attendait, les lèvres pincées, le corps tendu.
Il avait les sourcils froncés et le transperçait de son regard presque noir, énervé de ne pas avoir d'explication sur son comportement.
Pas plus effrayé que cela par son air revêche, Joseph descendit son regard vers l'objet qui avait beaucoup préoccupé son aîné ces dernières minutes.
Au final, pour lui aussi ça allait être une torture d'attendre une semaine ce rendez-vous.
Damien allait être une pile incandescente d'énergie et de doute jusqu'à ce qu'ils se revoient. Il savait aussi qu'il allait voir une toute nouvelle facette de la personnalité du Félin.
Parce qu'après tout ... rencontrer son âme sœur changeait à tout jamais un Homme.
FIN
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Nombre de mots : environ 7850
Salut ! Hmmm ça serra un TwoShot ... je travaille déjà sur la suite !
Je me posais une question, si vous pouviez m'éclairer : je compte écrire des OS avec des happy ending, des bad ending et des ending ... flou. Est-ce qu'il est préférable que je précise comment serra la fin de l'OS au début de celui-ci ?
Personnellement c'est une information à laquelle je ne porte pas importance lors de mes lectures. Enfin ... non, je me rectifie, disons plutôt que ça me dérange de savoir d'emblée dans quelle direction se dirige la chute de l'histoire.
Je porte attention aux Trigger Warning, ils peuvent donner un aperçu des sujets qui vont être abordés, mais ils ne signifient pas forcement que la fin ne serra pas joyeuse.
Que préférez vous ?
J'ai comme l'impression que je préfère écrire des histoires courtes ... L'inspiration et l'envie d'en écrire n'ai pas aussi fragile que les histoires que j'ai commencées à publier sur mon compte. J'en vois le bout rapidement, je n'ai sans doute pas encore assez de ... courage ? Pour écrire les scénarios que j'ai déjà construit.
Un grand merci à ma Hanabi pour sa relecture !
Ainsi qu'à @MogwaiNB pour la cover du recueil ! Et ... j'espère que tu as apprécié ton cadeau ... beaucoup trop en retard.
Loupeauflo
L'inspiration vient n'importe où, n'importe quand ... Un soir où la tristesse envahissait mon esprit, c'était devenu un moment pour écrire. Pas forcément le bon au vue des pensées qui tourbillonnaient dans ma tête, mais c'était quand même le moment idéal et l'activité parfaite pour m'en extirper.
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