Présence ³
⚠ Contenu pouvant heurter la sensibilité ⚠
***
— Oui, ça m'a fait un bien fou, souris-je, heureux.
Au téléphone, avec Kihyun, alors que je rentre à peine d'une grosse journée, j'aperçois rapidement mon amoureux aux fourneaux. Je m'assieds donc sur l'une des chaises hautes de l'îlot et continue de discuter avec la personne au bout du fil.
— Ça faisait longtemps que je n'avais plus vu ma petite maman.
— C'est parfait, je suis content pour toi. Tu as vu ton frère aussi ?
— Oui, il était là. On a cuisiné tous ensemble et puis on est allé faire un tour en ville. C'était chouette.
Hyunwoo quitte immédiatement sa préparation, le temps de m'offrir un tendre baiser, puis retourne à ses occupations.
Qu'est-ce qu'il est chou.
— Si tu t'es bien amusé, alors c'est le principal, place, bienveillant, mon ami.
— Oui et je suis heureux aussi de t'avoir au téléphone. Je n'ai pas réussi à t'avoir la première fois et j'ai essayé d'appeler tout le monde, mais personne n'a répondu. Merci de m'avoir recontacté.
— Mais je t'en prie ! Je suis vraiment désolé, tu sais, Seok hyung. C'est vraiment compliqué pour nous. Quand on ne travaille pas, on est invité dans des conférences, des émissions, enfin, ce genre de truc barbant, tu vois de quoi je parle, rit-il.
J'entends dans sa voix qu'il est mal à l'aise et attristé. Ça ne m'empêche pas d'avoir la boule au ventre et les larmes aux yeux, mais au moins, je sens qu'il ne m'a pas totalement oublié, alors, c'est déjà ça.
— Ne t'inquiète pas, je le sais.
Ma voix est légèrement tremblante, je n'arrive pas à le cacher. Même mon petit ami l'entend. Il est de nouveau près de moi. Sa main dans la mienne m'aide à me contenir et pour le remercier, je l'embrasse à nouveau.
— C'est ça d'avoir une vie réussie. Je ne peux qu'être fier de vous.
— La tienne l'est tout autant, hyung. Nous aussi, on est fier de toi.
— Je vais devoir te laisser, Kihyunnie. Passe une belle journée, remets le bonjour à tout le monde, et n'oubliez jamais que je vous aime très fort.
— Passe une belle journée aussi, Seokkie hyung. Je leur dirai, promis. On t'aime très, très fort aussi.
Je raccroche, sans attendre, et tente difficilement de faire disparaître la boule coincée dans ma gorge. Mon menton tremble, tout comme mes mains. Je déteste ce sentiment. Voilà pourquoi je n'essaye de les appeler que très rarement. À chaque fois, ça me fait plus de mal que de bien.
Mais je voulais avoir l'un d'eux au téléphone, au moins une dernière fois.
Hyunwoo accourt jusqu'à sa casserole, alors qu'il me caressait le dos, depuis sûrement trop longtemps. Je ricane en le voyant froncer les sourcils, concentré comme jamais.
Le sourire aux lèvres, je prends plaisir à l'observer s'acharner en cuisine, pour me préparer un bon petit plat. Mon coeur s'apaise déjà, rien qu'à observer cette bouille d'amour.
Merci d'être à mes côtés, Son Hyunwoo.
— Ta journée s'est bien passée ? prononce enfin ce dernier.
— Oui, elle était agréable. On a beaucoup mangé, beaucoup parlé, on a fait pas mal de shopping aussi. C'était chouette, vraiment.
— Tu auras encore faim pour ce que j'ai préparé ? me demande-t-il, tout triste.
— Bien évidemment ! Tu ne sais donc pas à qui tu parles ?
Nos rires s'élèvent dans la pièce au moment même où le minuteur arrive à sa fin.
Je me précipite dans la cuisine, pour prendre la vaisselle dont j'aurai besoin, et m'attable une fois l'assiette remplie.
— Ça a l'air délicieux, comme toujours ! m'écris-je, avant de prendre une première bouchée.
Mes grands yeux émerveillés le font rire une énième fois, tandis que je dévore ce plat fait avec amour, sans rien pouvoir prononcer.
— Tu sembles apprécier.
— C'est délicieux, Hyunwoo ! Vraiment délicieux ! Tu es le roi des cuisiniers !
— Tu exagères.
Je marmonne dans ma barbe, boudeur, et finis mon repas, sans plus rien ajouter.
— Tu dis avoir fait du shopping, mais tu n'as ramené aucun sac avec toi, comment est-ce possible ?
— Oh, pouffé-je. Je n'ai rien trouvé d'intéressant, j'ai préféré leur offrir de belles choses.
Il me sonde entièrement du regard. Muet tous les deux, nous sommes perdus dans les prunelles sombres de l'autre. Que cherche-t-il ?
— Tu es certain que tout va bien ?
— Cesse de t'inquiéter, mon amour. Tout va bien, je t'assure !
Mon sourire finit par l'avoir et, satisfait, il débarrasse la table, avant de me rejoindre dans le canapé.
J'attends alors qu'il arrive, impatient, qu'il s'installe confortablement, pour enfin pouvoir m'installer à mon tour. Assis entre ses cuisses, je pose la tête contre son torse, et allume la télévision.
Cette journée était riche en émotion, je suis contente qu'elle se finisse enfin.
Je suis si bien, là, dans ses bras. Ses doigts caressent délicatement mes avant-bras, ses lèvres se posent avec douceur sur mon crâne, mes joues, ma nuque, mes épaules. Je suis apaisé. Là, les paupières closes, installé confortablement sur le corps de mon amoureux, je suis l'homme le plus heureux du monde.
J'ai réussi ma vie, bien sûr que je l'ai réussie. Parce que j'ai fait en sorte que l'homme le plus précieux du monde, m'aime en retour.
— Tu ne veux pas aller dormir ? s'enquit-il soudain.
— Non, pas spécialement, pourquoi ?
— Je ne sais pas, tu sembles fatigué.
— J'ai passé une belle journée, je suis un peu fatigué, mais ça va, pas encore au point de tomber de fatigue en dehors de mon lit.
Je ne lui laisse pas le temps de répondre. Tourné vers lui, les fesses posées sur ses cuisses, mes lèvres sont déjà scotchées aux siennes. Il paraît surpris, mais réagit cependant très vite. Les doigts férocement accrochés à sa tignasse, je glisse mon muscle de chair à l'intérieur de sa bouche, tandis qu'il pose avec dominance, ses mains contre mes hanches. Nos corps fusionnent et j'ondule déjà sans timidité, pendant que notre baiser gagne de plus en plus en intensité. Mon souffle est désordonné, tout comme ses cheveux, que je maintiens avec passion. Assis sur ses jambes, il laisse mon bassin se frotter au sien, et enfin, au bout de longues minutes, je le sens durcir sous mes gestes. Je n'arrive pas à me décoller de lui. Je suis totalement en transe. Toutes les sensations que je ressens habituellement lorsque je suis si proche de lui, sont aujourd'hui quintuplées. Mon coeur bat à un rythme effréné. Je souris dans ce baiser devenu bestial et pouffe discrètement lorsque je le sens essayer, en vain, de me détacher de lui.
— Seok, soupire-t-il, contre mes lèvres. Seok, mon amour, stop. Arrête-toi.
Je gémis en réponse, la langue glissant encore et encore dans sa cavité buccale. Au bout de longues minutes de frénésie, je le sens me pousser avec plus de force. Je m'écarte alors, frustré et perdu dans mes pensées les plus profondes, les bras posés sur ses épaules, le front collé au sien.
— Tu sais que ce soir, c'est impossible, mon ange, confie-t-il, d'un murmure coupable.
— Je veux que tu me fasses l'amour, Hyunwoo.
— Je l'ai compris, Seokkie, mais tu le sais pertinemment. Si on commence, on ne pourra pas aller jusqu'au bout.
— Alors allons là où nous pouvons.
Je ne tarde pas à lécher et mordiller son cou froid et sensible, pour l'inciter à céder. Il ne semble pas vouloir, alors pour bien lui faire comprendre que ce soir, c'est moi qui ai le contrôle sur tout, je glisse la main sous son sweat. Il se crispe sous mes gestes, mais ne tarde pas à soupirer d'aise, lorsque je taquine ses tétons. La tête basculée en arrière, il continue d'apprécier les caresses que je lui offre. Je sursaute et mon coeur s'arrête, lorsque je tombe de quelques centimètres. Je m'accroche par instinct au dossier du canapé et constate, sans joie, que je ne suis plus assis sur mon amoureux. Déçu, je pose mon front contre le dossier, et soupire bruyamment.
— Je ne pensais pas que ça irait si vite.
— Je suis désolé, entends-je, un peu plus loin.
— Je ne peux en vouloir qu'à moi-même. Tu m'avais prévenu et je le savais aussi. C'est juste que...
— Que ?
Que je voulais profiter un peu plus de toi avant d'aller dormir... Mais ce n'est pas grave. Non, aujourd'hui, rien n'est grave. Ce soir, tout va bien. Tout ira bien.
Je souris avec sincérité, lorsque mes prunelles s'ancrent dans les siennes. Il est inquiet, je le vois. Rien ne semble habituel aujourd'hui, alors il panique. Il essaye de le cacher, mais je le connais par coeur. Il n'est plus du tout serein, depuis ma petite crise d'il y a six mois.
— Allons dormir, conclus-je, en me levant.
Il me suit sans broncher, les sourcils froncés.
S'il n'avait pas cuisiné ce soir, on aurait fait l'amour dans ce canapé, puis, après l'avoir embrassé, encore et encore, ma main se serait glissée dans la sienne, et nous aurions été dormir, avec le baume au coeur. Je suis vraiment triste de ne pas avoir pu faire ça, ce soir. J'aurais dû lui dire de se reposer. Je n'y ai pas pensé. C'est tellement dommage... Mais ce n'est pas grave. On rattrapera le temps perdu, de toute façon. Oh que oui, on va rattraper tout ça.
— Tu es sûr que tout va bien, mon ange ?
Arrête d'être inutilement inquiet. Ça ne changera rien à la situation, ni à ma décision. Peu importe si je te déçois ce soir, moi, je sais que c'est la bonne décision. Ne sois pas trop triste, s'il te plaît. Je fais ça pour notre bonheur à tous les deux et au fond, tu le sais aussi.
Je souris toujours. La main posée au-dessus de sa joue, je bouge le pouce, comme si je pouvais réellement la sentir sous mes doigts. Comme si mes caresses imaginaires, faisaient réellement leur effet. Mon regard est solidement attaché au sien. Il n'arrive pas à me sourire, ce qui m'attriste un peu. Je ne veux pas de tristesse ce soir, uniquement de la joie.
— Je vais bien, mon amour, je te le promets.
— Tu me fais peur, Seok.
Il me connaît sans doute aussi bien que je le connais. Il sait que quelque chose cloche. Il le sent. Je n'agis pas comme d'habitude. Je pensais qu'il ne verrait pas la différence, mais je l'ai sous-estimé. Dans peu de temps, tu n'auras plus du tout besoin de t'inquiéter pour moi. Parce que dans peu de temps, je serai protégé de tout danger. Je serai hors d'atteinte, je serai invincible. Tout comme toi.
Je n'ai jamais autant désiré une chose qu'à cet instant. J'ai mis du temps à le comprendre, mais aujourd'hui, je sais. Je sais que la peur n'est désormais plus que dérisoire. C'est ridicule, vraiment... Comment pouvais-je être terrifié de quelque chose qui me libérerait de tout ?
C'est absurde... Et à l'heure actuelle, je ne sais toujours pas pourquoi j'ai attendu si longtemps.
Je continue de caresser ce que j'imagine être sa pommette, le coeur en paix.
Il panique de plus en plus, les yeux larmoyants, et ça m'attriste beaucoup de le voir dans cet état.
— Hoseok, répond-moi, je n'aime pas du tout ça.
Que veut-il que je réponde ? Je suis trop bien en cet instant, je ne veux pas me disputer.
— S'il te plaît, cesse de t'agiter, tu me donnes mal à la tête.
— Hoseok, je ne rigole pas.
— J'aimerais pourtant... J'ai envie de te voir sourire, ce soir. S'il te plaît, souris-moi.
Il ne sait pas quoi faire, il semble encore plus impuissant que lorsque j'étais dans cette cuisine, il y a de cela une éternité.
J'étais encore idiot, à l'époque. J'ai tenté de faire une chose, que je n'acceptais pas totalement. Que ma raison ne cautionnait pas. Mais aujourd'hui, c'est différent. J'ai pris le temps d'y réfléchir, pris le temps de relativisé, pris le temps de voir les choses différemment.
Oui, ce soir, je sais que je suis différent.
Ce soir, je vais enfin réaliser mon rêve le plus fou. Appartenir au monde de l'homme que j'aime. Et cette fois-ci, rien ni personne ne pourra m'en empêcher.
— Comment veux-tu que je puisse sourire, alors que tu agis de cette façon ?
Sa voix est larmoyante et empreinte d'inquiétude. Je n'aime pas du tout le voir ainsi, mais je sais que ça passera vite. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, autant pour lui, que pour moi. Mais ça ira vite. Oui, très vite. Plus besoin de prendre des heures de réflexion, de paniquer de longues minutes, en espérant que le courage ne s'échappe pas... Non, il n'y a plus toutes ces émotions et tous ces sentiments négatifs. Ce soir, il n'y a que de la plénitude.
— Je t'aime.
— Hoseok, par pitié, ne recommence pas.
Il est debout dans la pièce, tournant en rond comme un lion en cage. Il panique et semble réfléchir, mais réfléchir à quoi ? Je me lève alors, à mon tour. Son corps se crispe à cette action et, le regard affolé, il m'observe avancer jusqu'à lui. Je souris toujours. Je me surprends moi-même, à vrai dire. Je ne pensais pas être à ce point euphorique de ce que je m'apprête à faire.
Je sais que c'est insensé comme réaction, mais ça ne m'importe que très peu. J'en suis heureux, en fait. Heureux d'être ainsi enjoué... Mais après tout, c'est naturel, pas vrai ? Je m'apprête à enfin rejoindre mon âme soeur. On va être heureux, lui et moi. Pleinement heureux, enfin.
— Arrête de sourire, par pitié, marmonne-t-il, les larmes dévalant ses joues.
Je ne l'avais jamais vu aussi peiné, ça me brise le coeur.
Courage, mon amour. Je suis vraiment désolé, je te le promets, mais ça ira vite, crois-moi. Tous ces mauvais sentiments passeront vite. Je te le jure. On a déjà bien trop souffert, mais maintenant, c'est fini. Dans quelques minutes, on sera enfin réuni. J'ai tellement hâte.
— Hoseok ! Hoseok, où tu vas ? Reviens, je t'en supplie.
Il pleure si fort, je déteste vraiment ça. Il faut que je me dépêche, parce que sa voix implorante me fait bien trop mal. Je trottine ainsi jusqu'à la salle de bain. Concentré sur ma tâche, les plaquettes de médicaments en main, je fixe celles-ci, le coeur lourd.
Je vais enfin réaliser mes rêves. Je ne peux plus attendre, je suis si impatient.
Elles sont là, dans mes mains, ça y est. Hyunwoo hurle à mes côtés, mais désormais, je n'entends plus que des bourdonnements. Les yeux humides, je finis par serrer bien fort ce que je tiens en main, et machinalement, j'avance jusqu'à la cuisine. Je sais qu'il est là, à mes côtés. Je sais qu'il m'implore, encore et encore, de ne rien faire, tout en pleurant, mais je préfère me concentrer sur ce que je m'apprête à faire. Ça me fait bien trop de mal de le voir dans cet état, de toute manière. Je préfère largement l'ignorer.
Une fois le grand verre d'eau préparé, je sors, une à une, les pilules de leurs emballages. Elles sont là, toutes éparpillées sur le plan de travail. Il y en a beaucoup. J'espère que je vais savoir toutes les avaler, sans vomir.
Bon, eh bien, allons-y... Prends ton temps, Hoseok. Tu as promis que ça irait vite, mais il ne faut pas se précipiter. Si tu vomis, alors, il faudra recommencer. Concentre-toi et surtout, n'écoute pas et ne regarde pas ce qui se déroule autour de toi. Pense simplement à ton rêve, qui est enfin à portée de main.
Bien... Déjà la quatrième, continue comme ça. Ce ne sont que des petites choses à avaler. Toi qui aimes tout dévorer, ça ne va rien changer à tes habitudes.
Je pense que le compte y est... Les deux plaquettes ont été avalées. Je ferais mieux de m'allonger dans le lit, à présent. Je serai mieux là-bas. Les bourdonnements dans mes oreilles sont de plus en plus désagréables. De mes paumes, je bouche celles-ci, avant de glisser sous la couette. Ma tête est si lourde. C'est désagréable, mon Dieu. Mon estomac n'a jamais été aussi barbouillé. Je sens qu'il est en train de tout difficilement ingérer. Il faut absolument que je ferme les yeux, parce que je suis à deux doigts de m'évanouir. Je déteste vraiment cette sensation. Ce n'est pas aussi rapide que je l'aurais cru. J'ai des sueurs froides. Allongé sous la couette, le temps semble défiler à reculons. C'est si long ! Et je me sens de plus en plus mal !
J'aurais vraiment aimé que ça se fasse plus rapidement. Ça m'aurait beaucoup aidé et puis surtout, ça aurait surtout aidé Hyunwoo. Le pauvre... Je le perçois, à genoux, à côté du lit. Il pleure à chaudes larmes, le regard fuyant. Mes larmes à leur tour, s'échappent de mes paupières. La tête tournée vers lui, je souris tristement, le coeur déchiré par cette vision brisée de l'homme que j'aime.
Mais je sais qu'il va finir par comprendre, que je fais ça pour nous. Il fallait que je le fasse, pour que nous soyons enfin réunis. L'inverse était impossible, alors je n'avais pas le choix. Je vais enfin pouvoir être à ses côtés, sans plus aucune barrière. Je suis si heureux.
— Je suis désolé, tellement désolé, l'entends-je répéter, sans jamais s'en lasser. J'aurais dû disparaître de ta vie, je le sais. Mais je n'ai pas pu. Tout est ma faute. Tout.
Pourquoi ces médicaments ne font pas totalement leur effet, bon sang ?
Oh... Je ne ressens plus rien, maintenant. Plus de tête qui tourne, plus de rythme cardiaque en hausse, plus d'estomac surchargé. Non... Je ne ressens plus rien. Alors pourquoi diable suis-je encore en vie ?
— Hyunwoo, marmonné-je. Pourquoi ça ne fonctionne pas ?
Mes larmes coulent inlassablement. Je suis déçu, triste, et blessé. Pourquoi je n'arrive jamais à rien ? Même ça, je ne suis pas capable de le faire. Je suis bel et bien inutile. Qu'ai-je fait de ma vie, à part avancer en faisant toujours les mêmes choses, toutes plus banales les unes que les autres ? Je ne suis même pas foutu de faire une si petite chose. Je ne mérite pas de l'avoir, ce rêve. Je ne mérite rien. Je suis un abruti incapable. Même la mort, je ne la mérite pas.
— Arrête de pleurer, mon amour, souffle-t-il, d'une voix éteinte. Ça a fonctionné.
Comment ça ?
Je suis totalement perdu. Qu'est-ce qu'il raconte ?
Son sourire triste ne m'aide qu'à pleurer un peu plus. Il s'est mis debout et à présent, ose me regarder dans les yeux. Il me tend la main et c'est sans difficulté que j'arrive à la saisir. Je ne suis plus du tout épuisé, plus du tout faible. J'arrive, sans mal, à me poser sur mes jambes. Il garde ma main dans le creux de la sienne, avec ce sourire toujours aussi sombre et triste. Ses lèvres se posent sur la paume de celle-ci et c'est ce constat qui me rend bien plus perplexe.
Sans attendre, je me tourne, et enfin, je comprends. Il a dit vrai. Ça a fonctionné.
Oh mon Dieu... C'est... Je vois mon corps, là, allongé dans le lit.
Je me vois. C'est moi, là, en face. Je suis allongé et pourtant, je suis debout, ici...
Oh mon Dieu. Ça y est. J'ai réussi.
J'ai réussi !
J'aimerais serrer l'homme que j'aime dans mes bras, l'embrasser, toute une éternité, puisque maintenant, je n'ai plus aucune restriction. J'aimerais, sauf que je suis tétanisé.
Mon corps est là, devant moi. Je ne suis plus à l'intérieur de celui-ci. Si quelqu'un arrivait maintenant, il me traverserait en voulant me toucher... Parce que désormais, je suis comme ce bel inspecteur de police. Je suis... Un fantôme. Nous faisons partie du même monde, ça y est.
Et ce corps, là, devant moi, n'est plus que le souvenir de mon passé.
Je n'aime pas du tout ce spectacle, je ne peux plus le regarder... Qui aurait cru que ça ferait aussi mal ? Je suis heureux et tétanisé de terreur à la fois. Je n'aurais jamais cru que la peur vienne après ce grand pas que j'ai enfin osé faire.
Je sens Hyunwoo s'accrocher à mes épaules. Il me tourne vers lui, puis enlace ma nuque de ses bras forts. Il n'est plus question d'énergie, à présent. Il pourra me serrer dans ses bras, à jamais.
Mes bras enlacent son torse, avec un plaisir jamais ressenti jusque-là. Le sourire jusqu'aux oreilles, je le sers de toutes mes forces. Je suis si heureux... Et dire que j'étais terrifié toutes ces années, d'envisager faire cette chose si lourde et importante. Si j'avais su le bonheur que ça me procurerait, d'avoir mon corps froid et transparent collé à celui de mon amoureux, je l'aurais fait bien avant. Qu'est-ce que je regrette, tout ce temps perdu. Devoir se sacrifier, devoir faire des concessions, devoir programmer nos soirées, avoir des obligations pour tout.
Tout ça est enfin terminé. Je suis si heureux.
Je le laisse m'emmener au salon, avec un plaisir non feint. Allongés tous deux dans le canapé, son torse collé au mien, mon visage niché dans son cou, nous profitons calmement de ce moment totalement inédit. C'est si bon. Je suis si bien.
— Je suis désolé de t'avoir obligé à assister à ça, murmuré-je, toujours en larmes. Je sais que ce n'est pas quelque chose que tu voulais vivre, mais je n'avais pas le choix. Je ne pouvais pas le faire ailleurs. Pardonne-moi pour ce moment difficile que je viens de te faire vivre, mon amour. Je t'aime.
— C'est moi-même que je n'arriverai jamais à pardonner. Je suis tellement désolé, si tu savais.
— Arrête d'être triste, je t'en supplie. Je n'ai rien gâché du tout, je t'en conjure, crois-moi. Je suis bien plus heureux maintenant. Je n'ai rien perdu à faire ça. S'il te plaît, oublie tout ça, et profitons de notre première vraie soirée ensemble.
— Que veux-tu faire ? cède-t-il, au bout de très longues minutes d'un silence accablant.
— Tu m'as dit que si tu le pouvais, tu m'enlacerais sans plus jamais me lâcher. C'est ce que je veux, ce soir. C'est ce que j'ai toujours désiré. Serre-moi dans tes bras et ne t'éloigne plus jamais, s'il te plaît, Hyunnie.
En réponse, d'un nouveau silence, que j'aurais aimé un peu plus apaisant, il resserre sa prise autour de mes épaules. Son mutisme est assez lourd, mais je sais que je ne suis pas en droit de lui demander plus. Je pensais qu'il allait me reprocher mon acte, encore et encore, et ce, pendant des jours, mais ce n'est pas le cas, et pour ça, je lui en suis vraiment très reconnaissant. Il sait qu'à présent, il est trop tard, alors pourquoi insister et tenter l'impossible ? Je sais qu'il se sent extrêmement coupable et qu'il lui faudra une éternité avant de digérer un minimum cette situation, mais ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave, parce que, ce soir, parler d'éternité n'est plus dérisoire.
À partir d'aujourd'hui, mon petit ami et moi avons l'éternité pour nous aimer.
End
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