Parrainage²
— Hyung, hyung ! hurlé-je, courant en sa direction.
— Je n'ose même pas imaginer ton énergie au réveil, si déjà le matin, tu es si bruyant.
— C'est pour ça que tu es parti avant que je me réveille ? boudé-je.
— Bref, tu voulais me dire quelque chose ?
Nerveux, je m'assieds sur l'un des bancs du parc, à ses côtés, et regarde le paysage face à moi, la jambe droite prise de soubresauts.
— Je ne mets jamais les informations, hyung. Mais ce matin, par curiosité, j'ai allumé la télé.
— Arrête de mettre autant de suspense, c'est agaçant.
— Ils ont p–parlé de... De goules.
— Et ?
— C'était peut-être des goules, hier...
Pourquoi il ne stresse pas plus que ça ? Il se fout vraiment de tout. Comment est-ce possible ?
— Que sais-tu sur elles ? s'enquit-il alors.
— Sur les goules ? Je n'en sais trop rien, marmonné-je, inquiet. D'après les experts, elles sont considérées comme des animaux. Des monstres sans conscience. Elles nous ressemblent, mais se nourrissent de chair humaine et leurs capacités physiques sont plus développées. Je ne m'y connais pas du tout, je me suis simplement un peu renseigné ce matin. Pour être honnête, ça m'effraie beaucoup, mais je n'arrive pas vraiment à y croire.
Il paraît perturbé par mes paroles. En pleine réflexion, il se contente de s'appuyer plus confortablement contre le dossier du banc, le regard perdu dans le vide. Il a un air triste sur le visage. Pourquoi ?
— Pourquoi cette question ? Tu connais une goule ? Tu... Tu es ami avec l'une d'elles ? posé-je, choqué.
Son regard sombre est à nouveau accroché au mien. Il ne dit rien et se contente de me fixer. Est-ce un oui ? Un non ? Par pitié, arrête d'être aussi silencieux. Pour une fois, cesse d'être toi-même !
— Elles existent réellement, alors ? soufflé-je, de plus en plus angoissé. Tu crois qu'on a plus de points communs qu'il n'y paraît ? Si elles existent, c'est qu'elles se reproduisent, pas vrai ? posé-je, de façon rhétorique. J'imagine donc qu'il est possible pour elles de tomber amoureuses. À moins qu'elles cherchent simplement à faire d'autres goules, comme les animaux ? Non... Elles ont sûrement une famille, elles aussi. Ou peut-être pas... marmonné-je, perdu dans mes pensées. Est-ce que tu crois que c'est comme pour les vampires ? Qu'elles ne se reproduisent pas, mais mordent les humains, pour qu'ils se transforment ? Je ne m'y connais pas du tout, je dois certainement dire des idioties.
— Et si tu as vu juste ? Si certaines d'entre elles peuvent être autre chose que de simples animaux affamés ? Tu penses que tu pourrais être ami avec l'une d'elles ?
Il ne s'inquiète pas du tout sur le fait qu'on puisse être tombé sur des goules, hier soir. Il ne semble pas effrayé, ni même stressé. Pour lui, tout semble normal.
Mais rien ne l'est...
Je suis déjà si perdu. Il ne m'aide pas du tout. Il parle simplement avec de la nostalgie dans la voix. Ce n'est pas normal, comme réaction. C'est même effrayant.
Est-ce qu'il est ami avec une goule ?
C'est impensable...
Et tellement effrayant.
— Ce n'est pas ce qu'on dit d'elles, mais si c'était possible, alors... Je ne sais pas, soupiré-je.
— Tu es bien trop trouillard, pouffe mon parrain, peut-être d'une façon un peu trop amère.
— Oui, bah... Je ne vais pas me balader un jour tard le soir, à la recherche de l'une d'entre elles, pour leur demander si on peut être ami ! m'écris-je, frustré. Je tiens quand même à ma vie !
— Et si je te dis que j'en connais une ?
Son regard est sérieux. Il ne sourcille pas et me fixe, en attendant une réponse.
Mais que puis-je dire ? Je sais qu'il n'a peur de rien, du moins, c'est ce qu'il montre, mais moi... Moi, je ne suis pas comme ça. Je suis tout le contraire. Je déteste le danger. Même si je l'admets, tout ça me rend curieux.
Seulement, et si c'était bel et bien des goules, hier soir ?
Ça ne prouve que ce qu'on dit d'elles... Mais peut-être existe-t-il des exceptions à cette règle ? Comme chez les humains, il y a toujours de bonnes et mauvaises personnes.
Je fais confiance à Hyungwon. S'il me dit que de gentilles goules existent, alors, je le crois.
— Est-ce que je pourrais la rencontrer ? posé-je, nerveux, mais bien trop curieux.
— Tu es certain d'en avoir le cran ?
— Si tu es ami avec l'une d'elles, c'est que je peux lui faire confiance. Ça ne me fait pas peur. Enfin, si... Un peu. Mais ça ira.
Il souffle du nez.
Je sais qu'il se moque de moi, mais je sais aussi que ce n'est pas méchant.
J'aimerais tellement le faire sourire... Quand en serais-je capable ?
— Samedi, onze heures à l'Antique.
— D'accord, j'y serai ! Merci hyung.
Je n'ose pas lui demander pour hier soir. Peut-être qu'on en parlera samedi. Je suis un peu stressé, mais j'ai hâte. Je suis si curieux !
Effrayé, mais curieux. C'est tout moi, ça.
***
📞
> KakaoTalk <
← Hyungwon hyung 🔍 ⁝
Merci pour cette belle journée, hyung !
C'était très agréable !
Je suis triste qu'on se soit retrouvé à deux toute la journée mais ça restait quand même très amusant !
Je ne t'ai jamais dit qu'on serait plus de deux Jooheon
Comment ça ?
Peu importe
Tant que tu as profité de ta journée de repos c'est le principal
Mais pourquoi tu as dit ça ?
Tu savais qu'elle ne viendrait pas ?
Hyung ?
Hyung !!!
📞
***
— À notre réussite ! hurle Minhyuk, le verre levé au-dessus de sa tête.
— À notre réussite ! s'écrie-t-on à notre tour.
Ça y est, cette année est terminée. Enfin ! J'ai bien cru que jamais je n'en verrais la fin !
Sans Hyungwon, je crois que je n'aurais pas su faire la moitié de ce que j'ai pu réaliser cette année. Je ne pourrai jamais assez le remercier.
— Tu vas le fêter aussi avec tes amis, Honey ?
— Oui, bien sûr ! Mais je voulais d'abord le fêter avec vous ! souris-je.
— Tu voulais surtout le fêter avec ce vieux grincheux, pouffe Minhyuk.
Ledit grincheux lève les yeux au ciel à ces paroles, tandis que moi, je me contente de rire.
— C'est vrai, mais j'aime aussi ta compagnie, Minhyukkie hyung !
— Heureux de l'entendre !
Hyungwon sourit... Mon Dieu, il sourit !
Ce n'est pas vraiment grâce à moi, mais je peux dire malgré tout que j'y ai contribué.
Il est si beau !
— Bon, buvons ce verre avant qu'il ne refroidisse ! À nous !
— À nous !
Je n'avais jamais vu Hyungwon sourire autant !
Pourquoi ça n'arrive jamais quand nous sommes seuls, tous les deux ?
C'est frustrant !
En même temps, je peux comprendre que ce soir, il soit heureux. Il a réussi son année, après tout. Même si je suis certain qu'il n'avait aucune peur de rater. La médecine semble inscrite dans ses gênes.
— Mon taxi ne devrait plus tarder, informe Minhyuk, légèrement saoul, en fin de soirée.
— Tu habites loin, hyung ?
— Pas vraiment, mais Hyungwon ne veut jamais que je rentre seul ou en transport en commun, pouffe-t-il.
— Ah ! Toi aussi ? m'étonné-je.
Je dois être aussi important que Minhyuk à ses yeux, dans ce cas. Ce constat me rend heureux, mais me rend également jaloux. J'aimerais tellement être plus important que n'importe qui pour lui...
— Pourquoi tu ne veux pas, hyung ?
— Les rues ne sont pas sûres, se contente-t-il de répondre, après une dernière gorgée de café.
— Il est trop protecteur, voilà pourquoi, s'enquit notre ami, amusé.
— Ce n'est pas un défaut, au contraire.
— Oui. Qui aurait cru que ce petit grincheux puisse avoir des qualités, pouffe-t-il.
Après un regard assassin de la part de mon parrain, nous avons rejoint l'avant du bar et avons attendu le taxi, sous la brise légère de la nuit.
Enfin, il est là ! Ce n'est pas trop tôt, je commençais à sérieusement geler sur place. Hyungwon ouvre ainsi la porte du véhicule et, amusé, j'observe Minhyuk entrer avec difficulté dans ce dernier.
Alors que mon parrain se met à poser quelques questions au chauffeur, mon coeur rate un battement lorsque quelqu'un pose rapidement sa main contre ma bouche. Sous la surprise, je me tétanise, et me laisse tirer sans délicatesse quelques rues plus loin.
Mon coeur bat à toute vitesse, tandis que mes larmes coulent déjà à flots. Ma respiration se fait difficile, à cause de la main de la personne emprisonnant la moitié de mon visage.
Sans comprendre ce qui se passe réellement, je suis éjecté contre un mur, quelques mètres plus loin, dans une ruelle à cul-de-sac. Ma respiration se coupe sous la puissance du choc et je finis couché au sol, toussotant avec difficulté.
Je geins presque silencieusement et enfin, je relève la tête. J'aperçois alors un homme, debout devant moi. Ils sont même plusieurs, à présent. Ils me regardent tous avec un sourire amusé aux lèvres. Ils me regardent comme si... Comme s'ils allaient me dévorer.
Mes frissons sont innombrables, mon corps tremblant et ma respiration se saccadent de plus en plus. Je n'arrive pas à stopper les larmes de couler, je suis bien trop terrifié.
Que vont-ils me faire ? Ils ont l'air si dangereux. Où est Hyungwon ? J'ai besoin de lui.
— J'ai la dalle, entends-je, de la part de l'un d'eux.
— Laissez-moi une cuisse. Elles ont l'air juteuses.
— Je veux la deuxième.
Mon Dieu... Je crois comprendre.
Alors c'est de ces monstres, dont me parlait mon parrain ?
Ils n'ont pas l'air gentils du tout. Ils veulent me manger...
Mon Dieu, j'ai si peur.
Par pitié, que quelqu'un me vienne en aide. Je ne veux pas mourir.
Je n'arrête pas de geindre, entre quelques sanglots bruyants.
— Par pitié, laissez-moi partir. Je ne vous déteste pas. Laissez-moi partir, marmonné-je, d'une voix brisée.
Aucune réponse ne se fait entendre, mais pris d'impatience, l'un d'eux m'attrape par la gorge, et me soulève ensuite.
Je n'arrive plus à respirer. Il me plaque contre le mur, avec une force que je n'aurais jamais soupçonnée, puis me sourit, d'une façon si malsaine.
J'essaye de crier, mais rien ne sort. Je n'arrive même plus à faire passer un seul filet d'air. Je tente de lui donner des coups de pied, mais rien n'y fait.
— Par qui veux-tu te faire tuer, petit chaton ?
Tous ricanent, alors que mes larmes doublent de volume. Je ne pourrais même pas lui répondre. Il se cramponne bien trop à ma gorge. Je ne touche même plus le sol.
— Lâche-le tout de suite, entends-je gronder, depuis l'entrée de la ruelle.
Je n'arrive pas à tourner la tête, mais je reconnais sa voix.
Il est venu. Il n'a pas joué les lâches.
— Qui voilà, ricane l'un d'eux. Cet animal est le tien ?
— Tu nous autorises à le goûter, pas vrai ? On meurt de faim. Sois gentil.
Je ne comprends rien de ce qui se déroule ensuite. Je suis projeté au sol, quelques mètres plus loin. Le choc me coupe à nouveau la respiration et la douleur me force à garder les yeux fermés. Je grimace et geins sous la douleur, alors qu'ils sont sans doute en train de se bagarrer.
Le dos de Hyungwon est face à moi, je le reconnais. Il me protège de son corps.
Mais ils sont trop nombreux, que peut-il faire ?
Je grimace toujours, tout en me tenant les côtes, mais essaye durement de garder les yeux ouverts. J'ai tellement peur qu'il lui arrive quelque chose. Je ne pourrai jamais me le pardonner s'il devait lui arriver malheur.
Il avait raison d'agir ainsi. Les rues ne sont pas sûres. Pas du tout.
— On t'attend mon beau, approche-toi, vas-y, place l'un des inconnus.
Hyungwon pouffe de rire, avant de... Avant de faire sortir je-ne-sais-quoi de son dos. Une... Excroissance, de taille énorme et de couleur violette, lui sort de l'omoplate droite. Elle est large, mais très fine. Elle s'étend ainsi sur le dessus de son épaule, puis tournoie autour de son bras, pour finir par devenir une extension directe de sa main, prenant la forme d'une lame de couteau.
Les autres aussi ont une excroissance, mais je n'y prête pas attention. Je suis hypnotisé par le dos de mon parrain.
Soudain, sous un sursaut incontrôlé de ma part, je le vois foncer vers eux. Les autres répondent directement et se mettent à l'attaquer. D'abord un par un, puis, voyant que Hyungwon était trop fort, à plusieurs. Il arrive à esquiver la plupart des coups, mais pas toujours. Il est touché à plusieurs reprises et de façon assez violente. Il ne crie pas, ne geint pas, mais les blessures ont l'air de faire sacrément mal. Lui aussi arrive à leur faire du mal. Avec son bras droit dont le bouclier est un énorme couteau, il arrive à leur infliger des blessures profondes et très longues. Ça l'est fait crier d'ailleurs à de nombreuses reprises.
Après un coup esquivé avec rapidité et maîtrise, mon parrain freine et se retrouve à nouveau devant moi, son dos me faisant face. Il se tient le ventre, en respirant bruyamment.
— Jooheon ? souffle-t-il, difficilement.
— O–oui ?
— Tu sais marcher ?
— Je pense, oui.
— Alors, pars d'ici, tant que je les retiens.
— Je ne te laisse pas ici tout seul !
Il se retourne avant même ma phrase terminée et ce que je vois me glace encore plus le sang. Je suis tétanisé face à ce Hyungwon. Le blanc de ses yeux est devenu totalement noir tandis que ses iris sont rouge vif. Je ne vois pas bien, à cause de la très faible lumière offerte par la lune et les lampadaires, mais même sans les détails, ce que je vois suffit amplement à m'effrayer un peu plus.
— Va-t'en ! hurle-t-il, avant de tourner à nouveau la tête vers mes agresseurs.
Il leur saute à nouveau dessus et sans plus réfléchir, je me lève, tout en grimaçant sous la douleur, et trottine vers la sortie de la ruelle, tout en évitant de me faire attraper par l'un d'eux. Hyungwon réussit bien sa tâche et les attrape un par un, pour que je puisse fuir d'une façon simple.
Je fais énormément de bruits, tant mes pleurs sont volumineux. Je cours le plus vite possible, tout en grognant à cause de mes côtes blessées. Je n'arrive pratiquement plus à visualiser ce qui se passe devant moi. Son visage ne cesse de revenir à moi.
Son excroissance imposante, sa puissance, sa force, et ses yeux... Mon Dieu, ses yeux.
Il faut que j'aille à l'hôpital. J'ai trop mal. Je sais qu'il y en a un à quelques pas d'ici. Je vais y aller à pied, en espérant ne tomber sur personne.
Je me demande s'il va bien... Il m'est venu en aide seul alors qu'ils étaient nombreux. Hyungwon avait l'air fort, mais est-ce qu'il saura tenir sur la longueur ? Il a dû fuir, une fois certain que je sois loin. Oui, il a certainement fait ça. Je l'espère, en tout cas.
J'ai si peur pour lui.
Mais qui puis-je appeler ? Certainement pas la police, ce serait trop dangereux.
Par pitié, faite qu'il se soit enfui.
***
— Bonjour, soufflé-je, timidement.
— Bonjour.
Le vieux monsieur de ce café est toujours bien poli. Il sait comment fidéliser ses clients.
— Tu es venu seul ? s'enquit-il.
Je m'assieds au bar, face à lui, et me contente de hocher la tête, d'un sourire discret.
— Que se passe-t-il, mon garçon ? pose-t-il alors. D'habitude, tu es bien plus rieur.
Cette nuit, je n'ai pas réussi à dormir. Je me suis donc perdu sur Internet. Pendant des heures, j'ai fouillé, pour tenter d'en connaître davantage. Connaître plus en détail ces êtres que je pensais encore inexistants, avant-hier.
J'ai appris qu'ils aimaient le café, en plus de... De la chair humaine. J'ai donc fait mes recherches sur l'Antique, parce que je me suis dit que ça aurait peut-être un lien. Il n'y a aucune rumeur à propos de ce café, mais ça me rend curieux malgré tout. Je suis certain qu'ils savent quelque chose. Je veux en apprendre plus, je veux comprendre Hyungwon. Et pour le comprendre, je dois en savoir le plus possible sur ces êtres. Je vais donc voir par moi-même, s'ils en savent plus que ce qu'ils ne prétendent.
Qui ne tente rien n'a rien, pas vrai ?
— Je cherche Hyungwon hyung, marmonné-je. Je ne sais pas où il se trouve, alors je me suis dit qu'il serait peut-être ici...
— Il a disparu sans prévenir, pour que tu aies l'air si inquiet ?
— J'ai découvert une nouvelle facette de lui qui me terrifie, confié-je. Je n'aurais jamais cru que cela soit possible. Je suis mort de peur.
Ce vieil homme inspire confiance. J'ai envie de me confier à lui et j'espère qu'il me répondra avec autant d'honnêteté et sincérité.
— Mais même si je suis effrayé... J'ai envie de le voir. Envie de lui parler... Envie de le connaître un peu mieux, pour savoir si je peux continuer à lui faire confiance... Il m'a sauvé la vie, soufflé-je, les larmes aux yeux. Je ne peux pas me contenter de fuir, sous prétexte que ça me terrifie. Mon hyung est quelqu'un de bien, j'en suis certain. Alors je vais continuer à le chercher, jusqu'à le retrouver. Je ne veux pas avoir peur de lui, j'ai besoin de le voir. Pour être certain qu'il va bien.
Son regard a changé. Il est compatissant et à la fois, intrigué. Il semble également réfléchir. Mais à quoi ? À savoir s'il peut me faire confiance ?
Un autre serveur arrive alors sans crier gare. Il se plante aux côtés du plus âgé et ancre ses prunelles dans les miennes. Ses cheveux sont rouge flamboyant. Son air grave me rend un peu nerveux, mais j'imagine qu'il n'est pas méchant. Je l'espère, du moins.
— Tu as l'air blessé, s'enquit-il.
— J'ai trois côtes cassées.
— C'était donc pour te protéger qu'il s'est battu.
Coupable, je hoche la tête, et baisse celle-ci, pour fixer la tasse de café qui m'a été servie.
— Hyungwon est plutôt du genre égoïste, souffle-t-il alors, d'un air sérieux et frigorifiant. Il ne protège que son meilleur ami. Tu dois donc être important. Mais l'es-tu au point de connaître ce secret ? Est-ce que tu le mérites réellement ?
On dirait qu'il me met au défi. Je ne comprends pas trop son jeu, mais ça m'importe peu. Je suis venu ici pour avoir des réponses et je ne compte pas partir d'ici sans en savoir plus. Je sais à présent qu'ils en savent beaucoup, alors je vais camper ici jusqu'à ce que j'aie assez d'informations.
— Il a déjà essayé de me le dire, mais j'ai été trop idiot pour comprendre, marmonné-je.
— Étonnant. Il n'a jamais fait confiance à ce point à quelqu'un. Tu dois être plus intelligent qu'il n'y paraît.
— Je vais prendre ça pour un compliment, pouffé-je.
Même Minhyuk n'a pas autant sa confiance. Je suis important... Hyungwon a confiance en moi, plus qu'il n'a confiance en son meilleur ami.
J'ai réussi... J'ai réussi à devenir une personne importante à ses yeux.
Pourtant, je ne l'ai jamais fait sourire... C'est peut-être bête, mais j'aimerais qu'il soit vraiment heureux à mes côtés. Ne suis-je pas aussi amusant que Minhyuk ? Je ne sais pas, mais au moins, avec moi, il se sent à l'aise. À l'aise au point de me dévoiler la nature qu'il essaye de cacher aux yeux de tous.
J'ai besoin de le voir. Je veux voir s'il va bien.
— Pourquoi es-tu venu ici, petit ?
Il a compris. Je peux donc être honnête.
— Je n'en étais pas certain, mais j'avais l'intuition qu'ici, j'allais trouver des gens comme lui. Vous êtes comme lui, pas vrai ? osé-je poser, le coeur tapant plus violemment ma cage thoracique.
Leurs regards se font plus intenses. Ils me regardent tous les deux, comme s'ils cherchaient à savoir si j'étais réellement de confiance.
— Tu sais qui sont les colombes ? demande alors le plus jeune.
— Ce sont les inspecteurs du centre de contrôle des goules. On les surnomme de cette façon parce que le symbole de leur unité est une colombe.
— Tu t'es bien renseigné, à ce que je vois, souffle-t-il du nez.
— Je veux tout connaître du monde de Hyungwon. Il m'a fait comprendre un jour que les goules ne naissaient pas simplement pour tuer et dévorer et je le crois. Je n'ai pas eu le meilleur des exemples hier, mais je le crois. Je le crois parce que ça fait un an que je suis ami avec l'une d'entre elles et qu'elle a passé son année à m'aider, me soutenir, et surtout, à me protéger. Mon parrain m'a protégé au péril de sa vie, alors, quoi que les gens disent sur ces êtres, je saurai toujours qu'il y a des exceptions qui confirment les règles, conclus-je, d'un sourire franc et sincère.
— Tu es un humain vraiment fascinant, sourit à son tour le jeune serveur.
— Ça veut dire que vous me croyez assez fiable ?
— Tu n'as pas l'air d'avoir peur de nous, ni de nous détester, et puis, Hyungwon te fait confiance. Je ne l'aime pas, mais je sais qu'il est apte à gérer ce genre de choses, alors oui, je pense qu'on peut te croire.
— On est d'accord, conclut le plus âgé, d'un beau sourire.
Ils se regardent tous les deux, silencieux, puis, après avoir aperçu le hochement de tête entendu du plus vieux, l'autre se tourne à nouveau vers moi.
— Les colombes sont dangereuses, confie-t-il, d'un sérieux à faire peur. Il ne faut pas qu'elles nous découvrent. Sous aucun prétexte, nous ne pouvons nous dévoiler aux humains. Il y a, comme pour nous, quelques exceptions, mais elles sont rares. À présent, tu fais partie de ces exceptions, et nous, également.
— Moi, parce que je suis un humain de confiance, et vous, parce que vous êtes des goules plus... Civilisées ? tenté-je, sans paraître trop indélicat.
Ils pouffent tous deux de rire et hochent la tête.
— Il n'y a pas que ça. Nous sommes civilisées, mais également, nous ne chassons pas.
— Vous ne chassez pas ? répété-je, choqué et perdu.
— Nous aidons les goules qui le désirent à se nourrir uniquement d'humains décédés de manière... Plus naturelle.
— Nous essayons de traiter les humains comme nos égaux. Chose qui est parfois assez, disons, compliquée.
— Comme des vampires qui ne chasseraient que des animaux ?
— Oui, on peut dire ça, rigole celui aux cheveux couleur feu. Sauf que les vampires n'existent pas.
— Oh, au point où j'en suis, moi, plus rien ne m'étonnerait, marmonné-je, la tête douloureuse. Mais, c'est vraiment bien ce que vous faites. Pas que je vous traiterais différemment si ce n'était pas le cas, parce qu'après tout, la chasse est obligatoire pour votre survie, mais... Oui, on va dire que de mon point de vue d'humain, c'est vraiment bien de vivre de cette façon, dis-je, de façon très maladroite.
— Tu veux savoir si Hyungwon vit de cette façon ? s'amuse-t-il ensuite à poser.
J'acquiesce simplement en guise de réponse, curieux et stressé de la réponse qu'il pourrait me donner.
— Propose-lui de nous rejoindre, se contente-t-il de dire, d'un petit sourire désolé.
— Tu l'accepterais parmi nous ? se moque l'aîné.
— S'il fait des efforts pour arrêter d'être un con, alors oui, on peut essayer.
Il ne le porte vraiment pas dans son coeur. C'est amusant qu'il soit à ce point détesté. Je ne l'ai jamais traité comme tel, personnellement. Peut-être parce que j'essaye de ne jamais juger quelqu'un sur les premières rencontres.
Hyungwon chasse...
Je ne devrais pas en être étonné, après tout, c'est normalement comme ça que les choses doivent être, mais bon... Ça m'attriste malgré tout.
Je n'arrive pas à l'imaginer faire ce genre de choses, mais ce n'est pas plus mal, finalement. Je n'ai pas envie de me l'imaginer.
— Est-ce qu'il y a d'autres informations que je devrais savoir ?
— Pas vraiment, conclut le cadet, en pleine réflexion. Fais attention à toi quand tu es seul dehors, ne parles de notre véritable nature à personne, surtout pas aux colombes, et si tu sais, essaye d'apprendre à ce gars à être moins... Lui.
— D'accord, c'est noté !
— Au sujet du grand jeune homme, commence alors l'aîné. S'il ne donne plus de nouvelles depuis l'incident d'hier, c'est peut-être parce qu'il a été grièvement blessé.
Mon sang ne fait qu'un tour à ces paroles. Le coeur battant à vive allure, j'attends la suite de sa phrase, en espérant qu'elle soit synonyme de plus de positivité.
— S'il ne s'est pas nourri depuis un moment, ça veut dire qu'il doit être affamé et donc, qu'il n'arrive pas à se régénérer aussi vite qu'habituellement.
Il quitte le bar à ses paroles et rejoint l'arrière du bâtiment. La gorge nouée, je regarde le serveur face à moi, en quête de réponses. Il ne dit rien et se contente de nettoyer les quelques tasses posées dans l'évier. J'allais lui poser la question, mais l'autre personne revient avant que je puisse dire quoi que ce soit, avec un petit paquet blanc, qu'il pose devant moi.
— Prends ça. Il va en avoir besoin. Et si ce n'est pas assez, alors revient me voir.
Cet homme est si bienveillant. Comment ne puis-je pas avoir confiance en eux ?
Je pensais avoir côtoyé les pires lors de ma première rencontre, hier soir, mais en fait, j'avais déjà rencontré les meilleurs.
Sans même le savoir, Hyungwon était à mes côtés, ainsi que ces serveurs, et ce, bien avant ces monstres. Comme dans toute espèce, il y a des bons et des mauvais, et je suis heureux de me dire qu'à mes côtés, j'ai bien plus de bons que de mauvais.
— Merci infiniment pour votre aide, souris-je. Je pense que je vais pouvoir repartir à la recherche de ce... Comment vous dites déjà ?
— Connard.
— Voilà, ris-je. J'y vais. Merci encore pour tout !
— Fais attention à toi, conclut, sincère, le plus mature.
— Merci beaucoup, soyez prudent, vous aussi ! À bientôt !
Il faut que je contacte Minhyuk. Il doit savoir où il habite, pas vrai ?
Je devrais le savoir, moi aussi...
La vache ! J'aurais dû prendre des antidouleurs avec moi. Mes côtes me font un mal de chien ! J'ai besoin de repos, mais je ne peux pas rester chez moi, alors que mon parrain est peut-être en danger. Je dois lui venir en aide, comme lui l'a fait pour moi. Je ne dois pas avoir peur de lui.
Non...
Bon, j'ai son adresse ! Ce n'est pas la porte à côté, mais en transport, ça devrait aller assez vite.
Merde... Je n'ai pas le code d'accès à son immeuble.
Oh bon sang, on dirait que la chance est avec moi ! Quelqu'un est en train de nettoyer l'entrée, la porte est donc ouverte ! Je dois le tenter !
— Bonjour ! Excusez-moi, je vous embête deux secondes, souris-je, en me faufilant derrière lui. Merci !
Je file ensuite sans me retourner et monte au quatrième étage.
C'est ici. Il faut que je sonne...
Oui, mais... Je suis bien trop nerveux.
Pourtant, ce n'est pas du tout le moment ! J'ai besoin de vérifier son état. Plus les minutes s'écoulent et plus les risques qu'il lui arrive quelque chose sont élevés. Respire profondément et vas-y, Jooheon ! Tu peux le faire ! Arrête d'avoir peur. C'est de Hyungwon dont on parle ! Fonce, bon sang !
— Hyung ? m'écris-je, après avoir sonné.
Mon coeur va lâcher d'une seconde à l'autre, tout comme mes jambes. Mon Dieu.
— Hyung, c'est moi, ouvre. S'il te plaît, ouvre-moi.
Où pourrait-il être, si ce n'est pas ici ?
Il est peut-être... Oh mon Dieu. Et s'il était resté dans cette ruelle ?
Oh, merde... Non, non, non ! Non, ça, ce n'est pas possible. Je sais qu'il est intelligent. Il ne serait pas resté là-bas aussi longtemps.
— Hyung, par pitié, j'ai besoin que tu ouvres ! hurlé-je, tambourinant à présent la porte.
De longs instants plus tard et enfin, il ouvre. Il se tient difficilement à la porte et me fait entrer. Son teint est livide, ses cernes énormes, et son corps ne semble pas en très grande forme. Le vieil homme avait raison.
— Hyungwon hyung ! m'enquis-je, plaçant son bras droit autour de mes épaules.
Une fois assis sur le canapé de son salon, je me place à ses côtés, et l'observe avec minutie.
Il n'a pas réussi à se changer. Ses vêtements sont troués et tâchés de sang séché. Ses mains appuient avec force sur son abdomen. C'est là qu'il doit être le plus blessé. Il aurait dû cicatriser bien plus vite. Pourquoi ne s'est-il pas nourri ?
— Ne me regarde pas comme ça, l'entends-je marmonner, la tête baissée.
— Je te regarde avec inquiétude. Parce que c'est ce que je suis, inquiet.
— Ah, vraiment ? souffle-t-il du nez.
— Tu ne me crois pas ?
— J'ai un peu de mal, effectivement.
Blessé, je me lève, visite quelque peu l'appartement et me réfugie dans la cuisine.
Je réfrène le plus possible mes haut-le-cœur quand je pense que le bout de viande crue que je suis en train de mettre dans une assiette est... Peu importe. Respire, Jooheon. Prends de grandes inspirations et concentre-toi. Ton hyung doit être soigné, alors, cesse de faire l'enfant. Tu dois être fort, pour lui. Apprends à être plus fort, bon sang.
— S'il te plaît, soufflé-je.
Il tourne la tête en direction du plat, étonné, puis ancre ses prunelles aux miennes. Des dizaines de questions viennent sûrement de germer dans son esprit et ce constat me ferait presque rire. Est-ce que durant presque un jour, il a pensé à l'éventualité que j'avais simplement pu fuir ? Comment a-t-il osé, lui qui me faisait confiance au point de me faire connaître sa vraie nature bien avant cet incident ?
— Tu n'en veux pas ? posé-je, attristé. Tu en as pourtant besoin, hyung. Je sais que ce n'est pas la même chose que lorsque tu chasses, m–mais tu n'en es pas capable pour l'instant. Il faudra te contenter de ça. Tu dois penser à te soigner.
Il me fixe, durant encore une éternité, puis, sans en avoir le choix, attrape l'assiette.
— Tourne-toi.
Sans réfléchir, je m'exécute. Les bruits que j'entends ensuite me retournent entièrement l'estomac
Il savait très bien que je ne serais pas capable de voir une telle image. Je l'imagine très bien, pourtant, mais je préfère ne faire que ça. Mon Dieu, ces bruits sont horribles. Heureusement pour moi, il s'arrête vite. Je me tourne alors, mais sursaute violemment lorsque je tombe sur le Hyungwon que je ne connais pas encore très bien. Il est surpris, lui aussi, mais ne bouge pas d'un poil. Je m'assieds alors correctement face à lui, et l'observe avec attention.
La lumière du jour noie l'appartement, ce qui me laisse l'opportunité de voir enfin pleinement à quoi il ressemble lorsqu'il est... Vraiment lui.
La poitrine douloureuse, je lève mon bras, et pose la main contre sa joue. Du pouce, je caresse sa pommette, puis monte et glisse le doigt sur le contour de ses yeux.
Des yeux, sans plus aucune trace de blanc, d'un noir profond, entremêlé à des iris d'un rouge vif. Des veines de couleur identique parcourent la totalité de ces prunelles, puis s'étendent jusqu'à l'extérieur. Comme les racines d'un arbre, ces lignes s'échappent de ses paupières, pour continuer leur chemin vers ses pommettes.
Les yeux d'un monstre, diraient certains. Cependant, ce que j'y vois, moi, ce sont ceux d'une espèce différente à la nôtre. Certes, la couleur de ses prunelles n'invoque que la douleur, la souffrance, la puissance, et la terreur, mais je ne peux penser ainsi. Pas lorsque celles-ci appartiennent à cet être. Non, c'est impossible.
Petit à petit, alors que je suis perdu dans mes pensées, il redevient celui que j'ai l'habitude de connaître. L'homme fort, grincheux et doué que je fréquente, depuis un an.
La paume de ma main reste posée contre sa joue. Nos regards sont toujours enchaînés et notre silence, toujours de mise. Le temps semble s'être figé. Par ce moment, nous redécouvrons l'autre, nous nous apprivoisons, nous savourons cet instant empli de curiosité, de confiance, mélanger à un peu de crainte.
Crainte, qui s'échappe en même temps que les secondes qui s'écoulent.
— Est-ce que ça va mieux ?
— Ce n'est pas le top, mais ça devrait aller.
Sa voix est rauque, cassée, fatiguée. Il semble si fragile, là, presque contre moi.
C'est étrange. Je ne l'ai jamais vu ainsi. Je n'aime pas ça.
— On ne dirait pas que ça va, même un peu, m'enquis-je, attristé. Je peux retourner à l'Antique, mais ça va me prendre du temps. Est-ce que ça ira ? Est-ce que tu vas savoir tenir le coup ? Est-ce que... Est-ce que je peux t'aider ? Tu... Tu arriverais à ne me prendre que du sang ? Je suis terrifié à l'idée d'avoir mal, a–alors je...
Je n'ose pas le regarder. Les doigts jouant avec le bas de mon sweat, je fixe celui-ci en priant inconsciemment pour que sa réponse ne m'offre aucune douleur. Il me brûle toujours de ses iris et plus les secondes s'écoulent, plus le stress me dévore entièrement.
— Tu ferais ça pour moi ? place-t-il, d'une douceur impressionnante.
— Comme je te l'ai dit, avoir mal me fait peur, mais si tu en as besoin, alors, je veux bien te laisser faire. Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose.
Ma voix est faible, larmoyante. Je fuis à nouveau son regard. Mon estomac se tord dans tous les sens, je ne me sens pas bien. Je stresse, j'ai peur, je suis vraiment terrifié, mais... Mais j'ai bien plus peur de...
— Je ne veux pas te perdre, hyung, confié-je, d'un reniflement indélicat.
— Qui aurait cru que tu sois à ce point de confiance ?
— Toi ? murmuré-je.
— Bien joué.
Il sourit !
Oh, merde ! Je vais pleurer ! Son sourire est si beau...
Bon sang ! Enfin ! J'ai enfin réussi !
Qui aurait cru que la difficulté allait être aussi élevée ?
Qu'est-ce que cet homme est compliqué !
Et on comprend pourquoi, finalement...
— Pourquoi tu pleures et rigoles en même temps ?
Amusé, je m'avance rapidement et plonge sur lui.
Mes bras enlacent sa nuque, tandis que mon nez se glisse dans ses cheveux. Il est surpris et ne bouge pas tout de suite, mais finit par entourer mon torse de ses grands bras. Le sourire jusqu'aux oreilles, je souffle du nez, tout en me frottant sans gêne à lui, pour m'installer encore plus confortablement.
Ses fines et imposantes mains caressants mon dos de long en large m'apaisent et me gonflent le coeur d'encore plus de joie.
— Jooheon ?
— Tu m'as souri.
Son soupir agacé ne me fait que rire un peu plus.
Ça ne sert plus à rien de faire le grincheux. Maintenant, je sais. Je sais la place que j'occupe auprès de toi et je sais celle que tu occupe auprès de moi.
— Je ne compte plus te lâcher, Hyungwon hyung. Il va falloir t'y faire.
— Eh merde.
— Moi aussi je t'aime, hyung.
— J'espère bien.
Il occupe la quasi-totalité de l'espace que j'ai à offrir.
Je compte bien le chérir et le protéger, le plus longtemps possible.
Je donnerais ma vie, pour ce grand bonhomme que le monde déteste.
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