N'aie pas peur ³
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— Tu es prêt ? s'enquit-il, une heure avant la fermeture.
— Bien sûr ! Je n'attends que ça ! souris-je, euphorique, en remettant ma veste avant de réajuster ma cravate dénouée plus tôt en journée.
— Tu es vraiment très beau dans ce costard, confie-t-il, une fois un pied à l'extérieur de la bibliothèque.
— Je suis beau dans tout, hyung.
— C'est vrai aussi, souffle-t-il du nez. Ça te dérange si on passe chez moi avant d'aller manger ?
— Je te suis ! me contenté-je de répondre, tout en m'asseyant dans sa voiture, côté passager.
— Jooheon sera là, je pense que tu devrais bien t'entendre avec lui.
— Ne t'inquiète pas hyung, je ne le préférerai pas à toi, le taquiné-je.
— On verra, sourit-il, amusé.
Cet appartement est petit, mais chaleureux. Il n'y a pas énormément de décorations, tout est très simpliste, mais connaissant Hyunwoo, ce n'est en rien étonnant. Cet endroit est à sa parfaite image.
Peu après, mon regard tombe directement sur l'homme à l'adorable visage allongé sur le canapé, téléphone en main. Il se redresse quand nous enlevons nos chaussures et sourit immédiatement de toutes ses dents en nous voyant nous diriger vers lui.
— Hey ! Bonsoir ! s'écrie-t-il, en se levant. Jooheon, enchanté !
— Bonsoir. Changkyun, enchanté également, souris-je à mon tour, en m'asseyant à ses côtés. Hyunwoo hyung m'a beaucoup parlé de toi.
— Et moi de toi ! s'enjoue-t-il.
— Je file à la douche, s'empresse de dire Hyunwoo, sans plus de cérémonies. Ne faites pas de bêtises, les enfants !
— Je ne le prends pas mal du tout, ironisé-je.
Le rire de Jooheon est aussi communicatif que celui de son frère.
— Il m'a dit que tu étais plus jeune, quel âge as-tu ?
— Vingt-cinq ans et toi ?
— Ah oui, effectivement, tu es adorablement jeune ! dit-il, euphorique. Moi, j'ai vingt-sept ans. Tu sembles être prêt à supporter un vieux de vingt-neuf ans, c'est sage de ta part. Mais ne t'inquiète pas, ce petit vieux est bien conservé, conclut-il, d'un sourire narquois.
— Je ne m'inquiète pas.
Il semble si enjoué. Il doit être de ces personnes qui paraissent heureuses en tout temps, qu'importent les aléas de la vie. J'aime ce genre de personnalité. Elles sont si différentes de la mienne.
— C'est rare de voir des frères qui s'entendent aussi bien. Vous vivez carrément en colocation... Ça relève du miracle.
— C'est sûrement parce qu'on n'est pas lié par les liens du sang, répond-il, d'un haussement d'épaules. Je le considère comme mon frère, parce qu'il a pris soin de moi et m'a protégé durant plus de six ans de ma vie. Et puis surtout, parce qu'il continue de le faire. C'est un homme doux, sensible et d'une bonté infinie. Il n'y a pas plus parfait que lui.
Son sourire quelque peu nostalgique est tout simplement attendrissant. Je ne peux que fondre devant tant de sincérité et pureté.
— C'est adorable, soufflé-je, touché. Vous êtes adorable.
— Je sais, je sais, sourit-il de bon coeur, ses belles fossettes imprimées sur ses joues rondouillettes. Tu fais des études d'après ce qu'il m'a dit ?
— En théorie, je viens de finir. Je croise les doigts, mais normalement, je devrais avoir mon doctorat cette année.
— Wow ! s'écrie-t-il, les yeux grands ouverts. Un doctorat ! C'est impressionnant !
— Je passe juste ma vie à lire des livres, en tentant de les comprendre et retenir. Rien de bien spectaculaire, quand on y pense.
— J'aime ton humilité !
— J'aime tes petites joues et ton euphorie, confié-je alors à mon tour. Tu es le total opposé de ton frère.
— Merci ! pouffe-t-il, l'air timide et heureux. C'est vrai que l'euphorie, ce n'est pas trop son fort, mais il n'est pas aussi ennuyant qu'il y paraît, il faut apprendre à le connaître, c'est tout.
— Je ne peux que confirmer, soufflé-je, d'un sourire calme. Et toi, tu fais quoi dans la vie ?
— Je travaille chez un fleuriste.
— Toi aussi, tu as changé de vie du jour au lendemain ? tenté-je, sans trop insister.
— Oui, on peut dire ça, en effet, soupire-t-il, discret sur ses confessions. Nous avions tous les deux besoin de reprendre notre vie sur de bonnes bases.
Toi aussi, tu as ce sourire mélancolique lorsqu'on aborde ce sujet...
— Je vois.
— Mon frère est l'homme le plus doux du monde, fais-lui confiance, place ensuite cet adorable frère, le regard tendre planté dans le mien.
— Je lui fais confiance.
Même sans le connaître, c'était déjà le cas.
Coupant court à notre conversation, Hyunwoo revient, les cheveux encore un peu humides et une très belle chemise bordeaux, accompagnés d'un pantalon noir lui allant à merveille.
— Tu as mis des lentilles ? posé-je, en me levant, hypnotisé par ses prunelles emplies d'une tendresse infinie.
— Oui, Joo a insisté pour que j'en achète, marmonne-t-il, peu convaincu.
— Il doit se faire le plus beau possible pour ce genre de moments ! place, satisfait et fier de lui, ledit Joo, les fesses toujours posées au même endroit.
— Ce n'est pas bête, souris-je, amusé de la tournure de cette conversation.
— On peut y aller, conclut rapidement le plus vieux, après un roulement d'yeux perdu entre l'agacement et l'amusement.
— C'est parti ! m'enquis-je alors. Ravi de t'avoir rencontré, Jooheon hyung.
— De même, Changkyunnie ! Prends soin de mon frère.
— Compte sur moi.
— À ce soir, place à son tour le plus grand, d'un signe de main.
— Je vais chez Hyungwon, ce soir, rougit ce dernier, en se grattant la nuque.
— Très bien, fais attention à toi. Amusez-vous bien, sourit chaleureusement Hyunwoo.
— Vous aussi !
D'une main appuyée avec délicatesse contre le bas de mes reins, mon bibliothécaire préféré m'incite à avancer vers le couloir de l'entrée. Je me laisse ainsi guider, dans un silence apaisant.
— Tu es vraiment très beau ce soir, hyung, lui confié-je, le regard fiévreux posé sur son sublime corps.
— Pas plus que toi, répond-il, tout en m'ouvrant la portière.
J'ai toujours autant envie de lui croquer les oreilles... Surtout quand elles sont rouges, comme en ce moment.
— Merci beaucoup.
— Mais je t'en prie.
J'inscris l'adresse dans le GPS une fois le moteur allumé et nous ne tardons pas à démarrer.
Cet homme est bien trop sexy pour mon propre bien.
Même avec sa longue veste noire et sa chemise habillant parfaitement ses avant-bras, sa magnifique montre décorant son poignet avec élégance est visible.
Comme si sa main virile ainsi posée sur le volant, l'agrippant fermement, n'était déjà pas suffisamment sensuel, il a fallu qu'il ajoute à ça une montre, pour que le tout ne paraisse que pire encore pour mon pauvre self-control.
Je veux l'embrasser jusqu'à en perdre haleine, dans cette voiture. Je veux qu'il agrippe mon corps avec ses mains sexy. Je veux sentir le métal froid de sa montre contre ma peau.
Mais ce qu'il faut surtout, là tout de suite, c'est reprendre tes esprits, Changkyun.
Calme-toi, par pitié.
— Ton frère est adorable.
— N'est-ce pas ?
— Je pense qu'on pourrait devenir de bons amis. Mais comme prévu, je ne le préfère pas à toi. Je suis certain qu'il embrasse moins bien, soufflé-je, taquin.
— Je prends ça pour un compliment, pouffe-t-il. En espérant que ce ne soit pas le seul.
— Je te ferai une liste, si tu y tiens. Ça ne me dérange pas, je serais ravi de te choisir comme sujet pour une nouvelle thèse.
— On en reparlera dans ce cas, sourit-il, une fois garé. Après vous.
— Toujours aussi galant, Monsieur Son, placé-je, en passant la porte ouverte pour moi. Merci bien.
Après avoir été attablé et servi de nos boissons, Hyunwoo lève son verre et me sourit chaleureusement. Ses petits yeux plissés cachés derrière les rides que forme son sourire sont si beaux et tendres, que mon coeur en loupe un battement.
— À ton futur doctorat ! dit-il, enjoué. Encore félicitations. Je suis fier de toi.
— Merci beaucoup, hyung, souris-je à mon tour, heureux de l'entendre dire ce genre de choses.
— Commandons maintenant.
Son Hyunwoo, l'homme qui pense avec son estomac.
À l'image de notre journée, cette soirée s'est passée à merveille. Durant notre repas, nous avons continué, comme à notre habitude, à discuter de tout et de rien. Nous avons parlé de mes examens, en passant par Jooheon et lui, ainsi qu'à ses journées au travail, maintenant que je ne serai plus là pour le divertir.
Nous sommes maintenant au dessert et une chose est sûre, Hyunwoo vit vraiment pour manger.
Je ne l'ai jamais vu aussi heureux que lorsqu'il mange.
— C'était délicieux, s'enquit-il, satisfait, en terminant son Parfait.
— J'adore venir ici, soufflé-je, en picorant la moitié restante de ma Dame blanche.
— Moi aussi, maintenant.
Arrête de me sourire aussi adorablement... Tes lèvres ne font que m'appeler depuis cette après-midi.
— Est-ce que tu veux me poser des questions ? posé-je alors, triste de voir l'heure avancer trop vite.
— Après le repas, ça te convient ? questionne-t-il à son tour, l'air calme, mais quelque peu nerveux.
— Ça me convient. Tout ce que tu voudras, hyung, souris-je, pour le rassurer.
— Finissons la soirée chez moi. On sera plus tranquille.
— Hyung, enfin... rougis-je, amusé.
— Tu as dit que si cela te concernait, je pouvais me laisser aller, susurre-t-il, après une gorgée de café.
Le corps s'échauffant à vitesse folle, je toussote avant de retrouver son regard intense et brûlant posé sur moi.
— Tu as le sens du romantisme, Hyunnie hyung, j'aime.
— Ne t'inquiète pas, je plaisantais, avoue-t-il, après un sourire amusé.
— On verra ça, ce soir.
— Fais attention à toi, jeune homme.
Nos regards se dévorent ainsi durant de longues secondes.
On se défie, on se titille. C'est passionné et chaleureux. J'aime beaucoup ça.
— Oui, Monsieur Son, promis.
— Rentrons, s'enquit-il, une fois mon dessert terminé.
Je hoche la tête en signe d'acceptation et le suis en silence.
J'ai trop mangé, je suis lourd et donc fatigué. Je n'aime pas ça. J'ai besoin d'un nouveau café, parce que je veux profiter de cette soirée avec lui.
Assis côté passager, j'observe calmement la vue extérieure défiler devant mes yeux.
La chaleur de son appartement une fois arrivé me fait du bien. Cet endroit est vraiment à son image. L'odeur m'apaise instinctivement. Je donnerais tout pour me plonger dans son lit, baigné par son parfum, le corps entouré de ses bras.
Seigneur, s'il vous plaît, offrez-moi ce cadeau.
— Merci pour cette soirée, hyung. C'était parfait, confié-je, en le laissant retirer ma veste et mon écharpe.
Je pourrais m'asseoir directement sur ce canapé confortable qui m'appelle, mais je ne veux pas. La curiosité se nourrit bien trop de moi à l'heure actuelle.
— Merci à toi d'être à mes côtés pour fêter quelque chose d'aussi important, place cet homme parfait, d'une voix douce.
— Je sortirai avec mes amis une autre fois. Je voulais passer ce moment avec toi.
Encore occupé à ranger nos vêtements dans l'entrée de l'appartement, son regard cherche et trouve le mien, à peine ma phrase terminée. Son petit sourire adorable contamine à nouveau ses lèvres.
Je ne me lasserai jamais de le voir aussi apaisé, heureux.
— Ça me touche beaucoup, avoue-t-il, timide. Mets-toi à l'aise, installe-toi dans le salon, j'arrive.
Il quitte ainsi le séjour, pour rejoindre la cuisine. Elle est ouverte sur la salle à manger et le salon, ce qui me permet de pouvoir continuer cette petite conversation.
— Merci, réponds-je, en observant son dos si musclé et sensuel. Je peux visiter ?
— Fais-toi plaisir, je vais préparer de petits trucs à grignoter. Tu veux un café ?
— Je veux bien, merci.
À moi la caféine !
Est-ce que ce n'est pas trop déplacé de visiter avec autant de détail cet endroit qui n'est pas le mien ?
Peut-être...
Il n'y a vraiment aucune décoration. C'est triste...
Ah ! Il y en a dans la chambre de Jooheon !
Ils sont vraiment adorables. Toujours collés l'un à l'autre. Ils semblent inséparables.
J'aurais pu être jaloux en sachant qu'ils n'étaient pas réellement frères, mais comment envisager l'être un seul instant ?
Ils s'aiment si fort. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Leur lien est indescriptible et je sais combien il est plus solide encore que tout ce que je pourrais imaginer. Je ne sais pas ce qu'ils ont vécu ensemble, pour qu'ils soient à ce point uni et soudé, mais une chose est sûre, c'est que rien ni personne ne voudrait et ne pourrait les séparer. Et ce constat est touchant.
Une fois de retour dans la pièce principale, je m'assieds sans plus tarder, sous les prunelles tendres de mon bibliothécaire préféré, aux fesses déjà posées sur le canapé, ma précieuse boisson m'attend sur la table du salon.
— Tu aimes ?
— J'adore, c'est très chaleureux, même s'il manque un peu de déco, dis-je, amusé. Et j'aime beaucoup ta chambre, le lit est moelleux et spacieux.
Et ton odeur y est tellement imprégnée...
J'aurais aimé y rester pour l'éternité, mais malheureusement pour moi, ce n'est pas possible.
— Tu as testé mon lit. Pourquoi ça ne m'étonne pas ? pouffe-t-il, en attrapant la deuxième tasse de café pour me l'offrir.
Je ne lui réponds qu'avec un grand sourire innocent et souffle sur ma boisson, avant d'en avaler une grande gorgée.
S'il te plaît, sommeil, barre-toi.
— Il faudrait peut-être que je demande à un ami de nous conseiller pour la décoration, souffle-t-il du nez.
— Ce n'est pas une obligation, mais effectivement, ça serait plus intéressant et agréable pour vos invités.
— On ne reçoit jamais personne ici, conclut-il, calme. La plupart du temps, c'est nous qui nous déplaçons.
— Oui, mais... Et moi ? Est-ce que j'aurai l'occasion de revenir ? posé-je, narquois.
Face à lui, l'une de mes jambes repliée et posée totalement sur le canapé, je l'observe se tourner un peu plus vers moi à son tour, son bras gauche posé contre le dossier du canapé, sa tasse à la main.
— Autant de fois que tu le désireras.
Sa voix est plus basse, plus calme, ce qui ne fait que me titiller davantage.
Ses lèvres m'appellent, me hurlent de les dévorer. C'est insupportable.
J'aimerais être plus calme, plus sûr de moi, mais tout ce que j'arrive à faire, c'est rougir lamentablement en me laissant sonder par ses yeux sombres.
Je tente donc un sourire intimidé, comme réponse à sa phrase susurrée avec bien trop de sensualité.
— Est-ce que tu as prévenu tes parents que tu rentrerais tard ?
— Oui, ne t'inquiète pas, je leur ai même dit qu'il était possible que je ne rentre pas.
Garde le contact, Changkyun. Il faut que tu gardes ton flegme habituel. Tu sais qu'il t'apprécie et te désire sans doute autant que toi, alors, s'il te plaît, sois fort.
— Ils n'ont rien dit ?
D'un air clame, il dépose sa tasse vide sur la table et reporte son attention sur moi.
— Je ne le fais jamais et je viens de finir mes études, soufflé-je, l'estomac noué. Ils m'ont plus qu'encouragé.
— Tes parents ont l'air gentils.
Il semble sincère et bienveillant, ça me rassure un peu, je ne sais trop pourquoi.
— Ils le sont. Mon père est un peu strict, mais je suis fier de voir ce que j'ai accompli grâce à la détermination qu'il a su m'inculquer.
— Oui, je vois ce que tu veux dire, me répond-il, songeur.
Évidemment qu'il voit...
— Tu as beaucoup parlé avec lui ? tenté-je alors, je l'espère, nonchalant.
C'est le moment... Il est temps d'en apprendre un peu plus l'un sur l'autre.
Il semble à l'aise, ça me rassure encore un peu. Je suis heureux de voir que mon conseil lui est arrivé au cerveau. Il ne doit pas avoir peur. Du moins, pas lorsqu'il est à mes côtés. Il ne doit pas, jamais.
— Jooheon est celui qui a le plus communiqué avec lui, confie-t-il. Moi, je n'ai pas dit grand-chose et ne l'ai vu que très rarement.
— Oh, je vois.
C'est Jooheon qui a fait appel à lui ? Pour sortir Hyunwoo de la merde ? Ou est-ce simplement Jooheon qui avait besoin de ses services et Hyunwoo n'a fait qu'aider ?
— Que sais-tu de moi Changkyun ?
Son regard sombre et curieux se noie dans le mien, confiant mais nerveux malgré moi. Il ne m'en veut pas, ne m'en voudra jamais. Il n'a aucune mauvaise pensée. Il sait que je suis quelqu'un de confiance, je le vois et ça m'aide à me détendre.
Je veux ses bras, son odeur sur moi, sa peau contre la mienne, son souffle contre le mien.
Je m'en fous de tout savoir. Ça fait longtemps que cet objectif n'est plus dans mes priorités. Ce que je veux le plus, là tout de suite, ce sont ses lèvres contre les miennes et ses mains sur mon corps.
— Tu t'appelles Son Hyunwoo, tu as vingt-neuf ans et tu es bibliothécaire, réponds-je, sérieux.
— C'est tout ? pose-t-il alors, suspicieux, mais toujours aussi calme.
Est-ce que ce soir, Hyunwoo ne serait pas la personne la plus curieuse de nous deux ?
C'est amusant de voir les rôles s'inverser ainsi.
— Tu sais qu'elle est l'une des règles les plus importantes dans le code de déontologie, hyung ? soufflé-je, un fin sourire aux lèvres.
— Dis-moi.
Tu ne veux pas y réfléchir ?
Non, bien sûr que non.
Ce soir, tu as envie d'aller droit au but. Tu as bien assez attendu.
— Le secret professionnel.
Il me fixe sans rien répondre, les sourcils froncés.
Amusé, je le regarde à mon tour quelques instants et l'aide ensuite à comprendre, en lui répondant, perdu dans mes pensées.
— J'ai toujours été de nature curieuse. Si tu savais le nombre de fois où j'ai tenté de soutirer des informations à mon père, pouffé-je, mélancolique. Mais tu sais quoi ? Jamais une seule fois, il ne m'a donné une quelconque information. Pas même un seul indice. La seule chose que je sais, c'est qu'il s'est toujours juré de défendre uniquement les innocents. Jamais, durant toute sa brillante carrière, il n'a aidé une personne coupable d'un crime. Jamais.
De mes prunelles douces noyées dans les siennes, je tente, le plus sincèrement possible, de lui faire comprendre à quel point je tiens à lui, à quel point il est important pour moi et surtout, à quel point je sais que la personne face à moi est quelqu'un de bien.
— Comment me connais-tu dans ce cas ? souffle-t-il, après de longues secondes de réflexion. Comment peux-tu savoir que j'ai déjà eu affaire à ton père ?
Son Hyunwoo est un être si curieux.
Quel cachottier.
— Je suis quelqu'un de réfléchi, lancé-je, d'un haussement d'épaules. Je tiens ça de lui. Il a beau essayer de tout me cacher, parfois, il laisse échapper quelques petits détails, qu'il juge sans doute sans importance, sur le moment.
Il semble totalement perdu. Son air interrogateur est adorable. J'ai envie de glisser la main dans ses cheveux pour les lui désordonner. J'ai envie de lui mordiller les joues aussi.
C'est frustrant, il faut que j'arrête de divaguer ainsi.
Je crois que si je ne parle pas très vite, il va finir par perdre patience.
Enfin, peut-être pas... On parle de Hyunwoo après tout.
Son petit regard insistant est quand même très présent. Il me pousse silencieusement à continuer. C'est vraiment très amusant, surtout venant de la personne la plus nonchalante qui puisse exister.
— Un jour, soi-disant par curiosité, il m'a demandé si j'avais une idée d'un endroit qui cherchait des employés et ne demandait pas énormément de compétences, confié-je enfin. Je lui ai alors signalé qu'une place était à pourvoir dans la bibliothèque où j'étudiais. Bon à savoir, dit-il ensuite, d'une voix plus grave, en mimant des guillemets.
Après la fin de cette phrase, de nombreuses secondes de silence se sont écoulés. Des secondes apaisantes et chaleureuses.
Il ne semble pas simplement me regarder, non. Il semble me sonder avec intensité. Ses petits yeux bridés sont si beaux, si calmes et fiévreux à la fois. Je ne cesserai jamais de vouloir me perdre dans ceux-ci.
— Tu n'es vraiment pas idiot, finit-il par soupirer, presque amusé.
— Bien évidemment que non, tu en doutais ? réponds-je alors, d'un sourire taquin.
— Jamais, pouffe-t-il.
Dans cette ambiance un peu plus détendue, je continue.
— Quelque temps plus tard, un nouvel employé est arrivé à la bibliothèque. Un beau et grand jeune homme, qui n'avait pas du tout une tête de jeune diplômé... La question était donc de savoir, continué-je, le menton coincé entre mes doigts, l'air songeur. Sans paraître irrespectueux ou indiscret, si cette personne était là par hasard, ou si mon père l'avait aidée.
Mon air de petit détective privé semble beaucoup l'amuser.
Il pouffe, tout en concluant à son tour.
— Im Curieux.
— Je suis pratiquement certain que mon père ne s'investit jamais autant par la suite avec ses clients, confié-je, en terminant mon récit. Ça ne me rendait donc que plus intrigué... Qu'avais-tu de plus que les autres et qu'as-tu fait pour en arriver là ?
Si avant, ce monologue, ces questions, l'auraient mis mal à l'aise, à l'heure actuelle, à mes côtés, il ne paraît que calme et amusé. Je suis vraiment heureux de ce constat. Ça me soulage tant.
— Notre rencontre n'était vraiment pas inattendue.
— Pas du tout. Enfin, quand on y pense, tout n'est que pur destin. Je suis simplement du genre à le pousser pour l'aider à avancer, conclus-je, avec nonchalance.
— Tu n'as eu aucune réponse, durant tout ce temps... Ça a dû être frustrant.
Il est si confiant et à l'aise à mes côtés, à présent. Ça ne me donne que plus envie de le coller à moi, pour ne plus jamais le lâcher.
— Oui et non. J'ai très vite oublié ce détail, avoué-je, songeur. J'aimais le temps qu'on passait ensemble et je t'appréciais toi, la personne que je prenais le temps de connaître, alors tout est passé très vite. Je savais que tôt ou tard, lorsqu'on deviendrait de plus en plus proche, tu finirais par te confier à moi.
Je pensais que mon doux sourire et mes paroles sincères le toucheraient, mais ce n'est pas le cas. À la place, ce sont ses sourcils froncés qui me répondent.
— Détail ? répète-t-il. Tu trouves que c'est un détail ? C'est une chose très lourde à porter. Une chose que je tente de garder difficilement pour moi. Ce n'est pas un détail, Changkyun.
Sa voix est basse, lourde. Emplie d'un poids énorme. Un poids qui lui pèse certainement beaucoup sur les épaules. Son air attristé et sévère me rend triste. Je n'aime pas du tout le voir ainsi. Je ne veux pas qu'il se rabaisse, se sous-estime. Je déteste ça. Pour moi, cet homme est tellement doux et précieux, que je ne peux accepter qu'on parle de lui de cette si laide façon. Surtout si ça vient de lui-même.
— Qu'est-ce que ça change pour moi, au juste ? le questionné-je de but en blanc, quelque peu irrité. Tu as fait quoi ? De la prison ? Je n'en sais rien et je m'en fiche. Si tel est le cas, ça a dû être très compliqué pour toi, je n'en doute pas une seule seconde. Mais savoir ça ne change rien pour moi. La seule chose que je retiens, c'est que durant ces mois passés à tes côtés, tout ce à quoi je pensais, c'était que tu étais innocent et que mon rôle était de te redonner le sourire. Parce que tu le mérites plus que quiconque.
Mon ton est dur et sincère. Ses oreilles rougissent légèrement sous mes paroles, ce qui a le don de me calmer presque immédiatement. Il sait à présent que je le contredirai toujours s'il ose penser de manière négative. Il sait qu'il pourra tout me dire sans avoir peur d'un quelconque jugement et il a raison.
Sois-en sûr, Hyunwoo. Je te protégerai et te défendrai toujours, et ce, quoi qu'il se passe à l'avenir. Aie confiance en moi et n'aie pas peur. N'aie peur de rien, surtout à mes côtés.
— Est-ce que je le mérite réellement ? entends-je murmurer.
Comment peut-il fuir mon regard et baisser la tête ?
Il est bien mal placé pour faire ce genre de choses. Il devrait la garder haute et même bomber le torse. Personne n'est aussi doux et bienveillant que ce petit ange. Il devrait être fier de ce qu'il est, plus que n'importe qui.
Qui suis-je, d'ailleurs, pour avoir cet être merveilleux à mes côtés ?
La vraie question est de savoir si moi, je mérite un tel homme à mes côtés.
— Bien évidemment... Ne doute jamais de moi, ni même de mon père.
Timidement, mêlant geste et parole, je lève le bras et place la paume de ma main contre sa moelleuse petite joue.
— Je crois en lui et en toi, murmure-t-il, ému.
Mon sourire doit certainement atteindre mes oreilles, lorsque je le vois clore les paupières, tout en poussant avec une légère pression sa petite tête contre mes doigts le caressant.
— Ta jeunesse ne prouve vraiment rien du tout.
Le sourire qui envahit son visage est apaisé, tandis que le mien, est à présent fier et amoureux.
Mes doigts continuent de glisser sur sa peau sans imperfection, dans un geste automatique, le regard bloqué sur son visage aux traits calmes.
Et soudain, alors que mon estomac se tord dans tous les sens, il tourne un peu la tête et embrasse avec tendresse le creux de ma main, les paupières toujours fermées.
Ma poitrine va exploser sous la puissance des battements de mon cœur. Cet homme est bien trop doux pour mon cœur.
— Vous êtes impressionnant, Docteur Im, entends-je souffler contre ma peau.
— Je vous en prie, appelez-moi Changkyun.
— Le destin me fait rencontrer de si belles personnes, marmonne-t-il ensuite, en glissant furtivement son visage dans mon cou. Jooheon, Maître Im, Docteur Im... Est-ce que je mérite réellement d'avoir toutes ces personnes bienveillantes à mes côtés ?
Immobile quelques instants, je frissonne violemment sous cette action et ce contact inattendu.
Je tente ensuite de calmer ma respiration, en vain, avant de déclarer forfait et de me laisser totalement aller contre son corps, les mains glissées dans sa chevelure inhumainement soyeuse, un sourire gigantesque aux lèvres.
Je suis certain qu'à l'heure actuelle, les battements fous de mon coeur doivent se répercuter contre son torse.
Ses bras enlaçant ma taille et son souffle chatouillant ma peau me font perdre peu à peu la tête.
Après de longues minutes, enfermé dans ce bonheur irréel, je me redresse légèrement, attrape son visage en coupe et lui embrasse le nez et les joues plusieurs fois, tout en lui offrant le sourire le plus éblouissant et sincère qu'il ait sûrement pu voir de toute sa longue vie.
— Tu mérites le monde, Son Hyunwoo, conclus-je, avant de fondre sur ses lèvres si tentatrices.
Avant de fondre dans ses bras, toute la nuit.
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𝙴𝚗𝚍
✧・゚: * 🌸 *✧・゚:*
❱❱❱❱ Pour celles et ceux qui ne l'auraient pas encore lu, ou qui n'auraient pas fait la liaison... N'aie pas peur est une suite du one-shot Visite, publié il y a deux ans, dans mon recueil intitulé Untitled 2019 ♡ (Vous pourrez également noter un léger clin d'oeil à Lys bleu, publié dans le même recueil).
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