⋮Printemps⋮
Le néant. Voilà d'où je commence. Je suis tout juste né et déjà ce néant me semble trop fade. Ce blanc infini, qui m'aspire tel le vide, me procure un ennui à la hauteur de ma puissance. C'est donc soudainement que de ma simple volonté je décide de former les systèmes solaires, de minuscules points qui flottent ici et là, au hasard de l'espace et sans réel objectif. Après de longues réflexions, j'ai l'idée de nouvelles créations et rajoute enfin la vie sur certaines de ces sphères parfaites. La plupart sont en tout point ratées, elles ressemblent à des tâches et ne résistent pas à mes coups de gomme effrénés qui suppriment leur espèce imparfaite. Après mains essais, je parviens enfin à créer un petit être qui réussi à faire ma plus grande passion. C'est une simple sphère que je m'amuse à modifier et à améliorer sans cesse, jusqu'à mes plus grandes réussites. C'est de cette minuscule cellule que je développe alors des espèces plus variées les unes que les autres, toutes descendantes de mon unique création, et détentrices de la vie. Elles m'étonnent toutes de par leur incroyable beauté et leurs nombreuses différences, parfois très originales. Aucune ne possède la même taille, la même forme ou la même coloration. Seulement, ma réelle favorite est la plus complexe d'entre toutes, car elle s'amuse à prendre des formes et des couleurs extrêmement opposées et semble pouvoir apprendre de par elle-même, et cela sans ma volonté divine. Tout d'abord, elle se met à inventer de par sa propre pensée et construit sur mon univers, tout en le dépouillant de ces nombreuses richesses. Mais comme elle est ma préférée et mon unique raison de créer, je décide de lui offre un pouvoir de réfléchir encore plus grand, presque aussi grand que ma propre raison, et agrandis pour cela son enveloppe corporelle, afin qu'elle puisse s'épanouir à son tour. Cependant, elle détruit malgré tout toutes mes espèces les plus chères, résultats de longues périodes de travail et d'apprentissage du néant. C'est donc d'une rage immense que je déchaine soudainement les événements les plus destructeurs sur mon art la plus intelligente, l'homme. Car il commence à bien trop s'étendre sur mon dessin et prend toute le place qu'il n'aurait jamais du posséder. Les volcans éclatent avec les séismes et la température devient insoutenable, aussi, je n'oublie certainement pas ma plus maléfique invention, que je dessine avec plaisir sur la modèle de ma toute première cellule et en m'inspirant bien évidemment de mes gracieux flocons de neiges d'hiver. L'homme, qui provient de mon esprit même, doit comprendre qui est son créateur dans cette antique immensité de néant, aujourd'hui rempli de couleurs et de vies grâce à mes efforts, et ce, même par la force et la violence. Je n'ai déjà presque plus aucune emprise sur cette espèce rebelle, mais pourtant, je me contrais à leur laisser une seule et dernière chance. Mais après seulement de courts et brefs instants de tranquillité, celle-ci recommence à gâcher mon œuvre de ses immondes conceptions.
Emporté par une extrême fureur, je roule en boule ma feuille de dessin et la jette avec brutalité dans la poubelle. Mes crayons de couleurs trainent encore sur la table basse, tout près de ma gomme et de ma trousse en cuir brun. Je croise les bras, puis boude en tailleur sur le tapis, observé avec douceur par maman. Après quelques minutes, elle s'approche enfin de moi et se met à genoux pour être à ma hauteur.
- Qu'y a-t-il mon petit poussin ? me demande-t-elle d'un ton mielleux et réconfortant.
Je ne réponds pas, ne parvenant toujours pas à exprimer mes pensées envahissantes par des mots, puisque ceux-ci sont encore bien trop complexes pour moi. Je lui montre alors une tête infiniment triste et pointe la poubelle en plastique de mon doigt boudiné de bambin.
- Méchants bonhommes ! je m'écris en essayant de lui expliquer mes malheurs.
Elle déplie donc soigneusement ma feuille colorée et reste bouchée bée devant mon monde miniature entièrement fait d'ébauches. La terre resplendit de vie au milieu de l'espace désormais sombre comme la nuit. Seuls de tout petits hommes de bâtons semblent se disputer sur sa surface entre d'immenses bâtiments de fer et de béton. Ici et là traînent encore quelques bêtes et animaux domestiques difformes, mais la plupart ont déjà étés chassés par les petits bonhommes, bien qu'ils en gardent certains enfermés pour eux. À droite, sur la vaste feuille de dessin, à la fin même du déroulement de toute l'histoire, des volcans fumants explosent de couleurs et y détruisent les hommes apeurés qui essayent tant bien que mal de fuir la colère de la nature et son retour envahissant.
Alors qu'elle pose à nouveau le regard sur l'enfant, elle aperçoit d'ores et déjà un fin sourire qui illumine son doux visage de puissant créateur.
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