Le soir tombe sur mon esprit et, déjà, je ressens ce soulagement particulier et fugace qui accompagne la tombée de la nuit avec la fatigue pesante d'une longue journée qui s'est écoulée.

J'étais encore enfant quelque instants auparavant. Pourquoi suis-je déjà presque adulte ? Que s'est-il donc passé pendant ce si court laps de temps ? Comment peut-on changer si vite ?

La fatigue monte derrière mes paupières à demi-closes. Elles cherchent à rester ouvertes. Elles ne veulent pas être fermées pour l'éternité. Pas encore. Du moins, pas tout de suite. Mes yeux réclament eux aussi leur liberté. Ils veulent vivre encore. Observer une fois de plus ce monde éphémère qui les entoure. Ils changent à chaque seconde qui passe, mais ils veulent être à chaque instant.

Toutes ces émotions ! Toutes ces angoisses ! Toutes ces péripéties d'une vie entière qui est passée ! Pourquoi, alors ? Et ces pensées qui tournent en boucle dans mon esprit, dans mon âme. Ces voix qui sans cesse reviennent à mon oreille me murmurer de sombres choses... Que me veulent-elles ? Que m'apportent-elles donc ?

Suis-je enfin tombée dans la folie ? Ai-je donc finalement chuté dans cette abîme profonde de l'inconscience ? Les autres, eux, semblent passer à travers toutes ces futiles angoisses, toutes ces préoccupations dérisoires. Ils parviennent à vivre. Ils oublient bien ces questions-là. Ils s'occupent. Tout, pour oublier ! Ne pas penser ! Au fond, ils ont peut-être raison. Pourtant, je continue malgré tout de m'éloigner d'eux. Encore plus loin. Toujours plus loin.

Aussi, plus rien ne me réjouis à présent. Plus rien ne peut m'enthousiasmer. Tout n'est plus que déceptions amères, regrets douloureux et remords inconsolables. Perspectives et ambitions ont elles aussi disparues avec le temps. Rêves et espoirs se sont eux lentement effacés dans mon esprit si singulier, avec le temps, avec les années.

Un cercle vicieux s'est enfin formé. Un cercle qui n'en finit plus. Un cercle qui perd les âmes, qui enfonce les esprits, détruit les pensées. Alors... quand le soir tombe sur mon cœur... je laisse la nuit m'emporter.