La Lettre
Dans un dernier élan d'espoir, une jeune fille meurtrie et affligée par la vie entame de rédiger sa première et toute dernière lettre alors même qu'elle fait face aux trois divinités de la Mort, dans la chambre des condamnés : la Douleur, le Temps et le Néant. Comment s'était-t-elle retrouvée là ? Elle ne s'en souvenait plus. Elle avait pourtant été une des plus précieuses confidentes de la Douleur, dans sa vie antérieure, mais elle fut aussi malheureusement victime d'une horrible trahison de sa part ; il l'avait, tout simplement, abandonné à sa nouvelle fonction de héraut de la mort.
J'ai peur.
Tout simplement : j'ai peur. Voilà comment décrire, en quelques mots seulement, de profondes pensées dans leur entièreté pourtant si évidente ; telles qu'elles sont réellement et simplement, juste là, posées sur le papier.
Je peux blesser profondément, je le sais bien ; j'en ai le pouvoir désormais, puisque je l'ai aussi déjà fais une unique fois auparavant. Mais ces même blessures, pourtant, je les connais bien moi aussi ; je les ais toujours subies, tellement ; mais en silence, dans un silence profond et douloureux que je pensais pouvoir être durable, même éternel.
Pourtant, j'avais tort.
Jamais je n'avais connu ces problèmes-là, avant ; alors que toi, tu avais déjà expérimenté ces choses-là, de nombreuses fois même, à ce qu'il semblerait.
Mais aujourd'hui, je dois y faire face, menant trois batailles à la fois, combattant avec ardeur, faisant pour la première fois face à ces trois fronts, malgré tout si différents, en vain.
Je ne le peux.
Pourquoi avoir décidé de déclarer votre guerre au même moment, au même endroit ? Je ne le saurais probablement jamais.
Je pensais néanmoins pouvoir toujours rester la même : invisible. Mais ensemble, vous en avez décidé autrement, malgré moi. Vous m'avez ainsi obligé à prendre des décisions, à changer, à avoir peur.
C'est bien cette peur-là, pourtant, grandissante et permanente, que vous continuez de maintenir à chaque instant de mon existence. Est-ce pour votre semblant de bien-être ? de bonheur ? votre faible espoir peut-être ? toujours plus puissant, plus fort et plus réel à mes yeux.
Devrais-je donc seulement me laisser ainsi haïr de vous, progressivement, le temps de réfléchir, de me poser les bonnes questions, d'apprendre à vous considérer, tous ; de peser les pour et les contre à l'aide d'une balance tout aussi matérialiste, pour ainsi vous ôter toute humanité, le temps d'apprendre à me connaître moi-même ?
Je ne le veux pas.
Cependant, pour pouvoir continuer à vous parler, ou juste rester tout près de vous, tel la présence rassurante et protectrice que vous êtes pour moi ; pour que vous continuiez à faire partie de ma vie, alors même qu'elle est déjà bien en désordre et qu'elle continue de perdre tout de son sens et de son charme ; devrais-je être une autre que moi même pour vous ? devrais-je changer encore pour éviter cette peur constante et insupportable que vous me faîtes subir sans cesse ? ou alors, devrais-je, au contraire, redevenir celle que j'étais avant, bien avant : l'invisible, l'innocente, la solitaire ?
Je ne peux m'y résoudre.
Par conséquent, je ne me résoudrais donc pas à former une alliance, à choisir un camp dans cette guerre que vous m'avez tous ensemble déclaré, contre ma volonté et que je ne voulais point subir ; quitte à lever le drapeau blanc encore pour le moment tout-a-fait immaculé.
Si je parviens à attendre dans cette appréhension permanente, irréversible et définitive, alors vous tous pouvez - vous aussi, j'en suis certaine - tout aussi bien m'attendre et me laissez me relever progressivement de cette effroyable déclaration de guerre que vous me faîtes subir et que vous me menez désormais sans cesse.
Aussi, j'abandonne.
C'est bel et bien cette douleur profonde et sans fin qui hante mes quelques dernières pensées rescapées ; celle qui s'ajoute encore à la liste de mes peines, de mes souffrances. Une liste qui n'en finit plus, elle aussi. Parfois, j'aimerais juste que tout cela s'arrête enfin, et bien souvent j'y ai pensé, trop souvent...
Alors pourquoi tenter à tout prix de lever ce drapeau blanc auquel je tiens tant ; quand je pourrais tout simplement tomber à terre, sur les genoux, le buste droit ; et attendre que ces trois armes posées sur mes tempes tirent enfin leur bouquet final ?
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