∴Hiver∴

Ses mains gantées parcouraient mon dos, il m'enlaçait tendrement par-dessus nos deux gros anoraks d'hiver et mon cœur vibrait de bonheur, tel les ailes d'une abeille virevoltant à travers les champs en fleur. Il me regarda dans les yeux, s'écartant pour mieux me dévorer du regard et j'en fit de même. Son allure détendue, ses cheveux noir en bataille qui dépassaient de son bonnet bleu et la neige derrière lui qui recouvrait les arbres et la verdure, lui donnaient un petit air rebelle assez séduisant. Il souriait, ses yeux verts, presque émeraudes, pétillaient de joie et d'un bonheur contagieux. Nos mains s'enlacèrent tout naturellement, puis il approcha lentement ses lèvres des miennes. J'eus un léger mouvement de recul, ne m'attendant pas à une telle hardiesse de sa part, mais je me repris rapidement et m'avança tout aussi lentement que lui. Lorsque nos lèvres se frôlèrent enfin, un frisson me traversa le corps. Jamais, auparavant, je n'avais ressenti une telle sensation.

Cela faisait maintenant près d'un an que nous nous étions rencontrés, Eliott et moi, et nous étions devenus dès lors inséparables. Notre première rencontre se fit au lycée, nous avions déjà dix-sept ans tous les deux et nos casiers avaient été placés par le destin côte à côte. On ne se connaissait pourtant pas le moins du monde, mais petit à petit, on a commencé à se parler, puis à aider l'autre à ranger ses livres ou à lui ramasser la trousse qu'il avait faite tomber par mégarde. Le seul lieu où j'allais le plus souvent, après sa rencontre, fut mon casier. Même lorsque Eliott n'était pas là, je l'attendais quand même. Car je savais bien qu'il finissait toujours par me rejoindre. Mon cœur palpitait souvent à toute allure, désirant ardemment le voir lui aussi. Mais c'est seulement lorsqu'il arrivait enfin que tout mon être en était entièrement comblé. Il en devenait presque une drogue. Je voyais d'ailleurs très peu mes amis depuis que je l'avais rencontré et ils me le faisaient bien souvent remarquer. Mais moi, tout ce que je voulais, c'est qu'enfin, après des mois et des mois d'attentes, près de nos casiers, il tombe lui aussi amoureux de moi. Finalement, ce jour arriva, j'avais encore fait exprès de faire tomber mes livres que je tenais à la main. Eliott, comme à notre habitude, m'aida à ramasser les feuilles éparpillées dans le couloir. Je lui dis merci, on parla un peu, puis la sonnerie retentit. Une fois à mon bureau je pris mes livres d'histoire et dans l'un d'eux je vis une petite feuille dépasser avec ces simples mots écrits dessus : « Je t'aime ». Prise d'allégresse, j'ai levé la main et ai demandé à sortir, faisant croire que j'étais malade. J'ai couru, remplie d'un entrain sans fin. Au bout du long couloir, à côté de deux casiers que je connaissais si bien, j'aperçus Eliott. Nous nous sommes serrés très fort et un frisson m'a parcourut l'âme, un frisson rassurant et plein d'amour.

Depuis ce jour, nous sommes allés dans de nombreux parcs remplis de fleurs, de balançoires et d'enfants jouant et riant, nous tenant constamment la main avec passion, ainsi que dans des forêts somptueuses, ou autour de lacs peuplées d'animaux divers. Nous étions toujours en promenade dans la nature, main dans la main.

Ses mains gantées parcouraient toujours mon dos et après nous être longuement embrassés, je lui demandai avec prudence :

- Eliott, dans sept jours c'est noël tu sais et je voudrais le fêter avec toi pour une fois. Seulement, cette année...

Les mots me restaient coincés dans la gorge. Je savais que cela le mettrait mal à l'aise.

Mais il me questionna, toujours souriant de son bonheur contagieux qui me faisait à mon tour sourire, et même si le malaise n'allait pas tarder à surgir :

- Alors, seulement quoi ? Bien sûr que nous allons fêter noël ensemble !

- Eh bien cette année j'ai promis à ma famille d'être là pour noël. Mais je veux aussi le passer avec toi. Eh donc... je voulais t'inviter.

Eliott n'avait plus de famille depuis bien longtemps, il était fils unique et il y a maintenant trois ans, son père est mort suite à un accident de voiture. Il s'était fait renverser par un camion trop chargé et il était passé immédiatement dans l'autre monde sans que personne n'ait pu le sauver. Quant à sa mère, Eliott l'avait toujours détesté. Elle était d'après lui détestable et sans-cœur. Quand son père est mort, il a attendu d'avoir la majorité puis est parti s'acheter un appartement pour ne plus jamais la revoir. Il n'avait effectivement plus jamais entendu parler d'elle. Pour lui, le sujet « famille » lui faisait donc toujours très mal au cœur et je pouvais le voir à son visage anéanti et affligé.

Il répondit donc d'une voix accablée mais toute aussi douce :

- Je t'aime tu le sais bien et je veux évidemment passer ce noël avec toi ! En plus, je vais pouvoir rencontrer toute ta famille ! Enfin, surtout voir ta chambre de petite fille, dit-il en riant.

Il me raccompagna devant mon appartement puis m'embrassa sobrement sur le perron. C'est avec un air un peu peiné qu'il partit.

Sept jours passèrent. Le matin, j'avais fait ma valise et l'avait remplit de vêtements pour plus de six jours. Je m'étais habillée avec une robe en laine bleu qui s'assortissait très bien avec mes cheveux roux. J'avais mis des collants chauds et mon manteau était posé sur ma table basse. A neuf heures et demi j'entendis toquer à la porte, mais aussi à celle de mon cœur qui commençait déjà à vibrer rapidement. Je courus presque pour aller ouvrir la porte et je vis Eliott, habillé d'un pull en laine bleu assortit à ma robe qu'il avait dû acheter après m'avoir vu la prendre. Je rigolai en le voyant le porter et il en fit de même. Pour le reste, il avait fait simple, une veste noire en cachemire et un jean assorti. Sa valise était posée à ses pieds. Ce moment était si parfait, j'en aurais presque pleuré, je sautai alors sur lui et le serrai fort, en pensant : « Voilà, pour tous les câlins que tu ne peux pas faire pour ce noël, le premier sans ton père adoré »

Je dis :

- Je t'aime.

- Et moi...encore...plus, dit-il en faisant une pose à chaque mot.

Après nous être longuement enlacés, Eliott prit nos valises et les mit dans le coffre de sa voiture, pendant ce temps je fis deux chocolats chauds.Puis il remonta et nous bûmes silencieusement. On monta dans la voiture, lui au volant et moi sur le siège coté passager. A travers les vitres, au dehors, la neige tombait violemment. Mais au sol, il n'y avait même pas un centimètre de neige. Eliott tapa la destination sur le GPS qui dit avec une voix de femme robotique :

- Il vous reste deux heures.

Ma maison d'enfance n'était pas la porte à coté, mais j'avais hâte d'y être. Nous roulâmes durant une heure sans un mot car, plus nous roulions, et plus la neige tombait rapidement autour de nous. Nous étions de plus en plus inquiets. Eliott commençait à angoisser car la neige au sol faisait maintenant dix centimètres et il était difficile et très dangereux de rouler. Il alluma la radio pour écouter la météo, et malheureusement, le mauvais temps allait encore empirer. Alors qu'hier, lorsque nous l'avions consulté, seulement quelques flocons de neige avaient été annoncés pour cette journée. Nous étions sur l'autoroute, il était donc impossible de s'arrêter et la prochaine aire de repos se trouvait deux kilomètres plus loin. Eliott roulait à seulement dix kilomètres heures. Il était très prudent et j'admirais en silence ça façon de garder son sang-froid et de rester si concentré par ces conditions. La neige faisait maintenant vingt centimètres au sol et continuait à tomber. Nous ne voyions plus personne d'autre sur l'autoroute, et à la radio, ils conseillaient de ne plus sortir de chez soi. On était en vigilance rouge. Je coupai donc la radio et l'angoisse nous envahit.

Nous ressentîmes soudain un choc. La voiture avait glissé sur du verglas et filait à toute allure vers le bas-côté. Je regardai les yeux vert émeraude d'Eliott. Un grand fracas retentit et ma tête heurta la vitre. Je rouvris les yeux, la voiture avait basculer sur le côté et Eliott était presque mort. Il penchait de mon côté, son crâne saignait et je recevais ses gouttes de sang sur le front. Je lui pris la main, l'embrassai... il s'était éteint. Je pleurais toutes les larmes de mon corps, désormais desséché, et ressentis une profonde douleur au niveau de ma poitrine. Tant bien que mal, je pris Eliott dans mes bras. Tous les moments heureux que j'avais passé avec lui me revinrent comme un coup de poignard en plein cœur et un frisson glacé me parcourue l'échine. Les vitres cassées laissaient désormais passer le froid ardent et je ne sentais plus mes mains. Je palpai alors mon cou, sentant que j'étais blessée, et trouvai un petit morceau de verre planté dans ma jugulaire, le sang y coulant à flot. Des étincelles passèrent sur mes yeux, un malaise m'envahit et mes yeux se fermèrent. Je partais rejoindre Eliott dans l'autre monde, un monde sûrement meilleur...

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