Smile - Kai x D.O

J'étais peut-être bien trop stupide à l'époque. Lorsque comme un idiot, je croyais au bonheur... Certains disent que la vie est simple, que nous sommes juste bien trop compliqués et bien trop têtu pour comprendre à quel point il est aisé d'y faire face et de l'admettre. Mensonge. Il n'y a rien de plus difficile que de vivre, selon moi. Quand j'étais encore enfant, ma mère me répétait souvent qu'il fallait voir les choses du bon côté, qu'il fallait que je fasse ce que j'avais envie de faire, que j'aime les gens que j'avais envie d'aimer, que je respire pour rire à nouveau demain. Foutaise. Nous sous-estimons réellement le pouvoir de l'inattendu. Il arrive, souvent quand on s'y attend le moins et il nous pourri la vie, il anéanti le long chemin que nous nous sommes fatigués à construire pour au final ne nous laisser que la douleur et la profonde cicatrice de cette déception. Par chance, certains ne la connaissent qu'en fin de vie, d'autres doivent y faire face dès leur plus jeune âge. C'est ce qui explique le fait que nous ayons tous une perception différente de nos vies. Mais croyez-moi, lorsqu'on percute l'inattendu de plein fouet, lorsqu'il vient brusquement nous secouer, toute personne ressent la même chose. Parce que la peur est certainement le sentiment le plus cruel qu'il y ait sur terre et que malheureusement...personne n'y échappe. Alors non, le meilleur n'est pas à venir. Non, la vie n'est pas une chance que chacun doit saisir. Non. Vivre, ça fait mal. Et même si les gens pensent qu'une vie doit être faite de haut et de bas, moi...je peux vous assurer que non. Pour la simple et bonne raison que depuis trois ans, je ne côtoie que les plus sombres moments de ma vie...

Il y a beaucoup d'homme sur cette terre qui mériterait la mort autant que de nombreux disparu mériterait la vie. Perdre sa moitié n'est pas facile. Pour dire vrai, la disparition de l'être qu'on admire et qu'on aime le plus au monde ne vous rend que plus vide, complètement dénué de sens. Ce n'est pas qu'une simple tristesse passagère, ce n'est pas qu'une minime pression irritante, une insignifiante souffrance qui finira par s'en aller avec le temps, non. C'est un malheur, un si grand malheur que votre cœur cesse de battre correctement. C'est si affligeant que plus aucun son ne sort de votre bouche, que vos poumons cessent de fonctionner...tout s'arrête. Tout, sauf cette putain de douleur, cette insupportable et odieuse souffrance. Elle finit par vous habiter, quotidiennement. Cette profonde détresse vous rend fou, tellement que vous venez même à penser au suicide pour en finir. C'est impossible de l'éviter, de l'éteindre, de la faire disparaître parce qu'on y pense constamment. Et plus on y pense, plus il est difficile de l'endurer. Se créé alors un désespoir, un chagrin, une torture bien plus éprouvante que tout le reste. Et les larmes coulent, elles dévalent vos joues, inondent votre bonheur passé, noient tout espoir et projet futur, elles roulent sur tout ce que vous avez connu auparavant, jusqu'à ne garder que les souvenirs éprouvants. Mon frère était pour moi la personne qui méritait le plus de vivre. Il était irréfléchi, tête-en-l'air, égocentrique et associable. Notre entourage ne le comprenait pas toujours mais lorsqu'on vivait avec lui 24h/24, lorsqu'on passait tout son temps à rire, à déconner avec lui, on finissait par s'y attacher et découvrir une âme fragile. Il se trouvait beau, un peu trop même. Il s'acclamait béni par les Dieux pour ses grands yeux et son charme à faire tomber toutes les filles. Il avait raison. Il était extrêmement beau. Mais au fond, je sais que toute cette mascarade excentrique n'était qu'un moyen de se protéger des autres. Il parlait fort, il n'était jamais d'accord avec personne et tous le craignait lorsqu'il voulait avoir raison. Il était insolent avec nos parents et s'embrouillait souvent avec notre mère mais c'était plus fort que lui. Un peu avant de disparaître, il m'avait avoué avoir peur que maman le déteste. Et que c'était pour cela qu'il se sentait obligé d'entrer en confrontation avec elle en permanence...parce qu'il lui en voulait de ne pas lui porter toute la même attention qu'elle me portait à moi. Je me suis sentie coupable pendant des semaines, comme si je lui avais volé sa mère alors que moi-même je ressentais un sentiment similaire concernant notre père. En y réfléchissant bien, nous avions totalement faux. La raison était que frère avait toujours été le chouchou de notre père et moi, celui de notre mère. Nous étions tellement idiots.

– « Ça va aller ? » me demande-t-il, plutôt embarrassé de m'avoir mis dans un tel état. J'hoche à peine la tête pour lui répondre, les larmes aux yeux. Il devrait pourtant avoir l'habitude. A chaque fois que nous évoquons le cas de mon frère, je ne peux m'empêcher de pleurer comme un lâche. « Prenez votre temps, n'hésitez pas à vous asseoir quelques minutes dans la salle d'attente avant de reprendre la route. » suppose-t-il gentillement. Je m'avance donc dans le long couloir, sans plus aucune force. Fatigué, je me laisse tomber sur une chaise, pour me recroqueviller sur moi-même. Je porte ma tête entre mes mains, essayant de me contenir. Mais silencieusement, les larmes coulent et silencieusement, je pleurs. Je pleurs parce qu'il me manque. Mes parents m'ont obligé à continuer d'aller voir un psy après que j'ai quitté le centre d'internement. Je me suis senti tellement misérable après ma tentative. Sérieusement, quel idiot est assez inapte pour ne pas réussir à se tuer lui-même ? Même ça, j'en suis incapable apparemment. Hyung nous a quitté brutalement dans un accident de voiture. Il allait au travail, comme tous les matins. Il empruntait la même route, comme tous les matins. Et comme tous les matins, il était en retard. Le choc lorsqu'on vous apprend que votre grand-frère est décédé subitement parce qu'il essayait simplement de ne pas se faire réprimander par son patron, vous fait prendre conscience à quel point la vie est merdique. Et c'est aussi à ce moment là que, pour les plus faibles d'entre nous, nous choisissons d'y mettre un terme bien avant que la faucheuse ne l'ait décidé d'elle-même.

– « Tenez. » m'interrompt une voix grave mais douce. Je relève la tête, surpris qu'il y ai quelqu'un à côté de moi. Je suis tellement lent et tellement détaché de la réalité que je n'ai même pas remarqué sa présence. Je pose les yeux sur un homme, les cheveux blonds, plutôt bronzé, les yeux en amande, les lèvres pulpeuses. Comme à ma fâcheuse habitude, je le détaille longuement dans ma tête. Il porte un jean délavé, troué au niveau des deux genoux, une chemise blanche, légèrement entrouverte, laissant apparaître sa chaîne et sa croix en or, finalisé par des mocassins noirs, lui donnant un air assez décontracté. D'une main, il me tend un mouchoir, visiblement gêné d'assister à la scène qui s'offre à lui.

– « Ce n'est pas nécessaire, je... » marmonnais-je, les joues rouges. Étrangement, cet inconnu m'est extrêmement intimidant. D'autant plus qu'il m'a regardé pleuré...

– « Vous êtes sûr ? Pourtant, vous... » Il s'arrête au beau milieu de sa phrase pour venir essuyer mes larmes de son tissu. Instinctivement, je me recule pour éviter son contact. Pour qui est-ce qu'il se prend à venir me toucher comme ça ? Énervé par son initiative, je fronce les sourcils, me contentant de le maudire intérieurement alors qu'il paraît désolé. « Je ne voulais pas vo... »

– « Monsieur Kim. Vous pouvez entrer, il a quelques minutes de pause avant le prochain patient. » annonce la secrétaire, sans lever les yeux de son bureau. L'énergumène en question se lève rapidement de sa chaise à l'appel de son nom. Malgré tout, il prend le soin de déposer son mouchoir à mes côtés avant de s'incliner respectueusement et de s'enfuir d'un pas rapide jusqu'au bureau du docteur Kim. Intrigué par sa gentillesse, je pense être bien resté observer son bien entre mes mains pendant plus de dix minutes avant de quitter les lieux. Comme quoi, l'humanité peut encore s'en sortir s'il reste des gens comme lui sur cette terre.

Le regret est un sentiment épouvantable. Parce que dès qu'il se fait ressentir, l'amertume s'imprègne en nous. La contrariété devient une émotion habituelle, qui ne cesse de se répéter jour après jour. C'est une sorte de mécontentement qui tourne en boucle et qui ne s'arrête jamais. Le problème est que rien ne peut remédier à cette sorte de désolation et de mélancolie. Parce qu'il est impossible pour nous, les hommes, de revenir en arrière, de réparer nos erreurs. Du moins, lorsque cela concerne la mort d'un proche. Je regrette de ne pas avoir passé plus de temps avec mon frère. Je m'en veux de ne pas l'avoir pris dans mes bras quelques jours plus tôt, de ne pas avoir humecter son odeur, de ne pas avoir appris les traits de son visage par cœur, de ne pas avoir enregistré le son de sa voix rauque mais délicieuse à mon oreille. Parce que tout me manque. Deux jours sans le voir et j'avais l'impression de l'oublier. L'oublier, lui... C'est une peur que je ne peux contrôler. Je me suis sentie coupable d'être en vie, je me suis sentie coupable de ne plus me souvenir de son rire, de ne plus me souvenir de cette affreuse façon qu'il avait de me frapper lorsque nous dormions ensemble. Oui, j'ai la gorge qui se serre, j'ai ce nœud qui se développe en moi à chaque fois que je veux me souvenir de lui. Parce que j'ai peur, un jour, de ne plus réussir à m'en souvenir. Le manque est certainement ce qu'il a de plus dur à surmonter. Comme on dit, un être vous manque et tout est dépeuplé. Parce qu'il y a ses petites habitudes qui se sont crées au fur et à mesure que nous grandissions et qui ont fâcheusement disparu avec lui, il y a trois ans. Et c'est dur. C'est très dur de perdre ses repères, c'est une sensation inexplicable. Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est affreux. Parfois, je reste observer le petit fauteuil que j'ai chez moi, sans rien faire d'autre, sans aucun bruit autour. Parce que c'est à cet endroit précis qu'il venait s'asseoir à chaque fois qu'il me rendait visite, parce que c'est sur ce putain de fauteuil que nous nous chamaillions pour choisir le programme télé et parce que c'est sur ce meuble hideux qu'il venait me raconter ses secrets et ses histoires d'amour. Pourtant, même si je hais ce stupide fauteuil, je n'arrive pas à m'en défaire. Pour la simple et bonne raison qu'il me fait ressentir sa présence, en permanence et que grâce à lui, j'arrive un peu mieux à dormir.

La mort nous empoisonne. Parce qu'elle nous fait prendre conscience qu'aimer quelqu'un c'est douloureux, mais que perdre quelqu'un l'est encore plus. Décrocher, sentimentalement parlant, d'une personne est plus difficile lorsqu'elle n'est plus là. Parce que ni lui, ni moi, n'avons décidé de mettre un terme à notre relation fraternelle. C'est ce fichu karma, ce connard que les gens appellent 'destin' qui en a décidé ainsi. Rien ni personne ne nous a poussé à rompre nos liens, seule la mort l'a fais et c'est certainement ce qui rend le deuil plus difficile. La mort brise nos rêves. Elle m'a fais perdre le contrôle. Je me suis totalement effondré depuis ce jour. Croire en ses rêves ? Vivre pour les rendre réel ? A quoi rime l'espoir, l'optimisme, la conviction si nous ne sommes pas maître de nos vies ? Pourquoi vais-je me battre pour devenir quelqu'un si ma destinée en a décidé autrement ? A quoi bon prédire les choses, à quoi bon les éviter, les combattre si tout est déjà écrit d'avance ? Je préférerai mourir...mettre un terme à tout ça...à cet abandon, à cette absence, à cette apathie, à cet assèchement épuisant qui ne fait que puiser encore et encore toute mon énergie. Pourquoi ouvrir les yeux le matin ? Je ne travaille pas, ma famille me prend pour un fou, j'ai perdu toute ma joie de vivre, mes larmes ne font qu'emplir mes yeux à chaque pensée que j'ai pour lui. L'appétit a disparu, le sommeil ne me vient plus, je vis sous traitement, je ne pense plus convenablement, je suis même incapable de ressentir les choses. Le touché, le goût, l'odorat, l'ouïe...je ne sais même plus comment les utiliser... Seule la vue me reste, me rappelant chaque jour qu'il n'est plus là.

– « Vous n'êtes pas très bavard aujourd'hui... Vous ne voulez pas discuter ? » me demande le docteur Kim. Je tourne lentement les yeux vers lui, blasé de ne connaître qu'une routine aussi douloureuse. Il se gratte nerveusement la gorge, cherchant le meilleur moyen de m'extirper quelques informations sur mon état mental. « Vous allez manger chez vos parents, ce soir ? » N'ayant vraiment pas l'envie d'entretenir une conversation avec lui, je reviens observer la petite tâche grisâtre qui est étalée sur le plafond blanc de la pièce. Je me demande ce que c'est depuis maintenant plus d'un an...peut-être qu'un jour, j'aurai ma réponse. « Bien... Peut-être devriez-vous rentrer vous reposer avant d'aller chez vos parents. On va dire que c'est assez pour aujourd'hui. » m'apprend-il, visiblement impatient. Je le comprends. Moi-même, je serai désespéré par un cas comme le mien si j'étais psy. Je me redresse doucement, presque assommé de n'avoir rien dit, ni rien fait à part m'allonger sur ce stupide sofa. « Je ne vous en tiens pas compte pour aujourd'hui. Mais vendredi, j'attends beaucoup de votre part. Vous savez comment c'est... Si vous ne faite aucun effort, je ne peux rien pour vous. Il vous faut de la volonté pour vous sortir de cet état sinon, il y a des risques pour que vos parents vous oblige à retourner là-bas. Et ce n'est certainement pas ce que nous souhaitons, n'est-ce pas ? » me demande-t-il, insistant sur ses mots en secouant sa tête de droite à gauche. Il est vrai que je préfère perdre du temps chez moi plutôt que de le perdre chez les fous.

– « Non...certainement pas. » murmurais-je, sans grande conviction. Nous nous serrons respectueusement la main, mettant fin à notre rendez-vous du mardi un peu plus tôt que prévu. Alors qu'il accueille rapidement un autre patient, je m'autorise quelques secondes de répit dans la salle d'attente. C'est une habitude que j'ai prise depuis la première fois. Et comme la secrétaire ne fait jamais attention à moi, j'ai décidé que rien ne m'en empêchait. C'est un moment que je m'accorde à moi, comme une sorte de cadeau si on peut dire. Parce que tout semble affreusement normale dans cette pièce. C'est calme, blanc, sans aucune émotion. Rien ne vient me contrarier, rien ne me rappelle hyung. Tout est vide de sens. Seul le bruit du clavier m'accompagne dans cette solitude et j'apprécie, au moins un peu, ces quelques minutes.

– « J'suis désolé, j'suis un peu en avance. Le docteur Kim est avec un patient ? » s'interroge une voix dans un essoufflement certain. Curieux, j'observe l'inconnu reconnaissant immédiatement l'homme qui m'avait offert son mouchoir la dernière fois. Il me paraît cependant beaucoup plus fin et beaucoup plus grand, certainement à cause de ce slim noir qui lui colle à la peau.

– « Il a fini un peu plus tôt avec son précédent rendez-vous, alors il a décidé de prendre de l'avance avec un autre patient. Je pense qu'il en a pour au moins une heure. Peut-être devriez-vous revenir plus tard ? Je peux le prévenir de vous appeler dès qu'il a terminé, si vous voulez ? » propose mielleusement la secrétaire, sûrement très intéressé par le jeune homme. Le blond réfléchit quelques minutes, se grattant la brillante chevelure pour le faire.

– « Et bien, peut-être que j'vais aller boire un café à... » Son regard croise hasardeusement le mien, m'incitant à détourner les yeux, comme si je venais d'être pris en flagrant délit. Subitement, l'homme s'avance vers moi, déterminé à échanger avec ma personne. Sans réellement savoir pourquoi, ma respiration s'accélère trahissant le fait que tout cela me semble étrange. L'inconnu prend place à mes côtés, exactement à la même place que la dernière fois. « Vous allez mieux ? » s'inquiète-t-il indiscrètement. Je relève la tête vers lui, surpris par sa question complètement stupide.

– « J'ai votre mouchoir. » dis-je en l'attrapant dans ma poche de manteau. Je le lui tends avant qu'il ne puisse commencer sa phrase, souhaitant simplement qu'il s'éloigne de moi le plus vite possible. Le blond ricane légèrement, sûrement étonné que je l'ai sur moi. Pour être honnête, il m'est arrivé de penser à lui après ce jour. Cela fait déjà presque un mois qu'il m'a vu pleurer mais, certainement sans le vouloir, il a occupé mes pensées pendant quelques heures durant ses longues semaines. Ce qui est assez bizarre, surtout venant de moi. Je ne savais pas trop quoi penser de lui, à part...qu'il était un peu trop tactile et sans gêne mais qu'il avait un bon fond. J'ai essayé de trouver une raison à sa présence ici. Parce que le docteur Kim ne s'entretient qu'avec des cas assez graves, alors...la curiosité m'a piqué. J'ai vainement cherché à comprendre comment est-ce qu'il faisait pour cacher sa souffrance. Parce qu'il est indéniable que toutes les personnes qui viennent ici la ressente, cette foutue émotion.

– « Ce n'était pas nécessaire, vous savez. Je vous l'ai donné, après tout. » prononce-t-il d'une petite voix pour ne pas faire trop de bruit. Pour se faire entendre, le blond s'est inconsciemment penché vers moi, diminuant la distance entre nos deux visages. Et pendant un instant, un infime instant, j'ai réellement pensé qu'il était beau. Mais surtout, qu'il avait le même sourire que hyung...

– « Je...je l'ai lavé. Il est propre, vous pouvez le récupérer. » bégayais-je timidement en insistant pour qui le prenne une bonne fois pour toute. L'énergumène accepte de récupérer son bien d'une expression radieuse. Et, alors que je pensais en avoir fini avec lui, je l'observe secrètement s'asseoir confortablement. Mince...ne devait-il pas aller boire un café ou je ne sais quoi ? Il soupire lourdement, étirant ses bras joyeusement, comme s'il attendait impatiemment d'aller s'enfermer dans le bureau du docteur Kim pour raconter sa vie.

– « Je déteste attendre. C'est vraiment une perte de temps... Bordel, j'ai même couru jusqu'ici, pensant pouvoir passer avant le dernier patient... Oh, mais...vous êtes déjà passé, vous ? » pense-t-il de manière plus concrète. A quoi est-ce qu'il joue ? On dirait qu'on fait la queue chez le dentiste et que tout est absolument normal pour lui. Je réponds hâtivement d'un hochement de tête. Me voilà insidieusement intrigué par cet énergumène, sans aucune gêne. « Vous voulez aller boire un café avec moi ? A moins que, vous n'attendiez quelqu'un ? » Je hais la fâcheuse manière qu'il a à poser de nombreuses questions en même temps comme si nous étions amis, lui et moi.

– « Non, je... J'allais partir, je... C'est juste que je voulais...enfin... » Je me perds moi-même dans ce que je souhaite dire. C'est idiot, mais comment expliquer à un inconnu que j'aime attendre dans cette salle d'attente, contrairement à la plupart des gens normaux ? Je me sens rapidement bête et étrange à ses yeux alors que lui, ne quitte toujours pas son sourire heureux.

– « Je vous offre un café, alors. » annonce-t-il tout en se levant énergiquement de sa chaise. Pourquoi ses yeux ne cessent-ils pas de sourire de cette façon ?

– « Oh, non, je... »

– « Un chocolat chaud alors ? C'est vrai que c'est sympa d'en boire...surtout lorsqu'il fait moins deux dehors. » plaisante-t-il chaleureusement. Me voilà embarqué malgré-moi dans le café d'en bas alors que depuis plus de trois ans je n'avais plus mis les pieds dans un tel lieux. Les gens parlent, rient, hurlent même, faisant beaucoup trop de bruit à mon goût. J'en ai presque mal à la tête tellement tout ça est si soudain pour moi. Le blond nous mène rapidement à une petite table, près de la fenêtre alors que la neige continue de tomber à flot. « Deux chocolats chauds, Yemi ! » s'écrit-il en s'adressant à l'une des serveuses derrière le comptoir. On dirait bien que c'est un habitué... « Moi, c'est Kim Jongin. Et toi ? » se présente-t-il finalement, me tendant la main. Je reste pétrifié par ce geste amical. Bien qu'inoffensif, je ne peux que redouter de toucher quelqu'un d'autre. Surtout quelqu'un que je ne connais pas... Cependant, je ne souhaite pas le laisser penser de moi que je suis aussi bizarre. J'ai l'infime envie qu'il me voit sous mon meilleur jour, même...si cela est réellement impossible.

– « Do Kyungsoo. » susurrais-je presque. Le Jongin sourit, comme si mon identité était une blague. Pourquoi est-ce que je suis là, bordel ?

– « J'espère qu'on pourra devenir ami, Kyungsoo. Tu m'as l'air d'être quelqu'un de bien. Abîmé par la vie, ça c'est certain...mais quelqu'un de fort et de courageux. » avoue-t-il, me laissant sans voix. Au fond, qu'est-ce que cela signifie, vivre ? S'il n'y a pas de famille, d'amis, d'amour, de projet, d'ambition, de rêve, qu'est-ce que cela veut dire ? La plupart du temps, les gens endurent la douleur. Pour ces différentes raisons ou plus ou moins. Parce qu'ils ne peuvent pas abandonner leurs enfants, leurs époux, parce qu'ils ne peuvent pas se passer des conneries et des délires avec leurs amis, parce qu'il ne peuvent pas éprouver seul les aléas de la vie sans leur âme-sœur, leur moitié, parce qu'ils ne peuvent pas admettre la difficulté et l'abandon. Parce qu'en fin de compte, il y a tellement de chose qu'un homme se doit de préserver. La souffrance, l'inattendu, personne ne peut les éviter. La vie en fournit toujours, encore et encore. C'est une sorte de leçon qu'elle s'obstine à nous transmettre. Elle veut qu'on se batte, qu'on gère la douleur, qu'on cherche le remède à ce sentiment insupportable, qu'on referme la blessure, qu'on la fasse disparaître, qu'elle finisse par s'estomper sous le poids de notre foi et de notre détermination. C'est ça la vie. Alors pourquoi...pourquoi suis-je le seul à penser que je n'ai rien de tout ça, que rien ne m'oblige à rester sur cette terre, à vivre pour moi ? J'ai mes parents, pourtant. Je n'ai peut-être pas d'amis, je n'ai jamais connu l'amour mais j'avais des rêves autrefois...alors pourquoi je ne me bats pas, moi ? Pourquoi est-ce que je suis aussi anéanti alors que je ne suis certainement pas le premier à perdre un proche ? Pourquoi suis-je aussi minable, aussi lâche, aussi désespérant alors que d'autre peuvent connaître bien pire que ma situation ? Moi ? Courageux ? Fort ? Tu n'as pas idée de ce que je suis Kim Jongin... « Kyungsoo... Je...je ne voulais pas te faire pleurer, je...je suis désolé. » Il se penche en avant pour venir essuyer mes larmes une seconde fois. Mais cette fois-ci, je ne bouge pas. Je le laisse faire. Laissant ses doigts frôler ma peau à plusieurs reprises. Droit dans les yeux, je l'observe me caresser les joues, totalement impuissant et incapable de réagir. « Tu veux que j'te ramène chez toi ? » propose-t-il, voyant que je ne capte plus rien mis à part lui. Il se lève et fait le tour de la ta petite table pour m'attraper le bras. Doucement, il me traîne jusqu'à l'extérieur. Légèrement perturbé par mon comportement, Jongin reste étudier la situation quelques instants avant de venir remonter la fermeture éclair de ma doudoune et de me mettre ma capuche. « Viens. » dit-il en s'appropriant ma main. Il me force alors à courir avec lui le long de la rue. Légèrement essoufflé, nous finissons par nous arrêter devant une voiture. Moi, perdu, j'essaye de reprendre mes esprits pour comprendre ce que je suis en train de vivre alors que Jongin semble perplexe. « Quel con... J'pense pas que ce soit vraiment prudent de conduire avec toute cette neige... » remarque-t-il, comme s'il faisait face au plus gros problème de mathématique.

– « Peut-être que j'devrai... » commençais-je, voyant là l'occasion de fuir loin de cette atmosphère assez étonnante et énigmatique à la fois. Malheureusement, doué comme je suis, je glisse en voulant reculer. Mais alors que je me voyais déjà atterrir les fesses contre le bitume, Jongin me rattrape de justesse, approchant nos deux visages plus près qu'ils ne le devraient. Les secondes semblent durer une éternité. Yeux dans les yeux, j'analyse ses sombres iris. Plus rien n'a d'importance autour de moi, ce blond qui m'était encore inconnu il y a à peine dix minutes m'hypnotise complètement. Paniqué, lorsque je prends conscience que sa main me maintient fermement le bas du dos, je me redresse et m'écarte de lui, le visage en feu.

– « Je... Je vais te raccompagner jusqu'à chez toi. Dis-moi par où est-ce que je dois aller. » m'ordonne-t-il tendrement. C'est fou comme quelqu'un peut vous faire ressentir différentes choses sans même s'en rendre compte. Pourtant, c'est assez indicible et démesuré, tellement que cela en est presque indescriptible. Jongin vient serrer mes doigts pour me faire réagir.

– « Est-ce qu'on...ne peut pas simplement marcher ? Peu importe où est-ce qu'on va...je ne veux juste par rentrer chez moi. » avouais-je honteusement. Parce que je sais bien que si je rentre maintenant, je vais m'écrouler de douleur à la vue de ce fameux fauteuil. Alors je préfère rester avec lui, bien qu'il soit pour moi impossible de déchiffrer ce qu'il me fait rien qu'en souriant. Mais j'ai envie de m'accorder ce moment, parce que ressentir la chaleur de sa main contre la mienne est tout aussi agréable que d'être assis dans cette stupide salle d'attente.

Quelques médecins ont osé proclamer que la dépression était une opportunité pour l'homme. Lorsque j'ai lu les gros titres dans le journal, il y a de cela quelques mois, j'ai voulu rire. Mais honnêtement, j'en étais complètement incapable. Cette tristesse plus qu'intense, cette impression d'être anéanti, de ne plus pouvoir rien faire de bien dans sa vie, ce sentiment de détresse et d'involonté...il tellement horrible que je n'arrivais même plus à rire. La dépression est une opportunité car c'est le signal qu'il est urgemment nécessaire de faire quelque chose pour soi, qu'il va falloir remédier à sa vie et se remettre en question. La déprime nous fait comprendre que nous ne sommes pas heureux, que quelque chose ne s'est pas bien passé dans nos vie. Et lorsqu'elle dure, lorsqu'elle s'éternise à un tel point que la mort vous semble la meilleure solution, c'est qu'il y a selon vous un trop gros manque pour que vous puissiez vous en sortir. J'ai toujours pensé que hyung était ce manque si vital dont j'avais besoin. Mais comment faire pour combler un vide qui ne peut-être comblé ? La question m'est toujours resté en suspend depuis ce jour...

Alors que je ressors de la salle d'attente, après près de vingt-quatre minutes de patience, Jongin me fait face à l'entrée du bâtiment. Cela serait mentir si je disais ne pas avoir espérer tombé sur lui aujourd'hui. La dernière fois, nous nous sommes baladés sous la neige pendant plus de trois quarts d'heure avant qu'il ne m'ait gentillement raccompagné jusqu'à mon appartement. C'est troublant de voir que je m'intéresse à quelqu'un alors que depuis trois ans, la société m'était complètement inutile.

– « Oh, Kyungsoo. Je suppose que tu viens de finir ton rendez-vous. » sourit-il harmonieusement, faisant battre mon cœur rapidement. Je ne comprends pas pourquoi est-ce que dès que sa mélodieuse voix arrive à mes oreilles, mon corps tout entier se crispe et commence à angoisser. « Tu veux que je te ramène ? Ah, hum...à moins que tu sois venu en voiture. Ce n'est même pas quelque chose qui m'a traversé l'esprit la dernière fois. » rit-il joyeusement. Hyung, si tu pouvais voir à quel point il te ressemble lorsqu'il me sourit...

– « Non, je suis venu à pied. » le contredis-je rapidement. Jongin m'observe de haut en bas, cherchant visiblement quelque chose.

– « Et tu n'as pas de parapluie ? Il pleut bien... » remarque-t-il tout en regardant le ciel gris de Séoul. Je nie et lui avoue calmement que j'ai ma capuche pour me protéger. Jongin ricane une nouvelle fois à croire qu'il passe son temps à se foutre de moi. « Bon, et bien...à la prochaine fois alors. » termine-t-il, apparemment embarrassé de ce silence qui s'installe toujours aussi facilement entre nous. Je m'incline respectueusement avant de m'avancer sous la pluie, d'un pas calme et lent. Peut-être qu'un jour j'oserai lui poser la question. Lui demander pourquoi est-ce qu'il est aussi gentil avec moi mais surtout pourquoi est-ce qu'il ressent le besoin de venir consulter le docteur Kim alors qu'il semble parfaitement stable psychologiquement parlant. Je m'arrête au bout du trottoir, attendant le signal pour pouvoir traverser lorsqu'un parapluie transparent vient me recouvrir la tête. Inquiet, je me retourne et tombe nez à nez avec le sublime sourire de Jongin. Il est là, à quelques centimètres, le visage détendu et radieux. Alors que le signal sonore retentit, annonçant mon tour pour traverser, ma main s'empare du parka du blond pour le rapprocher de moi. Et sans aucune limite, sans aucune réflexion de ma part, je viens tendrement lui embrasser ses lippes, cherchant à intensifier le sentiment de sécurité qu'il créé en moi à chaque fois qu'il pose les yeux sur ma personne. Affolé par cet égarement spontané, je reviens à ma place et m'incline une seconde fois devant lui, avant de disparaître promptement. J'ai honte, j'ai honte d'avoir aimé ça.

Être soumis à différentes formes de danger en permanence ou croire que je le suis constamment m'a rendu parano. L'insécurité est un sentiment qui m'habite depuis le décès de hyung. Parce qu'il était mon grand-frère, il me suffisait de l'appeler pour lui demander son aide ou pour qu'il accoure à mon secours lorsque des idiots m'embêtaient au lycée. Il était toujours là pour moi. Que je sois malade à en vomir mes tripes ou que je sois simplement déprimé à cause d'un devoir complètement foiré, hyung était toujours là pour m'apporter son soutien. Ce qui fait qu'avec le temps, j'avais fini par me reposer sur lui en permanence. Parce que je l'aimais, je l'admirais et que selon moi, personne n'était aussi imparfaitement parfait que lui. Plus rien n'est stable dans ma vie depuis sa disparition. Ma vie est similaire à un ascenseur émotionnel. Sauf que jamais je ne frôle le bonheur...

Je monte les marches par deux, courant le plus vite possible pour ne pas le manquer. Même si je m'en veux d'avoir perdu le contrôle la dernière fois, il m'est impossible de ne pas espérer le croiser à chaque fois que je rends visite au Docteur Kim. Alors tous les mardis et tous les vendredis, j'accoure comme une furie même si je suis toujours en avance. Parce que je ne sais jamais quand est-ce que je suis capable de tomber sur lui. Mon cœur rebondit plus agressivement contre ma poitrine lorsque je vois Jongin descendre les marches. Il semble ailleurs, voir même un peu triste alors sur le coup, je ne sais pas quoi faire. J'hésite entre l'appeler pour annoncer ma présence ou me cacher avant qu'il ne soit trop tard.

– « Kyungsoo... » sourit-il tristement. Je m'incline respectueusement pour le saluer alors que celui-ci se met à rire. « Ya, arrête d'être aussi formel avec moi. On se connaît maintenant, non ? » je me redresse pour me perdre dans ses yeux mais, contrairement à d'habitude, rien ne rayonne en lui. Le blond à les yeux rougies par les larmes et même son sourire sonne faux. « Je suppose que tu es le prochain patient vu comment tu cours. Je ne vais pas te mettre en retard. On se voit la prochaine fois. » annonce-t-il avant de reprendre son chemin. Déçu par cet échange si minime, je reste bloqué sur les marches des escaliers quelques secondes, cherchant à comprendre pourquoi est-ce que je suis aussi contrarié et pourquoi cette amertume me rend tout aussi morose. Mécontent de ne pas lui avoir demandé s'il allait bien, je repars en arrière pour l'arrêter. Lorsque je sors à l'extérieur, Jongin s'avance d'une vitesse exaspérante sous la pluie, comme s'il se foutait bien de mourir de froid. Inquiet, j'accours derrière lui pour le recouvrir avec mon parapluie. Je ne sais pas quand est-ce que j'ai commencé à m'attacher à lui exactement, mais une chose est sûr, mon cœur, déjà bien abîmé par ses nombreuses cicatrices, se meurtri lorsqu'il le sait triste et dépourvu de joie. Le blond qui fait curieusement chavirer mon cœur, lève les yeux au ciel après quelques minutes. Il me fait face, le visage complètement mouillé, les cheveux et les vêtements trempés. Il me fait vraiment de la peine comme ça...

– « On dirait bien qu'il fait toujours un temps de merde dès qu'on se voit. » soulève-t-il, simulant un sourire. Ne pouvant pas le laisser se donner en spectacle de la sorte, je viens de nouveau prendre les commandes de la conversation en appuyant mes lèvres contre les siennes. Jongin accentue le contact en s'emparant de mon visage pour mieux pouvoir m'embrasser. Les mains moites, le souffle coupé, les jambes tremblantes, je ne sais plus quoi faire d'autre à part mouvoir ma bouche contre ses lèvres pulpeuses. J'en perds la notion du temps, la notion de tout ce qui nous entoure alors que je n'avais déjà pas conscience de grand-chose. Jongin met un terme à notre échange délicatement, me permettant de rouvrir les yeux.

– « Tu vas faire quoi maintenant ? » l'interrogeais-je directement avant qu'il ne me repousse ou qu'il ne m'insulte pour oser me servir de ses lèvres à chaque fois.

– « Je vais certainement aller m'enfoncer dans mon canapé, au chaud, devant un drama stupide. » explique-t-il pour plaisanter. Ce n'était pas vraiment la réponse que j'attendais. En réalité, je lui demandais ce qu'il allait faire de moi et de ces sentiments qui naissent à l'intérieur de moi mais, je ne cherche pas à le lui faire comprendre. Tout ce que j'espère, c'est qu'il ne va pas me laisser là, qu'il ne va pas m'abandonner sur ce trottoir, sous cette pluie, sous ce froid... Je n'ai pas envie d'être seul, ce soir. « Viens. » susurre-t-il charnellement contre ma peau avant de me mener jusqu'à sa voiture. Le trajet a été silencieux mais visiblement stressant que pour moi. Cela fait longtemps que je n'ai pas été chez quelqu'un autre que mes parents, cela fait longtemps que je n'ai pas fais aveuglement confiance à quelqu'un alors que j'ignore presque tout de lui. Mais surtout, c'est la première fois que j'ose louper mon rendez-vous chez le psy et bien que cela me paraisse surprenant, je m'en contre-fous royalement. « Je vais me changer, tu peux enlever ton manteau et t'asseoir sur le canapé, si tu veux. » propose-t-il en allumant la télévision. Mal à l'aise, je retire ma doudoune et vient m'asseoir sans aucun geste brusque face à l'écran. Je n'ose même pas imaginer ce que je suis en train de faire. C'est complètement absurde venant de moi... J'analyse son habitat, cherchant des indices sur son mal être mais finalement, j'imagine que ce n'est pas écrit concrètement de quoi est-ce qu'il souffre dans tout son appartement. J'ai attendu quelques minutes avant que Jongin ne réapparaisse dans un jogging noir et un t-shirt blanc. Les mains dans les poches, il vient nonchalamment prendre place à mes côtés. « Installe-toi, tu dois avoir froid. » suppose-t-il. Je m'appuie complètement contre le sofa, toujours aussi anxieux et apeuré. Le blond dépose gentillement une grande couverture sur nous, se collant à moi pour m'apporter sa chaleur.

– « Comment tu fais pour avoir les mains chaudes en permanence ? » demandais-je, le regard fixé sur l'un des nombreux drama qui passe à la télévision. Jongin fait mine de réfléchir quelques instants avant de me répondre.

– « Mes parents disent que c'est parce que j'ai le sang chaud. Et toi ? Comment ça se fait que tes mains soient toujours aussi froides ? » Jongin semble s'amuser à chaque fois qu'il ouvre la bouche, ce qui est assez déconcertant puisque je n'en vois pas la raison.

– « Je suppose que c'est parce que j'ai le sang froid. » marmonnais-je, sérieusement. Sans comprendre pourquoi, Jongin vient soulever la couverture pour prendre place sur mes genoux, me pétrifiant instinctivement. Le voilà face à moi, à quelques centimètres à peine, ses bras entourant mon cou pour mieux me tenir contre lui.

– « Peut-être que je peux t'aider à te réchauffer alors. » chuchote-t-il charnellement. « Le regard ne trompe jamais, Kyungsoo. Tu as beau vouloir mentir, vouloir éviter les choses, les yeux ne mentent jamais. Alors laisse-toi faire... » présente-t-il tout juste avant de revenir m'embrasser. Je ne sais pas pourquoi est-ce que cet homme me fait ressentir tout ça, ni pourquoi j'aime lorsqu'il me touche alors que durant ses trois dernières années, même les infirmières se faisait insulter dès qu'elles osaient me tripoter un peu trop. Ma bouche s'ouvre pour le laisser accroître ce sentiment de bonheur. Alors voilà ce que nous avons fait toute la soirée. Le blond m'a délicatement allongé sur le sofa et pendant presqu'une heure, nous nous sommes embrassés langoureusement, savourant la salive de l'autre, savourant la façon dont il me dévorait les lèvres alors que son bassin ondulait contre le mien. Nous étions bien souvent obligés de nous détacher par manque de souffle mais même ces courts instants étaient parfaits selon moi, parce que je pouvais lire en lui. Tout comme il me l'avait si bien expliqué, ses yeux ne mentaient pas, ils me désiraient ardemment.

La mort est ce qui donne de l'authenticité, de l'importance à la vie. Parce qu'avant de disparaître, l'homme profite de ce qu'il a, de ce qu'il peut faire parce qu'il a conscience que tôt ou tard, la fin arrivera. Peut-être que d'autre s'en vont plus rapidement mais...nous ne pouvons rien y faire. L'immortalité serait ennuyeuse. Elle ne nous donnerait aucune importance. Alors que la mort, même si elle est douloureuse pour ceux qui reste, elle nous fait vivre. Je me sens coupable lorsque je réfléchis à tout ça. J'ai presque honte de me dire que moi, je respire encore, je ressens encore les choses, même si moindres elles sont. Alors que hyung lui...il est... En fait, je ne sais pas où il est. Je dirai, que c'est à chacun de se faire sa propre idée à ce sujet mais j'aime à croire que la mort l'a délivré. Que hyung est dans un monde meilleur et que de là où il est, il veille sur nous, il nous observe et nous aime de tous son cœur. Parfois, lorsque j'ai l'impression de ressentir son souffle sur ma nuque, de ressentir sa présence, son touché sur ma main, je suppose que peut-être que les morts vivent parmi nous. Qu'ils sont juste invisibles à l'œil nu, mais que si on les regarde avec notre cœur, on peut les voir, les éprouver. Il est là. Tout le temps. Je le sais parce que j'ai foi en lui. Et il n'y a rien de plus vrai, de plus innocent et de plus concret que la foi. Surtout lorsqu'on a foi en quelque chose qu'on ne voit pas.

– « Kyungsoo ! » m'appelle Jongin à quelques mètres, tout en me faisant signe de la main. Je l'admire courir jusqu'à moi, me souvenant des moindres détails de nos précédents baisers, il y a de ça trois jours. J'ai pensé à lui à chaque chose que je faisais. Puis j'ai pris conscience d'une chose. Je me suis dis que peut-être que l'amour que je développais pour lui jour après jour, pourrait finir par emplir ce vide que la mort de hyung a créé en moi. Et plus j'y pensais, plus j'y croyais, désespéramment. « Tu viens de finir ? » lance-t-il, la respiration saccadée. J'ai hoché la tête. J'avais peur qu'il me laisse aller à ce foutu rendez-vous si je lui avouais que non, alors j'ai menti. « Génial ! Tu veux venir avec moi au cinéma ? Y'a un film que j'ai vraiment envie de voir mais aucun de mes potes n'est libre ce soir. Si tu acceptes, je te paye la pizza après. » sourit-il, apparemment excité à l'idée de passer la soirée avec moi. Jongin est définitivement différent de moi. Il est peut-être aussi fou que je le suis mais lui au moins, il continue de vivre à côté. Il a même des amis. J'ai accepté. C'était assez amusant de sortir avec lui. Le film était un peu trop bruyant et beaucoup plus irréaliste que la plupart de nos dramas mais le voir si envieux et heureux m'a paru bien plus intéressant que le reste. Nous sommes allés nous acheter des pizzas puis nous avons décidé d'aller les manger chez lui, devant la télévision. Je suis assez soulagé qu'il l'ai proposé, parce que même si je suis visiblement près à faire des efforts, aller au restaurant me paraissait un peu trop pour aujourd'hui. « Attends il te reste quelque chose, là. » annonce-t-il avant de venir essuyer le coin de mes lèvres. De manière provocante, il se lèche le pouce avant d'aller débarrasser les cartons jusque dans sa cuisine. C'est indéniable, mais je suis en train de tomber amoureux de lui. C'était inespéré venant de moi, pourtant, c'est le cas. Jongin m'est comme indispensable désormais. Blotti l'un contre l'autre, je commence à piquer du nez lorsque Jongin vient m'embrasser le front. Surpris par son initiative, je lève la tête pour le contempler. C'est fou ce qu'il est beau. Et hyung...je te jure qu'il a un aussi beau sourire que le tien. Remarquant que je me suis perdue dans mes pensées, le blond vient m'embrasser langoureusement pour m'obliger à lui reporter toute mon attention. Rapidement, il m'allonge brusquement contre le sofa pour venir recouvrir mon petit corps. J'ai les joues brûlantes, tellement j'aime le ressentir contre moi. Alors que jusqu'ici, nous n'avions jamais envisagé aller plus loin, mon partenaire retire son t-shirt et le mien avant de déboutonner son jean. Embarrassé, je le laisse faire, ne sachant vraiment comment je suis censé agir dans ce genre de moment. Ses mains chaudes me caressent affectueusement le torse me faisant frissonner, son bassin cogne contre le mien m'extirpant quelques soupirs de frustration alors que ses lèvres mordillent mon cou, comme affamées et désireuses de goûter à ma personne. « Dis-moi que tu en as envie, toi aussi... » quémande-t-il contre ma peau. L'entendre dire cette phrase me fait perdre tous mes moyens, à tel point que je soulève mes hanches pour lui répondre et l'inciter à aller plus vite. Jongin, tout sourire descend lentement mon jean et mon sous-vêtement, humectant ses lippes lorsque mon sexe lui font face. « Ça fait longtemps que je l'ai pas fais avec un homme... Mais je suppose que c'est comme le vélo...ça s'oublie pas... » se moque-t-il avant de venir, promptement me prendre en bouche. Surpris j'étouffe un cri, choqué qu'il commence à me faire plaisir alors que je n'étais même pas en érection. Un sentiment d'euphorie prend possession de mon bas-ventre. Je sens mon membre grossir entre ses lèvres alors que lui s'applique charnellement à me faire du bien. Transporté par toutes ces sensations, je m'empare de l'une de ses mains, tyrannisant celle-ci alors que son autre main titille mon postérieur. Lorsque son premier doigt pénètre en moi, une pensée lugubre s'installe en moi. Comment puis-je faire ça ? Comment puis-je être aussi égoïste et oublier mon frère de cette façon ? Les larmes aux yeux, je repousse Jongin avant de courir jusqu'à sa salle de bain. « Kyungsoo ! Attends ! » Je referme de justesse, m'appuyant sur la porte, la main sur la poitrine, réfléchissant à tout ce que je suis en train de faire alors que je ne mérite en rien tout ce qui m'arrive. Je ne veux pas m'autoriser à vivre alors qu'il n'est plus là. Je me sens tellement horrible lorsque je le fais. « Kyungsoo, ouvre-moi... S'il te plaît, on peut discuter... Si c'est à cause de... Peut-être que tu devrais me le dire... » Il va certainement me poser la question et alors, je n'aurai pas d'autre choix que de lui dire la vérité. « Pourquoi est-ce tu consultes le docteur Kim ? Est-ce que...est-ce que tu as subi des attouchements ? Est-ce qu'on t'a.. » J'ouvre brusquement la porte pour l'arrêter. Bon Dieu...comment peut-il imaginer une chose pareille ?

– « Mon frère est mort. Alors je suis devenu fou. » m'écriais-je, en pleurs. Jongin, honteux, se gratte nerveusement la nuque avant de venir me prendre dans ses bras. « J'ai essayé de me tuer... » Il m'embrasse les cheveux, comme pour m'obliger à m'arrêter là. Peut-être que si cela le fait souffrir de me l'entendre dire, cela signifie qu'il tient autant à moi comme je tiens à lui. C'est la première fois que j'ose le dire aussi directement et aussi distinctement à quelqu'un. Même les médecins n'ont pas eu le droit à autant d'honnêteté de ma part. C'est peut-être parce que j'ai confiance en lui, parce que je sais qu'il pourra me comprendre, parce qu'au final, on est sûrement aussi fou l'un que l'autre. « Et toi ? Pourquoi est-ce que tu le vois ? » demandais-je timidement. J'ai aussi envie de le comprendre et de le connaître profondément.

– « Moi ? » répète-t-i en se détachant de ma personne. « Tu croyais que je... Ah, ouais, j'comprends. Mais, je ne consulte pas le Docteur Kim. C'est mon frère, en réalité. » Son...son quoi ? C'est similaire à une trahison. Kim Jongin n'est pas fou. Non, il ne l'est pas. « Je vais souvent le voir pour discuter des problèmes de famille ou parce que j'suis à côté et qu'on est assez proche tous les deux. C'est vrai que ça peut porter à confusion mais...c'est juste mon frère. » termine-t-il, un petit sourire sur les lèvres.

– « Alors tu n'es pas comme moi ? » constatais-je, complètement perdu.

– « Comment ça pas comme toi ? » se moque-t-il gentillement, ne remarquant pas à quel point ma déception est grande.

– « Tu n'es pas fou comme moi ? Pourquoi tu m'as rien dit ? » m'énervais-je rapidement, outré par la confiance que je lui ai accordé alors qu'il n'était qu'un imposteur depuis le début.

– « Comment ça rien dit ? Je t'ai jamais menti, j'ai juste pas pensé à te le préciser. Et t'es loin d'être fou, espèce d'idiot. Alors arrête de dire des conneries pareilles ! » commande-t-il à son tour. Alors que je pensais enfin aller plus loin avec lui, nous voilà tous les deux, au beau milieu du couloir à s'embrouiller, complètement dénudé. Pourquoi jamais rien ne se passe comme je le prévois ? Je viens le frapper contre son torse, ne pouvant plus m'arrêter de pleurer. Si je l'ai laissé venir à moi, c'est parce que je pensais que nous partagions la même folie, que nous étions tous les deux malades psychologiquement mais non. Kim Jongin est normal, il vit dans le monde réel, lui. « Arrête, s'il te plaît. Ça change strictement rien pour moi, tu le sais bien. Tu n'es pas fou. Tu as traversé des moments difficiles mais tu n'es pas fou alors ne me repousse pas pour un prétexte aussi débile. » Je m'abandonne sur le sol, complètement fatigué et anéanti. « Kyungsoo. Je suis en train de tomber amoureux alors...ne me repousse pas pour ça. S'il te plaît... » supplie-t-il en me serrant dans ses bras. Amoureux ? Lui aussi ? Pourquoi est-ce que je suis si heureux et apaisé de l'entendre me le dire ?

– « Tu ne me quitteras pas alors ? Promets-le moi. » lui ordonnais-je, les yeux dans les yeux.

– « Pourquoi est-ce que je te quitterai ? J'aime vraiment être avec toi. » affirme-t-il avant de revenir m'embrasser les lèvres. J'enroule mes bras autour de son cou pour intensifier notre échange alors que le blond me porte amoureusement jusqu'à sa chambre. Tendrement, il m'a déposé sur les draps avant de revenir protéger mon corps de toute tristesse et de toute malchance. L'amour. C'est ça qui nous fait souffrir mais c'est aussi ça qui nous pousse à nous battre, qui nous pousse à vivre. Je t'aime, hyung. Et je t'aimerai toujours. Jamais je ne pourrai t'oublier. « Ne pense plus qu'à moi, Kyungsoo. Oublie ton passé, ne vis que pour cet instant... Parce que moi, je ne vois que toi en ce moment. » susurre-t-il alors que sa main s'empare de mon sexe. Il est difficile de dire adieu à quelqu'un, surtout lorsqu'on sait que plus jamais nous n'aurons l'occasion de revenir en arrière pour admirer son visage. Mais tous nos souvenirs, ils me permettront de me rappeler du passé, de me remémorer nos rires et nos pleurs ensemble. Alors que mon partenaire pompe astucieusement mon membre, je m'abandonne complètement à lui. Je ne veux que Kim Jongin aujourd'hui, alors je n'aurai que lui et personne d'autre en tête. Pardonne-moi, hyung.

– « Han... » soufflais-je lorsque Jongin insère en moi deux de ses doigts. Impatient, je le regarde savourer mon bâton de chair alors que sa main s'active à éveiller mon arrière-train. « Vite... » confiais-je alors que sa vitesse ne cesse de s'accélérer. Obéissant à ma demande, le blond vient lentement découvrir mon antre, me déchirant complètement de l'intérieur avec son engin. Je cris, j'hurle ma douleur mais pour la première fois de ma vie, je ne souhaite pas l'éteindre. Les mouvements de bassin de Jongin l'estompe petit à petit, mais c'est agréable d'avoir mal différemment pour une fois. Mon cœur ne saigne pas, il revit. Ses mouvements sont longs et tendres, réchauffant mon sang à chaque baiser qu'il me porte. Je redécouvre alors le goût de la vie, celle de ses baisers et de l'amour qu'il me porte, je redécouvre le touché, par la façon qu'il a de ma caresser et de me faire plaisir avec son corps, je redécouvre l'ouïe pour chaque mot qu'il prononce contre mon oreille, pour chaque soupire de bonheur qu'il m'offre, je redécouvre alors l'odorat lorsque je sens son odeur me recouvrir, s'imprégner sur mon corps... Mais je redécouvre aussi la vue, parce que je n'ai plus peur d'ouvrir les yeux et de ne pas te voir, hyung. Aujourd'hui, je m'oblige à garder les yeux ouverts pour pouvoir le regarder faire, parce qu'il n'y a rien de plus agréable et magique.

– « Souris pour moi, Kyungsoo... Je veux te voir sourire... » me demande-t-il alors que nous sommes liés l'un à l'autre. Transpirant de bienfaisance, soupirant de béatitude, savourant le bonheur qui explose en mon bas-ventre à chaque fois qu'il pousse en moi si durement, je l'admire. J'admire son sublime visage, rougie par toute l'énergie qu'il me donne, rougie par le désir qu'il me porte, rougie par l'envie désespérante qu'il a à me voir sourire, à m'entendre jouir de plaisir. Le blond atteint ma prostate m'emportant au loin, dans un sentiment qui m'est simplement nouveau mais qui est si apaisant et exaltant. Son corps tout entier se contracte, il devient alors plus violent et beaucoup plus rapide. Il est sexy, tellement sexy que ma vie pourrait se résumer à cette seule expression de satisfaction que son visage arbore lorsqu'il se déverse impétueusement en moi. Si je peux combler ce manque par cet homme si affriolant, si érotique et libidineux. Alors je signe tout de suite, peu importe quand la mort viendra me chercher. Je veux mourir sous lui, je veux mourir alors qu'il m'offre l'extase de ma vie, je veux mourir alors qu'il me prend si profondément, je veux mourir transpirant, la bouche grande ouverte, les yeux papillonnant sous l'effet de son énorme engin. « Tu as souris... » remarque-t-il alors qu'il sa tête s'abandonne dans le creux de mon cou. Je veux mourir avec lui. Parce que Jongin, ma grande découverte, me donne envie de découvrir demain.

Je ne peux pas le combattre tout seul ce sentiment. Ce sentiment de mal être et de tristesse accrue qui a pris profondément place en moi. Alors je fuis, sans arrêt. Mais avec toi, Jongin...peut-être qu'il y a une chance. Peut-être... En sommes-nous capable ensemble ?

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