Minho s'était toujours cru à l'abri. Issu d'une famille riche et influente, il pensait que rien ne pourrait jamais lui arriver. Mais rien n'est immuable ni immortel, et il avait suffi d'un simple bombardement pour tout remettre en question.

Minho avait dû s'enfuir précipitamment ce soir là. Il avait bien failli y laisser sa peau, mais il avait pu s'enfuir avec quelques affaires. Maintenant, il devait retrouver Jisung.

Ce dernier n'avait pas eu la même chance que lui. Issu d'une famille extrêmement pauvre, il avait dû se débrouiller pour survivre. Il avait survécu à la famine et aux épidémies qui avaient suivi la grande guerre, il avait survécu aux bombardements et aux patrouilles de soldats. C'était un survivant et Minho espérait le retrouver.

Il n'était pas comme lui, il n'avait pas appris à se débrouiller tout seul comme Jisung. S'il ne le retrouvait pas, il pouvait dire adieu à sa vie. Il ne pourrait jamais faire face à une patrouille de soldats ou à un groupe de rebelles blessés, malades et affamé. Surtout dans le froid glacial d'un début décembre où les festivités étaient bien loin de tous les esprits.

Il resserra ses quatre couches de vêtements autour de son torse, sentant un frisson le parcourir. Le froid lui donnait l'impression de geler de l'intérieur, et la neige qui commençait lentement à recouvrir ce qui restait de Séoul n'arrangeait rien. Il reprit sa marche, son sac sur le dos, tentant tant bien que mal d'avancer même si le froid et la faim lui rendaient la tâche de plus en plus difficile.

— Bordel.. Jisung.. T'es où merde...

Ses mots résonnèrent dans le vide. Jisung n'était pas là et il le savait. Il se raccrochait à l'idée qu'il allait le retrouver pour ne pas se laisser mourir, mais au fond, il commençait à ne plus y croire.

Cela faisait quatre jours qu'il traversait la ville de long en large en espérant retrouver un Jisung indemne. Ou au moins en vie. Ça faisait autant de temps qu'il n'avait ni vraiment mangé, ni vraiment bu, ni vraiment dormi. Ce dernier avait toujours eu un véritable don pour s'attirer des ennuis, mais aussi pour se sortir du bordel dans lequel il s'était fourré. Une partie de lui était persuadée qu'il était en vie, et qu'il finirait par le retrouver.

Mais l'autre partie de lui se disait qu'en quatre jours, il aurait dû le retrouver. Jisung était peut-être mort après tout, il s'était peut-être bercé d'illusions pour se donner la force de continuer d'avancer, de mettre un pied devant l'autre et de se battre pour sauver sa vie.

Il commençait à perdre espoir et à avoir envie de se laisser mourir. Après tout, il allait mourir de toute façon, tôt ou tard. Il n'arrivait pas à vraiment se nourrir, et ne savait pas vraiment se défendre non plus.

S'il ne retrouvait pas Jisung, ou ne rencontrait pas quelqu'un qui pouvait le protéger et l'aider, d'ici quelques jours, il en serait fini de lui.

Et peut-être même qu'il en serait fini de lui bien plus tôt. Le froid le prenait aux tripes, lui donnant l'impression de s'affaiblir de plus en plus. Etait-ce seulement une impression? Non, probablement pas.

Son corps tout entier lui lâchait peu à peu, mais pour autant, Minho n'avait pas vraiment peur. Il ne lui restait plus rien de sa vie d'avant. Il avait déjà tout perdu. Sa famille avait été tuée dans le bombardement suite auquel il avait pris la fuite, son statut confortable était perdu à tout jamais.

Il préférait mourir que vivre dans ces conditions pour toujours. Il ne supportait déjà plus la situation dans laquelle il se trouvait, alors qu'il savait qu'il aurait dû être reconnaissant de s'en être sorti.

C'était maintenant qu'il était en fuite et dans une situation plus qu'inconfortable qu'il réalisait à quel point Jisung avait eu une vie difficile. Là où c'était tout nouveau pour lui, ça avait été le quotidien de son ami.

Et réaliser que Jisung avait vécu tout ça depuis son enfance, qu'il n'avait pas eu réellement d'enfance, et que malgré son statut élevé il n'avait pas pu faire grand chose pour l'aider l'attristait beaucoup.

Surtout qu'il commençait à penser qu'il était trop tard pour se racheter et prouver à Jisung qu'il voulait vraiment l'aider et le sortir de ce bordel.

C'était la seule pensée qui le traversait, plus encore que le froid de plus en plus intense. Ses jambes tremblaient sous son poids mais il continuait d'avancer, ne se permettant pas de se laisser aller. Pas pour l'instant. Il devait le retrouver, à tout prix.

Il marcha encore de longues heures. Les rues étaient désertes et une couche de neige d'une quinzaine de centimètres était tombée sur la ville entière, peut-être sur une grande partie du pays aussi, rendant la circulation difficile.

Marcher lui demandait de plus en plus d'efforts. Efforts qu'il n'était nullement en état de fournir. Son corps était en train de lui lâcher, il commençait à sentir une torpeur mortelle s'abattre sur lui. Il ne sentait plus ses mains ni son visage, devenus presque bleus. Ses mains brûlées par le froid ne lui étaient plus d'aucune utilité désormais.

Plus rien ne pouvait le sauver. Plus personne n'était là et de toute manière, qui se risquerait à venir le sauver? Qui risquerait sa vie pour sauver la sienne?

Oh, il y avait bien une personne, mais il avait déjà perdu espoir de la retrouver depuis bien longtemps.

Bien sûr que Jisung aurait mis sa vie en danger pour sauver celle de Minho. C'était une évidence qui ne se discutait même pas. Il tenait plus à la vie de son "ami" qu'à la sienne propre. Et c'était bien évidemment réciproque. Minho avait même déjà failli se faire tuer par des soldats pour que Jisung puisse garder la nourriture qu'il avait volé dans la maison d'une riche famille séoulite.

On leur avait toujours dit, à Minho comme à Jisung qu'on ne faisait pas ça pour un simple ami, mais aucun d'eux n'avait voulu admettre qu'il y avait plus que ça entre eux. En soi, ce n'était pas mentir. Officiellement, ils étaient amis, et rien de plus.

Mais dire qu'il n'y avait pas de sentiments ni de désir entre eux serait faux. Les nuits torrides qu'ils avaient eus avec d'autres, ils les avaient passé en pensant à l'autre. Les histoires d'amour qu'ils avaient eu n'avaient rien changé. Pour Minho, c'était toujours Jisung et pas un autre. Et pour Jisung, c'était toujours Minho et pas un autre.

La pensée de retrouver peut-être Jisung faisait encore tenir Minho, qui continuait obstinément de marcher alors que tout son corps protestait face à l'effort surhumain qu'il lui forçait à faire. Il ne pouvait pas s'arrêter maintenant.

S'il s'arrêtait maintenant, ne serait-ce que quelques minutes, c'en était fini de lui. Il mourrait de froid, incapable de se relever et de continuer sa route. Alors il insistait malgré la difficulté de cet effort.

Il aurait préféré mille fois que tout ça n'arrive jamais, qu'il soit encore dans son petit confort, mais il n'aurait peut-être plus jamais droit à ce confort alors il vivrait sans. Il n'avait pas vraiment le choix de toute manière, bien qu'il rêvait d'être au coin d'un feu, dans sa maison, dans son lit confortable et ses couvertures à regarder la neige tomber à travers la fenêtre comme il l'avait si souvent fait étant petit.

Une fois qu'il aurait retrouvé Jisung, ils pourraient s'enfuir d'ici. Celui qui avait un jour été son ennemi, ou plutôt, la personne à qui il s'en prenait pour défouler sa colère, était devenu son ami, puis la personne qu'il aimait. Il était entré dans son coeur et n'en ressortirait plus jamais. Il n'y aurait que lui jusqu'au dernier instant.

Et quand Minho ne put avancer davantage, ses jambes cédant sous son poids, il ne pensait qu'à Jisung. Il tenta en vain de se relever pendant plusieurs minutes, se disant qu'il allait retrouver Jisung, en vain. Le froid et l'épuisement le paralysaient, et il ne put rien faire pour lutter contre la fatigue qui le noya dans un brouillard.

Sa dernière pensée avant qu'il ne laisse ses yeux se fermer avait été pour Jisung. Il s'était comme endormi, mais il était persuadé que ce sommeil serait éternel. Ça ne lui faisait pas peur pour autant. Au moins, il serait en paix. Il n'aurait plus à survivre comme ça.

Mais de longues heures plus tard, si ce n'est des jours plus tard, ses yeux se rouvrirent. Il n'était plus sous la neige, mais dans un petit chalet, où un feu était allumé. Il faisait bien chaud dans la pièce, et à son réveil, Minho se sentait engourdi. Et à son chevet se tenait la personne qu'il avait absolument voulu retrouver: Han Jisung.

Jisung n'avait pas eu d'autre choix que de sortir pour ravitailler le chalet en vivres et en eau. Il avait fallu vandaliser plusieurs boutiques pour ça, mais il était rentré avec un butin conséquent. Bien assez pour tenir plusieurs semaines, s'il était seul. Il y avait assez de nourriture pour un mois, surtout pour quelqu'un comme Jisung.

Toujours élevé à l'économie, non pas par choix, mais par nécessité pour pouvoir faire vivre toute la famille Han. Il avait des frères et soeurs plus jeunes, dont il fallait subvenir aux besoins. Etant l'aîné de sa fratrie, il avait toujours fait de son mieux pour qu'ils aient quelque chose à se mettre sous la dent chaque jour. Il chassait, volait de la nourriture quitte à se faire battre publiquement en guise de punition.

Minho avait déjà voulu se faire battre à sa place, tentant tant bien que mal de le protéger. Mais Jisung avait toujours refusé que Minho mette son statut en péril pour lui sauver la mise. S'il s'était fait prendre, c'était qu'il n'avait pas fait les choses correctement. Il était à blâmer et prenait toujours ce blâme.

Il faisait déjà de son mieux pour l'aider tant bien que mal, essayant de lui donner de la nourriture et tout ce dont il avait besoin quand il pouvait. Il l'avait toujours fait, et quand Jisung l'avait retrouvé affalé dans la neige, inerte, il n'avait pas pu le laisser comme ça. Ne serait-ce que par principe, il devait l'aider.

Il l'avait difficilement porté jusqu'au chalet et l'avait réchauffé comme il pouvait, espérant qu'il survive à cette nuit glaciale. Il ne voulait pas voir Minho mourir. Peut-être que ce dernier s'en fichait de rejoindre les étoiles, c'était peut-être même ce qu'il voulait, mais Jisung voulait absolument le sauver.

Il avait mis toutes ses compétences au service d'une chose: le bien-être de l'homme qu'il aimait secrètement. Et ça avait marché. Minho s'était peu à peu réchauffé, et même s'il avait fallu plusieurs jours pour qu'il se réveille, il avait déjà repris du poil de la bête le matin suivant.

Il avait continué de prendre soin de lui du mieux qu'il pouvait, espérant qu'il s'en sorte. Il commençait à ne plus supporter d'être seul. Tous les survivants qu'il avait rencontré jusqu'alors avaient fini par mourir. Même sa propre famille avait fini par y passer.

Perdre Minho serait la goutte qui ferait déborder le vase. Pourquoi vivre et se battre pour obtenir une liberté de laquelle il ne pourrait profiter avec personne? Ce serait juste inutile. Et il ne voulait pas ça. Si c'était pour faire ça, autant mourir et vivre au paradis.

Enfin, si tant est qu'il existe. Il existait à ses yeux, mais il était en une personne, sur laquelle il veillait en espérant un réveil prompt et un bon rétablissement: Lee Minho.

Il était resté à ses côtés, veillant inlassablement sur lui, pendant les deux jours durant lesquels Minho était resté endormi. Il avait bien trop peur qu'il ne se réveille pas. Il avait bien trop peur de s'être bercé d'illusions en pensant le retrouver.

Minho avait fini par se réveiller, apparemment indemne après avoir failli mourir de froid. Jisung s'était assuré d'innombrables fois que Minho allait bien, voulant vraiment être certain que plus rien ne lui arriverait.

Il avait eu bien trop peur de le perdre, la nuit où il l'avait retrouvé dans la neige. Et maintenant qu'il l'avait retrouvé, ils pourraient s'enfuir loin d'ici.

Il n'y avait plus grand chose à faire désormais. Plus qu'à prendre leurs affaires et partir, une fois la tempête de neige passée. Le voyage vers un monde plus libre serait sans doute long, mais ce n'était rien en comparaison à ce qu'ils avaient déjà traversé. Ils n'étaient vraiment plus à ça près.

Jisung comptait aller jusqu'à un refuge connu où devaient sans doute se trouver quelques résistants - s'ils n'étaient pas morts de froid ou tués par des soldats, ceci dit- et emmener Minho avec lui.

Il était hors de question qu'ils soient séparés à nouveau. C'était ensemble ou rien, et si Minho refusait de partir, il ne partirait pas non plus. Il ne doutait cependant pas que Minho veuille le suivre.

Il avait bien raison de ne pas douter. Minho le suivrait jusqu'au bout du monde, non seulement parce qu'il l'aimait mais aussi parce qu'il lui avait sauvé la vie et qu'il lui en était reconnaissant.

Il n'y avait plus qu'à se mettre en route maintenant. La tempête de neige se calmait et ils allaient bientôt pouvoir prendre la route vers Gimpo. Il leur faudrait sans doute un jour ou deux pour arriver là-bas, mais avec un peu de chance, leur trajet se ferait sans embûches et ils seraient en sécurité une fois arrivés là-bas.

Minho se sentait encore un peu faible mais il pouvait prendre sur lui. Quelques heures de marche, ce n'était rien comparé à ce qu'il avait vécu la nuit où Jisung l'avait retrouvé dans la neige.

Et puis cette fois, Jisung serait réellement à ses côtés, et ce fait seul lui ferait parcourir des centaines de kilomètres à pied s'il le fallait. Pour Jisung il ferait n'importe quoi.

Il était endormi quand Jisung avait préparé leurs affaires, la détermination se lisant dans son regard. Ils allaient retrouver d'autres résistants à Gimpo, et ils allaient peut-être enfin pouvoir arranger les choses. Si ce n'est pour tout le monde, au moins pour eux.

En tout cas, il y croyait. Mais rien n'aurait pu le préparer à ce qui les attendait une fois arrivés à Gimpo.

Le lendemain, ils avaient tous les deux pris la route, laissant derrière eux le confort du chalet abandonné. Ils avaient été chanceux de trouver cet endroit, oasis au mileu d'un désert de glace, mais maintenant il leur fallait partir. Ils devaient vite rejoindre Gimpo.

Peut-être les choses seraient-elles meilleures là-bas. Ou pas. Mais peu importe. L'aéroport était encore fonctionnel bien qu'aucun avion ne décolle, et ils pourraient aisément s'enfuir loin, très loin de ce carnage. C'était tout ce qui leur fallait.

Au terme de longues heures de marche, il avait même fallu deux jours, ils étaient arrivés à Gimpo. Il avait fallu monter un bivouac et dormir dehors, chose bien difficile avec le froid ambiant. Mais le lendemain, ils avaient pu rejoindre la ville. Et l'avaient découverte en ville fantôme, déserte.

Des cadavres recouvraient le sol par endroits, Jisung reconnut les visages abîmés par la mort de résistants qu'il connaissait, une enfant d'environ huit ans gisait dans les bras de l'un d'eux, inanimée, sa poupée encore dans les bras.

Rien n'aurait pu le préparer à voir ça, mais il repoussa les émotions que ça lui provoquait dans un coin de son esprit. Il se sentit un peu rassuré quand il sentit la main de Minho se poser sur son épaule, mais quelque chose lui disait que ça ne faisait que commencer.

Et effectivement, ce n'était pas la fin de ces moments difficile. La suite serait pire encore. 

Et voilà la première partie de l'OS pour le défi de 

C'était un plaisir de participer, j'ai hâte de découvrir mon OS moi aussi^^