D-DAY
HAEGEUM
QG FBI J. Edgar Hoover Building, Pennsylvania Avenue, Washington DC
D-2 09:00 PM
— Bien, commençons le briefing, énonça le directeur Kim en ajustant ses lunettes sur son nez.
Park Jimin leva la tête de son téléphone et le posa sur la table devant lui avec un soupir en regardant son coéquipier qui bâillait à s'en décrocher la mâchoire.
Il lui donna un coup de coude qu'il espérait discret, mais visiblement pas assez pour l'œil de lynx de Kim Namjoon.
— Agent Spécial Jeon, je vous emmerde peut-être ? Vous voulez qu'on vous laisse pour finir votre nuit ?
Jeon Jungkook se redressa comme si une abeille venait de planter son dard dans son arrière-train.
— Non, Monsieur, répondit-il en rougissant comme un enfant pris en faute, faisant glousser Jimin.
— Ça vous fait rire Agent Park ?
— Non Monsieur, répondit-il à son tour en lançant un regard noir à son coéquipier qui souriait d'un air entendu.
— Bien, je vous ai convoqué pour vous donner votre ordre de mission.
Il se tourna vers l'écran tactile où s'afficha la photo d'un jeune homme brun, captant immédiatement l'attention de Jimin.
— Votre mission porte le nom de code "D-day". L'homme que vous voyez sur cette photo se nomme Min Yoongi, c'est un génie de l'informatique qui est connu sur le Darknet sous le pseudo de Haegeum. Trente-deux ans, célibataire, pas de famille proche connue. Ses parents sont décédés à sa majorité. Ils avaient fait fortune dans le pétrole, mais l'entreprise paternelle était très controversée, elle aurait manifestement obtenu des marchés en utilisant des méthodes proches de l'illégalité, même si à ce jour rien n'a jamais été prouvé. Min a vendu l'entreprise et a liquidé ses actifs. Il a également fait don de la totalité de ses biens en ne gardant que le nécessaire pour financer ses études. Diplômé de Harvard avec mention très bien, il est sorti major de promo. Son dossier scolaire ne mentionne aucune activité extrascolaire, pas d'adhésion à des fraternités ou clubs quelconque. Il avait apparemment un comportement solitaire et un caractère réfractaire à toutes sortes d'autorités, limite anarchiste. D'ailleurs, son pseudo parle pour lui, c'est une levée d'interdiction, il prône la liberté d'expression, même si cela lui a apporté des ennuis par le passé. Il n'a pas de casier judiciaire, mais il est soupçonné d'avoir participé à la dénonciation de plusieurs scandales dans le pays et à l'étranger sous son pseudo. À la fin de son cursus, il a été approché par beaucoup de grandes entreprises de la Tech, dont les GAFA, cependant, il a préféré tourner le dos à une carrière prometteuse pour travailler à son compte en tant que consultant en sécurité informatique. Il y a un an de cela, son meilleur ami, Kim Taehyung, ingénieur en hydrobiologie qui travaillait pour l'ONG SUN LIFE, a été tué dans des circonstances troublantes.
— Celle qui fait l'objet d'un procès en ce moment ? demanda Jimin.
— Celle-là même, confirma le directeur. Cette ONG, dirigée par Jung Hoseok, a été créée pour venir en aide aux populations sud-américaines. Ils affrètent des avions remplis à ras bord de matériel. Cela va des fournitures scolaires aux médicaments, le tout accompagné d'équipes de médecins, de professeurs ou encore d'ingénieurs qui remettent en état les infrastructures, qu'elles soient routières ou d'approvisionnement, comme l'eau et le gaz. Ils vont dans les contrées les plus reculées pour aider les populations, évitant ainsi une immigration massive sur notre territoire. Elle fait d'ailleurs l'objet d'énormes subventions de la part de notre gouvernement.
— Et quel est le rôle de ce Min Yoongi dans l'histoire ? questionna Jungkook.
— J'y viens, Agent Jeon. Min Yoongi a forcé le système informatique de l'ONG, persuadé que la mort de son ami n'était pas un accident. Ceci en toute illégalité d'ailleurs. Cela aurait dû lui valoir de gros ennuis, sauf qu'au vu de ce qu'il a découvert, il a bénéficié d'un accord avec le gouvernement qui voit d'un très mauvais œil le fait de financer ce qui s'est avéré être des malversations. Haegeum a mis la main sur une série de fichiers qui incriminent l'organisation. Sous couvert de transporter des denrées et autres matériels, elle se servait de ses charters pour faire entrer sur le territoire des pierres précieuses à l'état brut. Elle les faisait tailler dans des ateliers clandestins un peu partout dans le pays, avant de les faire passer en petites quantités vers l'Europe et Anvers, en particulier pour en permettre la vente. Le système était extrêmement bien huilé, mais un caillou s'est glissé dans le rouage si j'ose dire.
— Kim Taehyung, dit Jimin.
— Kim Taehyung, en effet. Il avait fait part de ses doutes à son ami, néanmoins, avant qu'il ait pu obtenir plus d'informations, sa voiture a mystérieusement plongé dans un ravin. L'enquête menée en Amérique du Sud a conclu à une défaillance du système de freinage, mais cela n'a pas convaincu son ami. Il a donc commencé à chercher et à trouver des preuves.
— D'où le procès, déclara Jungkook en se redressant sur sa chaise, et je suppose qu'on va jouer les nounous pour l'emmener là-bas.
— Vous allez faire un peu plus que jouer les nounous comme vous dites. Il est impératif que Min Yoongi se présente au tribunal, car en homme intelligent, il n'a pas divulgué la totalité de ses preuves lors de sa déposition. Il a gardé une marge de sécurité en stockant des informations dans un Cloud qu'il n'activera que devant la cour et c'est là que vous intervenez.
— C'est quoi un Cloud ? demanda Jungkook à Jimin, profitant que le directeur Kim s'était retourné pour récupérer un papier sur son bureau qui croulait sous les dossiers.
— Non, mais t'es sérieux ? Des fois, je me demande comment tu as passé les tests de sélection. Tu as été pistonné ? demanda Jimin.
— Non, mais je sais manier les gros calibres, répondit Jungkook, goguenard.
— Ceci expliquerait cela, murmura Jimin avec un sourire devant l'impression d'incompréhension de son collègue.
Le bruit d'un dossier rencontrant violemment la surface du bureau les fit sursauter.
— Donc, je disais, commença le directeur Kim en affichant sur l'écran des photos de ce qui avait dû être jadis un appartement. Il se résumait dorénavant à un amas noirâtre de gravats, quid d'une voiture calcinée dont il ne restait que la carcasse. Je réitère l'importance de surveiller le témoin, qui, comme vous pouvez le constater sur ses images, a fait l'objet de plusieurs tentatives d'assassinat. Il semblerait que le parfait Jung Hoseok et son sourire ultra bright ait du mal avec notre jeune justicier. Rien n'a pu être prouvé concernant ces attaques, il s'agit d'un boulot de professionnel, mais il est fort à parier qu'il soit impliqué dans l'histoire, ce que devrait prouver Haegeum lors du procès. Il a mentionné avoir en sa possession des enregistrements vocaux prouvant l'implication du patron de l'ONG à la fois dans le trafic et dans la mort de son ami, le condamnant ainsi à perpétuité. Jung compte visiblement sur ses hommes de main pour empêcher le témoignage, les deux jours qui arrivent risquent donc d'être... sportifs. Vous partez dans une heure, une voiture banalisée est à votre disposition au sous-sol, Min Yoongi vous y attendra sous la garde de l'un de nos agents. Vous recevrez l'adresse de la planque par message sur vos téléphones, vous êtes les seuls à part moi à la connaître. Jung semble très bien renseigné et l'on ne sait pas exactement qui est de mèche avec lui dans les hautes sphères et qui l'a protégé jusqu'à maintenant. Rendez-vous au tribunal après-demain à quinze heures et d'ici là, soyez prudents, faites-vous discrets et évitez les emmerdes.
Jimin et Jungkook se levèrent et inclinèrent la tête en direction du directeur avant de se diriger vers la porte.
— Et changez-vous, on dirait que le mot FBI est tatoué sur votre arrière-train avec ses fringues.
Jungkook détailla la silhouette de son coéquipier, vêtu d'un pantalon noir et d'une chemise blanche, uniforme des plus classiques de leurs fonctions, et il en profita pour mettre une claque sur les fesses de celui-ci qui sursauta.
— Et Dieu sait qu'il en attire du monde celui-là, dit-il avec un regard concupiscent sur le postérieur arrondi de son collègue, moulé dans le pantalon de son costume.
— Tu refais ça, je te crève, répondit Jimin, les dents serrées.
Son collègue allait répliquer quand la voix du directeur s'éleva.
— Cassez-vous et allez régler vos problèmes hormonaux ailleurs, je ne veux plus vous voir.
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AMYGDALA
L'amygdale du cerveau aide à réguler les émotions et à encoder les souvenirs, en particulier lorsqu'il s'agit de souvenirs associés à la peur.
...
D-1 Parc national de Shenandoah 02:00 AM (120 km de Washington)
— Non, mais ils nous ont pris pour la famille Ingalls, s'écria Jungkook en arrêtant la voiture dont les phares étaient dirigés vers le chalet en bois qui allait leur servir de planque pour les prochaines trente-six heures.
Jimin poussa un soupir et détacha sa ceinture avant de se tourner vers la banquette arrière sur laquelle Min Yoongi avait pris place depuis leur départ du QG.
Il n'avait pas prononcé un mot durant tout le trajet et il n'avait entendu le son de sa voix qu'une seule fois quand il les avait salués.
La capuche rabattue sur sa tête et l'obscurité qui les enveloppait ne lui permettaient même pas de distinguer le regard de chat qu'il avait brièvement croisé quelques heures plus tôt.
— Ne bougez pas de là, je vais faire le tour de la maison et sécuriser l'endroit. Vous sortirez avec Jungkook à mon signal.
— Tu appelles ça une maison toi, on dirait la cabane de Hansel et Gretel.
— Je te rappelle que l'on est dans un parc national, les constructions en dur sont interdites, ils sont censés conserver l'esprit du lieu, répondit Jimin en tirant son arme de la ceinture arrière de son jean. Et arrête avec tes réflexions à la con, on n'est pas là pour faire du tourisme, conclut-il avant d'ouvrir la portière et de se diriger vers le chalet, son Beretta à la main.
Il monta les quelques marches menant au perron et déverrouilla la porte avec la clé qu'on lui avait remise au moment de son départ.
Il fit le tour de l'habitation sommaire à la lueur de la torche qu'il tenait collée à son arme et vérifia chaque recoin.
La cabane était plus grande qu'elle n'y paraissait. Intégralement faite de bois brut, une pièce à vivre et une kitchenette occupaient tout le rez-de-chaussée, dans lequel prônait une immense cheminée de pierres.
Un escalier menait à un palier qui desservait une petite salle de bains et deux chambres.
L'endroit parfait pour un weekend en amoureux, pensa-t-il.
Après être redescendu, il tira tous les rideaux de telle façon à ne pas être visible de l'extérieur et alluma les lumières, avant de retourner sur le perron pour faire signe à son coéquipier qu'il pouvait venir avec le témoin.
Il était en train d'allumer la cheminée quand Jungkook pénétra dans la pièce, en laissant lourdement tomber au sol, les sacs de voyage qu'ils avaient pris avec eux.
- Coquet, siffla-t-il en observant le canapé profond qui faisait face au foyer d'où commençaient à s'élever des flammes, réchauffant la température glaciale qui régnait dans la pièce. Merde, il n'y a pas de télé ?
- Tu liras un bouquin, ça te changera, répondit Jimin en levant les yeux au ciel, puis il se redressa et se dirigea vers Min Yoongi qui observait son environnement avec un visage qui ne portait aucune expression, comme s'il était fait de porcelaine.
Pour la première fois, il put voir en pleine lumière la beauté de ses yeux qui ressortaient telles deux obsidiennes sur la blancheur de sa peau. La capuche, qu'il avait rabattue sur ses épaules, laissait entrevoir le rideau de cheveux noirs qui descendait dans sa nuque.
Jimin ne put retenir un frisson quand son regard se fixa enfin sur lui.
- Vous pouvez choisir l'une des chambres pour poser vos affaires, dit-il en indiquant le sac à dos vieillissant qui pendait sur les épaules du jeune homme. Jungkook et moi nous relaierons pour assurer votre sécurité à tour de rôle. Je vous demanderai de rester à l'intérieur et de garder les rideaux fermés.
Yoongi acquiesça avant de se diriger vers les escaliers en silence.
Jimin resta un moment le regard fixé sur le palier du deuxième étage où leur témoin avait disparu après avoir refermé la porte de la chambre qu'il avait choisie. Cet homme l'intriguait, il n'avait pratiquement pas prononcé un mot depuis leur rencontre, pourtant ses yeux semblaient vouloir raconter une histoire.
Une histoire, que, bizarrement, il aurait aimé entendre.
C'était une réaction inhabituelle pour lui. De par sa personnalité et son métier, il restait toujours hermétique aux émotions des gens, préférant se cacher sous la froideur que lui imposait sa fonction, cependant quelque chose attisait sa curiosité envers cet homme silencieux.
Il fut tiré de ses pensées par le raffut que faisait Jungkook qui venait d'ouvrir le frigo. Il fouillait allègrement dedans.
- Je peux savoir ce que tu fous ?
- Quoi, j'ai la dalle, répliqua celui-ci en relevant la tête, une saucisse coincée entre les dents. Il croqua dedans avant de poursuivre. Au moins, Kim a pensé à nous ravitailler, on a de quoi tenir une semaine.
- La Nation est sauve alors, marmonna Jimin entre ses dents.
- Qu'est-ce que tu as dit ?
- Rien, va te coucher, je prends le premier tour de garde.
- Oki, répondit son coéquipier avant de se diriger vers l'étage, les bras remplis de snacks pour assouvir ses fringales nocturnes.
Jimin enleva son blouson et le jeta sur une chaise. Il retira son arme de la ceinture de son jean et la posa à ses côtés avant de prendre place sur le canapé devant la cheminée.
Il savait pertinemment qu'il ne dormirait pas pendant les deux jours que durerait sa mission. Il réussirait tout au plus à somnoler, contrairement à Jungkook dont il entendait déjà les ronflements sonores à l'étage.
Il sourit en l'imaginant vautré dans son lit, la bouche ouverte, entouré de sachets de nourritures comme autant de doudous.
Il pensa se relever un instant pour aller chercher un bouquin qu'il avait toujours glissé dans son sac lorsqu'il était en déplacement, mais le spectacle dansant des flammes le captiva tant qu'il ne bougea pas.
La mission qu'on leur avait confiée était en apparence d'une simplicité enfantine, pourtant quelque chose le perturbait, et il avait coutume de faire confiance à son instinct.
Il posa la tête sur le dossier du canapé et essaya de faire le vide dans ses pensées qui ne cessaient de s'entrechoquer comme autant de boules de flipper.
L'homme à l'étage l'intriguait. Contre vents et marées, il semblait vouloir se battre pour ses idéaux à l'instar de son ami qui en avait perdu la vie. Sous ses dehors de bad boy battait une conscience qui essayait de percer les carapaces d'or dont étaient recouverts les riches de ce monde. Il avait voulu lever le voile qui recouvrait les malversations dans lesquelles les privilégiés baignaient, risquant même sa propre vie pour faire tomber les barrières du mensonge.
Il se demanda quel traumatisme avait pu le conduire sur cette voie, car il sentait que ce n'était pas juste le fait d'avoir perdu son ami qui avait pu le mener dans ce combat qui semblait bien plus ancien.
Et s'il était honnête avec lui-même, il s'avouerait qu'il n'était pas insensible à son charme.
Il aimait son métier et l'avait choisi sciemment, mais avec les années qui passaient, il commençait à sentir le poids de la solitude sur ses épaules.
Il aimerait parfois, juste un instant, être juste Jimin et non pas l'Agent Spécial Park, avoir une vie normale et être capable de suivre les élans de son cœur.
Qu'aurait-il fait s'il avait rencontré Min Yoongi dans une autre vie ? Lui aurait-il fait part de son attirance au risque d'ailleurs de se faire rejeter ? Était-ce à cela que ressemblait le coup de foudre ? Se sentir attiré par une personne avec qui vous n'aviez échangé qu'un regard ?
Et quel regard...
Il en était là du fil de ses pensées quand il attendit des pas derrière lui. Il glissa la main pour prendre son arme et ouvrit les yeux pour jeter un coup d'œil dans le miroir qui surplombait le manteau de la cheminée. Il lui permettait de voir tout ce qui se passait dans la pièce à vivre, alors que lui-même demeurait invisible, enfoncé qu'il était dans les coussins du canapé.
Sa main se détendit sur la gâchette quand il vit l'objet de ses pensées traverser la pièce, une cigarette pas encore allumée dans la main. Il se dirigeait vers la porte d'entrée en catimini, seulement éclairée par les lueurs du feu de bois.
L'appel de la nicotine.
Il se leva avec un soupir et suivit le jeune homme à l'extérieur. Il s'était assis sur les marches de la cabane et inspirait des bouffées de tabac blond.
De son visage, il ne pouvait distinguer que les contours illuminés de la lueur rougeâtre de la cigarette.
Il s'assit à côté de lui sans même qu'il ait levé les yeux.
- Vous savez que vous faites une cible parfaite, assis dans le noir avec la lueur de votre clope.
Yoongi tira une autre bouffée de tabac avant de répondre.
- Peut-être que je m'en fous.
Jimin eut un bref sourire avant de prendre entre ses doigts la cigarette que le jeune homme allait porter à ses lèvres. Il tira une taffe et l'écrasa contre la marche en bois.
- Je ne crois pas, non, répondit-il alors que Yoongi posait son regard sur lui. Je ne crois pas que vous vous en foutiez. Je ne pense pas que vous avez fait tout cela pour mourir connement d'une balle en pleine tête tirée par un sniper au milieu des bois, à moins de deux jours d'accomplir la mission que vous vous êtes fixée.
Le hacker détourna le regard.
- Tu ne me connais pas et je ne vois pas ce qui te permettrait de penser à ce dont j'ai envie ou non, répliqua-t-il en adoptant le tutoiement. Tu n'en as aucune idée.
- C'est vrai, je ne te connais pas, mais tu n'as pas le regard d'un mec qui veut crever. Tu as plutôt celui d'un type qui veut venger son pote et qui, pour une raison qui semble profonde, refuse de suivre le système et la corruption.
Yoongi eut un sourire narquois, l'un des coins de sa bouche remontant de façon moqueuse.
- Tu crois que parce que tu as lu mon dossier, tu penses tout savoir de moi. Qui te dit que je ne suis pas seulement un putain d'activiste qui a baigné dans l'argent sale depuis sa naissance et qui essaye de se racheter une bonne conscience pour arriver à se regarder dans un miroir ? Qui te dit que je n'essaie pas de faire justice pour laver mon nom au lieu de venger mon ami ? Je suis un hacker, je n'ai pas les mains propres, je ne les ai jamais eues. Je suis né d'un système corrompu et j'ai grandi dans le mensonge. Cela te fait peut-être plaisir de croire que tu protèges un mec bien, mais ce n'est pas le cas. La justice n'est pas toujours celle que l'on croit et celle que l'on doit. Les cicatrices que l'on a ancrées au fond de soi, laissent des traces, et se répercutent sur nos décisions à venir. Elles nous hantent, changent notre personnalité, notre perception des choses, car elles résonnent en nous comme les cordes d'un instrument que l'archet pince et qui émet des cris stridents sans fin.,Ce n'est pas parce que l'on fait quelque chose qui semble bien de l'extérieur, que l'intérieur n'est pas pourri. Je mérite probablement de finir avec un trou au milieu du front, les yeux ouverts à jamais sur ce monde de merde. Ne vois pas en moi ce que je ne suis pas ou ce que tu aimerais voir. Tu n'es personne pour connaître les raisons profondes de mon geste, car même moi, je ne les reconnais pas toujours.
- Qui essaies-tu de convaincre par ce discours ? Toi ou moi ? demanda simplement Jimin à la fin de sa tirade. Personnellement, je me suis déjà fait une opinion et rien de ce que tu diras ne me la fera changer. Tu as beau te cacher derrière ta froideur et ton air de t'en foutre, tu ne m'enlèveras pas de l'idée que la blessure est bien plus profonde que la perte de ton ami et que tu te bats pour faire tomber les barrières que certains utilisent pour cacher leurs méfaits.
Il se releva, coupant court à toute réponse et épousseta son jean, avant de pointer sa main vers la porte.
- Il est temps de rentrer, Monsieur Min, dit-il en appuyant sur ses derniers mots.
Yoongi se leva à son tour et se planta devant lui, plongeant son regard dans le sien. Ils se jaugèrent un instant et le hacker se demanda si, enfin, il n'avait pas trouvé quelqu'un capable de voir au-delà des apparences.
Il ne put cependant s'appesantir sur la question, déjà Jimin lui attrapait le bras et le dirigeait vers la porte d'entrée.
L'Agent Spécial Park était de retour et le jeune homme avec qui il avait eu une conversation venait de disparaître sous le masque du professionnalisme.
...
D-1 Parc national de Shenandoah 10:50 PM
La journée s'était écoulée dans un quasi-silence. Jimin avait somnolé quelques heures dans la matinée, sursautant au moindre bruit, l'esprit peu enclin à trouver du repos.
Il avait entendu la porte d'à côté s'ouvrir sur le coup de midi et s'était levé à son tour.
Jungkook, qui était un ventre sur pattes, s'était mis aux fourneaux pour cuisiner une des recettes improbables dont il avait le secret, mais qui avait le mérite d'être toujours bonne.
Ils avaient déjeuné tardivement en n'échangeant que des banalités.
Son coéquipier meublait le silence en se lançant dans des histoires abracadabrantes issues de son imagination fertile.
Jimin observait Yoongi à la dérobée, celui-ci souriait parfois aux récits de Jungkook, mais son sourire ne gagnait jamais ses yeux qui semblaient tournés vers l'intérieur.
Il évitait sciemment le regard de Jimin, qui pour une raison qu'il ignorait, en souffrait.
Il se raisonnait en se disant qu'après tout, ils n'étaient rien l'un pour l'autre. La pseudo-conversation nocturne qu'ils avaient eue ne lui donnait pas le droit de penser qu'il y avait plus entre eux qu'une relation garde du corps-témoin.
Il aurait pourtant aimé entendre à nouveau sa voix légèrement rauque.
Les heures s'égrenaient à la vitesse d'un escargot, mais enfin la nuit tomba, les rapprochant inexorablement du moment où ils devraient se séparer dans la salle d'un tribunal.
À cette idée, Jimin sentit une sensation de malaise l'envahir, il aurait aimé figer le temps.
Quand Yoongi demanda à sortir pour fumer, Jimin fit un signe de tête à Jungkook pour lui dire qu'il s'en occupait.
Il le précéda et l'emmena sur l'un des côtés de la cabane qui possédait un appentis qui permettait de ne pas être vu de l'extérieur. Il s'appuya contre le mur, les bras croisés et resta silencieux alors que le jeune homme allumait sa cigarette avec un soupir de satisfaction.
À son grand étonnement, il le vit s'approcher et lui en proposer une qu'il accepta.
Il n'était pas un grand fumeur, mais il aimait la sensation de la nicotine se diffusant dans ses veines, accélérant légèrement son rythme cardiaque.
À moins que ce ne soit le léger effleurement des doigts de Yoongi sur sa peau qui l'avait frôlé en allumant la cigarette coincée au bord de ses lèvres qui lui avait donné cette sensation aujourd'hui.
- Je suis désolé pour hier.
Jimin planta sur regard dans celui de l'homme qui lui faisait face. Son langage corporel était contradictoire, ses yeux noirs le défiaient de ne pas accepter ses excuses, alors que ses lèvres subissant la morsure continuelle de ses dents, dénotaient une certaine timidité, à moins que ce ne soit une gêne.
Il dut se retenir violemment de ne pas poser la main sur sa joue et de caresser délicatement cette bouche de son pouce pour l'empêcher de se blesser.
- Désolé pour quoi, demanda Jimin.
- Désolé de t'avoir parlé de cette façon, je ...
- Tu n'as pas à t'expliquer.
- Mais j'en ai envie, s'écria Yoongi, avant de détourner brusquement le regard.
Jimin haussa les sourcils devant la hausse de son ton, mais ne dit rien, attendant que l'autre commence à parler.
- Je n'ai pas l'habitude que l'on me prenne pour quelqu'un de bien. Ce que tu as dit hier... c'est comme si tu avais lu au fond de mon âme. À part Taehyung, personne n'a jamais eu assez confiance en moi pour croire que je n'étais pas juste un gosse vérolé par le pognon de ses parents et aveugle aux malversations qu'ils pouvaient commettre pour arriver à leurs fins. J'ai essayé de me battre contre eux, mais j'ai échoué. J'ai dû garder le silence sous les coups et les humiliations. Leur mort n'a pas été un drame pour moi, mais une renaissance. J'ai donné l'argent aux familles qu'ils avaient lésées et je n'ai gardé que le nécessaire pour arriver à mes fins, pour empêcher que cela se reproduise à nouveau. Mais je n'ai pas pu protéger Taehyung...
Jimin se décolla du mur et fit un pas vers Yoongi, il posa la main sur sa joue comme il en avait envie depuis le premier instant.
- N'en dis pas plus, je sais, crois-moi, je sais.
Il essuya une larme solitaire qui avait glissé sur la peau de celui qu'il devait protéger envers et contre tout.
- Pourquoi me dis-tu tout ça ?
- Parce que tu es différent, murmura-t-il d'une voix tremblante.
Le temps se suspendit, leurs regards plongés l'un dans l'autre ne se quittaient pas. Ils continuaient leur dialogue silencieux, celui qu'ils ne prononceraient pas à voix haute, parce que l'on n'était pas dans un film ou dans l'une de ces histoires qui finissent bien.
Parce que ce sentiment naît de nulle part, à la vitesse d'un éclair déchirant le ciel ne pouvait être nommé, parce que Jimin devait le protéger, parce que Yoongi pouvait mourir, parce que ce serait une erreur de céder à ce tourment délicieux qui les entourait et qui faisait pencher la tête de Jimin vers la bouche offerte de Yoongi.
Mais avant même que ses lèvres ne touchent les siennes, la première balle siffla près de son oreille et vint se planter dans le bois derrière lui, à quelques centimètres de son visage.
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LIFE GOES ON
The place where I passed for ten years
With countless wounds and glory
Looking back, each moment of memories
I've been running like it was the last time but I'm still scared
I know, I know this place right now
A place that will soon become a memory
Don't be afraid until the end of my life
Because life will go on forever
D-day Parc national de Shenandoah 00:13 AM
Il y a des moments où la fulgurance de la situation nous pousse à agir, certains appelleront ça l'instinct de préservation, d'autres la volonté farouche de protéger ce qui nous est précieux.
Jimin attrapa Yoongi contre lui et le plaqua au sol. Il donna un coup de pied dans la porte qui se situait sous l'appentis et qui donnait dans la maison. Il roula à l'intérieur en le tenant contre lui, les mains autour de sa tête pour le protéger en hurlant le nom de Jungkook.
De là où il était, il vit son coéquipier débouler dans l'escalier, son arme à la main, les cheveux hirsutes et le regard cherchant l'origine des coups de feu qui continuaient de pleuvoir en faisant exploser les bibelots qui se trouvaient sur la commode qui se situait en face de la porte.
Jimin se redressa prestement et réussit à fermer le battant, avant de tirer le meuble et de la positionner devant.
Yoongi s'était assis sur le sol et levait vers lui un regard paniqué. Il aurait aimé à cet instant le prendre dans ses bras et le rassurer, mais l'urgence de la situation ne le lui permettait pas. Les coups de feu s'étaient tus brusquement, cependant il savait qu'il reprendrait dès que le tueur trouverait un passage jusqu'à eux.
Il se maudit intérieurement de son imprudence, il avait laissé ses sentiments prendre le dessus sur sa mission et ils se retrouvaient dorénavant acculés. Il devait agir vite, il inspira profondément et revêtit son masque professionnel, mais celui-ci se fissura dès que son regard se posa sur le sweat blanc de Yoongi qui était taché de sang.
Il se précipita vers lui et l'inspecta sous toutes les coutures avant de s'apercevoir que c'était son propre sang qui coulait de son bras et qui avait taché les vêtements du hacker. Une balle l'avait effleuré, déchirant la chair sur plusieurs centimètres et la plaie saignait abondamment.
Yoongi se précipita vers lui en comprenant enfin de quoi il retournait, mais Jimin l'empêcha d'approcher, refusant de voir le regard blessé qu'il lui lançait avant de se tourner vers Jungkook. Son coéquipier avait fait le tour de la pièce et avait inspecté toutes les entrées pour être sûr que personne ne puisse pénétrer à l'intérieur.
Les volets, Dieu merci, se fermaient de l'intérieur, offrant ainsi la protection de leur bois épais. La porte latérale avait été bloquée et celle de l'entrée verrouillée. Cela leur laissait quelques minutes de répit.
- JK, emmène Yoongi à l'étage et passez vos gilets pare-balles, ramasse les affaires, je vais vous couvrir. Dès que le chemin est libre, vous filez à la voiture et vous partez d'ici.
- Et toi ? demanda son coéquipier.
- Je vous rejoins à la route principale qui mène à l'entrée du parc. Gare-toi entre les séquoias, tu seras moins visible, détruis les cartes sim des portables et toi, dit-il en regardant Yoongi, tu t'allonges à l'arrière et tu ne bouges pas.
- Jimin... supplia Yoongi.
- Plus tard, Yoongi, pour l'instant, la priorité est de te sortir de là.
- Tu es blessé ! Tu ne peux pas...
Jimin s'approcha de lui et posa ses mains sur ses épaules en l'obligeant à le regarder.
- Tu dois me faire confiance, ce n'est rien, c'est impressionnant, mais j'en ai vu d'autres. Si tu veux m'aider, tu dois suivre à la lettre toutes les instructions de Jungkook, ok ?
Leurs regards se perdirent l'un dans l'autre, avant que Yoongi n'acquiesce, les yeux brillants.
Jungkook, qui suivait l'échange sans comprendre comment ces deux-là pouvaient être tout à coup si proches, demanda.
- Je peux savoir ce qui se passe ici ?
Jimin se détacha de Yoongi et se tourna vers lui.
- Veille sur lui. Si je n'arrive pas à vous rejoindre d'ici deux heures, trouve un motel en bordure de Washington, cache la voiture et rendez vous au tribunal dans les transports en commun. Le tueur n'osera pas vous attaquer en public. Ne le quitte pas d'une semelle, même pour aller pisser, compris ?
Jungkook observait la passion qui animait les traits de son ami et la peur dans son regard et il comprit. Il n'avait rien vu arriver, mais les faits étaient là, ce qui les unissait dorénavant avait changé de nature.
- Ok, j'ai compris, toi, tu viens avec moi, dit-il à Yoongi en posant la main sur son bras pour l'emmener avec lui à l'étage. Cela ne te dérange pas qu'on se tutoie hein, parce qu'au point où on en est...
- JK ... gronda Jimin.
Son coéquipier se tourna vers lui avec un sourire.
- J'ai compris, vraiment compris, je veillerais sur lui comme sur la prunelle de mes yeux. Ne te fais pas buter ! J'aurai du mal à gérer la veuve éplorée, dit-il en faisant un signe de tête vers le hacker qui, malgré l'atmosphère pesante qui régnait dans la pièce, ne put s'empêcher de faire une grimace en entendant l'agent faire référence à lui, comme à une femme amoureuse.
Jimin hocha la tête.
- Vas-y maintenant, je vous rejoins, dit-il à Yoongi en posant la main au creux de ses reins et en le poussant vers son coéquipier. Aie confiance en moi.
Le jeune homme acquiesça et se retourna enfin pour regagner l'étage.
Jimin se reprit et court-circuita tous les sentiments qui s'agitaient en lui. Il enfila le pare-balle qu'il avait posé sur la table de l'entrée à son arrivée, il glissa son Beretta dans la ceinture de son jean et sortit dès qu'il vit les deux hommes redescendre, un sac à la main.
Il leur jeta un dernier coup d'œil et sortit dans la nuit.
...
Il lui fallut quelques minutes pour se rendre compte que le tireur était parti. Il fit signe à Jungkook qui entraîna Yoongi vers la voiture et démarra aussitôt, les phares de la voiture perçant la nuit noire.
Il fit le tour de la cabane, mais ne trouva aucune trace, jusqu'à ce qu'il escalade la colline qui se situait derrière le chalet. À la lueur de la lune, il vit briller les douilles qui étaient tombées au sol pendant les tirs. Il en prit une dans sa main et la glissa dans sa poche, incapable d'en distinguer les caractéristiques dans la pénombre.
Il se redressa et grimaça sous la douleur de son bras. Le sang avait séché et adhérait au tissu de son pull, il devrait s'occuper de nettoyer la plaie dès qu'il serait en lieu sûr.
Il leva les yeux et repéra Polaris qui indiquait le nord, avant de se mettre en route pour rejoindre la voiture qui devait l'attendre près de l'entrée du parc.
Il se guidait à la lueur de la Lune, marchant sans bruit, l'arme au poing, mais il ne pouvait empêcher les pensées de l'effleurer. Son esprit entier était tourné vers l'homme qui avait croisé son chemin moins de vingt-quatre heures auparavant.
Il ne pouvait expliquer l'élan qui le poussait vers lui et la terreur qui l'habitait à l'idée qu'il puisse lui arriver quelque chose. Il savait que son métier lui interdisait toute relation avec les personnes dont ils avaient la charge, mais pour lui et pour la première fois, il se sentait capable de jeter ses principes aux orties.
Il marcha pratiquement une heure avant de pousser un soupir de soulagement en constatant que la voiture l'attendait, tous feux éteints, à l'endroit indiqué et à l'abri des regards des personnes qui empruntaient la route principale.
Jungkook sortit de la voiture dès qu'il le reconnut, bientôt suivi par Yoongi. Le jeune homme se précipita vers lui. Il s'écrasa brutalement sur son torse et réveilla la douleur de son bras, pourtant Jimin referma les siens instinctivement autour de lui avant de l'entraîner vers le véhicule.
Il s'assit à l'arrière avec lui et entreprit d'enlever sa veste et son sweat qui se détacha de la blessure avec un bruit sec, la faisant saigner de nouveau. La plaie se détachait sur sa peau blanche, mais même avec le peu de visibilité, il pouvait voir que cela était moins grave que ne le laissait supposer l'hémorragie. Il attrapa la trousse de secours qui se situait sous le siège pour se faire un bandage, mais Yoongi lui prit la boîte des mains et malgré la blancheur extrême de son teint qui dénotait son malaise à la vue du sang, entreprit de nettoyer l'entaille en silence.
Jimin l'observa un instant et se laissa aller contre la banquette, les yeux perdus sur son visage. Il serra les dents pour endiguer la douleur que lui provoquait l'application d'alcool sur sa plaie à vif.
- Tu as trouvé quelque chose ? demanda Jungkook, les yeux fixés sur la route.
Il se soustrait un instant aux soins de Yoongi pour sortir la douille qu'il avait mise dans la poche de son jean et la regarda à la lueur de son portable.
- J'ai trouvé une douille, c'est une balle de MP5.
- MP5 ?
- C'est quoi MP5 ? demanda le hacker après avoir repris le bras de Jimin pour appliquer un pansement.
Les regards des deux agents se croisèrent un instant dans le rétroviseur. La même conclusion leur vint à l'esprit.
- MP5, c'est un fusil d'assaut utilisé par le FBI.
...
Ils étaient arrivés dans un motel en banlieue de Washington qui se trouvait à une dizaine de kilomètres en métro du tribunal. Jungkook avait garé la voiture à l'extrémité du bâtiment de telle façon qu'elle ne soit pas visible depuis la route, avant de se rendre à la réception pour prendre une chambre.
Jimin, qui avait enfilé un autre sweat qui traînait dans son sac, observait Yoongi qui fumait une cigarette, le dos appuyé à la portière de la voiture.
Ils n'avaient échangé que peu de mots depuis leurs retrouvailles, mais les gestes avaient parlé pour eux. Après que sa blessure ait été soignée, il avait glissé sa main dans celle tremblante du hacker qui avait poussé un soupir. Il aurait aimé le prendre dans ses bras pour le rassurer, mais la situation ne s'y prêtait pas, le danger rôdait autour d'eux et ils savaient dorénavant qu'ils avaient été trahis.
Jungkook revint, et après avoir récupéré les sacs, les dirigèrent vers une chambre au rez-de-chaussée. Il l'avait choisi afin de pouvoir fuir plus facilement si on devait les retrouver.
Il se laissa tomber sur l'un des deux lits jumeaux qui constituaient le mobilier alors que Yoongi prenait place sur l'autre, l'air sombre et la capuche relevée sur ses cheveux noirs. La chambre n'était pas du plus grand luxe, mais possédait le nécessaire pour terminer cette nuit infernale.
- On fait quoi maintenant ? demanda son ami.
Jimin jeta un regard autour de lui. Le papier peint fleuri semblait dater des années soixante et une forte odeur de tabac froid flottait encore dans l'air. Un vieux téléviseur était posé sur un meuble qui avait connu de meilleurs jours, mais l'endroit était bien situé.
- On ne fait rien, on attend. On s'est débarrassé des cartes sim de nos portables, je ne vois pas comment il pourrait nous tracer dorénavant. Tu as ce que je t'ai demandé ?
Jungkook fouilla dans le sac plastique qu'il avait jeté sur le lit en entrant.
- Tiens, une carte prépayée, Dieu merci, ils en avaient à l'accueil. J'ai pris à bouffer aussi, dit-il avant d'étaler plusieurs paquets de gâteaux et de chips sur la courtepointe tachée d'une substance indéterminée et qu'il préférait ne pas identifier. Tu crois que c'est lui ?
- Qui d'autres ? Il était le seul à savoir où on était, il l'a confirmé lui-même lors du briefing.
- Ça vous dérangerez de m'expliquer et d'arrêter de faire comme si j'étais un gosse incapable de comprendre ? s'énerva Yoongi en tirant une cigarette de sa poche et en l'allumant.
- Pour info, c'est interdit de fumer dans les chambres, dit Jungkook avant d'engouffrer trois gâteaux dans sa bouche. Apparemment, le danger était loin de lui couper la faim.
Yoongi le regarda par-dessus la flamme de son briquet et haussa les sourcils.
- On a tous failli crever ce soir et toi, tu joues à la Police des bonnes mœurs ?
Jungkook arrêta de mâcher un moment avant de secouer la tête.
- Pas faux.
- Huh ! Bon, vous m'expliquez...
- Kim Namjoon, dit Jimin, avant de prendre une clope dans le paquet et de se pencher pour que le hacker allume sa cigarette. Leurs regards s'accrochèrent un moment avant que Yoongi ne détourne le regard, les joues légèrement colorées d'un rose tendre.
Jimin eut envie de l'embrasser, mais se redressa en tirant une taffe avant de reprendre.
- Notre directeur était le seul à savoir que nous devions planquer dans ce chalet, et l'arme utilisée était un fusil d'assaut utilisé au FBI.
- Et tu penses que c'est lui qui a essayé de nous tuer ?
- Je ne vois pas qui cela pourrait être d'autre, les preuves convergent toutes vers lui. Est-ce que, par hasard, tu aurais vu ce nom dans les fichiers que tu as piratés à SUN LIFE ?
Yoongi fronça les sourcils, il se concentra avant de secouer la tête.
- Il y a des centaines de fichiers, je n'ai pas tout épluché, je me suis concentré sur Jung Hoseok.
- Merde, s'éclama Jimin en se passant une main dans les cheveux.
Yoongi écrasa son mégot dans une vieille tasse qui traînait sur la table de chevet et ouvrit son sac à dos, avant de sortir un ordinateur portable dernier cri.
Jungkook le regarda sans comprendre.
- Attends, tu te balades avec les preuves sur toi ?
Le hacker le toisa comme s'il avait affaire à un extra-terrestre.
- Tu me crois assez con pour ça ? Je n'ai rien là-dedans, mais avec une connexion internet, je peux accéder au Cloud où ils sont stockés. Donc, dit-il en articulant chaque syllabe, il me faudrait l'accès au wifi, je passerai par un VPN pour qu'on ne puisse pas repérer mon IP.
Jimin ne put s'empêcher de rire, en voyant la mâchoire de son coéquipier s'ouvrir, les yeux hagards.
- Quoi ? dit-il en regardant Jimin, tu as compris ce qu'il a dit peut-être ?
- Oui, j'ai compris. Le monsieur te demande d'aller à l'accueil pour demander le mot de passe du wifi, dit-il en pointant du doigt une affichette punaisée sur le mur qui indiquait les démarches à faire pour accéder à internet.
Jungkook referma la bouche après avoir levé le majeur en direction de son ami et claqua la porte ce qui accentua le rire de Jimin.
- Tu lui fais confiance ?
Le rire s'arrêta brusquement et les yeux de l'agent se posèrent sur l'homme assis sur le lit.
- Je lui confierais ma vie et ce que j'ai de plus précieux, dit-il en plongeant dans son regard d'onyx.
Le hacker comprit et baissa les yeux en rougissant.
L'atmosphère s'alourdit, comme un parfum capiteux qui se serait diffusé dans la pièce, les laissant lourds de sensations, un peu ailleurs.
Jimin se reprit le premier et attrapa la carte prépayée qui gisait sur la courtepointe avant de la glisser dans son téléphone.
- Tu appelles qui ? demanda Yoongi, les joues un peu moins rouges, mais les yeux toujours rêveurs.
- Un ami, on a besoin d'aide.
Il sortit devant la porte de la chambre et tapa un numéro, son interlocuteur décrocha à la première sonnerie.
- Kim Seokjin, j'écoute.
- Jin, c'est Jimin, j'ai besoin de toi.
...
D-day Metro de Washington Union station 02.14 PM
La nuit avait été courte, voire inexistante, ils n'avaient pas dormi.
Yoongi avait réussi à trouver un fichier comportant le nom de leur directeur, au même titre que d'autres personnes ayant des postes clés, que ce soit dans la police, au sein de leur organisation et même plusieurs procureurs. Ils avaient bénéficié des largesses de Jung Hoseok qui avait, grâce à de gros virements, acheté leurs silences sur des transactions illégales qui avaient été interceptées par leur service.
Ils quittèrent le motel en abandonnant derrière eux leur véhicule et se rendirent à la Cour suprême en métro pour descendre à la station d'Union qui se trouvait à proximité du lieu du rendez-vous.
Ils n'avaient aucune idée de la façon dont se dérouleraient les choses une fois à l'intérieur, mais ils ne s'attendaient certainement pas à trouver le directeur Kim Namjoon dans le hall d'accueil, les yeux rivés sur les portes pour guetter leur arrivée.
L'homme ne pensait pas avoir été démasqué et agissait comme son rôle l'exigeait, en directeur des opérations. Il s'avança vers eux et salua ses subordonnés d'un geste de la tête.
- Messieurs, Monsieur Min, dit-il en inclinant la tête vers Yoongi qui serrait son sac à dos contre lui comme s'il pouvait le protéger de coups de feu. Je vois que vous avez accompli votre mission avec brio, vous pouvez rentrer chez vous et prendre quelques jours de congés. Je m'occupe dorénavant d'escorter Monsieur Min en salle d'audience. Il sera ensuite intégré à notre programme de protection des témoins et disparaîtra officiellement de la surface du globe si j'ose dire.
Jimin ne put s'empêcher de frissonner à cette mention. Il avait l'intention d'emmener Yoongi jusque devant le juge auprès duquel il serait en sécurité, mais il ne pouvait refuser un ordre direct de sa hiérarchie au risque d'éveiller les soupçons de son directeur.
Il s'inclina donc devant lui et jeta un dernier regard au hacker, dont il voyait la panique noyer son regard. Kim Namjoon lui attrapa le bras et l'amena avec lui. Yoongi se retourna une dernière fois dans sa direction et Jimin murmura un "fais-moi confiance" silencieux.
Une fois qu'ils eurent disparu derrière une porte, il se retourna vers Jungkook.
- Maintenant.
Son coéquipier hocha la tête et partit à leur suite alors que Jimin se dirigeait vers une porte dérobée sur sa gauche.
La peur lui nouait les tripes et il était au bord de la nausée, mais il devait faire vite, chaque minute était comptée.
...
Yoongi regardait les couloirs du sous-sol défiler devant ses yeux, Kim Namjoon le tenait par le bras et marchait d'un pas pressé. Il devait garder son calme et croire en Jimin, mais la peur ne cessait de s'immiscer dans ses veines.
- Où allons-nous ? Il me semble que les salles d'audience et les bureaux des juges se trouvent au premier étage.
- Au vu de la délicatesse de l'affaire et afin d'assurer votre sécurité, nous sommes dans l'obligation de prendre des chemins détournés. Ne vous inquiétez pas, nous arrivons à destination, dit-il en approchant un badge d'un lecteur optique, qui déverrouilla la serrure d'une porte.
Le directeur s'effaça devant lui et le laissa entrer en premier. Il s'agissait d'une sorte de hangar qui avait dû, à une époque, servir de garages aux véhicules de la Cour suprême, à moins que cela serve de zone de délestage pour les témoins des procès à risque.
Un van noir était garé là et à leur arrivée, deux hommes en descendirent. Ils portaient des armes à la main. Yoongi se retourna vers Kim Namjoon les yeux affolés.
- Attendez, ce n'est pas...
L'homme qui se tenait devant lui changea totalement d'expression, de l'air affable qu'il avait jusque-là, il ne restait rien. Seul un rictus haineux s'affichait sur ses lèvres.
- Vous croyez vraiment que je vous laisserais assister à ce procès, Monsieur Min, avec ce que vous savez ? J'aurais pu vous tuer si je le voulais, mais je devais d'abord récupérer le mot de passe.
- C'est impossible, vous pouvez me tuer si vous le souhaitez, mais je ne vous le donnerai jamais, s'écria Yoongi en se dégageant brusquement de son emprise.
— Oh, mais je l'ai déjà ! Je n'ai plus qu'à m'en débarrasser et à effacer toutes les traces.
- Comment ? balbutia le hacker dont le cœur se serrait à l'idée d'avoir été trahi, deux personnes seulement l'avaient vu se connecter au Cloud, Jungkook et... Jimin.
Il secoua la tête et recula, incapable de croire qu'il avait pu tromper sa confiance, que ce qu'il avait ressenti n'était qu'une chimère.
Aurait-il menti ? Son propre cœur se serait-il laissé berner par ce sourire ? Par la sensation de sa main sur sa joue ? L'air lui manqua quand la douleur le frappa de plein fouet.
Il ne pouvait le croire, il ne voulait pas le croire.
- Ce sont des foutaises, hurla-t-il, vous n'avez rien, RIEN.
- Non, il a raison.
Il se retourna et vit une silhouette sortir de l'ombre, un sourire railleur aux lèvres.
- Jungkook ?
- Lui-même, répondit celui-ci, en faisant une petite révérence. Tu ne devrais pas accorder si facilement ta confiance, la veuve. Ce fut tellement facile que cet abruti de Park n'a rien vu venir.
- Où est-il ? demanda Yoongi d'une voix tremblante.
- Ne vous inquiétez donc pas pour cela, mon cher Yoongi, répondit Kim Namjoon, en faisant signe aux hommes de main de s'approcher. Vous le rejoindrez bientôt au fond du lac du parc qui a vu naître votre idylle. Amenez-le et tuez-le !
Sous le choc, Yoongi se mit à hurler et tomba à genoux.
Il ne pouvait pas être mort, pas maintenant, pas sans lui avoir dit au revoir, pas sans avoir senti la douceur de ses lèvres sur les siennes.
Les larmes se mirent à couler sur ses joues, le noyant dans son chagrin, mais déjà les hommes s'approchaient de lui. Il aurait pu se lever et se mettre à courir pour tenter de s'échapper, mais rien à cet instant ne lui donnait l'envie de sauver sa vie.
Taehyung, Jimin ...
Il avait perdu tout désir de se battre au moment même où le directeur avait proclamé sa sentence.
Il ferma les yeux et attendit que les hommes l'emmènent, à moins qu'ils lui tirent directement une balle dans la tête, ici, entre les murs insonorisés de la Cour Suprême.
Le bruit de portes que l'on défonce et un échange de coups de feu lui firent ouvrir les yeux à nouveau sur le monde. Il vit Jimin se précipiter vers lui et le tirer à l'écart sans même comprendre que cela n'était pas une hallucination.
Il le tira derrière un poteau et le fit s'accroupir.
- Tu ne bouges pas d'ici, lui dit-il avant de repartir son arme à la main, le laissant hébété de surprise.
Les coups de feu continuèrent, puis le silence se fit, glaçant, terrible. Il n'osait pas sortir de derrière le pilier, incapable qu'il était d'imaginer une scène dans laquelle il verrait le corps ensanglanté de Jimin au sol.
Il mit sa tête sur ses genoux repliés contre son torse et éclata en sanglots, s'enfermant dans un monde loin de l'odeur métallique du sang et de la poudre qui se répandait dans l'air.
Le cerveau se déconnecte de la réalité quand il est confronté à un stress émotionnel trop important et Yoongi se laissait glisser.
C'est une main dans ses cheveux et son nom répété d'une voix douce qui le tira de sa torpeur
Il leva enfin la tête et son regard baigné de larmes croisa celui de Jimin qui lui souriait.
La vie reprit place dans son corps, le sang circula à nouveau dans ses veines, ses synapses recommencèrent à fonctionner, l'air entra à nouveau dans ses poumons.
- C'est fini, lui murmura Jimin.
- Fini ? articula-t-il avec la voix d'un enfant.
- Fini.
Yoongi se jeta dans les bras de celui qui était devenu son tout, celui qui lui permettait de vivre, celui qui l'avait protégé envers et contre tout.
Peut-être la vie lui laissait une chance d'oublier et de recommencer.
...
D+181 Parc national de Shenandoah 09:03 PM
Ils étaient revenus au lieu qui avait vu naître la fulgurance attirance qui s'était transformée en amour profond en l'espace d'un battement de cils.
Kim Namjoon et Jeon Jungkook avaient été blessés dans la fusillade, puis arrêtés et traduits en justice. Ils avaient été condamnés à perpétuité pour haute trahison.
Kim Seokjin, l'ami de Jimin, avec qui il avait fait ses classes à Quantico et qui dirigeait les affaires internes, avait été promu nouveau directeur de la division nord-est du FBI.
Yoongi avait appris que Jimin avait eu un doute dès l'instant où Jungkook avait mentionné son incompétence en informatique lors du briefing.
Il avait décidé d'un plan avec son ami Jin au moment où il était allé passer un coup de fil.
Yoongi avait témoigné, et Jung Hoseok et un certain nombre de personnalités avaient été arrêtées, condamnant l'ONG à être dissoute.
Jimin avait démissionné et ouvert une société privée de garde du corps.
Yoongi était resté à ses côtés depuis ce jour, sans jamais le quitter une seconde pour son plus grand bonheur.
- À quoi penses-tu ? demanda Jimin en posant ses lèvres sur la clavicule de Yoongi qui portait la marque bleutée de leurs ébats.
- À ce type, tu sais, le rappeur qui explose les charts un peu partout dans le monde.
Jimin se redressa et planta son regard dans celui de Yoongi.
- Agust D ? Beau mec, mais je ne sais pas trop comment je dois le prendre.
- Mais non, idiot, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je pense à ses chansons ; j'ai l'impression qu'elles ont été écrites pour moi.
- Elles sont dures pourtant, pleines de douleurs et de blessures. C'est cela que tu ressens maintenant ?
Yoongi passa une main dans les cheveux de l'homme qu'il aimait et déposa un tendre baiser sur ses lèvres.
- C'est ce que je ressentais et je porterais certainement ce souvenir en moi comme une cicatrice pour toujours. Mais...
- Mais ?
- Le plus important est le message qu'elles transmettent. La résilience...
Jimin eut un sourire attendri et déposa à son tour un baiser sur les lèvres de son amant.
Dans ce dernier mot résidait leur futur.
Des souvenirs de cette aventure, ils enfermeraient au fond d'eux la perte d'un être cher, la trahison d'un ami, la corruption qui régnait sur le monde et ne garderait que le meilleur qui resterait à venir, du moins, l'espéraient-ils.
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