L'unique caillou qui eut le malheur de se dresser sur la route de Jaemin fut propulsé hors de sa route d'un coup de pied rageur. La pierre roula au loin, tapa contre une poubelle solitaire dans un bruit de métal bien trop fort, et Jaemin suivit sa course d'un regard morne. Un hurlement de rage se coinça dans sa gorge. Rien ne se déroulait comme il le souhaitait, même ce fichu caillou refusait de dégager de son champ de vision et continuait à lui polluer le paysage. Comme pour se moquer de lui, le ciel gronda et une goutte s'écrasa au sommet de son crâne. Il serra les dents, les poings et hurla sa colère. Il était presque une heure du matin, un moment indécent pour crier de la sorte, mais il se fichait bien de réveiller les habitants du quartier. Il avait besoin d'extérioriser sa rage avant de commettre un meurtre.

Jaemin plaqua ses cheveux en arrière d'un mouvement sec, son regard noir foudroyant le ciel de nuit. Il détestait tout et tout le monde, mais le pire c'était lui. Lui, l'abruti qui partageait sa vie depuis trois ans et qu'il maudissait autant qu'il l'aimait. Un amour brûlant et acide qui faisait fondre son cœur au point de le rendre douloureux. Lui qui lui avait une fois de plus fait perdre patience et qui avait marqué son beau visage d'un hématome impossible à cacher. Jaemin s'arrêta devant le petit kiosque à journaux présentement fermé, mais qui était l'une des attractions principales du parc une fois le jour levé. Ses doigts effleurèrent l'angle de sa mâchoire et il grimaça. Non seulement c'était inesthétique, mais ça lui faisait surtout mal.

La constatation l'irrita davantage. Il allait une fois de plus devoir passer des heures dans la salle de bain pour peaufiner son maquillage et cacher cette hideuse marque. Parce qu'il ne l'assumait pas et qu'il ne voulait pas répondre aux questions de ses collègues. Inconsciemment, il pressa ses doigts contre l'hématome et couina de douleur. Un petit bruit digne d'une souris qui le fit rougir de honte, même si personne n'était là pour l'entendre. Il était un homme de vingt-quatre ans, il ne gémissait pas comme une petite fille pour une blessure aussi mineure. Jaemin erra un long moment dans l'espoir de faire passer sa colère. La démarche fonctionna, mais le laissa ensuite en proie aux doutes et à l'impuissance. Comme à chaque fois.

Il se repassa la scène en boucle, la rejouant sans omettre la moindre parole ou le moindre geste. Ce qu'il avait dit. Ce qu'il avait fait. Ce qu'il aurait dû changer et ce qu'il ne regrettait pas. Il fit la moue et marmonna des insultes dans la nuit. Il se déchargeait et ça lui faisait du bien, cependant ça ne le défoulait pas autant que s'il avait eu une personne physique en face de lui. Jaemin prit alors le chemin d'un appartement qu'il connaissait bien sans se soucier de l'heure. Le trajet fut rapide, après tout, maintenant qu'il n'avait pu la colère pour lui tenir chaud et que la fatigue lui tombait dessus comme une chappe de plomb, il ne rêvait plus que de retrouver une certaine forme de confort. Hors de question de rentrer chez lui, là où son petit-ami devait encore se trouver, mais il savait qu'un confortable canapé l'attendait non loin. Ses pas se firent pressés.

Il tapa le code à l'entrée de la résidence, sélectionna l'étage à peine entré dans l'ascenseur, avant d'appuyer sur la sonnette vétuste. Le nom de l'occupant de l'appartement n'était même pas lisible tant l'étiquette était abimée, mais ça ne semblait déranger que lui. Depuis le temps qu'il signalait ce défaut à Jisung, si ce dernier avait voulu y faire quelque chose, ça aurait déjà été fait. Jaemin perdit rapidement patience et insista, son doigt malmenant sans vergogne la pauvre sonnette. Il entendit alors des pas lourds venir dans sa direction, puis le loquet de sécurité être retiré avant que la porte ne s'ouvre.

Park Jisung était un jeune homme à peine plus jeune que Jaemin, naturellement souriant et de bonne humeur, mais à plus de deux heures du matin, en pleine semaine et sans avoir été prévenu au préalable, il n'était pas des plus souriants pour ouvrir à son meilleur ami. Jaemin se faufila dans l'entrebâillement avant que l'autre n'ait l'idée de lui refermer au nez et se dirigea naturellement dans le petit salon. Ses chaussures furent abandonnées dans l'entrée, sa veste trempée jetée sur le dossier d'un siège et il s'affala en travers du canapé vieillot. Un profond soupir provenant de l'entrée le fit se sentir un peu coupable alors qu'il jetait un rapide regard à l'heure. D'accord, il reconnaissait qu'il abusait un peu. Même si c'était une reconnaissance de mauvaise grâce. Jaemin se mit dans une position un peu plus adaptée, en tailleur, et se mordit le bout de la langue. Jisung le rejoignit d'un pas trainant et se laissa tomber dans le fauteuil en face. La fatigue se lisait sur son visage et le fait qu'il se tapote les joues n'y changea rien. Il avait juste les pommettes rosées qui égayaient à peine son teint de cadavre.

— Tu dormais ?

Jisung haussa à peine le sourcil et Jaemin grimaça. Sa question était stupide. Évidemment que l'autre dormait, il avait besoin de sommeil avant d'affronter une journée de cours contrairement à son aîné qui avait arrêté les études après avoir décrété que ce n'était pas fait pour lui. Jaemin joua avec le cordon humide de son sweat. Toute sa colère était évaporée, il ne ressentait plus qu'une honte insidieuse. Jisung soupira une fois de plus et se leva en forçant un sourire.

— Qu'est-ce que tu veux boire ?

— Si je te dis de l'alcool, tu vas m'expliquer que je peux aller me faire voir ?

— Pourquoi demander si tu connais déjà la réponse ? sourit Jisung. Non seulement je n'ai pas d'alcool chez moi, mais en plus t'as déjà l'air assez pitoyable comme ça. Pas besoin que tu te transformes en épave pour compléter le tableau.

Jaemin grogna et s'enfonça dans les coussins du canapé.

— Ta sollicitude me touche tellement, t'es comme un frère Ji'.

— Un chocolat chaud pour le gros bébé alors. Va te passer de l'eau sur le visage, t'as du sang au coin de la bouche et sur les doigts. J'aimerais éviter d'avoir de grosses traces rouges sur mes meubles. Ils ne sont pas tout neufs, mais j'ai clairement pas les moyens d'en racheter d'autres alors j'aimerais qu'ils tiennent encore quelques années.

— T'es vraiment sans cœur.

Jaemin souffla par les narines, mais s'exécuta sagement. Il passa devant la chambre, fermée, de Jisung pour atteindre la petite salle d'eau dans laquelle il se rafraîchit. Ses doigts passèrent méthodiquement dans sa chevelure brune pour lui donner un aspect décent, il nettoya le sang sur son visage et ses mains et tenta, sans succès, d'enlever une trace sur le bas de son sweat. Il abandonna en voyant que sa tentative ne donnait rien et repassa dans le couloir pour rejoindre le salon. Un filet de lumière passait sous la porte de la chambre.

Un chocolat fumant l'attendait quand il posa à nouveau ses fesses dans le canapé et il s'empressa d'enrouler ses doigts autour. Ses extrémités meurtries lui firent mal, mais il choisit de se concentrer sur la chaleur diffuse qui le réchauffait. Il trempa les lèvres dans le breuvage et soupira de contentement. Jisung ramena ses jambes sous lui, un verre d'une boisson pétillante à la main. Son regard déstabilisa Jaemin qui fit mine de découvrir un nouveau tableau sur le mur.

— Alors, c'était quoi cette fois ? Et je m'en fiche de savoir qui a commencé, vous êtes tous les deux en tort.

La dernière phrase hérissa Jaemin qui pinça les lèvres en se renfrognant. Pour lui c'était important de savoir qui était commencé, parce que ça voulait dire que ce n'était pas de sa faute, mais uniquement celle de Lucas.

— Il m'a fliqué. Il a installé une application sur mon téléphone pour pouvoir me tracer à tout moment. Il s'en est servi et il a vu que je lui avais menti sur ma localisation, il me l'a reproché ce soir.

— Ah, c'est pas joli ça, grimaça Jisung.

Mais parce qu'il le connaissait si bien, il posa la question qui faisait mal.

— Et toi ? Tu as fait quoi pour qu'il pète les plombs ? Parce que je comprends que tu te sois énervé, mais Lucas a un peu plus de contrôle que ça. Il ne se serait pas battu « juste », et je te mime les guillemets pour être sûr que tu les voies, parce que tu as découvert un logiciel espion. T'étais en date avec son frère ou quoi ?

La tentative d'humour de Jisung ne soutira qu'un grognement coupable à son ami. Jaemin but tranquillement son chocolat en espérant que le temps serait de son côté, mais l'hôte n'en démordit pas. Jamein reposa la tasse et souffla.

— Il m'a dit qu'il avait un rendez-vous professionnel aujourd'hui avec madame Yoo.

— Et ?

Le haussement de sourcil perplexe de Jisung fit bondir le plus vieux qui se mit à faire les cent pas au milieu du petit salon. Son ami lança un regard en direction du petit couloir et grimaça avant de se reconcentrer sur le lion en cage devant lui.

— Madame Yoo, insista Jaemin. Tu ne vois vraiment pas le problème ?

— Je dois vraiment être stupide parce que non, grinça Jisung que le manque de sommeil rendait moins tolérant. C'est quoi le souci avec elle ?

— Yoo Karina, la déesse du département des Ressources Humaines ? La grande brune avec le grain de beauté qui a fini deuxième au concours de Miss Korea l'année dernière ? La célibataire la plus en vue de l'année ? Celle qui fait tourner toutes les têtes ?

— Ton mec est gay, Jaemin. Comment tu peux lui faire une crise de jalousie par rapport à une femme ?

Il rougit, de colère et de gêne. Il avait besoin du soutien de son meilleur ami, pas que celui-ci mette en avant des détails insignifiants pour protéger Lucas. Lucas était homosexuel, ils étaient en couple depuis trois ans, mais c'était Yoo Karina en face. Pas une simple fille. Le risque était là. Jisung roula des yeux et agita la main en l'air pour lui signifier de poursuivre son histoire.

— Donc, il avait un rendez-vous d'affaires et quoi ? Ça n'en était pas un au final et ils sont partis se faire un ciné ? Il te quitte pour elle ?

— Ils ont juste parlé chiffres et finances pendant plus de deux heures...

Jaemin surprit le regard réprobateur de son ami et ses épaules s'affaissèrent. Jisung avait compris et il ne cautionnait absolument pas.

— Tu les as espionnés et Lucas t'a choppé en essayant de te surveiller toi, c'est ça ?

Il hocha la tête, honteux. Il revoyait la tête de son petit-ami qui se décomposait en regardant son téléphone puis l'appel qui avait suivi. À cet instant, il ignorait encore qu'il y avait une application qui le traquait entre deux jeux mobiles et il avait menti sans vergogne. Pire, il avait assuré à Lucas qu'il se trouvait à l'opposé de la ville, en train de faire des courses pour le diner du soir, et lui avait reproché de ne pas le croire.

— Au final il avait raison de ne pas te faire confiance, soupira Jiisung en roulant des yeux. T'es un baratineur jaloux et lui c'est un maniaque du contrôle. Super le couple.

— Désolé de ne pas être le couple parfait. Faudra que tu écrives un livre à ce propos, que je puisse prendre exemple sur toi, répliqua Jaemin d'une voix où perçait l'amertume.

Le plus jeune s'aperçut qu'il avait été trop loin et il s'excusa. Ses mots avaient dépassé sa pensée et il était fatigué. Il sortait d'une semaine d'examens, en avait encore deux dans quelques heures, puis encore quelques-uns la semaine suivante. Il était irritable. 

— Quand que je suis rentré à l'appartement, il était déjà là avec sa tête des mauvais jours. Sauf que j'étais pas de bonne humeur. Même s'il ne s'est rien passé, les voir ensemble ça m'énerve. Je sais que j'ai un souci de jalousie, pas besoin de me le redire, mais c'est plus fort que moi. J'aime pas quand il voit d'autres personnes, qu'ils parlent avec d'autres gens et c'est encore pire quand je suis pas là parce que je me fais des films tout seul. Le pire c'est que je lui fais confiance, mais... je peux juste pas.

Jaemin remit ses cheveux en arrière dans une vaine tentative que ça l'aide à mettre ses pensées au clair. Il savait qu'il y avait un problème dans son couple, que cette violence n'était pas saine. Que ni lui ni Lucas n'agissait comme un partenaire devrait le faire et il avait aussi conscience que la situation pesait à leur entourage. Il ne comptait plus le nombre de fois où il avait débarqué chez Jisung sans prévenir, simplement pour cracher son mal-être et s'éloigner de son petit-ami. Cette situation ne pouvait pas durer pour toujours, mais il refusait de quitter Lucas. Alors il continuait à abuser de la gentillesse de son meilleur ami et il refaisait les mêmes erreurs. Inlassablement.

— On s'est pris la tête, il m'a avoué pour le logiciel espion et qu'il savait que je n'étais qu'à quelques mètres d'eux alors que je lui avais juré le contraire. C'est parti en vrille et je l'ai frappé.

Le jeune homme baissa les yeux vers son poing fermé, le même qui avait percuté Lucas à la mâchoire quelques heures plus tôt. Il ressentait encore la force du choc dans ses phalanges à la peau écorchée.

— On s'est battus et je suis sorti de l'appart pour prendre l'air. J'ai trainé un peu et je suis venu ici... Je ne sais plus quoi faire Ji'.

Une porte s'ouvrit puis claqua brutalement. Des pas se firent entendre dans le couloir et Jisung se leva, une grimace tordant son visage fatigué. Il eut juste le temps de traverser le petit salon qu'une silhouette masculine émergea. En short et en tee-shirt qui devaient appartenir initialement à Jisung, Chenle les foudroyait du regard. Jaemin déglutit. Il ne savait pas que le copain de son meilleur ami se trouvait dans l'appartement et il s'enfonça dans les coussins en espérant disparaitre. Chenle ne l'aimait pas.

Au départ, il y avait eu une étincelle amicale entre eux. Ils avaient fait quelques sorties, ils s'entendaient bien, mais les visites nocturnes de Jaemin avaient fini par détruire leur amitié encore fragile. Jisung prit la main du Chinois dans la sienne, mais celui-ci se dégagea d'un mouvement sec.

— Ça fait une plombe que ça dure alors je vais dire deux choses, siffla Chenle.

Il leva un premier doigt en direction de Jaemin.

— Séparez-vous et allez consulter un putain de psy, il n'y a plus que lui qui pourra faire quelque chose pour essayer de sauver votre couple. Vous êtes juste malsains et vous vous enchainez dans un cercle vicieux. Soyez un peu adultes et agissez.

Il leva un second doigt, en direction de son petit-ami cette fois.

— Je rentre chez moi. Je sors d'une garde et je voulais passer la nuit avec mon chéri, mais puisque celui-ci préfère passer, encore une fois, la nuit à écouter le même disque en boucle de son pote, je me casse. J'ai pas signé pour être la troisième roue du carrosse. Donc, je vais aussi te coller un ultimatum Park Jisung. Soit tu mets les points sur les I avec ce crétin et tu fous des limites, soit c'est fini entre nous deux. J'en ai marre de passer après.

Jaemin ouvrit la bouche pour défendre son ami, mais les prunelles infernales de Chenle le liquéfièrent sur place. Il resta sagement silencieux, la tête basse, en essayant de faire abstraction des bruits qu'il entendait. Des affaires fourrées à la va-vite dans un sac, des supplications, encore des bruits d'affaires, puis des pas qui claquaient sèchement sur le sol. Chenle passa devant lui sans lui accorder le moindre regard. Il claqua la porte d'entrée au nez de Jisung qui resta interdit, à court de mots. Il n'y avait plus rien à dire, Chenle était parti. 

Jaemin se tortilla dans le canapé, mal à l'aise. C'était la première fois qu'il voyait de ses propres yeux l'impact de son comportement sur la vie de ses amis et il n'en était pas fier. Évidemment, on avait déjà essayé de lui faire comprendre à plusieurs reprises que son attitude pouvait parfois être pesante et causer quelques tensions, mais toujours avec des tournures de phrases douces. Là, il avait été forcé de regarder la réalité en face et le visage dévasté de Jisung l'emplissait de culpabilité. Jaemin était venu à l'appartement de son meilleur ami comme si c'était chez lui, sans se soucier que le plus jeune soit occupé ou avec des invités. Il n'en avait fait qu'à sa tête, il n'avait même pas essayé de faire semblant d'en avoir quelque chose à faire. Résultat ? Jisung allait peut-être se retrouver célibataire par sa faute.

— Je suis désolé, je n'avais pas réalisé que j'étais une telle gêne pour Chenle.

— C'est pas ça...

Le ton embarrassé et le regard fuyant firent sourire Jaemin amèrement. Il était reconnaissant envers son meilleur ami, mais il avait dépassé les limites. Le jeune homme passa une main dans ses cheveux et se remit debout. Il était bien trop embarrassé pour passer le reste de la nuit sur place comme il l'avait initialement prévu. Il avait l'impression que toutes les photos sur les murs, là où il y avait Chenle, le regardaient avec colère.

— Tu peux rester ici, tu sais ? Ne prends pas trop à cœur ce qu'a dit Chenle, il était fatigué... Ce n'est pas son genre de faire du chantage, je vais attendre qu'il se soit un peu reposé et ça ira mieux quand on aura parlé tous les deux.

— C'est sympa Ji', mais j'ai abusé. C'est toujours toi qui m'écoutes et me remontes le moral quand ça va pas avec Lucas, alors cette fois pense un peu à toi. Cours après Chenle, va le voir maintenant. Je vais rentrer chez moi, un peu d'air frais ça me fera du bien et je me suis un peu calmé en plus.

— T'es sûr ?

L'hésitation de Jisung se lisait sur son visage. Jaemin força un sourire sur ses lèvres et hocha la tête. Il récupéra sa veste, ses chaussures et se glissa hors de l'appartement en adressant un signe de main à son meilleur ami.

— Tu peux lui dire que je ferai plus attention et que je suis désolé.

— T'es mon meilleur ami Jaemin, tu viens quand tu veux. Je serai toujours là pour toi, même si c'est pour t'écouter te plaindre de tes choix discutables, sourit Jisung. 

Le jeune homme s'abstint de rétorquer que Lucas n'était pas un choix, pas plus qu'il n'en était un pour son petit-ami. Ils étaient attirés l'un par l'autre, comme deux aimants, et étaient incapables de résister à l'attraction. Cependant, Jisung ne pouvait pas comprendre alors il n'essaya même pas de lui expliquer. Sa relation avec Lucas était unique, brûlante. Tous ne pouvaient pas en saisir l'acide beauté. Lui-même n'y parvenait pas toujours, mais il ne pouvait pas s'en défaire. Les mains dans les poches de sa veste, Jaemin remonta la rue. Il ne pleuvait plus. Il n'y avait pas de vent non plus. Comme la tempête qui l'avait agité plus tôt, le ciel était apaisé. À présent, il se sentait vide.

Jaemin se demanda si Lucas l'attendait à leur appartement ou s'il était lui aussi sorti. Maintenant qu'il n'était plus en colère, il avait autant envie de le voir qu'il espérait qu'il soit absent. Une dualité qui le fit soupirer lourdement. Ses doigts cherchèrent mécaniquement son téléphone dans la poche de sa veste. Ils ne trouvèrent que du vide et Jaemin grogna de mécontentement. Il avait oublié qu'il avait jeté son mobile sur son petit-ami quand celui-ci lui avait avoué pour le logiciel espion. Son pauvre téléphone devait encore se trouver sur le sol, en espérant que personne n'avait marché dessus entre temps. Incapable de voir s'il avait des messages, il se résolut à retourner chez lui pour constater la présence ou l'absence de Lucas de ses propres yeux. 

Devait-il mettre un terme à cette relation ? C'était la plus longue qu'il avait jamais eue et à part quelques dérapages, il n'avait jamais été aussi heureux qu'avec Lucas. Il l'aimait si fort ce grand blond à l'humour ravageur et au charme indécent. Il savait que la réciproque était vraie, alors pourquoi ça ne fonctionnait pas comme il le souhaitait ? Son cœur se serra. Se séparer était le choix le plus évident, le plus logique, pour leur bien à tous les deux. Pourtant, quand il ouvrit la porte et vit que Lucas l'attendait, assis à même le sol dans le petit couloir de l'entrée, il envoya balader cette idée au loin.

Le grand blond ouvrit les yeux, tombant immédiatement sur le visage de Jaemin. Le soulagement qui se lut sur ses traits fit naitre une chaleur familière dans la poitrine du plus jeune qui s'avança avec douceur jusqu'à son petit-ami. Il s'accroupit devant lui pour mieux se laisser tomber dans ses bras. Il n'y avait pas un mot. Juste le bruit de leurs respirations et celui de leurs sanglots contenus. Les bras de Lucas se refermèrent avec force autour du corps de Jaemin. Ça n'avait plus d'importance qu'ils se soient déchirés quelques heures plus tôt, ils avaient besoin l'un de l'autre.

Jaemin se recula légèrement et, fébrilement, ses mains encadrèrent le visage tuméfié de son petit-ami. Ses paumes couvrirent la mâchoire bleuie alors que ses lèvres couvraient l'entaille sur la bouche charnue. Embrasser Lucas revenait à prendre une bouffée de l'air le plus pur, à boire le meilleur des millésimes. Il ne pouvait pas mettre de mots sur ce qu'il ressentait dans ces moments-là, juste que ça suffisait à effacer les blessures et écorchures qu'ils s'infligeaient mutuellement. Les doigts de son petit-ami glissèrent dans ses cheveux, tirèrent légèrement dessus, et Jaemin ronronna de contentement.

— J'ai eu peur que tu ne rentres pas, murmura Lucas contre ses lèvres.

— C'est ce que j'aurais dû faire, c'est ce qui serait le mieux pour nous deux et tu le sais, souffla Jaemin en retour.

— Alors pourquoi tu ne l'as pas fait ?

— Parce que je t'aime au point que la raison n'a aucune place entre nous. Je sais que je vais souffrir, que tu vas être blessé, et qu'un jour peut-être on franchira une nouvelle limite, mais je ne peux pas. Je ne peux pas te quitter Lucas alors si tu ne le fais pas toi-même, on va continuer à chuter ensemble.

— Alors chutons Jaemin, jusque dans les entrailles de la Terre s'il le faut.

Nda : 

Hello ! J'espère que vous allez bien :D Voilà bien longtemps que je n'avais pas pris un  tel plaisir à écrire un os ou même que j'ai été satisfaite d'en avoir fait un ! Je ne sais pas si vous avez aimé, sentez-vous libres de me le dire, mais moi j'ai adoré l'écrire :D

Dalion~ Kiss :3