DoYoung x Kun


La capuche de son gros sweat rabattue sur ses cheveux de jais, les mains fourrées dans la poche ventrale pour essayer d'obtenir un peu de chaleur, DoYoung serpentait entre les différents étudiants sortant de cours avec entrain. Lui-même en avait terminé pour le restant de la journée, mais il préférait attendre que la plupart des gens soient partis avant d'en faire de même et de longer les murs pour rester discret. De plus, comme l'enseignant l'avait envoyé au tableau, il devait encore remonter les quelques marches pour regagner sa place et ranger ses affaires. 

Il sortit doucement ses doigts engourdis et attrapa son manteau, ce dernier reposant toujours sur le dossier de son siège, avant de l'enfiler avec difficulté. Il avait le sang froid, il avait besoin de chaleur pour pouvoir se mouvoir correctement, avec fluidité, mais son enseignant était intransigeant avec lui. Interdiction de garder son manteau pendant les cours, qu'importe que dehors ce soit l'hiver et que les températures descendent sous le mercure. La situation était douloureuse pour DoYoung, il avait l'impression que ses muscles engourdis allaient se déchirer au moindre de ses mouvements.  

Péniblement il réussit à passer les bras dans les manches, mais il dut s'y reprendre à plusieurs fois avant de parvenir à faire remonter la fermeture éclair jusque sous son nez. Il ajouta son écharpe duveteuse par dessus, avant de farfouiller ses poches en quêtes de gants. Ses mains arrivaient difficilement à bouger, et le jeune homme retint les larmes qui pointaient au bord de ses yeux. C'était douloureux, mais également humiliant. Il percevait les regards des quelques personnes encore présentes, et son ouïe lui permettait d'entendre leurs moqueries. Aucun d'eux ne s'étaient donnés la peine de faire des recherches sur sa nature, sans quoi ils auraient su qu'il les entendait clairement. 

Pour eux un serpent avait une mauvaise audition, et quelque part ils n'avaient pas tort. Au léger détail près que DoYoung était un hybride python royal et, que cette espèce en particulier, entendait presque aussi bien que les humains pure souche. Le jeune homme baissa ses yeux émeraude sur le sol, touché par les insultes et rumeurs, alors qu'il se baissait tel un vieillard pour attraper son sac de cours toujours par terre. La démarche hésitante, il longea le mur pour sortir de l'amphithéâtre, le froid glacial de l'hiver venant immédiatement mordre son corps pourtant protégé et ses joues à découvert. Des larmes perlèrent à ses yeux sous le vent tumultueux, et le noiraud se tassa sur lui-même. Il haïssait cette période de l'année. 

Les jambes raides, il évita le monde qui remontait pour rejoindre les métros et bus. DoYoung ne se sentait pas à l'aise dans les espaces retreints ou avec trop de monde, quitte à avoir mal il préférait encore rentrer à pieds. Il n'habitait pas si loin que ça de sa faculté. 

Un rire mélodieux lui fit relever la tête et son regard se voila. Qian Jieqiong était connue de tout le campus. Une évidence pour celle qui avait été élue reine de beauté de leur université deux ans de suite, et il ne faisait pas beaucoup de doute qu'elle le serait une nouvelle fois l'année suivante. DoYoung trouvait que les yeux extrêmement grands de la jeune femme étaient fascinants, et il reconnaissait sa grande beauté, mais il appréciait surtout sa gentillesse. Elle était la seule à ne pas se moquer de lui et à prendre sa défense quand les autres allaient trop loin alors même qu'ils ne s'étaient jamais parlés. Ils n'étaient même pas dans la même filière ou en même année. Mais il lui était reconnaissant, alors lorsqu'en riant avec ses amies elle fit tomber ses écouteurs de sa poche et qu'elle ne s'en aperçut pas, DoYoung prit sur lui. 

L'hybride força sur ses jambes rigides pour accélérer un peu, et ramassa l'objet en grimaçant. Chaque geste était douloureux et le resterait jusqu'à ce qu'il arrive chez lui, au chaud. Les fils enroulés autour de ses doigts gantés, le jeune homme ferma le poing alors qu'il essayait de se donner du courage. Ce n'était pas grand-chose, simplement rendre à une fille qu'il appréciait ce qu'elle avait fait tomber, mais il avait tellement peur d'être rejeté par la seule personne ne disant pas ouvertement du mal de lui qu'il avait envie de fuir en rampant. 

DoYoung remonta son écharpe sur son nez, et avança plus rapidement, jusqu'à se retrouver juste derrière la jeune humaine. Il tendit le bras pour poser doucement sa main sur son épaule et attirer l'attention de Jieqiong avec délicatesse, mais son poignet fut attrapé avant qu'il ne puisse le faire et il se retrouva projeter à terre dans un grand fracas. 

- T'essayes de faire quoi à ma sœur là, le serpent ? gronda une voix en colère. 

Le noiraud se recroquevilla sur le bitume, la tête basse et les yeux cachés par sa capuche. Il tremblait imperceptiblement de peur, terrorisé. 

- Oh, je t'ai causé ! T'es muet ou quoi espèce de pourriture ? 

- Kun ! s'offusqua un timbre féminin. 

DoYoung entendit du mouvement, et une paire de jambes fines entra dans son champ de vision avant qu'une main blanche, toute aussi fine, ne se dessine devant son visage. Il releva son regard et Jieqiong sursauta, surprise de découvrir des pupilles fendues au milieu de l'océan vert. L'instinct du serpent avait pris le dessus, et s'il n'était pas transi de froid, les muscles bloqués, DoYoung aurait déjà pris la fuite sans demander son reste, traumatisé. Pourtant l'humaine ne recula pas et lui sourit doucement. 

- Désolée pour mon frère, il réagit pour un rien dès que ça me concerne, s'excusa la Chinoise. Tu ne t'es pas fait mal ? 

- JieQiong, recule-toi, ordonna Kun. On ne sait jamais ce qu'un serpent est capable de faire. Ils sont vicieux et sournois. 

- Il n'a rien fait de mal ! 

- Ah oui ? Pourtant ce sont tes écouteurs dans sa main non ? Tu vas me dire qu'il n'a pas essayé de te les voler ? C'est un serpent, c'est dans sa nature d'être mauvais, tu es beaucoup trop naïve. 

DoYoung rebaissa la tête pour ne pas voir le regard déçu de la jeune femme, il n'arrivait même pas à se défendre, chaque mot de Kun venant se planter dans son cœur avec la férocité d'un poignard. Alors DoYoung comprit. Peu importe les efforts qu'il ferait pour montrer qu'il n'était pas un monstre, il ne serait jamais perçu comme les autres hybrides. Il n'avait pas l'élégance d'un chat, la mignonnerie d'un campagnol, ou la majesté d'un tigre, il serait toujours la mauvaise personne qu'importe ce qu'il pouvait faire pour démontrer le contraire. Il serait toujours le coupable. 

Il se releva brusquement, bousculant la jeune femme dans son mouvement, mais les larmes qui obstruaient ses yeux et débordaient sur ses joues l'empêchaient de s'en rendre compte. La main ferme de Kun se referma sauvagement sur son poignet, toute la colère de l'humain se ressentant dans sa prise, et DoYoung usa de toute sa force pour se dégager. Il y laissa les écouteurs et son gant, mais il put fuir loin du groupe d'humains. Il courut aussi vite qu'il le put, son jean frottant douloureusement conte ses jambes, et il trébucha à plusieurs reprises, réussissant à chaque fois à se rattraper un extremis. Enfin il vit la porte de son immeuble se dessiner devant lui et il poussa la porte vitrée dans un élan désespéré, manquant de renverser une personne arrivant à contresens. DoYoung s'excusa dans un murmure, puis fila s'enfermer dans l'ascenseur qui allait l'amener jusqu'à son appartement. 

Situé au quatrième étage d'un immeuble en comprenant sept, il était idéalement situé pour l'hybride puisque chauffer par le sol et le plafond, il gardait ainsi une température constante sans trop de difficultés. A peine la porte ouverte, une vague brûlante effleura son visage et le jeune homme soupira de soulagement. Il referma rapidement derrière lui pour ne pas perdre de degré et pénétra dans la reconstitution d'un climat africain. DoYoung se laissa glisser contre le battant, les épaules affaissées et les jambes ramenées contre son torse. Le fait d'être resté trop longtemps dehors avait engourdi son organisme, ses paupières étaient lourdes, alors il ne résista pas et se laissa sombrer. 

Le jeune homme se réveilla dans la même position, près de deux heures plus tard. Son organisme s'était nourri de la chaleur de l'appartement, celle-ci oscillant entre vingt-huit et trente-deux degrés en journée, ainsi son corps était de nouveau mobile. DoYoung se releva avec souplesse mais émit un couinement douloureux. Son regard se baissa sur sa main et il écarquilla les yeux avant de se rendre dans la salle de bain. Sa peau asséchée et fragilisée par le froid s'était fendue, des écailles avaient été déchirées lorsque Kun l'avait saisi par le poignet et lui avait arraché son gant en même temps que les écouteurs. Il ne s'en était pas rendu compte sur le moment, insensibilisé par le froid et sous la coupe de la panique. 

DoYoung retira son écharpe et son manteau qu'il posa sur le rebord du bassin lui servant de baignoire, puis il fit la même chose avec son gros sweat à capuche. Ses yeux émeraude glissèrent sur la surface réfléchissante de l'immense miroir trônant au dessus de la double vasque de marbre. Ses parents avaient un gout certain pour la démesure et l'étalage de richesses. Ils n'avaient voulu que le meilleur lorsque leur fils unique avait dû quitter le domicile familial pour vivre seul, son université se trouvant à l'autre bout de la ville. 

Le reflet que le meuble renvoya fit grimacer le jeune homme. Il était efflanqué, ses yeux étaient rouges et gonflés d'avoir pleuré, à l'instar de son nez, et une sueur acide avait collé ses mèches corbeaux à son front. Il avait l'air pitoyable, et le sang qui coulait le long de ses doigts n'aidait pas à donner une autre vision de la situation. DoYoung alla chercher une petite serviette sous le meuble, puis il l'imbiba d'eau tiède avant de délicatement tamponner les écorchures. Le serpent siffla de douleur, sa part animale ressortant dans le bruit singulier qui filtra d'entre ses lèvres. Ses crochets ressortirent et il haleta. Le pire restait à venir. Il cracha, lorsqu'à l'aide d'une pince à épiler il arracha une écaille qui avait été retournée et ne tenait plus que par la force du saint esprit. Il en retira une seconde, tout aussi abimée, en sachant qu'elles ne cicatriseraient pas. 

Il n'avait que peu d'écailles sur les mains, juste quelques unes à la base de son majeur droit et le reste autour de ses poignets. D'un argenté nuancé de touches de bronze, elles étaient irisées et avaient un effet métallique sous la lumière de la lampe. DoYoung soigna sa main et l'enroula dans une bande propre avant de s'attaquer à ses jambes. Il avait senti son jean s'accrocher pendant sa course. Il les soigna également et les enroula dans des bandes résistantes à l'eau, avant de faire couler de l'eau dans son bassin. 

En attendant qu'il se remplisse, il se rendit à la cuisine où il mangea le reste d'un plat de la veille et il en profita pour se remettre de ses émotions, le regard voilé. Il avait essayé, une fois de plus, et il s'était encore confronté à un échec. Ses parents lui répétaient toujours de ne pas s'attarder sur ce que les autres pensaient mais c'était plus fort que lui, il voulait simplement être accepté par quelqu'un. Une nouvelle vague de tristesse venant s'abattre sur lui, DoYoung reposa la fin de son repas sur le plan de travail et parti se plonger dans son bain. 

L'eau chaude détendit ses muscles et l'apaisa. Le parfum fruité de son gel douche embauma la pièce et il en inspira une longue bouffée sucrée. Ses bandages, bien réalisés, protégèrent sa peau meurtrie avec efficacité et le jeune homme s'autorisa à rester dans l'eau jusqu'à ce qu'elle celle-ci ne devienne un peu trop froide pour lui. Alors il s'enroula dans un peignoir et alla se blottir entre les coussins de son canapé, sa main se saisissant de la télécommande pour allumer la télévision. Le noiraud savait par avance qu'il n'allait pas regarder l'écran, complètement bouleversé par ses dernières péripéties, mais le fond sonore l'aidait à combattre le sentiment de solitude qui le rongeait. Au moins n'avait il pas totalement l'impression d'être seul alors que Brenda et Kyle se déclaraient leur amour dans un ranch ultra cliché. 

DoYoung ramena ses genoux contre sa poitrine, tout en posant sa tête contre un coussin, pensif. Il était blessé, profondément, par les paroles de Kun, mais d'un autre côté il comprenait qu'en tant que grand-frère ce dernier ait eu peur pour JieQiong. Le noiraud avait connaissance de la mauvaise réputation qui suivait les reptiles, étant un hybride il n'y échappait pas, et beaucoup en avait peur. Il pouvait sécréter du venin, se rendre aussi silencieux qu'une ombre et voir dans le noir. De quoi en effrayer plus un. Mais, comme dans la nature avec les serpents complètement animaux, DoYoung était souvent bien plus apeuré qu'eux. Un seul bruit suffisait à lui donner envie de s'enfuir aussi vite qu'il le pouvait. 

Kun n'avait pas semblé comprendre que s'il ne disait rien c'était tout simplement car il était transi de peur et non coupable. Les écouteurs dans sa main ne plaidaient pas en sa faveur, mais à l'exception de la jeune femme, aucun n'avait fait l'effort de le laisser s'exprimer et se justifier. Il avait été accusé et condamné sur des à priori. Une habitude à présent, mais qui le blessait toujours autant. DoYoung avait espéré que Kun soit différent des autres de son âge, après tout quand il avait appris que la jeune femme aussi adorable avec lui qu'un ange avait un frère aîné, il l'avait imaginé comme elle mais sous des traits masculins. Sa désillusion était presque aussi douloureuse que l'agression qu'il avait subi. 

DoYoung se laissa glisser dans le canapé, se retrouvant sur le dos et détendit ses jambes. Il se sentait stupide. Il avait cru en des chimères tout seul, s'était imaginé un prince sur son cheval blanc, mais la réalité lui avait révélé un roturier comme les autres, croyant la moindre des rumeurs sans essayer de voir plus loin. Ses paupières se fermèrent, et son ouïe capta le cliquetis caractéristique du passage en mode nuit de son appartement. Son côté reptilien demandait une température précise, différent la journée de celle de la nuit, à présent elle allait baisser de près de cinq degrés avant de remonter sur les coups de six heures du matin. 

Le peignoir s'ouvrit, révélant un bassin osseux marqué par des écailles plus sombres que celles sur ses mains, et remontant de manière éparse sur son torse. Une fine rangée entourait son nombril en un cercle presque parfait avant de remonter sur sa poitrine et ses côtes. Ces dernières étaient apparentes, déjà mince naturellement, l'hiver lui faisait dépenser plus d'énergie qu'il n'était capable d'agglutiner et il perdait du poids chaque jour. D'ici l'arrivée du printemps il n'aurait plus que la peau sur les os. DoYoung se releva, laissant le tissu éponge glisser le long de ses épaules et s'échouer sur les coussins, il était seul, personne ne se préoccuperait de sa nudité et il n'avait pas l'envie de faire l'effort de se vêtir. Après tout, comme pour le reste, personne ne lui tiendrait compagnie dans le lit. 






Les jours qui suivirent, DoYoung ne se rendit pas sur le campus universitaire et resta prostré dans son appartement à nettoyer ses blessures. La guérison de sa peau était longue et particulière, elle nécessitait des soins précis et longs dont il se serait bien passé. Le serpent était enroulé dans sa couverture, la joue collée à son oreiller, et il réfléchissait à ce qu'il allait faire. La semaine touchait à sa fin, le weekend était de retour, mais le lundi il devrait retourner en cours sans quoi il lui manquerait des parties. Il n'en avait pas envie, pas le courage. 

DoYoung se redressa lentement, la tête lourde. Il avait beaucoup trop pleuré ces derniers jours et la migraine avait décidé de ne plus le quitter. Le jeune homme se pencha et attrapa son ordinateur qui trainait au pied de son lit, il l'alluma et vérifia ses mails, il avait reçu l'emploi du temps de ses partiels arrivants prochainement. Il téléchargea la pièce jointe et soupira, il devait arrêter de ressasser sa rencontre avec Kun et la dispute qui en avait découlé, ça ne servait à rien de revivre sans cesse la scène sans pouvoir la changer. 

Finalement il sortit de son lit après s'être suffisamment motivé et il s'habilla chaudement. De la neige tombait en de gros flocons blancs dehors, et il ne voulait pas reproduire la même erreur. Il enfila un débardeur, un tee-shirt à manches longues sur lequel il ajouta l'un de ses pulls à capuche fétiche bleu pâle, auquel il superposa son gros manteau. Emmitouflé jusqu'au nez, son écharpe frôlant le bas de ses yeux, il fouilla dans son armoire à la recherche d'une paire de gants, l'un des siens étant toujours détenu par Kun. Il enfila des bottes montantes souples, attrapa son sac à dos en toile, et sortit de son appartement. 

Le rude froid de l'hiver le heurta de plein fouet et des larmes perlèrent au coin de ses billes émeraudes. DoYoung enfouit les mains dans ses poches, le visage dans son écharpe, puis s'avança dans la rue. Le serpent savait exactement où se rendre, il y passait normalement tous les jours, mais sa retraite forcée l'avait maintenu à l'écart. Il n'avait pas été dans le bon état d'esprit pour accomplir son devoir quotidien, et le noiraud était désolé d'avoir prévenu JeNo au dernier moment. Il n'aimait pas ça, il s'arrangeait toujours pour que le plus jeune soit en mesure de s'organiser lorsque lui-même ne pouvait pas faire ses rondes. 

DoYoung se figea. Il percevait une présence insistante dans son dos, mais lorsqu'il se retourna la rue était vide, personne en vue. Pourtant son regard acéré accrocha la trace de chaussures près des marques des siennes, mais elle s'arrêtait brusquement pour partir dans une ruelle annexe peu loin. Il n'y avait que deux jeux d'empreintes sur le tapis de neige et DoYoung se tendit. Il était suivi, il en était à présent presque certain. Inquiet, il serra les poings et rentra la tête dans les épaules alors qu'il pressait le pas. Il n'avait jamais été suivi, les gens tendaient plutôt à l'éviter alors la panique montait rapidement en lui, il n'avait aucune idée de comment réagir. 

Le jeune hybride continua son chemin en se retournant fréquemment pour regarder derrière lui. Il ne parvint pas à identifier à son suivant, mais il se sentait toujours épié et les traces suivaient les siennes. Ses pas le menèrent naturellement à sa destination, il connaissait le chemin si bien que même l'esprit occupé il était capable de s'y rendre sans encombre. Sortant ses doigts gelés de ses poches, DoYoung s'avança dans l'étroite ruelle avec précaution. Le serpent s'accroupit. La nuit commençait à tomber bien qu'il soit tout juste dix-sept heures et il faisait sombre entre les hauts murs. 

DoYoung souffla et appela sa part animale, ses pupilles s'étirant doucement pour ne former plus que deux traits noirs. Sa vision changea immédiatement, basculant dans les infrarouges, et sa thermosensibilité se fit plus sensible. Son regard glissa sur les cartons éventrés et les poubelles entassées à la recherche de chaleur. Le jeune homme se releva et commença à soulever les paquets, oubliant momentanément son poursuivant fantôme. Enfin il capta une zone orangée et s'en approcha doucement, une expression attristée se peignit sur son visage. Gêné par l'épaisseur de ses vêtements, DoYoung peina à atteindre sa cible, mais sa main gantée finit par se refermer sur une petite boule tremblotante. 

Le noiraud se mit à genoux, le chaton pressé délicatement contre sa poitrine, pendant qu'il ouvrait son sac à dos. Il vérifia que l'étoffe chaude était bien installée au fond et allait pour mettre l'animal dans le sac quand son poignet fut attrapé et tordu. Il cria de douleur et tomba au sol, le félin échappant à sa poigne. 

- Tu vas lui faire quoi à cette pauvre bestiole ? gronda une voix au dessus de lui. 

Tétanisé, DoYoung releva la tête en reconnaissant le timbre particulier. Il ne l'avait entendu qu'une seule fois mais il était ancré en lui comme la plus solide des amarres. Kun le toisait de toute se hauteur, le poignet du noiraud toujours enfermé entre ses doigts. Le chaton se blottit contre la cuisse du serpent. 

- T'allais quand même pas le manger ? l'accusa l'étudiant. 

- Bien sûr que non ! s'offusqua DoYoung paniqué. Il va mourir de froid s'il reste ici. 

- Donc tu le fourres comme un sandwich dans ton sac ? 

- C'est un sac de transport pour animaux, se défendit l'hybride en colère. 

Il était une nouvelle fois blessé par les accusations sans fondements du brun, mais cette fois la vie fragile de l'animal le poussait à ne pas fuir. Il devait le prendre avec lui pour le sauver, il n'avait aucune chance dans la rue. DoYoung récupéra la petite bête et la glissa dans son sac sous le regard suspect de l'humain. 

- Ecoute, commença le noiraud la tête basse, je sais que tu ne m'aimes pas et que tu me méprises, mais je ne ferai jamais de mal à cet animal, je veux juste l'aider. Pense ce que tu veux de moi, mais laisse-moi faire ce pourquoi je suis là. Tu auras tout le loisir de me critiquer après et de me rappeler à quel point ma part animale est méprisable. 

Kun s'adossa contre le mur, ses yeux froids ne quittant pas l'hybride alors que ce dernier reprenait son inspection. Il détecta une nouvelle petite zone de chaleur, pas loin de là où il avait trouvé la première, et il se tourna vers l'humain. Sur le point de fuir en rampant, il lui tendit le sac où attendait sagement le premier chaton. 

- Tu peux le garder ? Si je le laisse sur le sol le froid pénétrera plus vite à l'intérieur et il faut que j'attrape l'autre... 

Une étincelle de surprise éclaira un instant les orbes noisette, et Kun récupéra le colis sans un mot. DoYoung rentra la tête dans les épaules, et souffla une fois une distance raisonnable instaurée entre eux. L'hybride s'empressa de prendre la boule de poils entre ses mains, puis la fit glisser à côté de son frère. Il récupéra le sac dont la bulle plastique permettait aux animaux de voir à l'extérieur alors que des aérations faisaient circuler l'air. DoYoung mit le sac délicatement sur ses épaules, même si le froid commençait à rendre son corps raide et douloureux. 

- Tu vas où comme ça ? Tu vas en faire quoi des bestioles ? 

La froideur des paroles gela DoYoung et l'hybride se tassa sur lui-même. Il était fatigué de toutes ces remarques. 

- T'as qu'à suivre le monstre jusque dans sa tanière pour savoir, persiffla le noiraud à bout. 

Ses muscles crièrent quand il les força à accélérer le mouvement, et après avoir vérifié une dernière fois qu'il n'y avait pas d'autres chatons ou que la mère n'était pas là non plus, il se mit en route pour sa dernière escale de la soirée avant de pouvoir rentrer chez lui. Sans surprise, Kun lui emboita le pas, sa respiration chaude s'échappant dans l'atmosphère sous la forme d'un nuage blanc. La neige continuait de tomber sur eux, noyant la ville sous son épaisseur immaculée. 

DoYoung était stressé, ses pas se faisaient hésitants et il manqua de trébucher à plusieurs reprises. Enfin il reconnut la petite façade où il passait au moins une fois par semaine et un regain d'énergie le gagna, surprenant son accompagnateur improvisé. DoYoung toqua sèchement deux fois et entra sans plus attendre, savourant la chaleur qui se déposa sur son visage congelé. Les quelques écailles qu'il avait sur la face détendirent presque immédiatement et un frisson appréciateur le parcourut. 

- DoYoung ! Tu en as mis du temps, je commençais à m'inquièter.

L'appelé se tourna vers la voix et tomba sur le sourire soulagé de JeNo, le nouveau propriétaire du refuge animalier. Il aimait bien l'humain blond, il était doux, chaleureux et il essayait toujours de lui payer un chocolat pour le remercier de les aider à sauver les bêtes abandonnées. 

- Désolé, s'excusa l'hybride, j'ai trouvé deux chatons. 

- C'est pas possible, souffla l'aspirant soigneur, ça ne s'arrête pas en ce moment. On m'a déjà apporté deux portées ce matin. Enfin, tu peux les emmener vers RenJun ? Je préfère ne pas les toucher, j'ai les mains toutes sales. 

- Oui bien sûr, j'y vais. 

- Parfait, en attendant je vais faire connaissance avec ton ami, c'est la première fois que tu viens avec quelqu'un, je suis curieux, sourit doucement JeNo. 

DoYoung n'eut pas le temps de le détromper qu'il avait déjà emmener Kun à sa suite, le laissant seul dans l'entrée. Soupirant légèrement, le noiraud fit glisser le sac de son dos à ses bras avant de partir vers la gauche, là où se trouvait la petite salle aménagée pour l'accueil des secourus. Il trouva RenJun affairé à désinfecter la table d'auscultation et attendit que l'étudiant vétérinaire ne le remarque. Il lui transmit ensuite les rescapés, puis resta l'aider le temps des soins. 

- C'est tout bon, ils vont s'en sortir sans aucun problème, le remercia RenJun. Tu es arrivé à temps, encore une fois merci. 

- C'est normal, si je peux être utile...

- Tu l'es DoYoung, n'en doute pas une seconde, sourit le rouquin. 

L'hybride lui rendit timidement son rictus avant de prendre congé et de regagner l'entrée. Il y retrouva Kun, adossé au mur et semblant perdu dans ses pensées. Le noiraud tenta de tirer profit de ses songes pour partir sans être repéré, mais dès qu'il posa la main sur la poignée de la porte, les yeux de l'humain se dardèrent sur lui. 






Une sueur froide et acide perlait sur le corps du serpent, à deux doigts de faire une crise de panique. Depuis qu'il avait quitté le refuge Kun ne l'avait pas lâché et marchait dans ses pas sans émettre le moindre son. DoYoung arrivait devant la porte de son immeuble et il ne savait pas ce qu'il devait faire pour se sortir de cette situation gênante. Courir pour se planquer chez lui aurait pu être une option alléchante s'il avait été certain d'être plus vif et rapide que l'humain, mais en plein hiver, avec ses muscles atrophiés, il était loin d'être convaincu. 

- Le blond de tout à l'heure, JeNo je crois bien, il m'a dit que tu les aidais toutes les semaines. C'est vrai ? 

DoYoung se tendit, pris au dépourvu. 

- Je suppose que oui... Ils sont occupés à soigner et à remettre sur pattes les animaux, alors ils n'ont pas le temps de vérifier par eux-mêmes les environs.

- Mais toi oui ? 

- Ils m'ont donné une carte avec les endroits où avaient lieu le plus fréquemment les abandons, j'essaye d'y passer plusieurs fois par semaine. En plus, avec mes yeux c'est pratique en hiver, ils sont plus efficaces que ceux des humains pour trouver un être vivant dans la neige, avoua péniblement le noiraud la tête basse. 

- Je vois. 

DoYoung attendit en silence, mais l'humain restait statique derrière lui alors qu'il avait la main sur la porte d'entrée de l'immeuble. Il n'allait tout de même pas le suivre jusqu'à chez lui ? 

- Tu ne m'invites pas à entrer ? 

Confus, le serpent ne trouva rien à répondre à la question posée si naturellement. Il n'avait jamais invité personne chez lui, et certainement pas un individu l'ayant insulté à plusieurs reprises et dont la dernière remontait à moins d'une heure. Pourtant le noiraud ne trouva rien à dire et baissa l'échine avant de se décaler pour laisser entrer le brun. L'envie de fuir se fit plus forte que jamais et les larmes perlèrent au coin de ses yeux, il avait peur de ce qui pouvait se passer. 

Le temps de la montée fut un calvaire sans nom pour le jeune homme, étouffé par le silence et la présence de l'autre. Il dut s'y reprendre à plusieurs fois avant de réussir à déverrouiller son appartement, et aussitôt fait il courut se réfugier dans la salle de bain qu'il s'empressa de verrouiller derrière lui. DoYoung se laissa glisser au sol en tremblant, le dos contre le meuble vasque et les bras enroulés autour de ses genoux. Son cœur battait beaucoup trop vite dans sa poitrine, c'était douloureux. 

Contrairement à ce qu'il avait craint, Kun ne vint pas frapper à la porte, ni essaya de l'ouvrir. Il ne l'appela pas non plus, si bien que DoYoung se demanda s'il n'était finalement pas parti. Tremblotant, il se releva sur ses genoux. Il avait envie de vomir. 

De ses doigts malhabiles, le serpent se débarrassa de son manteau, de son écharpe et de ses gants. Il garda son gros pull, pas à l'aise à l'idée de montrer son corps serpentin à son invité si ce dernier était toujours là. Timidement, il pointa le bout de son nez dans le couloir puis se rendit dans le salon. Kun était assis dans le canapé, le dos droit et le regard droit devant lui. Il se tourna dès que DoYoung entra dans la pièce. 

- Viens t'asseoir, ordonna le brun en tapotant la place à côté de lui. Je pense qu'il faut qu'on parle. 

Nerveusement, l'hybride s'exécuta en veillant à laisser autant d'espace que possible entre eux. Kun se passa la main dans les cheveux et planta ses orbes noisettes dans celles émeraude du serpent. 

- Je pense que je te dois des excuses, commença l'humain. Je t'ai mal jugé et j'ai dit des choses blessantes. Je te présente mes excuses. 

DoYoung regarda la main tendue, incertain, et il se recula contre le bras du canapé en se recroquevillant. Kun ramena sa main vers lui sans manifester de colère, et il reprit comme si rien ne s'était passé. 

- Jieqiong est mon unique petite sœur et je l'aime énormément. J'ai toujours peur que quelqu'un essaye de lui faire du mal et quand je t'ai vu près d'elle c'est la première chose à laquelle j'ai pensé. Elle m'a bien engueulé d'ailleurs pour ça. 

Les yeux baissés, Doyoung ne savait pas quoi répondre aux justifications de l'humain. Il les comprenait, mais ça n'enlevait pas la douleur qui broyait son cœur à chaque fois qu'une réflexion lui était faite sur sa nature reptilienne. Kun sortit un objet de sa poche et le posa sur les genoux du serpent, ce dernier reconnut son gant. 

- Je suis désolé, souffla le brun, même si mes excuses viennent un peu tard et qu'elles n'effaceront pas le mal que je t'ai fait, je pense que je devais quand même m'excuser pour mon comportement. Je voulais te compromettre aujourd'hui. Quand je t'ai vu dans la rue, j'ai voulu prouver à ma sœur qu'elle avait tort et que tu étais une horrible personne, mais tu m'as prouvé le contraire. J'ai été stupide. 

- C'est bon, murmura faiblement DoYoung sans le regarder dans les yeux, t'es juste comme tout le monde, c'est pas grave. 

- Si c'est grave, contra Kun en fronçant les sourcils. J'ai été un idiot, et je ne veux pas être tout le monde si tout le monde est dans le faux. Je me suis arrêté sur des préjugés, je veux réparer mon erreur. J'ai besoin de toi pour ça ? 

DoYoung releva timidement son regard de serpent sur l'humain, confus. 

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? 

- Je veux apprendre à me faire ma propre opinion sur toi comme l'a fait ma sœur, je veux te connaitre et pas seulement les rumeurs qui courent sur toi. Si tu es d'accord j'aimerais recommencer à zéro, sur des bases saines, comme deux inconnus qui viennent de se rencontrer pour la première fois. 

L'hybride observa la main qui lui était tendue pour la seconde fois de la soirée, et un sentiment chaud brûla dans sa poitrine alors que ses commissures se relevaient avec légèreté. Fébrile, son regard accrocha celui du brun, et il accepta de poser sa paume contre celle de l'autre. 

- Enchanté de te rencontrer, je suis Qian Kun, sourit l'humain. 

- Kim DoYoung, répondit le serpent avec douceur, et je suis heureux de faire ta connaissance Qian Kun. 

La pression autour de ses doigts se resserra délicatement et un sentiment d'espoir gonfla la poitrine de DoYoung. Ils étaient partis sur de mauvaises bases, mais quelque chose lui disait que la suite serait loin d'être aussi désastreuse et peut-être même que Kun serait le premier à se faire une place dans son cœur. 






Nda : 

Holà ! Il était long celui-là xD C'était rigolo à écrire même si j'ai bien cru que je n'en verrais jamais le bout. J'espère qu'il vous aura plus, même s'il n'était pas des plus joyeux et que c'était pas l'hybride le plus mignon x) Le prochain OS sera avec Salia, je vous dis à dans deux publications du coup !

Pour info, Jieqiong est le le vrai nom de Kyulkyung (ancienne Pristin)

Dalion~ Kiss :3

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