Quelles sont tes peines ? [CONCOURS]
Pour le concours de
1081 mots
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La lune brillait, haute et claire au-dessus de la forêt enneigée.
Une jeune fille jouait dans la poudreuse sous l'œil tantôt désapprobateur tantôt inquiet de sa nourrice.
La femme à l'air sévère tenta une nouvelle fois de la faire rentrer mais sa protégée s'y opposa, s'allongeant dans la neige.
C'était par une nuit semblable qu'elle était née. Elle ne s'en souvenait pas, évidemment, mais on le lui avait souvent conté.
Elle admira le ciel étoilé jusqu'à ce que la fatigue prenne le dessus et qu'elle s'assoupisse.
Fragile corps endormi. Longs cheveux d'argent. Peau d'ébène. Sous des paupières ornées de délicats cils, des yeux brillants comme des diamants.
Elfe de la nuit.
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Réveil. Petit-déjeuner. Lavage. Habillage. Coiffage. Premier cours. Deuxième cours. Déjeuner. Troisième cours. Quatrième. Cinquième. Encore. Souper. Lavage. Déshabillage. Couchée.
Une journée déjà finie. Sans aucun loisir.
Soupir. Demain, elle rencontrera ses prétendants.
Elle n'en avait vraiment pas envie. Mais ici, personne ne lui demandait son avis. Elle devait obéir, point.
Soupir. Elle se retourna dans son lit et fixant les rideaux fermés, elle se leva et les repoussa.
La lune trônait dans le ciel étoilé, resplendissante et exposant son mince quartier – elle la préférais de face mais la dame était tout de même très élégante de profil – aux yeux insensibles des habitants.
Elle seule connaissait sa beauté et savait l'admirer.
Après tout, nous sommes pareilles se disait-elle.
Elle resta là à l'observer avant de se détourner, entrainant ses longs cheveux argentés dans un gracieux mouvement de balancier.
Elle retourna entre ses draps rouges et s'enfonça dans d'étranges songes.
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Elle étouffait. Ses escarpins torturaient ses pieds. Les multiples couches de tissus de sa robe emprisonnaient ses jambes. Son corset était une véritable cage. Divers ornements d'or alourdissaient sa tête. Ses cheveux attachés en une longue tresse tiraient sur sa peau. Et elle devait impérativement se tenir bien droite, le menton légèrement relevé.
Tout cela était plus qu'épuisant. Pourquoi était-elle obligée de le faire ?
Sa vie aurait dû n'appartenir qu'à elle-même.
On la conduisit à travers les nombreux couloirs du château menant au grand salon.
Il y eut tout un rituel d'entrée – ses oreilles bourdonnaient suite à la musique des trompettes – et elle fut enfin autorisée à entrer.
Sa démarche était gracieuse, assurée, son port était droit, élégant, et son mince corps était mis en valeur par sa robe. Elle était époustouflante tout comme son arrivée qui aurait dû en charmer plus d'un.
Mais la seule chose qu'elle aperçut fut un regard surpris et dégouté, passant furtivement dans les yeux de ses prétendants.
Si furtivement qu'elle pensa avoir rêvé.
La suite fut désastreuse. On lui adressa à peine la parole et ils prirent rapidement congés. Ensuite, c'est son père qui surgit dans sa chambre alors qu'elle se débarrassait de sa tenue. Il lui jeta d'horribles mots au visage, d'affreuses vérités et d'effrayants reproches qu'elle ne méritait pas.
Ce n'était pas sa faute si elle était née une nuit d'hiver et non une journée d'été.
Ce n'était pas sa faute si elle était elfe de la nuit et non elfe du soleil.
Ce n'était pas sa faute si l'on avait autant de préjugé sur sa peau noire et ses yeux blancs.
Ce n'était pas sa faute si l'on avait ces idées préconçus sur ses semblables.
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Il faisait nuit. La dame était là, pleine, magnifique et lumineuse. La jeune femme était là, brisée, négligée et obscurcie par de sombres pensées.
Penchée sur la rambarde de son balcon, elle hésitait à se lancer. Elle avait terriblement envie de partir, de construire une nouvelle vie ailleurs, d'être enfin acceptée, non plus regardée comme une bête noire – elle s'était rendu compte que tous les domestiques du palais la jugeaient du regard – et être libre.
Seulement... Quelque chose la retenait.
Quoi ? Elle ne saurait le dire, mais cette chose s'agrippait à ses jambes, tirait sur ses bras et la suppliait de ne pas partir.
Elle resta longtemps là, à observer la dame entourée de ses convives étoilés.
Alors que le soleil pointait le bout de son nez, elle retourna à l'intérieur. Sa peau sombre était très sensible aux rayons de celui-ci et elle avait pris sa décision.
La chose l'avait emporté.
Elle ne pouvait fuir ses responsabilités.
Quitte à devoir souffrir et endurer.
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La suite de sa vie fut misérable.
On ne fit plus attention à elle.
On lui présenta de nombreux prétendants qui lui présentèrent de nombreux regards dégoutés.
Ils rejetèrent tous la proposition de mariage, pourtant alléchante au vu de son titre de princesse.
On lui donna de nombreux coups sans tenir compte de son titre de princesse.
Son père lui reprocha de nombreuses choses qui n'était pas de son ressort.
Mais elle encaissa. Elle tint bon. Elle était déterminée à faire quelque chose pour son parent. Elle voulait le rendre fier. Elle voulait changer les mentalités.
Elle passa dans un couloir et croisant des servantes, elle les salua. La seule chose qu'elle obtient fut des regards écœurés.
Soudain, échangeant un clin d'œil entendu, les deux femmes ouvrirent en grand les rideaux et le soleil jeta sur la jeune princesse un regard de braise qui enflamma sa peau. Le séducteur était tout aussi rieur que les servantes et elle se sentit vide. Elle avait envie d'abandonner, de se laisser doucement consumer par les rayons comme un vampire des contes de fées.
Sa chair se décomposait, son eau-de-vie s'évaporait et la douleur montait en elle.
C'était affreusement douloureux.
Des petits crépitements se faisaient entendre, son cœur ralentissait peu à peu, des petites lumières dansaient devant ses yeux, et elle se laissait glisser au sol telle une poupée de chiffons dont on aurait sectionné les fils.
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Un réveil. En sursaut. En sueur. Secouée de tremblements. Le cœur cognant avec force contre sa cage.
Assise sur son lit.
Inspiration. Expiration.
Reprise de conscience.
Ce n'était qu'un cauchemar. Elle n'était pas une princesse prisonnière de ses responsabilités et de son corps.
Elle se calme, se lève, se lave seule, se prépare seule et une pomme à la main elle franchit sa porte en bois simple.
Eclat de lumière, chaleur réconfortante.
Brûlures... ?
Un sourire fleurit sur son visage.
Le village fourmillait de discussions, de mouvements et tout le monde respirait le bonheur.
Soudain silence. Yeux scrutateurs. Désapprobateurs. Effrayés. Dégoûtés.
Son sourire fanât rapidement et l'horreur de la réalité la frappa de plein fouet.
Une petite voix lui souffla la cruelle vérité : Ce n'était pas un rêve ni un cauchemar...
C'était un souvenir.
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