Rose

TW : Intimidation


La joue aplatie contre le mur de brique, la surface froide et râpeuse agresse ma peau. Pourtant, c'est le moindre de mes soucis. Un garçon en veste de cuir me maintient dans cette position inconfortable en me disant à quel point je suis stupide et débile.

Lorsque mon professeur d'anglais, Monsieur James, sort de l'école et aperçoit la scène, il appelle immédiatement le gardien pour nous séparer. Il est déjà trop tard, mon agresseur part en courant me laissant glisser sur le sol de terre battue dans un bruit sourd.

Mon sac tombe à mes côtés faisant apparaître un nuage de poussière.

Mon Monsieur James court vers moi accompagné du gardien pour me porter secours.

— Ça va Mick ? Tu n'as rien ?

— Ouais, c'est correct, dis-je en replaçant ma veste bleue.

— Viens, on va parler au directeur et je vais prévenir tes parents.

— Pas besoin.

— Mais Mick...

Je m'éloigne laissant les deux hommes pantois.

Je retourne chez moi en passant par des ruelles encombrées de sacs de poubelle. Des odeurs nauséabondes agressent mes narines alors que je réfléchis à la situation dans laquelle je me trouve.

Jacob est dans ma classe, il m'en veut parce que Clémence me considère comme plus beau que lui. Je n'y peux absolument rien et en plus cette fille ne m'intéresse même pas. Moi, c'est la douce et mignonne Rose que je voudrais comme petite amie. J'ai bien essayé d'expliquer tout ça à Jacob, mais il ne m'écoute pas.

Depuis plus d'un mois, il m'insulte dans le corridor, me pousse, m'envoie des messages sur Internet pour me dire à quel point je suis une mauviette et j'en passe. Ses amis me regardent avec de plus en plus de dédain.

Je suis la proie, il est le chasseur.

Un chat sort de sous une poubelle en miaulant frénétiquement à mon approche coupant le cours de mes pensées. Je soupire de dépit en fixant mes pieds. Je donne un coup dans un des sacs pour me défouler. Un étrange liquide s'écoule alors sur le sol et je recule d'un pas de dégoût.

J'aperçois un peu plus loin la petite maison blanche de ma grand-mère entourée de gazon long.

J'y fonce et j'entre dans une cuisine embaumant la tarte aux pommes, mais je ne prends pas le temps de déguster une pointe. Je monte les escaliers de bois vernis quatre à quatre et je me propulse sur mon lit défait.

Ma chambre est dans un état lamentable depuis quelque temps. Mes problèmes à l'école m'empêchent de focaliser sur les choses importantes. En plus du harcèlement de Jacob, mes notes ont chuté dramatiquement.

J'ouvre mon ordinateur avec l'intention de jouer à un jeu vidéo pour oublier cette histoire. Ma boîte de message affiche sept messages. Je regarde le tout.

« T'es là Mick ? »

« Va voir sur Facebook mec ! »

« Mick aller dépêche ! »

« Qu'est-ce que tu fais ? C'est urgent. »

« T'es où ? »

« Vite ! »

« Salut, Mick va voir ta page Facebook, vite ! »

Grognant légèrement, je me demande pourquoi mon ami Greg tient à ce que je vois cette page inutile. Pourtant, j'ouvre le tout en un clic. Mon visage devient instantanément rouge de colère.

Devant mes yeux se trouve une photo de moi en caleçon, dans la salle de bain des hommes alors que je me change pour le cours d'éducation physique. Du texte en gras indique : un gringalet perd sa virginité à l'école avec le professeur d'anglais.

Ma respiration se fait plus saccadée, je ne sais pas quoi faire. Je ne peux pas effacer le message qui a été envoyé à tous les élèves de ma classe. Je tente de reprendre ma contenance, mais la rage m'envahit et je lance mon ordinateur sur le sol.

Sa chute provoque un bruit sourd. Je retiens mon souffle en espérant ne pas avoir réveillé ma grand-mère, mais à peine quelques secondes plus tard j'entends sa voix qui s'élève.

— Mick, je t'ai fait de la tarte mon cœur. Viens prendre ton goûter !

— Oui, un instant j'arrive.

Je ramasse rapidement l'ordinateur qui semble heureusement toujours fonctionnel et je me précipite dans la cuisine pour avaler le contenu de mon assiette en quelques bouchés.

La pièce vieillotte est emplie de meubles dans les tons de brun et jaune, les couleurs préférées de ma grand-mère.

— Tu as la mine déconfite Mick. Est-ce que ça va ?

— Oui, je vais me coucher. Je dois couver quelque chose.

— D'accord, repose-toi. Je vais te faire une bonne soupe. Ta mère rentrera un peu en retard, elle a appelé tout à l'heure.

— Merci !

Sans tarder, je remonte dans ma chambre et je tente de trouver une solution aux problèmes qui m'assaillent.

Est-ce que je dois me venger ? Est-ce que je dois en parler au directeur ou à ma mère quand elle rentrera du travail ? Est-ce que je dois discuter à Jacob et ses amis ?

Je m'étends sur le dos et je me tiens la tête dans les mains en essayant d'obtenir une réponse à mes questions.

La solution ne vient malheureusement pas et même si j'ai la sensation que mon sang bouillonne dans mes veines, je m'endors totalement épuisé par l'anxiété.

Le lendemain, lorsque j'ouvre enfin les yeux, je suis en retard pour l'école.

Je me dépêche de trouver des vêtements propres dans une pile dans un coin près du lit que j'enfile prestement. Je descends les marches à la volée et j'agrippe de la nourriture sur la table pour manger en chemin. J'adresse un signe de main à ma grand-mère qui a la bouche pleine.

La pauvre tente d'avaler et de me dire au revoir, mais je me sauve sans lui en laisser l'occasion.

Je mâche des bouchées de pommes en passant par les ruelles. L'odeur me coupe un peu l'appétit, mais j'ai trop faim pour m'en abstenir.

Sur le chemin, je prends une décision, il est temps que toute cette intimidation et même ce harcèlement cessent. Je n'ai aucune raison d'avoir à subir tout ça.

Près de l'école, j'attends que la cloche sonne et que tous les jeunes entrent avant d'y aller. J'inspire profondément pour me donner du courage et je me dirige directement vers le bureau du directeur.

Les couloirs, blancs et vides me mettent mal à l'aise. Les longues rangées de casiers de chaque côté de moi me rappellent à quel point nous sommes nombreux ici. Je ne suis sûrement pas le seul à subir de telles choses.

Arrivé devant la porte massive en bois de celui-ci, je frappe.

— Entrez !

Lorsqu'il voit mon visage, je comprends immédiatement qu'il est au courant. L'homme vêtu d'une chemise blanche me fixe de son regard perçant et se tient bien droit. Son bureau bien rangé reflète sa personnalité méthodique.

— J'attendais ta visite. Assois-toi.

Sans discuter, je m'exécute et prends place sur une chaise en bois face à lui.

De grandes bibliothèques disposées le long des murs de chaque côté de la pièce donnent un aspect calme et rassurant à cet endroit. Une large fenêtre dans son dos me permet de voir les jeux extérieurs vides à cette heure-ci.

— J'ai avisé ta mère concernant ce qui s'est produit dans la cour d'école tôt ce matin. Aussi ton professeur d'anglais m'a mis au courant de ce qu'il a vu sur Facebook. La police s'en vient pour parler à Jabob.

Tout d'un coup, j'ai peur que les élèves s'en prennent à moi parce que je suis allé discuter avec le directeur.

— Non, je ne veux pas que tout le monde le sache !

— Mick, Jabob doit comprendre que ce qu'il a fait c'est mal. Tu n'es pas sa première victime, ça doit cesser avant que quelque chose de plus grave arrive.

— Mais, les autres, ils vont me traiter de rapporteur.

— Ne t'inquiète pas, les amis de Jacob seront vus personnellement et un spécialiste viendra discuter en classe. Ce genre de comportement n'est pas toléré ici. Pas sous ma responsabilité.

— Tu peux prendre congé pour aujourd'hui afin de te reposer.

— Non, je veux aller en classe. J'en ai marre de tout ça, je veux que les gens me disent en face ce qu'ils racontent dans mon dos et que ça s'arrête.

— D'accord, tu es courageux. Si tu le souhaites que je t'accompagne.

— Non, ça ira.

Je sors du bureau dans un état partagé entre le soulagement et la frayeur. J'approche de ma salle de classe le plus lentement possible.

Par la fenêtre de la porte, je vois mon agresseur souriant qui fait des blagues à ses amis. La majorité des élèves sont concentré sur leur travail et ne le regarde pas. Je prends une grande respiration et j'entre dans la classe.

Les petits bureaux de métal sont alignés les uns derrière les autres. En tout, la classe comporte vingt-six étudiants. L'enseignante, Madame Thérèse, m'observe sans dire un mot et me laisse aller à ma place.

Jabob pouffe de rire et fait des simagrées dans son coin. Un profond silence s'abat parmi les jeunes qui me regardent la mine basse. Je m'assois prestement lorsque quelqu'un vient frapper à la porte.

Un homme costaud en uniforme de police entre sans attendre que la professeur ouvre.

— Jabob Morneau, dit-il d'une voix forte sans équivoque.

Le garçon musclé et grand se lève en grimaçant et me lance un regard noir. Tout le monde observe la scène avec stupéfaction. Lorsque soudains, des applaudissements s'élèvent dans la salle. Mon cœur fait un bond et un poids s'enlève de mes épaules. Greg me tape dans la main, il est vraiment heureux que Jacob récolte enfin ce qu'il a semé.

Une personne derrière moi tape doucement sur mon bras. Je me retourne et je saisis un petit mot replié sur lui même. Il est écrit en lettre fine : « Je t'ai trouvé plutôt sexy en caleçon. » Et c'est signé Rose. Le rouge me monte aux joues. Je crois que mon avenir sera rose...

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Ce texte a été écrit dans le cadre de Concours d'écriture par manoona29


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