9- Lettre à une âme partie




         Chère Ambre,

Si tu savais combien tu me manques... Cela fait maintenant cinq ans. Cinq ans, trois mois, cinq jours, dix heures et vingt-cinq secondes que tu n'es plus là. Que tu me manques, chaque jour, chaque heure, chaque minute que je vis. Et pourtant, malgré le temps qui passe, la douleur, elle, ne passe pas.

   Je donnerai n'importe quoi pour te revoir : voir ton sourire éclatant, cette lueur pétillante dans ton regard bleuté, tes boucles brunes tombant sur tes épaules et encadrant ton visage en forme de cœur. Je donnerai tout pour réentendre ton rire cristallin et ta voix mélodieuse. Je souhaiterai tellement te serrer à nouveau dans mes bras, sentir ta peau chaude et l'odeur de fleur d'oranger provenant du shampoing de tes cheveux. Je ferai tout, n'importe quoi, juste pour te voir. Te revoir, pleine de vie, débordant de gaieté. Et je sais que cette image si merveilleuse de toi n'apparait à présent plus que dans mes rêves et mes souvenirs les plus heureux.

   Je me souviens, de ce jour, le plus noir de toute mon existence, ce jour horrible qui hante et hantera ma mémoire, autant maintenant que dans plusieurs années. Ce jour de cauchemars, dont je me souviens comme si ça s'était passé hier, dont je revis chaque seconde encore dans mon esprit. Ce jour où tu as perdu la vie, où tu m'as quitté...

   Je vois encore notre balade dans la forêt, ignorant encore tout de ce qui allait suivre. La journée était embrumée, mais on était plus heureuses que jamais. On parlait, riait et plaisantait. On s'amusait. Et puis...et puis cet homme. Un inconnu, un étranger. De loin. Je me souviens du frisson qui m'a parcouru le dos, comme si je savais déjà ce qui allait se passer. Je me vois encore me tourner vers toi avec des yeux horrifiés, et toi afficher un visage affolé. Je me souviens t'avoir pris la main et t'entrainer parmi les arbres. Mais c'était trop tard. Le coup de feu venait de retentir.

   Foutue journée embrumée.

   L'homme n'a pas été arrêté. Il s'est enfuit le temps que j'appelle la police. On l'a rattrapé plus tard, mais il a trouvé des excuses, des arguments. Il avait laissé entendre qu'il avait cru voir des animaux, des proies, qu'il n'avait pas vu que c'était des être humains. Ils l'ont laissé vivre. Personne ne m'a cru. C'était sa parole contre la mienne, petite collégienne encore innocente avec une imagination folle... Si j'avais été à la place d'un des policiers, je n'aurai pas hésité ; je l'aurai tué, sans aucun doute, sans aucune hésitation. Et je sais que je ne l'aurai pas regretté.

   Je me vois encore tomber à genoux à côté de toi, regarder ton corps, sans arriver à y croire. Les sanglots m'avaient étouffés. J'étais restée là le temps que la police et les adultes arrivent. Le sang coulant le long de ta poitrine, inondant le sol autour de toi. Il avait tiré en plein milieu, tout près du cœur. Tes yeux étaient grand ouverts, d'un air horrifié, ta bouche entrouverte, sans avoir eu le temps de pousser un cri de détresse. 

   Je ne me souviens pas avoir autant pleuré que ce jour-là. Ce jour de malheur, dont mon plus grand rêve serait qu'il ne se soit jamais passé. Je me vois, mes larmes inondant mon visage, sans que j'arrive à m'arrêter. J'avais poussé des plaintes désespérées, hurlant à m'en broyer les cordes vocales, hurler à l'agonie. Je hurlais de douleur.  Je souffrais. J'avais tellement mal, si tu savais. Je criais si fort que, bien que ton esprit nous ait quitté, j'étais sûre que tu m'avais entendu. Quand je m'étais cassée la jambe, quand j'avais eu l'appendicite, ou quand je m'étais ouvert la tête...rien n'était aussi douloureux que ce moment-là, ce moment où tu m'as quitté. Je n'ai jamais eu aussi mal de ma vie.

   Je me souviens des adultes arrivant. Ma mère se précipiter vers moi, me prenant dans ses bras et essayant de m'éloigner de ta vision. Je me souviens m'être débattu comme une lionne. Je voulais à tout prix rester près de toi.

   Je vois encore ta mère éclater dans des sanglots incontrôlables, comme moi quand le coup de feu avait retenti, et se précipiter dans les bras de ton père, qui pleurait lui aussi. Je vois les policiers et les pompiers avec eux, qui regardent tes parents avec pitié, puis s'avancer vers ton corps. Et puis je vois...tes sœurs. Tes deux petites sœurs, choquées, qui se sont mise elles-aussi à pleurer. Je vois ta mère les attirer à elle, et ils ont pleuré tout ensemble.

   On a emporté ton corps. Ma mère a refusé que je vienne et elle m'a ramené à la maison. Mon cœur m'élançait, la tête me tournait. Les larmes coulaient toujours le long de mes joues.

   Ton enterrement fut horrible. Tout le monde pleurait. De toute façon, j'aurai insulté ceux qui n'ont pas versé une larme. J'y ai vu ta famille, et tes amies. Quasiment toute la classe était présente. Quelques profs, aussi, chuchotant que tu étais beaucoup trop jeune pour mourir. Ils avaient raison.

   Je me souviens, un jour, quand tu m'avais dis que pleurer était pour les bébés. On avait sept ans. Maintenant, je te dirai que c'est faux. Pleurer n'est pas un acte de faiblesse. C'est exprimer quelque chose qu'on ne peut pas exprimer par les mots. Une douleur intense.

   Cela fait cinq ans. Cinq ans que ton absence me pèse encore chaque jour, mais dont je survis. J'y survis avec difficultés, pleurant toujours, me rappelant avec douleur les moments passés ensemble qui ne sont plus que des souvenirs douloureux. Des souvenirs de bonheur, oui, mais y penser me fait mal. A cette époque, tu étais souriante, remplie de cette joie de vivre que j'aimais tant. La dernière image que j'ai eu de toi, tu n'étais pas reconnaissable. Cet air pétillant t'avait quitté.

    Nous sommes dimanche. C'était le jour où nous nous voyons, chaque semaine. Et je t'écris, assise à mon bureau, le stylo que tu m'avais offert à la main, écrivant d'une écriture soignée sur une feuille qui était vierge. Tu me manques. J'espère que je te manque aussi, et que tu as retrouvé le bonheur au paradis. Car oui, tu mérites d'aller au paradis. Tu mérites même bien plus.

    Depuis que tu n'es plus là, la vie a certes changée, mais les bonnes habitudes sont toujours les mêmes. Tes sœurs ont grandi, sont rentrés au collège. Je suis en Terminale, à présent. J'ai rencontré des gens, mais aucune fille ne te remplacera un jour dans mon cœur, car tu occupes toujours la plus grande place dans mon cœur et mon esprit. Tes photos recouvrent les murs de ma chambre, même si te voir en image me fait toujours un petit pincement au cœur. Mais c'est mieux que de ne plus te voir du tout. Je vois ton image de jeune pré ado de 12 ans chaque matin, souriante, avec moi, tes cheveux descendant en cascade sur tes épaules bronzées. Je me demande comment serais-tu devenue si tu serais là, avec moi, aujourd'hui. Aurais-tu toujours tes longs cheveux châtains ? Ce sourire éblouissant ? Je n'en doute pas. Tu serais toujours la même Ambre. J'en suis sûre.

   Je déposerai cette lettre sur ta tombe. J'espère que tu arriveras à la lire. J'aimerai que tu souris à nouveau en lisant mes mots, remplis de nostalgie et d'amour. Car oui, le temps à changé, mais je t'aime toujours. Et je ne cesserai jamais de t'aimer,

Ma meilleure amie, ma sœur de cœur,

Cynthia


-Juillet 2018-

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