27- La Porte


Je me rendais au Collège un jeudi matin. Le jour ne s'était pas encore levé et la pluie tombait à rythme régulier sur le sol trempé depuis déjà plusieurs heures. Je fus soulagée en m'engouffrant dans l'établissement, enfin abritée des gouttes qui n'avaient hélas pas épargnées mon manteau.

Je me rendis à mon premier cours et m'installai comme d'habitude à côté de ma meilleure amie, Gabrielle. L'heure de français passa assez rapidement et j'enchaînai ensuite avec deux heures d'anglais. La sonnerie annonçant la fin de la classe, je me dépêchai de ranger mes affaires mais la professeur m'interpella. Je lançai un regard à Gabrielle lui signifiant qu'elle pouvait y aller sans m'attendre. Elle me jeta un coup d'œil désolé mais ne se fit pas prier, le prof de technologie n'étant pas trop tolérant vis-à-vis des retards et personne n'avait envie de se prendre un sermon de sa part.

Après que la professeur d'anglais m'eut servi un discours sur mon manque de participation, m'encourageant à faire des efforts, je pus enfin quitter la salle. Je courus dans les couloirs déserts à en perdre haleine quand j'aperçus une porte. Je ralentis, intriguée par le motif étrange gravé dessus : un triangle avec des spirales entrecroisées à l'intérieur. Jamais je n'avais vu cette porte, j'en étais certaine. Le collège n'était pas ancien, pourtant cette porte avait l'air de dater de plusieurs siècles, comme si elle avait été là depuis toujours.

Je m'aperçus que je m'étais arrêtée pour l'observer de plus près. Je risquais de me faire sérieusement disputer pour mon retard mais c'était plus fort que moi. Mes yeux étaient attirés par la poignée noire et rouillée. Je jetai un coup d'œil dans le couloir. Personne. Je n'eus même pas le temps de réaliser que je m'étais approchée que mes doigts se posèrent dessus. Ils appuyèrent sur la poignée et poussèrent. La porte s'ouvrit.

La pièce était plongée dans l'obscurité la plus complète, la lumière du couloir ne l'éclairant pas du tout. J'avançai à tâtons, cherchant un interrupteur. Je longeai le mur sans en trouver. Je me cognai alors contre quelque chose accroché en hauteur. Je reculai, mon cœur battant à tout rompre. Ma main trouva alors enfin un interrupteur, une lumière s'alluma d'un coup...et je pus voir, horrifiée, un corps à quelques centimètres de moi.

Haletante, je reculai encore jusqu'à sentir la porte dans mon dos. Je contemplai avec terreur la scène qui me faisait face.

Des dizaines de mannequins étaient rangés dans deux immenses penderies de part et d'autres d'une rangée centrale, à la file indienne, accrochés en hauteur à une dizaine de centimètres au dessus du sol. Je plaquai ma main sur ma bouche, étouffant un cri, quand je m'aperçus qu'ils étaient traits pour traits ressemblant à mes profs. Tous les profs du collège... A la pensée que j'en avais touché un, je ne pus empêcher un cri de détresse sortir de ma gorge.

C'est alors que je sentis un mécanisme s'enclencher. J'ouvris des yeux épouvantés tandis qu'un mannequin s'avançait vers moi, comme s'il glissait sur un rail. Le mannequin était si réaliste, je reconnus sans mal ma prof d'anglais que je venais de voir à l'instant. Ses yeux étaient deux billes noires, sans vie et pourtant fixés sur moi. Elle glissa vers moi et ses deux lèvres grisâtres s'entrouvrirent comme si elle voulait me parler mais une brume verdâtre en sortit. J'entendis un raclement rauque et elle tendit un bras vers moi. Je n'eus pas le temps de crier à nouveau que je me sentis tomber au sol et un voile noir s'abattit sur mon regard rivé sur le mannequin.

Quand j'ouvris les yeux, j'eus de suite le réflexe de chercher la poignée de la porte mais je m'aperçus que je n'étais plus dans la pièce des mannequins. Ma tête était posée contre le mur de la salle de technologie et j'étais assise au fond, à ma place à côté de Gabrielle.

- Mais qu'est-ce...

- Tu t'es endormie, me chuchota mon amie avec un sourire amusé

Je jetai un coup d'œil aux autres élèves. Il y avait un documentaire projeté au tableau et personne ne faisait attention à nous. Le prof nous jeta un regard sévère, un doigt sur les lèvres.

Je pris mon agenda et j'écrivis à toute vitesse. Comment ça je me suis endormie ?

Gabrielle me jeta un regard interrogateur et légèrement inquiet. Elle nota en dessous de ma question : Et bien, tu es arrivée alors que le prof allait fermer la porte. Tu t'es dépêchée de prendre ta place et il a tout de suite mis un film. T'as posé ta tête contre le mur et tu t'es endormie dix minutes plus tard. Il est quarante-cinq. Tu es sûre que ça va, Valentine ?

Je clignai des yeux, abasourdie. Comment avais-je pu me réveiller en cours de technologie alors que je m'étais évanouie dans cette salle de mannequins ?

J'écrivis à Gabrielle : Non, ça ne va pas. En sortant de la salle d'anglais, j'ai découvert une porte et je l'ai ouverte. C'était horrible.

Elle me répondit : Tu commences sérieusement à me faire peur. Comment as-tu pu ouvrir cette porte alors que tu étais à l'heure au cours de techno ?

J'écrivis avec ma main moite et tremblante. Je transpirai rien qu'en repensant à ce que j'avais vu... Aucune idée. Mais il faut que je te montre cette porte, je ne l'avais jamais vue avant. Et ce qu'il y avait à l'intérieur... Tu ne vas jamais me croire mais j'ai vu des mannequins des profs, je te le jure... J'ai jamais eu autant peur de ma vie, Gabrielle... !

Elle ne rigole pas. Je la remercie intérieurement de me prendre au sérieux.

Tu es sûre que tu n'as pas rêvé ? me fait-elle

Le doute m'assaillit.

Je ne sais pas. Je ne crois pas.

A la fin du cours, nous rangeâmes nos affaires puis je l'entraînai à l'étage, dans le couloir où j'avais vu la porte.

- Dépêche-toi Valentine, nous devons aller manger... Si on nous voit dans les couloirs...

- Oui, oui, c'est là...

Je stoppai, fronçai les sourcils. J'étais certaine que c'était l'endroit précis où j'avais vu la porte et pourtant, il n'y avait que le mur.

- Gabrielle c'était là, je te le jure... !

Je ne comprenais pas. Pas du tout. Je balayai le couloir du regard. Rien. Aucune trace d'une porte noire ancienne avec un triangle et des spirales dessus.

- Je te crois Valentine mais tu as sûrement rêvé quand tu t'es endormie, ça paraît plus logique. Il n'y a jamais eu de porte ici-même, me dit-elle en désignant l'endroit du mur avec son index.

Je soupirai, légèrement frustrée mais en même temps soulagée. Même si une part de moi restait toujours hantée par les mannequins.

- Tu as raison. Allons manger.

La fin de la journée arriva sans que je ne revoie la porte. Le fait que j'avais rêvé –cauchemardé, plutôt- me paraissait de plus en plus probable, même si je ne me souvenais pourtant absolument pas d'être arrivée en cours de technologie.

Le soir même, je n'en parlai pas à mes parents. Ils penseraient que je suis folle –me diraient que j'avais rêvé tout en me réprimandant de m'être endormie en cours- et mon frère aîné n'hésiterait pas à se moquer de moi comme il sait si bien le faire. Alors je m'abstins, même si les images ne cessaient de repasser dans mon esprit.

J'eus du mal à m'endormir : j'avais peur de cauchemarder. Finalement, après avoir longtemps tourné et viré dans mon lit, je finis par sombrer dans les bras de Morphée.

Le vendredi matin, je me rendis au Collège pour neuf heures. J'avais assez bien dormi, néanmoins j'étais toujours hantée par les mannequins. Je me convainquis cependant qu'il s'agissait tout bonnement d'un cauchemar et que je n'avais aucune raison d'appréhender le fait d'être seule dans un des couloirs du Collège...

Les cours s'enchainèrent et je finis par ne plus penser à la salle de mannequins. Il était quinze heures trente quand la pause se termina et qu'il fallut que je me rende en cours de maths. Je cherchai Gabrielle sans la trouver. Pourtant, nous nous étions toujours mis d'accord pour s'attendre. Gabrielle ne l'oubliait jamais. Je la cherchai encore dans toute la cour et croisai bientôt un surveillant qui me sermonna sur le fait que je devais rapidement aller en cours. Je me dépêchai de regagner l'intérieur du bâtiment. Tout le monde avait gagné sa salle. J'étais de nouveau seule, comme hier matin.

Une petite boule d'appréhension se forma dans mon estomac. Je détestais cette sensation de déjà-vu. En plus, la salle de maths était juste en face de la porte noire. Comme par hasard.

Je me dépêchai de monter l'escalier. Mon regard était déjà rivé sur l'endroit où j'avais vu la porte.

Je m'arrêtai quand je la vis. Elle était là à nouveau. Mon cœur était au bord de l'explosion. Je m'appuyai au mur en face de la porte pour éviter de tomber. Comment était-ce possible ?

Le couloir était de nouveau désert. Mon cœur me disait d'aller en cours mais mon esprit voulait en avoir le cœur net. Ouvrir la porte juste une dernière fois. Juste pour vérifier que ce n'était pas un rêve.

Presque inconsciemment, je m'approchai de la porte. La poignée tourna. J'entrai à nouveau.

Ils étaient là. Les mannequins me fixant de leurs billes noires. Ma respiration s'accéléra et avant qu'ils aient pu esquisser le moindre geste vers moi, je reculai et sortit de la salle à toute vitesse, mon cœur tambourinant dans ma poitrine.

J'entrai dans la salle de maths transpirante, des sueurs froides longeant ma colonne vertébrale. J'étais sur le point de m'évanouir à nouveau mais je pris sur moi en préparant mentalement une excuse valable au prof.

Heureusement, le prof de maths prit à peine le temps de me jeter un coup d'œil. Je surpris bien les regards curieux de certains élèves mais je me contentai de gagner ma place près de Gabrielle. Elle se confondit en excuses, me disant qu'elle n'avait pas pu m'attendre car elle avait été retardée aux toilettes et qu'elle pensait que j'étais déjà montée en cours mais je l'écoutai à peine. Elle vit bien que j'étais complètement retournée et me posa des questions à voix basse. De toute façon, le prof ne faisait absolument pas attention à nous. Alors, je lui racontai tout.

- J'ai revu la porte, Gab. Je suis entrée à nouveau et...

Sans que je le veuille, des larmes se mirent à couler sur mes joues. Je me mis à trembler de façon incontrôlable, l'image de la pièce refusant de quitter mon esprit.

- Mademoiselle, un souci ?

A ces mots, tous les élèves se tournèrent vers moi.

- Je...je...tout va bien Monsieur. Vraiment.

Le prof retourna à son cours, les élèves lui prêtèrent à nouveau leur attention. Même Gabrielle. J'étais seule. Seule avec ces images tournant dans ma tête.

Le lundi suivant, je repassai dans le couloir. Plusieurs fois. Tout comme le mardi. Mais la porte n'apparut pas. Les jours qui suivirent non plus. Une semaine passa, puis deux. Je ne savais plus quoi en penser. D'un côté, j'étais terriblement soulagée, mais d'un autre, des questions persistaient dans mon esprit. Impossible que j'ai rêvé de cet endroit deux fois. Etait-ce une hallucination ? J'étais en proie au doute.

Gabrielle, la seule au courant, pense que je l'ai rêvé la première fois, et que j'ai halluciné la deuxième. Moi, je ne sais pas. Son explication me semble être la plus plausible, pourtant l'image des mannequins me semble toujours aussi réelle et parfois, je me réveille la nuit après un cauchemar, tremblante et des frissons me parcourant tout le corps.

Dans tous les cas, je ne revis jamais cette porte.

Mais, quand j'y passe, quand je passe dans ce couloir et que je regarde cette partie du mur....mon ventre se contracte toujours en une petite boule de stress comme s'il s'attendait à la voir. Alors, je secoue la tête et je me dis que ce doit être le stress du prochain contrôle d'anglais.


***

Hey tout le monde ! :)

Je suis désolée pour cette petite absence d'un mois. La fin d'année n'a pas été des plus faciles, et j'en ai un peu oublié d'écrire, je le reconnais :/

    Bon, pour commencer, je vous souhaite une très bonne année !!! J'espère que 2019 sera pour vous une année remplie de joie, de surprises et de bonne inspiration pour écrire (en tout cas, moi j'en ai bien besoin ^^ !). J'espère de tout cœur que vous avez passé d'excellentes fêtes entourées des gens que vous aimez. De mon côté, Noël et le Nouvel An se sont très bien passés, et j'espère que 2019 sera pour moi une année qui me permettra de consacrer beaucoup + de temps pour écrire et publier sur Wattpad que 2018 (il faut dire que ça m'a manqué et que je veux y passer + de temps ^^).

   Enfin bon. J'espère (oui je sais, ce doit être l'énième fois que je répète ce mot !) que cette Nouvelle vous a plu. Je l'ai écrite pour un travail de français pendant ces vacances. La consigne étant d'écrire un texte fantastique, il a fallu que j'en réécrive un (celui-là même que vous venez donc de lire) car celui que j'avais écrit relevait davantage de la fantasy...

    Enfin bref, j'arrête de blablater. Merci à toi si tu as lu jusqu'au bout ^^' et je te dis à bientôt ! :p

Ludivine <3


-Janvier 2019 (écrit pour un travail de Quatrième)-

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