22- Message
***Coucou Mina ! <3
Cela fait 1 an que tu n'es plus de ce monde. 1 an que j'ai déposé ton portable près de toi, dans ton cercueil, pour que je puisse t'envoyer des messages, comme avant. Tu ne me réponds pas, certes, mais ça me fait quand même un petit réconfort. J'ai comme l'impression que je peux toujours t'écrire, te parler... C''est notre petit secret à toutes les deux, preuve de notre complicité qui flotte toujours dans l'air : personne ne sait que j'ai déposé ton portable ici, à côté de ton corps. Personne ne sait que j'ai toujours ton numéro. Personne ne sait que j'envoie des SMS à une défunte, je ne l'ai jamais dis à personne... Ils me prendraient pour une folle. Moi, je sais que tu n'es pas vraiment morte. Tu vies toujours, je le sais, quelque part. En tout cas, tu vies dans mon cœur, dans ma mémoire...
En tout cas, les gens me trouvent parfois, ou souvent, bizarre. Comme depuis toujours. Toi, je sais que non. Tu es celle qui me comprends, aussi bizarre que je suis et que je peux être. Tu me comprenais. On se complétait. Tu me manques tellement, ma Mina...
Cela fait longtemps que je ne t'ai pas envoyé de messages. Au moins 6 mois. Je m'en excuse. Si tu savais comment la vie passe à telle vitesse... Depuis que tu n'es plus, j'essaie d'en profiter un max, car je sais que tout se termine un jour, que tout est toujours trop court, comme la vie. Comme la tienne... Tu ne méritais pas cette fin, Mina. Tu méritais de rencontrer l'amour, de vivre encore des années, de passer ton bac, de trouver un métier et de fonder une famille. Tu méritais bien plus, Mina. Tu méritais d'être heureuse pour encore des années...
Comment vas-tu ? Es-tu bien, là où tu es ? Es-tu guérie ? Libre ? Et surtout, y reçois-tu mes messages ? Je l'espère. Je pense à toi chaque jour, même si mon absence de SMS peut dire le contraire. Je pense à toi, à tes boucles rousses ressemblantes aux miennes, à ton regard chaleureux et à ton sourire lumineux... Je vois ton image dans mon esprit, en train de lire mes messages , peut-être avec joie...
Du côté du monde des vivants, il s'est passé beaucoup de choses. Depuis que tu n'es plus, Maman souffre, toujours autant, et même si les mois ont passé, elle pleure encore. Comme si elle ne se pardonnait pas ta mort. Mais ce n'est pas sa faute, n'est-ce pas ? Ce n'était pas sa faute si nous n'étions pas assez riches pour payer tous tes soins. Et ce n'est pas non plus ta faute pour avoir eu cette maladie...
Non. Stop. Ce n'est la faute d'aucune de vous deux. Seulement la faute de la vie, des virus, du destin qui nous a mené sur un mauvais chemin.
Je me rappelle encore le jour où on nous a annoncé ton cancer. 12 années où la vie nous était belle et pétillante. On était douée à l'école, on s'entendait si bien. On nous trouvait bizarres, mais on s'épaulait l'une pour l'autre face contre les moqueries. Enfin bref, on était inséparables. Le jour où ton cancer a été déclaré, ce ne fut plus pareil. Certes on était toujours aussi proches. Mais la maladie avait comme fait un gouffre de différence entre nous. Nous n'étions plus pareilles, alors que nos 12 ans de vie « normale » avait toujours été semblables : même taille, même physique, même aisance en français, sport, arts-plastiques et anglais, même difficultés pour les maths, la physique-chimie et la SVT, même gouts, même caractère, bien qu'il soit légèrement différent... : tu étais toujours remplie de joie, avec un cœur d'or et un naturel pour savoir parler aux gens. J'étais un peu plus calme, et profitait parfois de moments seule. J'étais plus réservée. Mais au fond, on était pareilles. Et on se complétait. Tu était ma moitié, Mina.
Ton cancer progressa lentement, mais douloureusement. Au début, c'était comme avant. Tu étais seulement un peu plus fatiguée, perdant ta lueur pétillante dans tes yeux verts un peu plus rapidement, mangeant des quantités différentes... Mais tu étais toujours toi, et c'était le plus important.
Quand ça empira, j'avais supplié Maman pour louper des jours de collège, et rester à tes côtés, quand tu fus déménagée à l'hôpital pour plusieurs semaines d'affilé. Tu dormais encore davantage, et tu avais mal. Tu respirais plus difficilement, et les médecins étaient devenus légèrement inquiets. Mais je me persuadais, je me promettais à moi-même ; tu survivrais. Je n'imaginais pas autre possibilité. Je n'imaginais même pas la vie sans toi.
Les jours avaient passé. Plus douloureux les uns que les autres. Tu faiblissais encore et encore, et tu restais allongée dans ton lit d'hôpital quasiment tout le temps, le plus souvent en train de dormir. On nous disait qu'il fallait te ménager, et Maman voulut que je reprenne les cours. Je te vis moins souvent. Les journées m'étaient interminables. Surtout à la période de ma Première, où ton cœur s'arrêta de battre pendant 21 secondes. On a cru que tu allais perdre la vie, ce jour-là. Si tu savais comment j'ai pleuré à ton chevet. Tu étais si fragile. Ta vie était en équilibre sur un fil. Au moindre coup de vent, tu risquais de tomber, nous disaient les médecins.
Finalement, tu ne fus pas décédée ce jour-là. J'étais soulagée comme pas possible, mais en fait, j'aurai presque préféré que tu partes au paradis à ce moment-là, car les journées qui suivirent furent horribles. Tu souffrais, hurlais dans ton sommeil, la douleur était permanente. J'osais plus trop te voir quand tu étais réveillée, car cela me donnait envie de pleurer. Alors, je venais quand tu étais endormie. Tes traits étaient certes crispés, des cernes violettes longeaient tes yeux bien que tu dormais la plupart du temps, tu bougeais beaucoup, et je me demandais de quoi tu rêvais. Mais je venais te voir, plusieurs fois par semaines, régulièrement, sans jamais louper une visite. Je m'étais fais la promesse de toujours venir te voir pour te soutenir en pensées et grâce à ma présence, pour être à tes côtés, et aucun prétexte ne m'empêchaient de venir à l'hôpital. Je te parlais. Je n'étais pas sûre que tu m'entendes, mais je me confiais à toi, comme les années heureuses qu'on eu ensemble. Je te parlais du lycée, de mes problèmes mineures, et te racontais des histoires, comme une mère racontant des contes à son enfant. Un jour, je ne te l'ai jamais raconté, mais quand j'étais arrivé dans ta chambre, tu dormais, et puis tu t'étais réveillé en hurlant, ton visage secoué de sanglots. Tu avais dû faire un cauchemars, ou alors la douleur t'avait réveillé en sursaut. On était toutes les deux seules, l'infirmière qui te surveillait était partie pendant un petit temps. Je ne savais pas quoi faire, j'avais paniqué. Alors, je t'avais chanté une berceuse. C'était la seule chose que je savais faire, et qui t'apaisait quand tu étais plus jeune, quand tu avais du mal à dormir. Moi, toujours calme, je te chantais cette berceuse, et tu t'endormais. Ce jour-là, je n'étais pas sure que ça marcherait, mais ça avait été la seule solution qui m'était venu à l'esprit. Et j'avais chantonné en te tenant la main. Des larmes me coulaient sur les joues. Tes sanglots s'étaient alors calmés, et tu avais fini par replonger dans le sommeil.
Ce fut une des dernières fois que je t'ai vu.
Les jours qui ont précédé ton décès étaient très douloureux, aussi bien pour toi physiquement que pour Maman et moi, moralement. On était accablées, et on sentait venir la fin de ces jours de torture. On le sentait. J'essayai de me persua der du contraire, mais au fond, la voix de la raison contredisait mon faible espoir. Tu ne survivrais pas. C'était comme ça. Il fallait continuer de vivre, et te soutenir jusqu'au bout.
Je te vis pour la dernière fois un dimanche soir, la veille de ta mort. Tu étais alors endormie, mais pour la première fois depuis longtemps, tu avais un air paisible. Je te caressais la main en te chuchotant des mots tendres. Et puis tu t'étais réveillé. Tu m'avais esquissé un petit sourire. Le premier depuis des jours. Puis tu m'avais murmuré mon prénom, d'une voix rauque et faible. J'allais éclater en sanglots, car tu parlais quasiment plus depuis des semaines, mais tu t'étais déjà rendormi.
Ce fut la dernière fois que je te vis, la dernière chose que tu me dis.
Mina, n'oublie jamais que je t'aime. N'oublie jamais que même si ton corps n'est plus vivant, ton esprit vit encore, dans nos mémoires, et ta présence vit toujours en moi, et que je pense et penserai éternellement à toi. <3
Je m'excuse pour ce long message. Ces mois où je ne t'en ai pas envoyé en sont la conséquence de la longueur de ce SMS. J'espère que tu auras pu le lire jusqu'au bout.
A toi, ma sœur, ma jumelle, mon autre moi,
Lylia xxx***
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***Euh...excusez-moi...mais qui êtes-vous ?***
-Août 2018-
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